Au Lac Rose

CARNET SÉNÉGALAIS

Samedi 2 mars : « Chez Salim »

Chez Salim

7h30, le soleil  voilé et  température, agréable.

Une trentaine de cases coiffées de chaume aux murs crèmes, ornés de fresques naïves et colorées représentant girafes, éléphants, dromadaires sont dans un jardin  de bougainvillées, taillées en grosses boules roses, ou mêlés à des hibiscus dans des haies fleuries. Les petites pelouses sont bordées par des filaos taillés comme  des buis. Les allées sont jonchées de coquillages très blancs. Trois grande paillotes ouvertes  abritent des hamacs , haltes aérées et ombreuses.La terrasse-restaurant, est perchée au sommet d’une d’une, à l’arrière une belle piscine, et plus loin, le « pavillon-conférence ».

Les murs de la salle de restaurant sont couverts de graffitis rappelant les exploits d’équipe de pilotes automobiles ou motocyclistes.  C’est au Lac Rose que le Paris-Dakar terminait sa course, la dernière étape était le tour du Lac après avoir parcouru la plage. Le podium des récompenses existe toujours. Paris –Dakar est un  mythe encore vivace. Bouba répète à plusieurs reprises « c’est un manque à gagner ! ». Les sports mécaniques sont à l’honneur : hôtels et campements se remplissaient lors de ces grands rassemblements  et sont maintenant vides. L’hôtel loue quads et buggies (40.000CFA l’heure). Des véhicules tout-terrain attendent les excursionnistes.

 

La plage sur la Grande Côte

Un cordon dunaire d’environ 1km de large sépare le lac de la plage. Bouba nous conduit à travers la dune sillonnée de traces de pneus. Les rallyes sont peut être une catastrophe pour la dune, mais un mal nécessaire pour l’économie de la région. La4x4 Mitsubishi peine à grimper les dunes les plus raides. A plusieurs reprises, elle recule pour prendre de l’élan. Parfois cela passe, parfois, non et il faut ruser et prendre une autre trajectoire.

Paris-Dakar dans les dunes?

Chez Salim est  à deux pas du lac Rose. Dans la brume du matin, opaline bleue, dès que le ciel se dégage le lac prend la teinte rose qui lui a donné son nom. Alors que les eaux du lac sont sur -salées (380g/l), ses berges sont baignées d’eau douce. Des maraîchers cultivent de petits jardins.

Des vanneaux sont perchés  : assez grands oiseaux. Tête noire, cou blanc avec une cravate noire, ailes fauves. Haut dans le ciel, planent des milans. Les corbeaux portent ici un collier blanc.

En haut d’une crête : surprise totale ! Les hautes vagues de l’Atlantique se déroulent avec puissance et saturent l’horizon d’un brouillard d’embruns. Même prévenue, je suis scotchée ! J’avais oublié le spectacle de la splendeur des rouleaux qui se succèdent. Déjà, autrefois, dans les Îles  Cap Vert et dans le Golfe de Guinée…leur puissance m’étonne toujours. Au cours du « Briefing » matinal, Bouba avait rappelé : la Grande Côte de Dakar à Saint Louis ne se prête pas à la baignade.  En raison des rouleaux et des baïnes, elle est dangereuse et restée sauvage. Je compte plus d’une dizaine de pirogues. Comment les pêcheurs ont-ils franchi la barre ? « Ils se retournent parfois » répond Bouba. S’il n’est pas prudent de se baigner  je peux marcher sur le sable mouillé dans la frange écumeuse. Il me faut faire attention. Une vague plus puissante que les précédentes, et je me retrouve trempée jusqu’à mi-cuisse. L’écume n’est pas blanche, elle laisse sur le sable une trace verdâtre – argile ou algues microscopiques ? La plage s’étend à l’infini, se perdant dans la brume des embruns.

Les filaos fixent la dune mais  empêchent la percolation d’eaux salées de la mer qui viendraient contaminer la nappe phréatique d’eau douce. Cocotiers, bananiers poussent près des campements.

Deux âniers surgissent brusquement sur la piste juste au niveau capot. L’un est chevauché par un vieil homme vêtu de violet coiffé d’un chapeau pointu, l’autre par un très jeune enfant. Le 4×4, presqu’à l’arrêt heurte l’âne .  L’enfant n’a pas su retenir sa monture. Heureusement, la collision est sans conséquence. Plus tard, nous rencontrerons à nouveau les deux cavaliers.

calotropis procera

Chez Salim, pendant que Bouba regonfle les pneus qu’il a dégonflé pour le sable, je photographie  Calotropis procera un curieux arbuste  aux tiges sinueuses et graciles portant de larges feuilles arrondies épaisses et bleu-gris avec des inflorescences mauves très découpées et décoratives. C’est une plante médicinale que Bouba appelle Péridurale sénégalaise car les sages-femmes l’utilisent pour masser le ventre des parturientes. Le principe actif se trouve dans les feuilles. Mélangé avec le beurre de karité il soignerait aussi les entorses en emplâtre.

Le Lac rose

lac Rose : sel

Autrefois, le Lac RetbaLac Rose – était une lagune reliée à la mer et sa superficie était de 32km2. L’extraction du sel l’aurait fait régresser de moitié (je n’ai pas compris comment). Point de marais salant ici, ni de cristallisation de sel en surface. La croûte de sel est immergée. Les sauniers travaillent à bord de pirogues rectangulaire  plus plateformes que bateaux. Ils s’enduisent de beurre de karité pour descendre le long de la pirogue et casser le sel qu’ils remontent à bord. A terre, le sel forme d’innombrables monticules. Les tas gris sont cassés à la pioche et on découvre les cristaux blancs. Ce sel n’est pas consommable car il est dépourvu d’iode (bizarre au bord de la mer !) qu’on ajoutera avant l’ensachage. Il sera raffiné plus loin dans le centre du Sénégal. Un camion est chargé de petits sacs prêts à être vendus ou exportés.

