CARNET PORTUGAIS
Quelle est la différence entre un chef d’oeuvre du Romantisme portugais et un roman populaire, voire à l’eau de rose?
Le titre « Amour de perdition » inciterait plutôt à le classer dans la seconde (3ème) catégorie d’autant plus que l’auteur préférant écrire pour l’élite a renié ce succès populaire qui a continué sa carrière avec plusieurs adaptations au cinéma.
Roman d’amour, amours adolescentes, amours impossibles de Simon et Thérèse dont les familles sont ennemies. Romeo et Juliette à Viseu, en 1803.
Par amour pour Thérèse, Simon qui était plutôt mauvais garçon, matamore et révolutionnaire, est devenu un étudiant appliqué à Coimbra. Par amour pour Simon, Thérèse, fille unique et obéissante, refuse de se marier avec son cousin comme lui ordonne son père et se trouve enfermée au couvent puis exilée à Porto. Malgré leurs familles, malgré la clôture du couvent, les deux amoureux s’écrivent des lettres d’amour. Rendez vous secrets nocturnes, enlèvement, guet-apens….Simon devient meurtrier de son rival. Il risque la potence. Et ce n’est pas son père le corregidor qui le tirera de ce faux pas. Sa peine est commuée en déportation au bagne aux Indes. De son couvent Thérèse verra le bateau qui emporte son amant et mourra d’amour (ou de phtisie).
Résumé ainsi, ce pourrait être un roman à l’eau de rose.
Ce qui fait la bonne littérature est d’abord l’écriture. Malheureusement je ne lis pas le Portugais.
C’est aussi l’humour ou l’ironie. L’auteur prend de la distance pour critiquer la noblesse portugaise qui se soucie plus de la réputation de son nom et de ses ancêtres que de la conduite de ses enfants (inénarrable ancêtre , général frit dans un chaudron sarrazin). Acide description de l’hypocrisie des bonnes sœurs au couvent, l’une méchante, l’autre ivrogne, toutes médisantes, c’est très amusant.
Enfin la consistance des personnages secondaires donne de l’étoffe au roman. L’auteur campe d’abord la personnalité des parents de Simon, le père corregidor terne mais rigide et inflexible, la mère de grande noblesse, hautaine qui s’humanise lorsque son fils est en danger. Enfin, le roman se déroule dans plusieurs milieux, à Viseu dans la bonne société, parmi les étudiants de Coimbra, et chez un maréchal ferrant de grand cœur et de grand courage . Sa fille Mariana s’éprend de Simon, amour désintéressé, tendre et admirable. Elle aussi mourra d’amour.
J’ai « rencontré » Camilo Castelo Branco au Musée Francisco Martins Sarmento à Briteiros -près de Guimaraes. l’écriant, fuyant la justice s’était réfugié chez son ami dans le Solare da ponte , manoir de l’archéologue devenu son ami. Je ne savais pas qu’au 19ème siècle on pouvait être incarcéré pour adultère. La vie de l’écrivain est encore plus romanesque que son livre : fils naturel d’un noble, Camilo Castelo Branco voudra prendre sa revanche sur sa naissance illégitime et proclamera la noblesse de son sang. Aux études il préfère la vie de bohème des caves de Porto, ressemblant à son héros Simon avant sas rencontre avec Thérèse. Adultère il sera incarcéré c’est au cours de sa détention qu’il rédige Amour et Perdition. Il organise l’enlèvement d’une jeune fille.
Enlèvement, crimes d’amour, exhumation de cadavres sont des pratiques courantes à l’époque.
Autre « rencontre » fortuite évoquée dans la préface du livre : celle avec Maria da Fonte, héroïne de la révolte des femmes du Minho en 1846 dont la statue orne le rond point principal de Povoa de Lanhoso où nous avons passé la semaine.


Je note, car c’est aussi l’auteur du roman qui a inspiré Les Mystères de Lisbonne à Raul Ruiz (que j’ai depuis un moment, mais toujours pas ouvert). Apparemment la grande saga familiale est sa spécialité !
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Tu n’as pas visité le musée de la photographie à Porto? (très intéressant!) C’est l’ancienne prison où l’écrivain a été incarcéré.
Oui, la vie de ces gens était tellement digne d’un roman qu’on finit par croire que le roman est invraisemblable!
Voilà encore un titre pour le challenge romantique. Je n’avais noté que les Mystères de Lisbonne.
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@claudialucia : quel dommage que je ne l’ai pas su avant! Il me faudra revenir à Porto! De toutes les façons j’ai visité très superficiellement (24h trop court!)
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