JUILLET ÉCOSSAIS

Une pluie bien fine et bien persistante s’est installée. Nous visiterons donc des musées.
Le conférencier du bus vert avait plaisanté :
– « Les musées d’Edimbourg ont trois avantages : ils ont un toit, ils sont chauffés et ils sont gratuits ! »
Cathédrale saint Gilles
Mais les musées ouvrent à 10 heures seulement.
La Cathédrale Saint Gilles, sur High Str. à 9 heures. Nous y parvenons en montant un raidillon Old Fishmarket Close. Le Royal Mile, si tôt le matin, est désert. Les rideaux de fer des boutiques commencent simplement à se relever.
La Cathédrale est surmontée d’un clocher évidé gothique et très élégant. La nef, aussi, est gothique, les vitraux , 19ème. Je n’arrive pas à m’attacher à ces rénovations 19ème . Peut être est ce un préjugé stupide ? Je préfère les ruines. John Knox en bronze, en pieds est la cible des touristes belges. J’attends qu’une femme ait fini son cliché mais je passe pendant qu’une autre appuie sur le déclencheur.
– « je suis désolée ! », je m’excuse.
La dame en rose trépigne et tape du pied.
John Knox m’étonne dans ce cadre que rien ne distingue d’une cathédrale catholique. Lui le théoricien d’un protestantisme le plus austère. Une des curiosités de cette église est une chapelle ornée de boiseries : la chapelle du chardon. Les chevaliers de cet ordre s’y réunissent encore régulièrement. Des angelots chanteurs sculptés et des animaux tous différents sur chaque chaire donnent une note de fantaisie. Une odeur de bacon frit nous met en appétit. On peut déjeuner à la cafétéria de la Cathédrale !

Eggs and Bacon
Dans une cafétéria plus modeste sur George IV bridge, je commande « eggs and bacon » m’attable à un guéridon rond pour lire le journal : récit des exploits des sœurs Williams à Wimbledon, Docteurs terroristes à Glasgow, peu de nouvelles du monde.

Fidèle Bobby
A proximité du musée encore fermé, se trouve la fontaine du fidèle chien Bobby devant un pub rouge qui l’a pris pour enseigne. Juste derrière le pub, l’église Greyfriars entourée de son cimetière ou il est inhumé à la place d’honneur. Une stèle de granite rose loue sa fidélité. Même sous la pluie, l’endroit est charmant. Greyfriars est une église toute simple. Le cimetière herbu en pente est planté de beaux arbres. Les tombes sculptées noircies par le temps sont envahies de végétation. Le château se détache au loin sur son rocher.

Museum of Scotland
Le Museum of Scotland, consacré à l’histoire de l’Ecosse, est tout neuf (1998) . Le bâtiment de grès rose est très harmonieux. On prête un audio guide en français très documenté.
Le niveau O s’intitule « Beginnings »:
J’avais l’intention de le zapper. Souvent nous perdons un temps précieux devant d’ennuyeuses reliques préhistoriques et nous n’avons plus la patience pour le 19ème ou le 20ème.
Cela aurait été une grave erreur ! La section géologie est passionnante, l’approche scientifique tient compte des théories les plus récentes. L’Ecosse dérive de l’Equateur vers les pôles et rejoint l’Angleterre à l’ère primaire. Au Jurassique, l’ouverture de l’Océan Atlantique causa des épanchements volcaniques. Les reconstitutions paléo écologiques des vitrines sont justifiées par l’exposition de fossiles parfois spectaculaires. Je n’ai jamais vu de poissons aussi nombreux, aussi beaux – les poissons de Miguasha (Nouveau Brunswick) m’avaient laissé un souvenir très vif. Lizzi, défini d’abord comme reptile puis comme batracien me fait penser aux remises en cause actuelles de la classification linnéenne. Ce n’est pas seulement dans les cours que les reptiles n’existent plus ! J’ai aussi été impressionnée par les Graptolithes. La conclusion de la Section de Géologie montre les glaciations quaternaires, les variations écologiques et débouche sur l’influence de l’homme sur la faune et la flore.
Early people (8000 BC – 1100AD) :

