CARNET DE CASAMANCE

6h dans la nuit noire, le muezzin chante.
L’île, au temps de la colonisation, était peuplée de blancs. C’était un comptoir comme Saint Louis ou Gorée qui avait un statut spécial. Maintenant, la population se partage entre Catholiques et Musulmans, à égalité. Sous la moustiquaire, je commence le voyage en Egypte de Florence Nightingale et de Gustave Flaubert réunis par Sattin dans Winter on the Nil. Je me lève à 6h30 pour le rendez-vous que nous nous sommes fixés avec Mor pour l’observation des dauphins (au départ la rumeur parlait de lamantins). Simon, le maître d’hôtel, avait rectifié « pas lamantins, dauphins ». Pour les dauphins je suis prête à me lever matin !
7 heures, heure magique

L’heure où l’on balaie dans les cours des maisons, des campements, sur la plage, aussi. Heure fraîche, juste avant que le soleil n’écrase tout. Heure légère où tout a l’air de flotter dans une brume indécise qui délave les contours de l’estuaire ; Où est la mer ? la terre ? la mangrove et le fleuve ? Je pensais avoir plus de chance d’observer les dauphins de la jetée d’embarquement du bateau Dakar-Ziguenchor. Une grille ferme la digue. J’essaie de contourner, découvre la grande église au clocher carré de briques où poussent des graminées, tout à fait disproportionnée sur la place où il n’y a que des maisons africaines. Les maisons coloniales à étage sont en ruine à l’exception de la Mission où est logé notre hôtel. La maternité est aussi un « grand bâtiment » plat, pas étonnant, les naissances sont si nombreuses en Casamance.

Je retourne sur la plage, marée basse, je marche pieds nus jusqu’à la pointe. Le pâle soleil jaune apparit dans la brume orangée. Les cimes des cocotiers et des filaos se détachent à contre-jour. On se croirait dans une photo ancienne sépia. La pointe de l’île est occupée par le troupeau de vaches aux cornes pointues et à la robe variée. Elles ne ressemblent pa aux zébus gris du nord aux longues cornes en lyre. Certaines sont noires, d’autres tachetées, rousses et blanches, grises et blanches. Le taureau est petit mais je me méfie. Les veaux s’amusent en luttant front contre front. Je n’ose pas traverser le troupeau et rebrousse chemin.

8 heures, le grand bateau blanc, Aline Sitoé Diatta va accoster. Dans une barque en plastique à moteur, les employés de Cosama vêtus de gilets de sauvetage orange se dirigent vers les pylônes, un homme sur chaque pylône. La navigation d’un si gros bateau ne doit pas être aisée ! A marée basse, hier, l’eau m’arrivait aux genoux. Une erreur et le bateau peut s’échouer sur le sable ; j’ai en mémoire le souvenir le naufrage du ferry précédent en 2002 qui avait fait près de 2000 victimes. J’ai dans ma valise un livre qui le raconte – par superstition je ne l’ai pas ouvert. L’arrivée est délicate, le bateau prend son temps. Peu de voyageurs en descendent, encre moins montent. Nous regrettons de ne pas embarquer ici plutôt qu’à Ziguinchor où l’embarquement prend des heures. Nous sommes convoquées à 9h30 pour le départ à 13 heures. Nous aurions préféré être à la plage plutôt que dans la chaleur de la ville.

Après le petit déjeuner, à notre programme, visite du village. Le guide local est introuvable. Les plages sont tournées vers le tourisme. Les villageois vivent sous les grands arbres, baobabs, manguiers ou le grand fromager. Les constructions sont hétéroclites. Les maisons en dur du temps des français s’écroulent, certaines cases sont en paille tressée, l’une d’elle est peinte de couleurs variées. A la case carrée au toit de chaume, on a fait de nombreux ajouts : appentis de tôle soutenue par des branches mal équarries, maisonnettes de parpaing, parfois la paille tressée bouche les ouvertures. Dans les cours, même désordre. Derrière l’église basse le tailleur a installé son atelier, un peu plus loin les mécaniciens réparent les moteurs des pirogues (il n’y a pas d’autres véhicules à moteur sur l’île). Sous les manguiers, dans les cours limitées par des piquets, les femmes font la lessive dans de grosses bassines en plastique ou cuisinent dans des marmites en fer. Chaque passant dit « bonjour ! Çà va ? » il serait impoli de ne pas répondre. Variante du matin : « bien dormi ? »
Devant l’école, l’instituteur organise un match de foot féminin avec des petites filles voilées d’un hidjab blanc ou noir cousu. Les garçons sont en rang et vont ailleurs. On ne les mélange pas. C’est école mieux pour elles ; les garçons s’empareraient du ballon. Derrière l’église il y a une « école arabe », plus loin, encore une autre école. Les enfants sont si nombreux !

