A l’école de Simal

CARNET SÉNÉGALAIS

Lundi 11 mars : Simal

lecture au CE1

École primaire de Sima, CE1

Cette fois-ci notre guide a présumé de la traditionnelle hospitalité sénégalaise. On n’arrive pas dans une école comme dans un campement peul à la morte saison. L’instituteur a prévu ses activités, j’ai bien peur que nous soyons plutôt une gêne, moi, je n’aurais pas apprécié que quelqu’un entre dans ma classe sans prévenir. J’essaie d’être la plus discrète possible. J’écoute, je regarde, je prends des notes, sans jamais intervenir.

L’instituteur écrit au tableau « Activité numérique ».

–          « On lève la craie » martèle le maître – « 6×5 » 

Il tape avec son compas, les enfants lèvent l’ardoise très haut.

Le maître est en chemise grise avec une casquette américaine vissée sur la tête. Les tables sont disposées comme dans les écoles de mon enfance – même mobilier –

Ils sont 48, garçons et filles, assis à des tables de deux, un garçon à côté d’une fille. Cinq filles sont voilées, les autres en cheveux. Pas d’uniforme comme au Bénin, certaines filles sont très élégantes. Quelques enfants portent des survêtements chauds malgré la température. Sur chaque table, deux ardoises, une boîte pour l’éponge, deux craies et deux cahiers chacun.  Chaque fois qu’ils ont écrit la réponse, ils cachent l’ardoise. Il règne une ambiance plutôt décontractée. Les enfants se lèvent et sortent pour mouiller leur éponge ou aller chercher de l’eau dans la boîte. Ils ont gardé au coin de la bouche le petit bâton qui remplace dentifrice et brosse.

au tableau, le maître a dessiné la carte du Sénégal

On continue avec la table des 6. La participation est active. Ils lèvent le doigt en faisant de grands gestes, certains font des mouvements tournants. Ceux du fond s’avancent dans l’allée. Certains claquent des doigts. Ils accompagnent le geste par des appels « set, set, set ! » ce qui veut tout simplement dire « M’sieu, m’sieu ». Au tableau le maître pose des opérations : soustractions puis multiplication par 10, 20, 60. Ils sont très avancés en calcul, ils défilent au tableau avec les ardoises.

L’activité suivante, lecture, remporte beaucoup moins d’adhésion. Il y a un livre par table mais ce sont de mauvaises photocopies. D’ailleurs, le maître me montre l’original (en couleur) et compare avec les exemplaires que les enfants utilisent. Le texte étudié a pour titre « un enfant turbulent », tous répètent en chœur : « un EN-fant- TUR-bulent »  et raconte l’histoire du petit Salif qui fait des bêtises dans la concession. Une proportion non négligeable d’enfants décroche, il y en a même qui dorment sur la table, d’autres bricolent, s’amusent. Le maître explique les mots difficiles. Mais il me semble que pour la plupart, tous les mots sont inconnus. Le Français n’est pas la langue maternelle des enfants. Le soir, je rencontrerai le fils d’une des cuisinières qui était dans la classe. Je lui ai demandé : «  et le petit Salif ? «  Il n’en avait aucune idée.

A la suite de nos voyages au Bénin, j’avais été admirative de cette école qui dispensait une ouverture d’esprit et qui permettait à toutes les ethnies de se comprendre. Je n’avais pas pris la mesure des difficultés d’enseigner à des non-francophones. Au Sénégal, apprendre en Français ne va pas de soi. D’ailleurs les enfants appellent ces écoles publiques « l’école française » – par opposition à l’école coranique ? J’ai eu à la radio un indice  pour comprendre pourquoi les chiffres ne posent aucun problème : dans les émissions en wolof, les numéros de téléphone, les prix, l’heure….tout ce qui est chiffré est énoncé en Français. Et si ce n’est pas en Français en quelle langue enseigner? en Wolof ? En Sérère, puisqu’on est en pays sérère ?

A 11heures demi-heure nous passons la pause avec nos collègues, peu communicatifs. Ils ont du travail : harmoniser les barèmes de correction des examens de passage. Et pour l’exotisme, il y a bien plus intéressant que deux vieilles rombières : deux Belges, élèves-institutrices, cheveux  blonds nattés à l’africaine qui font un stage de plusieurs mois pour appréhender une pédagogie différente et qui interviennent dans les classes.

Après la récré, nous allons en CM2 avec une proposition de correspondance scolaire. Cela arrange le maître qui continue à préparer ses examens. Les enfants sont plutôt ahuris, ils ne comprennent pas ce qu’on attend d’eux.  Seuls, les deux plus âgés (13 et 14 ans) sont tentés et se laissent photographier. Mais le Directeur prend les choses en main. Ils feront leurs lettres ce soir à l’étude et l’un d’eux viendra les porter au gite.

A la nuit tombée, nous avions oublié cette correspondance. Trois enfants sont arrivées avec une grande enveloppe brune contenant une trentaine de lettres. Pas très bien tournées pour la syntaxe, mais passionnantes ! Cherchant un point commun entre mes élèves et ceux-là, j’avais pensé au foot. Bien sûr qu’ils aiment le foot ! Et ils admirent les mêmes stars : Messi en tête, Ronaldo ou Drogba. Mais le sport national c’est la lutte et les filles parlent des lutteurs. Surtout ils racontent leur vie, la culture du mil ou de l’arachide, les vacances passées à aider leurs parents, le père qui a une grande pirogue, l’oncle qui est à Dakar…. Des lettres très très riches !

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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