L’île Elioubaline

CARNET DE CASAMANCE

pirogue dans la mangrove
pirogue dans la mangrove

La pirogue doit attendre que la marée monte. Nous bavardons avec Pascal, le piroguier observant le manège des martins-pêcheurs. Ici, ils sont noirs et blancs (on en a vu un bleu, mais les bleus sont rares). L’oiseau suspend son vol stationnaire, plonge le bec en avant, vole avec un minuscule poisson dans le bec. Le même oiseau peut attraper 3 ou 4 proies d’affilée. Notre pirogue a un moteur mais elle construite traditionnellement, d’un tronc de caïlcédrats.  Nous sommes assises sur des caisses de bouteilles en plastique rouge avec un carton pour le confort.

J’ai noué mon foulard blanc en mousseline bordé de petites perles, pour en faire un turban et je m’enroule dans le paréo jaune aux motifs sénégalais acheté sur la plage de la Somone de façon à ressembler à une tente que ne renieraient pas les musulmanes les plus voilées. Lunettes de soleil crème solaire 50. Me voici parée pour deux heures de pirogue.

La météo de Google annonce un pic à 39°C aujourd’hui, mais ce matin il fait encore bon.

La pirogue s’engage dans les bolongs, chenaux naturels dans la mangrove. Nous guettons maintenant les hérons de belle taille, les aigrettes noires  les courlis (un noir et blanc plus gros que ceux que je connais). Des pirogues viennent en sens inverses. Certains à rames portent une femme ou deux en habits colorés qui vont chercher de l’eau à Oussouye. Sans moteur l’aller/retour leur prend 8heures.

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les ffemmes d’Elioubaline rament 8 heures pour aller remplir leurs bidons d’eau

Un homme, sa machette à la main, un seau de l’autre ramasse les huitres des palétuviers. D’autres relèvent des filets. Les petits poissons sautent hors de l’eau. On voit un brochet de belle taille. Les hérons et les aigrettes se tiennent immobiles à l’affût. Pascal nous montre les rizières de son village ; on s’y rend en pirogue ou à pied à marée basse quand les passages à gué n’excèdent pas 40cm. IL nous montre aussi l’endroit où les femmes vont chercher l’argile pour les poteries. Il nous fait remarquer la réhabilitation de la mangrove. Les villageois coupent les palétuviers pour le bois de chauffage ou pour la construction, les palissades. Il faut reboiser. Les repiquages témoignent de l’effort.

Ile d’Elioubaline

case à impluvium de Conakry
case à impluvium de Conakry

Accessible uniquement en pirogue, l’ile est peuplée de 600 habitants habitant une dizaine de grandes cases à impluvium visibles de loin. Deux structures plates éveillent notre curiosité.

Conakry, le guide local, nous conduit dans sa case. Le toit de chaume est percé d’une grande ouverture ronde sous laquelle on a cimenté un cercle : le bassin est destiné à recueillir l’eau de pluie. L’ouverture est aussi un puits de lumière qui éclaire une galerie circulaire où s’ouvrent les chambres. Le rond de lumière projeté règle les tâches de la journée comme un cadran solaire. 62 personnes se répartissent dans cette case (famille élargie), les parents de Conakry et ses 4 grands frères mariés avec leurs épouses ainsi que les grands parents. Entre les portes des chambres il y a des cuisines séparées pour chaque couple. Dans le mur de terre, on a fiché des bâtons de bois en biais où l’on coince les marmites en terre vides ou pleines. Chacun, chacune connaît sa place, sauf les enfants qui se regroupent. Ils ne s’appellent pas « cousins » mais « frères » et peuvent partager une même chambre.

DSCN6212 - Copie

En plus des chambres il y a deux greniers à riz. « le grenier de Maman » et le « grenier de papa » . Dans un couple on ne met pas en communauté les récoltes. La maman n’a pas à nourrir le papa ni réciproquement. Si la maman meut les fils n’hériteront pas, seulement les filles, ou les frères de la mère. Chez les Diolas, la séparation homme/femme n’est pas réservée à l’extérieur mais traverse les structures familiales. C’est un peu difficile à comprendre, les Diolas s’y retrouvent bien. Les femmes filent le coton, les hommes le tissent. Conakry nous montre le métier de son père qui tisse une très longue bande rayée blanche et noire de (30cm x 60m). on découpera le tissu et on assemblera les morceaux pour confectionner des pagnes de cérémonie ou dés linceuls.  Assise sur le petit muret de ciment qui cerne l’impluvium, une vieille dame prend entre ses doigts une pincée de coton, puis l’enroule sur sa quenouille. Des sacs cylindriques tressés en raphia sont suspendus au dessus de l’entrée contenant les quenouilles et le fil.