A la sortie du village, se trouve le Jardin des femmes. Les petits rectangles sont très soignés et tous occupés par des oignons, tomates, aubergines, salades même une petite pépinière d’hibiscus de 3cm de haut. Les femmes remontent l’eau du puis sans l’aide d’une poulie et jettent le contenu du seau dans un grand bassin où on plonge les arrosoirs qu’on remplit à ras bord. Mor se précdipite sur deux arrosoirs. On l’envoie vers le carré le plus éloigné. Pour ne pas être de reste j’en porte deux aussi. C’est bien lourd. J’ai un excellent souvenir de jardinage près de la Langue de Barbarie. J’avais même hérité d’un prénom sénégalais : Soukeyna.

La curiosité touristique de Carabane est son cimetière où sont enterrés des français. Une tombe blanche en forme de pyramide date du 19ème siècle, d’autres plus récentes sont noircies portant des croix métalliques rouillées. Il y a une « NDiaye 2012 » mais ce cimetière n’a plus l’air d’être utilisé.
Un calao s’envole d’un anacardier. Trop tard pour le photographier ! Je garde l’appareil prêt pour un mini-safari-photo. Je prends en photo un oiseau noir avec une longue queue, des bleus métalliques, des petits sur un buisson.
Nous traversons la mangrove sur une petite digue et arrivons à la pointe au bout de la plage. Des hommes collectent les bouses de vache avec des brouettes.
Dominique est assise sous un auvent de chaume : 4 fauteuils de plastique, deux tables basses. C’est le petit bar Karabeach qui est aussi une boîte de nuit – fermée en ce moment parce que « c’est le Carême, on ferme aussi quand c’et Ramadan ! ». A l’arrière dans une salle claire, les enfants très sages font leurs devoirs. Sur le côté, des robes, pantalons et chemises sont exposés à la vente. La plage est très agréable à cet endroit, sable blanc très propre. La mer est haute, maintenant, les limites du chenal sont loin. La surface de l’eau lisse. Je nage dans une mer d’huile, heureuse du sel qui me porte. Tout d’abord, je longe la plage avec de l’eau à la taille, prudemment. Au retour, je remarque une mère et ses filles proches du drapeau, l’une d’elle a encore pied.

Le miroir de l’eau s’est brisé. Un aileron noir, brillant, puis un dos arrondi, encore un autre : les dauphins ! Ils sont au moins 3 ou 4 et sautent gracieusement puis plongent. Parfois je devine du blanc. Cette rencontre me ravit. Je ne me lasse pas de les regarder bondir et plonger ; je retourne nager pour m’approcher d’eux et nage jusqu’au drapeau bleu avec beaucoup de facilité. Je suis fascinée par les dauphins ; Pour revenir, je panique. Il y a du courant. Si je suis arrivée si facilement c’est que la rivière me portait. La marée descend, je me sens entraînée. Je nage vigoureusement jusqu’à ce que mon pied touche le sable.
Léon, le rasta, a apporté le plat : riz blanc, sauce aux oignons, excellente, poisson plein d’arêtes mais pour 2000f seulement. Nous passons l’après midi sous l’auvent. Je retourne me baigner. Je me laisse tenter par une robe-fourreau aux découpes amusantes, aux motifs africains dans les tons bruns que Hadji coud elle-même. Alphonse et Marie-Thérèse, les enfants de Léon et de Hadji sont très bien élevés et studieux. Nous feuilletons le livre de français, grammaire et vocabulaire qui aborde tous els thèmes de la morale à l’hygiène avec des textes d’auteurs : Senghor et Sembene pour les auteurs sénégalais les plus connus mais aussi français (Sac de billes, et même Simone Weill). Le propos est ambitieux, il y a des exercices et des jeux ? Peu d’illustrations en revanche, des gravures naïves pas de photos. Pour la présentation, il me semble lire un manuel d’un autre temps, de la génération de ma mère, peut-être. En revanche, le contenu est tout à fait actualisé.
A notre retour dans notre chambre nous entendons une cloche grêle. La grande église au clocher de brique est abandonnée. L’église actuelle est basse crépie de gris et couverte de tôles. Elle ressemble à une école. Seuls signes extérieure, une croix métallique discrète et cette cloche. A l’intérieur, c’est très kitsch.
La chorale répète. Le chef de chœur est très professionnel il fait chanter séparément soprano, alto, ténors et basse (un seul adulte), puis « tout le monde ». Les chants sont dans une langue sénégalaise wolof ou diola ?
Après dîner, les chants continuent dans l’église et me bercent. Nuit africaine bruissante, tantôt tambours, tantôt chants. Le matin appartient au muezzin avant que les oiseaux ne s’en emparent.
… »le troupeau à la pointe »….: This image reminds me about the few wild places where the Danube meets the Black Sea…And where heards of wild horses and cows come and go…
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