Sel du lac Rose

L’eau très rose, le sel très blanc, les barques peintes, les silhouettes des gens se détachant sur le ciel forment une composition très photogénique. Malheureusement, dès qu’on pose un pied à terre trois commerçantes surgissent, corbeilles sur la tête, tenues traditionnelles colorées, elles posent pour la photo. Évidemment il faudra acheter un collier. La noix de coco teinte et polie est une matière très séduisante qui ressemble à de l’écaille ou à de l’ivoire. Malheureusement à chaque arrêt d’autres vendeurs nous harcèlent. J’arbore bien en vue mon nouvel achat, espérant ainsi décourager les suivants. Peine perdue ! « Un seul collier ce n’est pas suffisant ! Les autres sont pour offrir ! » L’aspect le plus déplaisant de leurs pratique commerciale est le soit-disant cadeau  qu’ils vous mettent dans la main de force : « Un cadeau cela ne se refuse pas ! Vous allez me vexer ! »L’objet en main le client est captif. Il faut le rendre de force, et si possible avec le sourire et dans la bonne humeur. Bouba n’est d’aucune aide. Ce n’est pas son rôle, ni de favorise un achat, ni d’empêcher une vente. J’ai acheté le collier, j’apprécie l’artisanat sénégalais mais je refuse de payer 3000CFA un paquet de sel qui va m’encombrer !

Au déjeuner : salade, poulet Yassa avec une sauce aux oignons, riz et une banane. Le poulet grillé est très tendre et a très bon goût.

Dans la salle du restaurant sont réunies des femmes de tout âge pour un séminaire de sages-femmes. J’admire la variété des costumes qui vont de la minijupe (organisatrice toubab) au long voile islamique blanc en passant par les turbans colorés, wax et mousselines, paillettes brillantes ou galons dorés. Certaines sont tête nue, cheveux tressés  cheveux défrisés…Panachage insolite : un haut d’une tenue traditionnelle sur un collant ou un jeans serré. Toutes les combinaisons, toutes les longueurs de jupes,  sont imaginables.

Il fait très frais au restaurant à la hauteur des frondes des cocotiers qui s’agitent. L’eau de la  piscine est presque froide,  je dois nager sans arrêt pour me réchauffer.

vanneaux à la source d’eau douce

16h, Bouba nous conduit à pied à la baignade. J’ai gardé mes tongs béninois pour entrer dans l’eau sur salée. Je flotte, pieds en l’air, assise. Il faut éviter de se mouiller la tête, le sel brûlerait les yeux. Je vais ensuite chez le « rinceur » qui me douche énergiquement en balançant un seau d’eau de source. Pourboire 2000CFA et visite à sa boutique où je trouve des sacs en plastique tissés très modernes très flashy. Je choisis un qui a la forme d’un panier à provision gris et prune qui hébergera la moustiquaire et les livres destinés à l’école ;

Au pie de la petite mosquée au minaret carré recouvert de carrelage cassé, se trouvent un restaurant Aïcha peint en rose et un petit marché proposant des papayes, des bananes et des oranges, et encore…des boutiques de souvenirs. L’une d’elle a pour enseigne Au Boulevard Ousmane : les Sénégalais ont le goût des jeux de langage !

 

Au retour, nous sommes escortées par un vendeur qui propose un éléphant sculpté pour 1.5€, pour 2€ il ajouterait un  hippopotame (dit-il). Un autre se joint à lui et « m’offre » un collier avec un cauri incrusté sur un médaillon de cuir aux couleurs africaines. « Un cadeau, cela ne se refuse pas, tu vas me vexer » (refrain !). Une femme s’associe à eux avec des colliers en plastique affreux. Une vache grise passe avec son veau. Nous la suivons en procession, nous deux plus les trois vendeurs dont on n’arrive pas à se défaire. On cède pour l’éléphant après une demande en mariage. Je rigole. Je pourrais être sa grand-mère ! Non ! Il sort sa carte d’identité, il n’est pas si jeune, il a 36ans. Pour 2€, on n’aura pas l’hippopotame.

Dîner : des musiciens s’installent au fond de la salle sous une fresque rose criard figurant l’extraction du sel. Il y a deux guitares, une kora, une calebasse et une grosse sono. Un vidéaste et un photographe professionnel et un porteur de lumière immortalisent le concert. C’est sans doute un groupe connu Xam-Xam(le savoir en Wolof).La kora est très belle avec son haut manche d’où sont tendues 24 cordes. La calebasse est retournée, le percussionniste en tire des sons très différents selon qu’il tape avec la paume, le poignet, les doigts ou ses bagues. Les dames du séminaire se sont faites belles pour la soirée. Leurs turbans sont élaborés. Je demande la permission de les photographier ce qui les amuse beaucoup.

 

Au menu : brochettes de zébu avec des frites ; la viande est très savoureuse, souple et tendre.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

4 réflexions sur « Au Lac Rose »

    1. @claudialiucia : on ajout e de l’iode pour le rendre propre à la consommation, le sel sert à saler les poissons au Sénégal, chez nous il sert aussi pour les routes mais je ne pense pas qu’on l’importe de si loin!

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