CARNET PROVENÇAL

Nous traversons la Crau, de Saint Martin en Crau à Fos. Après les champs vert fluo et les prairies on voit la Crau désertique recouverte de gros galets de la Durance. Les troupeaux de moutons sont nombreux. Un magnifique bouc aux cornes torses aurait fait une belle photo. Les bergers gardent avec leurs chiens. Je pense au retour de transhumance raconté par Mistral. Sur le côté droit, les raffineries de Fos s’alignent à l’horizon. A gauche, le panorama est beau : les Alpilles aux crêtes découpées et le Ventoux et sa neige se détachent sur le ciel parfaitement bleu. Derrière une rangée de peupliers défeuillés, les vergers sont roses, pêchers ou amandiers ?
En face des complexes pétrochimiques de Fos, un village perché attire notre attention : le Castrum de Fossis. Comment l’atteindre ? Partout il y a de l’eau, des étangs, des canaux, la mer ouverte avec les gros cargos, l’étang de Berre agité par les vagues. Martigue est en contrebas : très belle image de cette ville bâtie autour de l’eau. Inaccessible. Regret de ne pouvoir s’y arrêter. Entre Martigues et Marignane, une jetée le Jaï nous permet de nous approcher de l’eau : court arrêt entre un canal aux eaux tranquilles où sont amarrés des bateaux et une plage blanche jonchée de coques et bordée de tamaris. Le vent souffle fort, il fait froid, on ne s’attarde pas.

Midi, on va chercher la mer sur la côte bleue derrière la chaine de l’Estaque. Rochers blancs abrupts, défilés, pins. La plage du Rouet à Carry. C’est une crique ravissante encadrée entre deux cap rocheux, l’un est surmonté d’une barre rocheuse calcaire et les villas sont cachées dans la pinède, l’autre est une grande falaise rouge portant des maisons et de petits immeubles. Deux petites plages de galets de part et d’autres d’un club nautique se peuplent sous le beau soleil, des familles arrivent avec serviette et glacières pour pique-niquer, une quinzaine de randonneurs se sont donné rendez-vous. Nous mangeons des crevettes grises et du pain beurré au soleil. On doit même retourner à la voiture chercher la crème solaire.

Nous n’arrivons pas à atteindre en voiture les cafés que nous avons repérés de notre banc. On monte la colline pour découvrir que les maisons ont envahi toute la côte et qu’elles sont fermées de grilles « lotissement sécurisé », cette formule m’irrite.
Vers Sausset-les-pins, nous trouvons enfin la terrasse en bord de mer dot nous rêvions. Café face à la mer, bien abritées par le restaurant, il fait presque chaud. Je sors mon carnet moleskine pour dessiner une belle maison sous un pin sculptural face au rivage. Si les maisons ont barricadé les entrées du côté de la colline, il existe quand même un sentier côtier très fréquenté par ce samedi ensoleillé. Je regarde avec envie les promeneurs alors que aller à la voiture garée 10m plus loin est un effort douloureux ;
Il reste encore une soixantaine de kilomètres pour rejoindre le gîte. Le GPS nous guide dans les voies rapides qui contournent Marseille. Cette ville est insaisissable, tantôt nous sommes dans un massif calcaire sauvage, juste après la route est bordée d’usines monstrueuses, la campagne alterne avec les centres commerciaux, il faut être très attentif aux bifurcations si on ne veut pas s’embarquer sur la mauvaise autoroute. A Gardanne on trouve la D96 et une circulation moins stressante. On traverse des forêts, les chênes hivernaux nous rappellent que malgré le beau temps nous sommes à la fin février. Indications : Aix en Provence, Aubagne…Roquevaire, nous approchons de la Destrousse.

Notre gîte est une campagne – comme on le dit dans le Midi -, isolée au bout d’une petite route qui devient bientôt une piste blanche et arrive à un portail. Des chevaux paissent. Une grande bâtisse partagée entre la maison des propriétaires et le gite. Sous un auvent, un salon de jardin bien ombragé pour la belle saison. Une porte fenêtre s’ouvre sur une grande salle avec une très grande cheminée (malheureusement il n’y a pas de bois) une table recouverte d’une toile cirée à pois blanc sur fond gris, un buffet ciselé de motifs végétaux, fleurs et fruits, une cuisine en angle. Cela nous change de la bonbonnière design de Maussane design et IKEA ; ici c’est campagne traditionnelle. Les chambres sont à l’étage, la vue est merveilleuse sur les crêtes et la forêt.
Aimer, boire et chanter réserve quelques beaux moments, mais comme de nombreuses villes et villages de Provence que tu aimes tant mais qui vivent dans l’entre-soi, je n’y trouve pas ce que j’attends d’un film de Resnais et plus généralement d’un film contemporain : Michel Vuillermoz embrasser Léonie Simaga, Hippolyte Girardot rêver de Rachida Brakni, Louis Garrel emboucher Golshifteh Farahani…
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