JUILLET ECOSSAIS

A 6heures ciel tout bleu. Une belle journée en perspective ? Le mari de Kath nous sert le petit déjeuner. Il a été marin et a parcouru le monde du Venezuela à Odessa. Nous ne l’impressionnons guère avec nos voyages touristiques ! Maintenant il voyage pour présenter ses chiens à des concours canins.
Nous montons sur le viaduc de chemin de fer démantelé. De là nous avons une très belle vue sur l’embouchure du fleuve Esk, les dunes, les prés et les champs.

Je poursuis le « nature trail » de la réserve de Saint Cyrus dans les dunes. Le chemin passe entre des ajoncs et des aubépines maintenant défleuris. Les géraniums sauvages sont éclatants et les campanules violettes flashent avec leurs clochettes ramassées en bouquets fournis. Des lapins détalent ? Le pêcheur a étalé ses filets qu’il répare.
– « Que pêchez vous ? »
– « des saumons, deux fois par jour avec la marée. »
– « où es vendez vous ? »
– « Ils partent en France »
– « nous apprécions beaucoup le saumon écossais ! »
J’aurais aimé poursuivre cette conversation. Si rare pendant ces vacances écossaises ! Ici, les gens sont aimables. Ils saluent le promeneur par un « Hello » chaleureux ou glissent une remarque polie et anodine « what a lovely day ! » qui me désarçonne un peu. Je n’aurais jamais pensé que cette matinée brumeuse et fraîche puisse être qualifiée de « gorgeous ! » ou de « wonderful ». J’ai du mal à partager leur enthousiasme. On conclue avec philosophie un jour de pluie incessante « au moins, c’est mieux qu’en Angleterre ! Pauvres gens inondés ! ». Jamais l’échange ne va plus lin que ces considérations météorologiques. C’est pour cela que la conversation avec notre logeur et avec le pêcheur prennent tout leur prix.
Le sentier monte sur la falaise, puis se poursuit en corniche jusqu’à la pointe. Sur les rochers de la plage, je vois une colonie de cormorans.
Le ciel s’est obscurci, vers 11 heures, il pleut quelques gouttes. Nous ne pouvons pas rester sur la plage comme prévu.
Arbroath
« et si on allait acheter du saumon à Arbroath ? »
Distante de 15 miles par l’A92 bien roulante, nous sommes vite rendues. Plusieurs B&B sont indiqués par des flèches marron. Mercredi dernier nous n’avions rien trouvé sur la petite route. J’en tire une nouvelle leçon : ne pas sortir des itinéraires balisés si on cherche un hébergement. Hors des zones touristiques, pas de B&B !
L’Abbaye de Arbroath est très célèbre pour la Déclaration d’Arbroath (1320) sous Robert Bruce. C’est un des textes fondateurs de la nation écossaise. L’Abbaye, construite en grès rouge comme toute la ville est encore très impressionnante. Malheureusement Arbroath, ville active de 24 000 habitants souffre d’un problème de stationnement. Nous y avons tourné à notre premier passage et nous ne nous attardons pas. Nous retournons sur le bord de la mer dans la rue bordée de petites maisons peintes de couleurs vives où nous avions acheté le saumon dans une fumerie. Mercredi la rue était envahie de l’odeur de poisson fumé. Aujourd’hui, samedi le magasin est ouvert mais on ne fume pas le poisson.
Nous allons le déguster sur la digue au pied des falaises de Seaton. La marée est haute. L’eau arrive jusqu’à la digue. A l’arrière du parking, une belle pelouse verte où les enfants jouent, les chiens s’ébattent et un char à voile file à grande vitesse (la voile est un cerf volant). Avec mon pain j’attire mouettes et goélands ? Les mouettes ont la tête noire ou gris foncé, elles sont plus petites et plus élégantes que les goélands. A l’entrée du sentier des falaises un panneau très détaillé explique la formation de la falaise de grès rouge il y a 400 millions d’années dans le delta d’un fleuve. Je reconnais ensuite les stratifications entrecroisées et le granulo-classement typiques de ces formations.
15heures, Tesco de Montrose, sous une pluie battante, courses. Il y a foule.
House of Dun

