CARNET VIETNAMIEN

Arrivée à Hanoï en train de nuit.
Bercée par le roulis, je me suis endormie à 20H comme les Vietnamiennes qui partagent notre compartiment. Un peu avant 4h, le téléphone portable d’une des jeunes filles me réveille. Le jour commence à se lever. Nous regardons défiler les rizières du Tonkin. Les boutiques ouvrent dès 6heures le long de la RN1 Mandarine que suit la voie ferrée.
Quelques changements par rapport au sud : la circulation paraît moins dense, les motos moins rutilantes les hommes portent un casque kaki qui a l’air de sortir des tranchées. Peut être protège-t-il du soleil ? A moto, sa protection paraît limitée. Hanoi s’annonce des kilomètres à l’avance. Le train est sonorisé par un pot pourri de tubes éculés « il était une fois dans l’Ouest ».. Puis annonces en vietnamien, traduction en anglais : on nous raconte l’histoire de Hanoi, capitale historique du Vietnam. On se croit arrivé, le train roule à très petite vitesse au milieu des habitations. Enfin ! La gare !
Traversée d’Hanoi.
Soulagement : notre guide est bien là avec un panneau de bienvenue. Il s’appelle Dong. Il est jeune, avenant et disert. Tant mieux ! Il nous montre quelques bâtiments coloniaux de Hanoi puis la voiture enjambe le fleuve rouge, vraiment rouge en cette saison « de l’inondation ». Dong nous montre les ponts : le vieux pont bombardé par les Américain. Notre premier guide n’avait jamais fait allusion aux différents conflits alors que celui-ci nous parle de l’histoire du Vietnam. Histoire récente avec les bombardements américains, histoire ancienne avec les batailles pour repousser les Chinois. On quitte plus facilement Hanoï qu’HCMV moins de banlieue et surtout meilleures routes.

Rizières du Tonkin
Le ciel est gris mais le vert des rizières est tellement vif qu’il égaie le paysage. Dans les parcelles, les paysans travaillent. Nous descendons de voiture pour photographier un curieux manège. Sur un trépied est suspendu une sorte de pelle qu’une femme balance périodiquement. Dong me propose de nous rapprocher. Je marche sur une digue minuscule qui sépare deux parcelles. Au début, je prends d’infinies précautions, j’ai peur de tomber à l’eau dans la rizière inondée. Mais la levée de terre est stable, elle ne s’écroule pas sous mon poids. De près, je comprends mieux : c’est de l’eau que la femme balance inlassablement dans son champ. Jamais je n’avais imaginé un tel travail accompli par un être humain : pelleter de l’eau. Du train, j’avais observé cette manœuvre mais avec deux personnes. Heureusement, la mécanisation est en route nous voyons quelques pompes motorisées à l’œuvre.

