LIRE POUR L’IRLANDE
« mon Irlande c’était l’Homme tranquille, le Taxi mauve, l’île d’Emeraude, les pulls blancs torsadés, le whiskey, l’Eire de nos mots croises[…..]Elle était d’herbe verte, de rousses Maureen, de pierres plates en murets, de toits de chaume et de portes géorgiennes[…]une Irlande musicale, marine, agricole, accueillante, spirituelle, pauvre et fière, apaisée;
C’est sans doute cette Irlande touristique que je vais visiter au mois de Juillet. Mais ce n’est pas cette Irlande-là que Chalandon raconte. C’est l’Irlande du nord, Belfast et ses rues catholiques pauvres où patrouillent les troupes britanniques, le Donegal encore plus pauvre. C’est l’Irlande de l’IRA, des prisons et des grèves de la faim. Le héros qui a interpellé Antoine, le luthier parisien, est mort en 1916, fusillé par les Anglais c’est James Connolly. Et pour ses 30 ans, en 1975 Antoine est parti à Dublin avec son violon, de là à Belfast où il a rencontré Cathy et Jim O’Leary.
Pourquoi Antoine a épousé la cause irlandaise, est pour moi assez mystérieux. La tentation de la violence politique n’était pas vraiment taboue…Action directe ou les brigades rouges étaient actifs dans les années 70-80. Un certain romantisme s’attachait aux luttes indépendantistes. Antoine, cependant, était un musicien, pas un militant.Trentenaire, non plus un adolescent tête brûlée. J’ai eu du mal à m’attacher à ce héros, à admirer ces femmes attendant à la maisons leurs hommes emprisonnés, en élevant des familles très nombreuses,en égrenant des chapelets ou en brandissant une statue de la Vierge en plâtre. Mimétisme qui pousse Antoine à adopter la casquette irlandaise, le tweed ou les pantalons trop courts. Antoine se veut irlandais, il veut être Tony, l’ami, le « fils » de Tyrone son traître. Amitié ou recherche d’un père?
Le roman se déroule pendant une période assez longue, de 1975 à 2006 pendant laquelle les grèves d’hygiène ( dirty protest 1979) et de la faim 1981 rencontreront la fermeté de Margaret Thatcher, mais aussi la mort de Bobby Sands et des autres. L’évocation de ces luttes est poignante. Comme celle de de la résistance de toute la population civile de Belfast, des enfants, des femmes, de tous. En 1994, l’IRA dépose les armes, le Sinn Fein serait associé au processus de paix. Leçon d’histoire contemporaine magistrale.
Tyrone Meehan, un traître? je ne spoile pas, dès la première ligne du roman, l’auteur le présente ainsi. J’ai eu bien du mal à comprendre ce qui avait poussé un héros de l’IRA à trahir.
Ce premier roman ne m’a pas vraiment enthousiasmée – intéressée oui, beaucoup – Je l’ai noté 3* seulement, ce qui dans mon barème personnel veut dire « à lire, mais avec quelques réserves » ou « intéressant, mais pas un chef d’oeuvre ». Mais cela ne m’a pas dissuadé de lire le suivant « Retour à Killybegs » qui raconte la même histoire avec Tyrone Meehan pour personnage central. Et j’ai beaucoup aimé.
Le personnage de Tyrone Meehan dans toute son histoire, replacé dans l’histoire familiale et dans un contexte historique plus long et plus complet, m’a paru très intéressant. Personnage complexe : soldat de l’IRA, fils de soldat de l’IRA, dès l’enfance il est confronté à la contradiction de la violence dirigée contre l’occupant et la violence familiale dont il souffre:
« Fier de Pat Meehan, fier de ce père-là, malgré mon dos lacéré de brun et mes cheveux arrachés par poignées[….]Avant d’être méchant mon père était un poète irlandais…. »
Complexité aussi des idées des combattants. La lutte ne se résume pas à une opposition religieuse, catholiques contre protestants, ou nationaliste, patriotes irlandais contre colonisateur anglais. Républicains contre monarchiste.
« mon père n’était pas seulement un républicain. Catholique par nonchalance, il avait combattu toute sa vie pour la révolution sociale. Pour lui, l’IRA devait être une armée révolutionnaire. Il vénérait notre drapeau national mais admirait le rouge des combats ouvriers »
A la mort du père, la mère s’exile à Belfast:
» – Hein? vous avez vu ça? vous les avez comptés? Neuf! Ils sont neuf et moi je suis seule avec les neufs sans plus personne pour m’aider! »
Complexité de l’histoire. Les britanniques se battent contre les nazis sous les bombardements aériens tandis que les Irlandais n’ont pas cessé le combat contre les anglais. Dès 1941, les inscriptions « salauds d’Irlandais » sont peints sur les murs. La violence déchire les communautés.
Et l’IRA est partout dans leur quartier, l’IRA fit autorité, elle structure la vie du quartier qui en attend protection et la soutient des femmes, aux enfants.
« Mais l’impression qu’il y avait toujours un jugement derrière le rideau. Les Britanniques surveillaient nos gestes, l’IRA surveillait notre engagement, les curés surveillaient notre pensée, les parents surveillaient notre enfance et les fenêtres surveillaient nos amours. Rien e nous cachait jamais. »
Soldat discipliné, intrépide, exemplaire, amis des héros mythiques qu’on chante dans les pubs. ?Comment ce combattant est-il devenu un traître? Cette question est toute la richesse du roman. A-t-il eu peur de retourner en prison après avoir subi un emprisonnement terrible? Est-il usé par es luttes, des enfants, des camarades tués au combat ou par hasard? Pensait-il hâter le cessez-le-feu?
« aux yeux de tous , j’étais un ancien des couvertures, un ancien de la grève de l’hygiène; un ancien combattant »
La réalité est encore plus sombre. mais je préfère laisser le lecteur la découvrir au fil des pages de ce roman vraiment excellent.
heureuse de voir que je ne suis pas la seule à ne pas être convaincue par cet auteur, intéressant oui mais je n’aime pas le traitement du sujet pas plus que je n’ai aimé son livre sur le liban
J’aimeJ’aime
@Dominique : j’ai effectivement des réserves pour Mon Traître, moins pour le Retour à Killybegs mais j’avais beaucoup aimé le Quatrième Mur
J’aimeJ’aime
Mais ce sont des livres séparés ou qui forment un tout?
J’aimeJ’aime
@claudialucia : ce sont des livres séparés mais j’ai nettement préféré le second
J’aimeJ’aime