le tisserand et son tissage
le tisserand et son tissage

Le fétiche du village est accompagné d’un petit baobab et d’un pilier où s’entassent les rondelles creuses qui ont servi à porter sur la tête les récipients contenant le vin de palme nécessaire à la cérémonie. Sous un auvent, contenant aussi les instruments à percussion, on a accumulé les crânes regarder de loin.  Seuls les hommes ont le droit de s’’approcher. Des piquet d’une vingtaine de cm sont fichés en terre : un autre fétiche. Quand un enfant naît c’est ici qu’on célèbre sa naissance. A son décès, on y déposera les affaires du défunt.

Un troisième fétiche entouré de piquets de palétuviers est réservé aux femmes. Les femmes ayant des difficultés à mettre un enfant au monde vont venir y prier. Les autres femmes la prendront en charge dans un rituel appelé Kagnalen. Les enfants nés à la suite du kagnalen sont considérés comme les réincarnations d’enfants sorciers. Leur nom rappelle leur naissance : Conakry ou Libéria. Certains ont même des noms désagréables comme poubelle ou cochon.

bombolong
bombolong

A l’extérieur de la case, protégé du soleil par les grands éventails des feuilles de rônier, le grand tamtam ou Bombolong, tronc de caïlcédrats, permet d’annoncer au village décès, mariages, naissances, incendies…

Elioubaline a trois quartiers ; On a creusé trois mares, abreuvoirs pour le bétail, ou servant à mouiller la terre pour la construction des maisons en banco. Une case a une espérance de vie de 40ans. On démolit l’ancienne pour fabriquer la nouvelle avec des boules de terre que les mans materont.

L’eau est le plus grand problème d’Elioubaline ; Pendant la saison sèche, aucune pluie ne viendra couler dans l’impluvium. Les citernes sont gérées avec une rigueur draconienne. Les deux structures en ciment qui m’avaient étonnée à l’entrée d’Elioubaline sont des citernes conservant l’eau de pluie de l’hivernage. Chacune contient 350m3. Trois femmes, une par quartier président au partage. Chaque semaine,( 6 jours chez les Diolas) chaque famille n’a droit qu’à 60 litres, peu importe le nombre d’enfants et les célibataires n’ont droit à rien. Quand on consommé la ration familiale, la seule solution est d’aller avec des bidons à Oussouye rapporter de l’eau potable – huit heures à la rame. Vers le mois de mai, en attendant l’hivernage il faudra chercher l’eau. Quand on pense qu’on est dans une île entourée d’eau le problème de l’eau douce est d’autant plus cruel.  Quand on pense qu’un occidental utilise 70litres pour une seule douche, c’est plus qu’une famille diola pour toute la semaine.

battre le riz
battre le riz

Le riz cultivé sur l’île est destiné à la consommation locale et au troc. Il est stocké avec sa paille, en gerbes dans les greniers. Selon Conakry, il se conserve dans son enveloppe jusqu’à 30 ans.

Le centre de santé est bien délabré ; un aide-infirmier y officie et donne les premiers soins. La « pharmacie » se trouve dans la case la plus proche, il y a du doliprane et des pansements. Pour les soins plus sérieux on va en pirogue à Oussouye. La maternité est d’assez grande taille, trois sages-femmes assistent les femmes. On a séparé la maternité du centre de soin à cause des interdits aux hommes d’approcher tout ce qui concerne l’enfantement.

La visite s’achève à la buvette ; Coca-cola ou Bière, la Gazelle. Nous bavardons avec une italienne venant de Barcelone et son guide, très sympathique. Nous avons réuni les bombons, biscuits et sucettes  et ceux de l’italienne pour les enfants. Conakry organise la distribution presque militairement, en commençant par les plus petits, puis les plus grands. Ici, les enfants sont disciplinés. Ils sont aussi très petits. Je suis surprise d’entendre une fille toute menue me dire qu’elle a 12 ans, je lui en aurais donné 7 ou 8.

Retour, plus rapide qu’à l’aller. La marée a montée, les huîtres des palétuviers sont sous l’eau, les feuilles trempent. Est-ce à cause de la chaleur ou de la marée haute. ? Les 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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