La plupart des rizières sont labourées, hersées à l’aide de la traction des bœufs ou des buffles, les motoculteurs commencent aussi à être utilisés. Les tâches que nous observons sont variées. Ici, on repique. Là on irrigue. Plus loin, on pulvérise des insecticides ou on épand des granulés d’engrais. Les paysans sont pieds nus toute la journée dans l’eau. Ici, on fait deux récoltes de riz par an plus une autre culture (soja, maïs, légumes). Beaucoup de femmes travaillent aux champs. On ne voit pas d’enfants et cela me réjouit bien. Les femmes sont complètement masquées. Une large bande de tissu maintient le chapeau traditionnel. Parfois elles rajoutent un autre masque. Le repiquage me paraît être le travail le plus pénible, le dos cassé.
Entre les rizières, de nombreux étangs avec des élevages de canards. Dans les rizières on voit souvent des tombes. Dong nous demande:
– « Savez vous pourquoi il y a des tombes en terre et d’autres en béton ?
– Au Vietnam, on enterre une personne provisoirement dans un cercueil et une tombe en terre. Plus tard, on exhumera les ossements qu’on placera dans une poterie et l’enterrement définitif aura lieu après que le géomancien aura calculé l’orientation de la tombe et l’emplacement favorable. L’âme du défunt pourra exercer une influence bénéfique, assurer une bonne récolte.
Le long de la route N°5 les nouvelles usines poussent comme des champignons, du textile surtout mais aussi CANON ou DAEWOO.
Petit déjeuner
Nous nous arrêtons déjeuner dans un centre pour handicapés qui fait aussi restaurant et boutique de souvenirs (soie, poteries, laque…) Notre dernier repas a été servi dans le train à 17H45, il est 9H, je meurs de faim et refuse un petit déjeuner européen avec café et tartines. J’ai envie d’une soupe aux nouilles. On m’apporte un bol avec une cuiller asiatique en porcelaine et des baguettes. Finalement, je ne me débrouille pas si mal que cela avec les baguettes. D a pris un hamburger.
Dans la deuxième partie du voyage, nous passons devant d’importantes mines de charbon. La poussière du charbon est partout. Il alimente une centrale thermique très importante (également cible stratégique du temps de la guerre américaine).
Nous approchons d’Ha Long. Sur le bord de la route, on vend des ananas mais nous réagissons trop tard. Tout a long du chemin, Dong nous montre le transport des porcs vivants sur motocyclette. La première fois, nous en avons vu six, enfermés dans des cages d’osier sur une seule moto. Une autre fois quatre ligotés à l’arrière du chauffeur.
Notre hôtel Buu Dien
Après 4 heures de route pour 160km nous arrivons à Ha Long devant une tour de 11 étages, habillée de granite rouge poli. C’est notre hôtel Buu Dien, comme la Poste qui est en dessous, en Anglais cela donne P§T Hôtel. Le guide parlemente à la réception. Nous aurons une chambre avec « seaview », au 8ème étage. Toute blanche, rideaux brochés ainsi que les deux fauteuils et les chaises. Mobilier en bois foncé verni, un tableautin, une glace fantaisie. La climatisation est assurée avec deux climatiseurs (mode d’emploi en chinois) et un ventilo. Il fait si frais que j’ai sorti les manches longues.
Plage
Après la douche et une petite sieste, nous allons à la plage. L’horizon est limité par les fameux rochers, pains de sucre, îles et îlots de la baie dans un camaïeu de gris, ciel gris- perle, rochers gris-bleutés, mer gris-vert. Le bord de mer est encombré de tout un attirail de boutiques vendant tous les articles de plage imaginables : maillots de bain très pudiques jupettes et hauts assortis avec des imprimés rétros, gros pois blancs sur fond rouge ou pois noirs sur fond blanc…souvenirs en coquillages, bois sculpté, colliers de vraies ou fausses perles…
Sur le sable blanc assez grossier, des chaises longues en bambou et des parasols sont alignés en rangs serrés. Les plagistes se disputent l’honneur de nous placer. Il est 12H15 tous les vietnamiens font la sieste et ont déserté la plage. On nous apporte le menu en vietnamien et sans les prix. Pour 80 000VND, nous aurons un beau plat de riz frit aux produits de la mer : vrai poisson en morceaux, vrai crabe, minuscules rondelles de chorizo, crevettes, œufs, carottes, petits pois. Un délice !
L’eau est presque chaude, température baignoire ! Pas une vague. Je nage comme à la piscine.
Vers 15H30, les premières familles vietnamiennes arrivent. (Peut être des chinois ?) ; Ils sont nombreux et parlent fort. Nous quittons nos sièges bien à l’ombre du cocotier pour fuir le vacarme. Ils arrivent par groupe d’au moins douze personnes, trois ou quatre couples, la trentaine ou la quarantaine, accompagnés de la grand-mère et de quatre ou cinq enfants. Les dames quittent leur chapeau rose ou beige et revêtent des bonnets de caoutchouc, charlottes ou casquettes à visière. Elles se dépouillent de leurs robes de plage et se retrouvent en maillot de bain très enveloppant. On équipe les enfants de gilets de sauvetages fluo, de lunettes de plongée, de bouées. La famille est prête pour la baignade. Intervient un personnage omniprésent, pantalon noir relevé aux genoux, chemise à carreaux jaune, casquette de base-ball sur la tête : le ou la photographe. Le photographe aligne alors les futurs baigneurs, les conduit là où on voit le mieux les îles de la baie, et fait une mise en scène théâtrale. Tout le monde s’exécute. Seulement après cette formalité, les estivants vont à l’eau. Il existe aussi la version numérique de la scène. Le rôle du photographe –ou vidéaste, plutôt- est généralement confié à celui ou à celle qui ne se baigne pas. Monsieur et Madame encadrent un rejeton assis sur une bouée en tenue fluorescente rose ou orange pour les filles. Dans l’eau, ils restent bien groupés et ne s’aventurent pas bien loin.
Sous les parasols, chacun se commande une noix de coco avec une paille – moi aussi !
Nous ne sommes pas venues jusqu’ici pour observer des familles à la plage – même très rétro, nous rappelant les années 50. Nous sommes dans la Baie D’Ha Long. Les fameux rochers se sont éclairés, le soleil a dispersé les nuages. Mais ils sont bien loin ! J’observe avec attention les bateaux des touristes. Faut-il les appeler des jonques ? Les grosses embarcations de bois ont des mats mais aucune n’a déployé sa voilure. Normal, il n’y a pas de vent. Aurons nous demain un gros bateau rien que pour nous ?
Toute l’après midi à guetter les îles lointaines de la 8ème merveille du monde, aiguise le désir. Descendre du taxi, monter sans transition dans le bateau eût été dommage. Cela aurait été comme allumer la Télé sur la Chaîne Voyages. Pour bien apprécier un moment privilégié, pour qu’il reste fixé dans la mémoire, l’attente est primordiale Nous sommes donc en face du site, essayant d’imaginer. Fera- t il beau demain ?
Dîner délicieux, la cuisine est fine. La soupe au crabe contient bien du vrai crabe frais, la soupe au poisson des morceaux de poisson. On avait commandé des travers de porc aigre-doux mais on nous apporte du bœuf pané à la thaïlandaise.