VIAGGIO 2018
« Seules vivantes dans ce désert restent les eaux qui changent sans cesse de couleur. juste au pied de la maison, elles se séparent en deux masses distinctes dont la jointure se marque par une ligne plus pâle indiquant un soulèvement du sol à cet endroit. Cette bande sous marine moins profonde, qui tantôt disparaît sous l’action des courants et tantôt se discerne à l’œil nu, relie la terre au fortin rose. la Mer Tyrrhénienne qui longe la côte occidentale de l’Italie se termine ici, où commence la Mer Ionienne, qui s’étend à l’est jusqu’à la Grèce. les deux fosses de la Méditerranée se rencontrent sur cette frontière tracée à l’époque où l’Afrique s’est détachée de l’Europe »
Depuis nos premiers voyages en Italie et en Sicile, nous avons choisi Dominique Fernandez pour passeur. Nous avons vu la Sicile avec ses mots et je ne rate aucune occasion de refaire le voyage en lecture. Le Radeau de la Gorgone est le meilleur des guides. Nous y sommes revenues après chaque visite, chaque promenade.
Cette fois-ci, il s’agit d’un roman. Romans historiques, ou plus personnels, j’ai dévorés ceux qui retracent la vie d’un artiste comme celle du Caravage, de Porporino , ou plus près de nous Pasolini. J’ai lu autrefois L’Ecole du Sud, Porfirio et Constance, qui m’ont semblé plus personnels. En résumé, je suis une grande fan de Fernandez!
Je me suis régalée dans les premiers chapitres de Où les eaux se partagent avec la découverte de cette pointe sud est de la Sicile.J’ai cherché avec Googlemaps la localisation de Rosalba et de Marzapalo : introuvables! Ce roman est bien une fiction! Quoique, en suivant la côte sur l’image satellite, on voit bien les deux couleurs des eaux, la ride sous-marine qui partage la Méditerranée. on voit aussi à Porto Palo, une vieille Tonnara, et plus au sud l’Isola delle Corrente, en direction de Syracuse une localité a pour nom, Marzamemi. La géographie est transparente.
Après la géographie, l’histoire!
Le roman est récent : il vient de sortir. L’action se déroule dans un passé mal défini. Je me jette sur les rares indices . Quand ils rencontrent le propriétaire de la casina à Rome, le Guépard est sorti, donc après 1958. Une allusion à la Dolce Vita (1960) repousse donc cet achat aux années 60. La chanson Nel blu dipinto di blu est datée 1954. L’histoire se déroule donc dans les années 60 un peu après, sans doute, puisque le peintre et sa femme reviennent chaque année pour les vacances d’été. La compréhension du roman est donc ancrée dans un temps bien défini quand le souvenir du fascisme et de l’arrivée des Américains en 1943 est encore vivant.
Maria est ethnologue. Elle préfère étudier les Aborigènes d’Australie que les mœurs des Siciliens. Lucien, au contraire, se complaît dans l’exotisme des habitants. L’excentrique Prince Mazzarola delle Campane, propriétaire de la tonnara, avec son valet aurait pu fréquenter les salons du Guépard de Lampedusa. Le ragionere, Cazzone, (quel nom!) à figure d’aubergine, ouvertement fasciste est un autre personnage haut en couleur, comme le sont les commerçants de Rosalba dont Fernandez nous livre des portraits saisissants, pittoresques et plein d’ironie.
Où les eaux se partagent est une sorte de roman de désamour, plutôt que roman d’amour. Deux jeunes amoureux achètent une villa au bout du monde, au soleil pour vivre leur amour …. les années passent. Maria se sent rejetée dans le monde machiste de la Sicile où les femmes quand elles veulent prendre le soleil tournent leur fauteuil le dos à la rue. Le premier malaise se traduit en agression, les jeunes la harcèlent quand elle prend un simple bain de soleil. Lucien ne réagit pas à ce rejet. Au contraire, il prend grand plaisir à la compagnie des adolescents sauvages. Le couple éclate quand Maria lui reproche d’aimer les garçons.
C’est là que mes efforts de datation prennent de l’importance. L’homosexualité date de l’Antiquité, peut être bien avant. Cependant, dans les années 1960, elle est refoulée et ne s’exprime pas au grand jour. Ce refoulement est aussi un des thèmes abordé dans ce livre.
La fin est donc amère, comme le désamour et le délabrement de la casina.
J’ai l’impression que tu lui as fait meilleur accueil que moi! 😉
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@gwenaelle : je cherche à relire ton article mais je ne le trouve pas peux-tu me renvoyer le lien s’il te plait!
j’avais sans doute d’autres attentes, l’histoire d’amour ne m’intéressait guère, je voulais seulement passer quelques heures en Sicile.
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Je pense aussi que tu l’as mieux apprécié que moi!
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Je me souviens avoir lu L’étoile rose de l’auteur (si tu veux poursuivre sur certain sujet) Sinon, j’ai lu son livre sur Rome.
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Et moi , je me souviens de Porporino que j’avais adoré ! C’est en effet un beau passeur pour voyager en Italie et en Sicile !
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j’aime beaucoup Dominique Fernandez comme passeur pour l’art et la vision des pays du sud ou de la Russie mais je l’aime moins en romancier
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Je viens de le finir. Je me suis régalée. Les indications de quelques endroits où je suis passée m’ont enchantée : Matera, Maratea, Les Pouilles, La Basilicate, mais je ne connais pas encore ni la Calabre ni la Sicile… C’est vrai que l’auteur est un bon passeur d’Italie, j’avais aimé quelques uns de ces autres romans. Mais cela fait quelques années que je n’avais plus rien lu de lui. De belles retrouvailles….
L’analyse que fait Maria sur Pasolini est très intéressante… Je garde d’ailleurs un intérêt tout particulier pour « La gloire du paria » même si cela ne semble plus trop d’actualité comparé au désir de normalité : mariage, enfants,…. Bref Dominique Fernandez est un grand auteur qui tisse son oeuvre explorant des thèmes et des émotions varié.e.s comme en filigrane…
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@fabia: c’est maintenant une lecture ancienne. En revanche cette année on s est souvenu de Pasolini.
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