Les premiers habitants de l’Ecosse ne sont pas présentés de manière chronologique. On a préféré une mise en scène par thèmes et fait appel à de véritables artistes qui ont réalisé de véritables sculptures. Les hommes préhistoriques de bronze très cubistes sont des présentoirs pour les bijoux, bracelets ou agrafes. Un enclos d’ardoise rappelle les tumulus ronds des anciennes sépultures. Un assemblage de vertèbres de globicéphale se trouve au milieu des vitrines consacrées aux armes, aiguilles et autres objets d’ivoire et d’os. Les Romains ont laissé de nombreuses traces. Ce qui nous a le plus étonné est la trompette à tête de sanglier la Cernyx, trompette de guerre des Barbares. Avec les peuples primitifs sont aussi rangés les stèles ciselées de motifs celtiques, croix irlandaise du début de la christianisation, les vikings également. Cette section se termine dans l’église médiévale reconstituée faisant la transition avec le niveau supérieur
Au Niveau 1 :Kingdom of the Scots (900-1707)

Deux objets ont retenu notre attention : une Harpe Celtique en bois clair très finement ornée et un Jeu d’Echecs nordique. Armes ou objets du culte nous sont moins étrangers et nous rappellent la visite d’hier au château.
Plus nous avançons dans la visite, moins nous sommes réceptives. Nous sautons les deux étages consacrés à la Révolution Industrielle pour aller sur la terrasse au 7ème étage. A la descente je fais une rapide incursion dans
Scotland Transformed (1707-19ème siècle)
Le Museum of Scotland communique avec le Royal Museum consacré aux sciences. La visite rapide à Dolly, la brebis clonée empaillée s’imposée. L’Horloge du Millénium m’a bien amusée.

Britannia
Nous allons à pied à Waverley Bridge prendre le bus bleu du Majestic tour qui nous emmène à Leith voir le Britannia, le yacht de la Reine. Je n’aurais jamais pris l’initiative de cette visite mais elle est comprise dans le forfait du Pass et remplacera celle du palais d’Holyrood. Le Majestic Tour passe devant le Jardin Botanique qui nous tenterait si le temps était plus clément.
Le Britannia est caché par un énorme centre commercial très moderne où nous achetons des salades de pâtes dans des bols en plastique. Pour accéder au yacht il faut monter au troisième niveau (cela donne une idée de la taille du bateau). Munies d’audio guides nous visitons d’abord le Poste de Commandement du navire avec boussoles et compas/ Nous découvrons les trois ponts de teck puis les appartements de la Reine et du duc d’Edimbourg. Luxe et raffinement du bois de sycomore dans un style sobre très anglais avec des cheminées où « brûle » un feu électrique (le règlement de la Marine exigeant la présence d’un homme avec un seau d’eau à côté du feu allumé n’aurait pas favorisé l’intimité des vacances de la famille royale !). Après une heure, nous nous lassons des explications très détaillées et ne jetons qu’un coup d’œil distrait à la salle des machines où d’énormes tuyaux conduisaient la vapeur tandis que des centaines de cuivres sont astiqués chaque jour. Le bus traverse Leith, moderne sans grand intérêt (je remarque les « délis » polonaises qui excitent ma curiosité : je ne connais pas la cuisine de l’Est).
Arthur’s Seat 2
Malgré la pluie je ne renonce pas à mon expédition à Arthur‘s Seat. Les volcans exercent sur moi une véritable attraction. Les Chemin des Radicals passe à la base d’une épaisse coulée. Les Radicals étaient des ouvriers textiles réduits au chômage de l’Ouest de l’Ecosse venus protester et soulever ceux d’Edimbourg. Sir Walter Scott eut l’idée de les occuper à construire cette route. Philanthropie ou stratégie politique ?
La pluie n’arrête pas les Ecossais. Je pensais être seule à marcher. Pas du tout ! je croise un monsieur tout trempé avec son setter de même, un jogger avec son MP3, un couple d’amoureux qui se prennent mutuellement en photo et me demandent de les prendre ensemble. Avec ou sans parapluie, ils bravent les gouttes.
L’Athènes du Nord