15h30, la pluie a cessé. House of Dun est une très belle maison géorgienne ouverte à la visite (billet très cher : 8£ pour les adultes, 5£ concession). Le célèbre architecte Adams a dessiné la maison protégée par une haie de séquoias Wellingtonia géants (38m) . Grosse bâtisse carrée, des colonnes encadrent le perron, sobre et classique. Attenante, une cour bordée des maisons basses des communs, au centre de la cour une curieuse ronde de tilleuls taillés comme des charmilles. On entre dans la cour en passant sous une Tour de l’Horloge. La façade regardant vers le parc est agrémentée d’un escalier aux ferronneries délicates, dessinant une courbe et portant des fleurs en abondance. Un petit labyrinthe en bus, taillés, termine la terrasse qui domine les prés et dessine une perspective jusqu’au bassin de Montrose.
Le château est encore meublé. Certaines pièces conservent l’ordonnancement original d’Adams de 1750 d’autres ont été refaites à la période victorienne. La famille Erskine possédait le château. Le châtelain le plus célèbre devint le Roi George IV, entouré de sa maîtresse et de leurs neuf enfants, représenté sur un tableau ornant la salle à manger. Devenu roi, il se maria à une princesse autrichienne qui ne lui donna pas d’héritier. Les neuf enfants considérés comme illégitimes ne pouvaient pas régner. Victoria fut donc désignée comme reine.

L’une de ses filles Augusta était une véritable artiste qui a marqué le château de ses talents : broderies sur les panneaux et les rideaux, jardins merveilleux. Le château nous raconte la vie à l’époque victorienne, de l’éducation des enfants aux passe-temps aristocratiques : chasse surtout et aussi pêche, jeux de société mais aussi un théâtre miniature tout à fait merveilleux. Des centaines de figurines avec une tête en porcelaine et des vêtements richement décorés. On manipulait les poupées avec des tringles qui glissaient dans des fentes du parquet de scène. Certaines pouvaient également tourner.
Le théâtre de marionnette exerce sur nous une étrange fascination qui vient peut être du plus profond de l’enfance Les crèches de Trapani ou mieux celles de Naples avec leur foule de personnages décrivent mieux la vie d’antan que de solennels portraits accrochés aux murs. Le théâtre de la House of Dun représente plutôt des féeries : Cinderella ou Ali Baba, pas de témoignage documentaire mais un miracle d’ingénuité et de richesse des costumes.
Avec le retour du soleil nous allons nous promener dans les jardins fleuris en abondance et dessinés par Augusta.
B&B à Edzell : Ballochy House

A 17 heures, nous découvrons notre nouveau BxB « dans les arbres ». Après la House of Dun on tourne en direction d’Edzell. Ballochy House est une grande bâtisse grise à l’allure victorienne cachée derrière une haute haie de houx. Pignons pointus, elle semble déserte. Une vieille dame très distinguée et très gentille nous montre notre chambre : toute rose. Sur les murs, papier peint à grands bouquets à dominante rose, les têtes des lits sont capitonnés vieux rose tandis que les couvre lits sont assortis au papier peint. L’abat-jour vieux rose est posé sur une colonnette tarabiscotée. Sur la commode ; un miroir à trois pans porte un cœur rose enrubanné. Les rideaux sont à rayures roses et blanc ; au sol, une somptueuse moquette rose.
Nous hésitons entre profiter de notre chambre bien kitsch ou aller visiter Edzell.
Edzell est un très joli village très touristique avec un golf et un club house monumental, de coquettes maisons et de nombreux BxB et hôtels. Nous entendons une cornemuse : c’est le gala au village. On nous convie à partager un moment avec les villageois et on nous invite au lancer de haggis affublées d’un béret écossais et d’une perruque rousse. D refuse de se prêter à cette mascarade ; Nous mangeons sur place un hamburger avant de rentrer chez la dame dans la « maison sous les arbres » qui m’évoque les policiers anglais de Patrica Wentworth que D affectionne. J’imagine Miss Silver tricotant dans la chambre rose tandis qu’au salon s’emmêle l’écheveau d’une intrigue campagnarde. D’ailleurs la maison comporte une bizarrerie : l’entrée de l’allée de biais est cachée entre des arbustes touffus et épineux, houx piquant ou petit houx. De notre fenêtre nous comprenons la raison de cette entrée oblique : une autre pelouse carrée est séparée par un mur. Notre maison s’appelle Ballochy West.Sans doute la pelouse interdite est celle d’un Ballochy East. Il existe une autre entrée à l’arrière mais rien ne laisse soupçonner l’existence d’une maison jumelle. Notre hôtesse est particulièrement discrète. Elle est au salon où l’on entend la télévision. Un détail trahit son passage dans notre chambre qui n’a pas de clé pendant notre absence : j’avais oublié la loupiote de la salle d’eau allumée, je la trouve éteinte.
A propos des saumons, les élevages ont proliféré, pour cause de rentabilité commerciale, inutile d’insister. En Irlande, les saumons sauvages en ont été victimes. Pour cause de sinistres maladies apportées et distribuées généreusement par les poissons d’élevage. Ceux-ci sont alors bourrés de médocs. Reste, pour les sauvages, à périr, à se raréfier…
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@JEA : le débat poisson d’élevage/poisson sauvage est très difficile : épuisement des réserves des espèces sauvage d’un côté, élevage intensif avec contaminations de l’autre. que choisir?
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