Du haut de la colline, j’ai une vue plongeante sur Edimbourg. Comme Rome, Istanbul ou Athènes, elle est bâtie sur 7 collines. Au début du 19ème siècle on a voulu imiter l’Acropole et on a commencé la construction d’un Parthénon inachevé : demi péristyle noir, ruines modernes prétentieuses. A côté, le monument de Nelson, tour en forme de télescope est équipé d’un curieux dispositif, un signal visuel en même temps que le canon de 13 heures donnant l’heure aux habitants de la ville et aux marins. A la base de cette imitation d’Acropole deux collèges sont installés dans des bâtiments antiques à fronton triangulaire et colonnade ionique. Moqueries de Wendy, conférencière de l’autobus marron :
– « on y fait du latin et du grec à longueur de journée dans des classes sans fenêtres ! »
Parlement Ecossais
Il est 4heures et demie quand je retrouve Dominique qui s’est abritée sous le nouveau Parlement Ecossais, bâtiment très controversé. L’architecte barcelonais Miralles qui l’a conçu est mort avant la fin de la construction. Le budget a été multiplié par dix…Le béton choque dans cette ville de pierre et surtout la décoration extérieure apparaît incompréhensible. Que représentent ces polygones plaqués à l’extérieur : des sèche-cheveux ? Des pistolets mitrailleurs ? La sobriété (l’avarice légendaire) des Ecossais s’offusque des fenêtres loggias compliquées qui ressortent dans une rue étroite.
– « Quelle vue ? Nos impôts ? » ironise encore Wendy.
Au-delà de l’architecture contemporaine, le Parlement Ecossais a aussi un rôle politique qui prête à discussion. On assiste aujourd’hui à une montée du nationalisme écossais. Récemment Tony Blair a accordé une autonomie plus grande au pays de Galles et à l’Ecosse. Les dernières élections, il y a quelques semaines, ont amené un grand nombre de députés indépendantistes. Sur les murs, j’ai vu des graffitis : « not british, scottish », (à la craie, on reste poli !). Le Parlement a donc une valeur plus symbolique qu’architecturale. Paradoxe, puisque le nouveau locataire du 10 Downing street est de Glasgow.
Our Dynamic Earth
Sorte de tente ovale protégeant une verrière elle abrite un musée de Sciences Naturelles High Tech avec simulations et multimédias. Dommage qu’il ferme à 17heures ! (La journée de visite d’un touriste est très courte entre 10 heures et 17heures). Au centre du rond point routier on nous offre un perçu de la visite ; une sorte de grotte fumante est le départ d’une « visite au Centre de la Terre ». Autour de la place, une immense coupe géologique de l’Ecosse a été réalisée avec de hautes plaques de grès inclinées. D’Ouest en Est, on découvre les très vieux Gneiss des Hébrides, la faille orientée NE/SW découpant tout le pays puis les intrusions volcaniques : dykes recoupant le socle, les sédiments carbonifères, les grès…. J’aurais dû prendre des notes. De retour à l’hôtel, je m’embrouille déjà. Pourtant j’ai eu ce matin, une leçon fort pédagogique au Musée. Voilà les limites du bourrage de crâne ! Heureusement que je me force à tenir ce journal de bord pour fixer quelques unes de nos trouvailles en voyage.

Le soleil a enfin fait apparition. Nous reprenons nos croisières sur l’impériale du bus marron qui circule dans le sens inverse du vert ou du rouge, remontant Cannongate vers High street tournant à saint Mary’s pour prendre Cowgate, passer devant l’hôtel et déboucher à Grassmarket, marché à bestiaux : c’est logique !