Pierrette – Balzac

LECTURES COMMUNES

En ces temps de confinement où tous les jours se ressemblent et où aucun projet de voyage, visite, invitations ou même promenade n’est envisageable, les lectures communes donnent un un but, une date buttoir, et un sentiment de rencontre pour briser l’aridité de ces journées qui s’égrènent. Merci donc à celles qui les ont initiées et à ce partage : Claudialucia, Maggie et peut être d’autres.

Pierrette n’est pas un des ouvrages les plus connus. Avec Le Curé de Tours et la Rabouilleuse il forme la trilogie Les Célibataires appartenant aux Scènes de la Vie de Province. On peut le télécharger à peu de frais.

Provins, 1828 le compagnon menuisier Brigaut vient chanter une aubade à son amie d’enfance, Pierrette 14 ans,  recueillie par deux cousins riches, anciens merciers retirés dans leur ville d’origine.

Les célibataires sont Sylvie et son  frère, la quarantaine passée, parvenus qui cherchent à se faire admettre dans la bonne société provinciale. Balzac n’est pas tendre avec Sylvie – la vieille fille qui surprend la fuite de Brigaud

Y a-t-il rien de plus horrible à voir que la matinale apparition d’une vieille fille laide à sa fenêtre? De tous les spectacles grotesques qui font la joie des voyageurs quand ils traversent les petites villes, n’est-ce pas le plus déplaisant?

Horribles, grotesques, laids. Nous voici prévenus. Il ne manque que la méchanceté au tableau.

En préambule, l’auteur présente ces protagonistes en racontant leur carrière de négociants besogneux, dont l’univers se résumait à la boutique, bornés, bêtes :

La bêtise a deux manière d’être : elle se tait ou elle parle/ la bêtise muette est supportable, mais la bêtise de Rogron était parleuse…

Pour éblouir la bonne société de province, les Rogron ont dépensé des fortunes dans l’aménagement de leur maison. Là aussi, Balzac s’emploie à décrire l’ameublement prétentieux avec une plume acérée :

-Les rideaux des fenêtres?…rouges ! les meubles?…rouges! la cheminée?…marbre rouge portor montés en bronze d’un dessin commun, lourd ; des culs-de-lampe romains soutenus par des branches à feuillages grecs. Du haut de la pendule, vous êtes regardés à la manière des Rogron, d’un air niais, par ce gros lion bon enfant, appelé lion d’ornement, et qui nuira pendant longtemps aux vrais lions. Ce lion roule sous ses pattes une grosse boule, un détail des mœurs du lion d’ornement ; il passe sa vie à tenir une grosse boule noire, absolument comme un Député de la Gauche.

Je sais que certains lecteurs sautent les longues descriptions balzaciennes, moi pas, je me régale! Quelle ironie, mais aussi quelle méchanceté!

Balzac démonte le rouages de la politique locale, les manœuvres des notables qui veulent un siège de député, un avancement au tribunal, gazette locale, potins et médisance. Chacun avance ses  pions dans les différentes coteries. Intérêts d’argent. Mariages de convenances ou d’amour? Ces célibataires peu attirants tissent leur toile. Sylvie, la vieille fille s’y croit et même subit les affres de la jalousie.

Et Perrette, la fillette bretonne, naïve et gentille? Les deux cousins se serviront d’elle comme d’appât dans la bonne société, l’habilleront, lui apprendront à lire et à écrire. Dès qu’elle ne servira plus leurs plans, elle deviendra souffre-douleur de Sylvie. De remontrances continuelles, d’esclavage domestique aux sévices, le pas est franchi.

Tout le long du roman, les intrigues continuent. Le calvaire de Pierrette sera même le sujet d’un procès retentissant. Les méchants seront-ils punis?

C’est du grand art!

Gravure à l’acide de cette société provinciale. Balzac excelle pour notre plus grand plaisir.

 

 

 

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

7 réflexions sur « Pierrette – Balzac »

  1. Merci pour ta participation !Au début, j’ai trouvé les descriptions un peu longues… Mais j’ai aussi apprécié ce tableau très sombre et j’ai bien aimé l’intrigue politique ! Prochaine lecture commune, c’est Maître cornélius…

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  2. Effectivement la généalogie est assez embrouillée. Sinon, je suis comme toi, je me régale avec les descriptions de Balzac mais évidemment on change selon l’âge. Quand j’avais 15 ans, elles me barbaient ! Pourtant, elles sont essentielles à la compréhension des personnages dont elles révèlent l’âme. Je serai avec vous pour Maître Cornélius; tu vérifieras, je crois que c’est le 24 mai.

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  3. Le billet de ClaudiaLucia m’a fait froid dans le dos, le tien pareil. Sous des aspects différents, je pense que l’on peut retrouver la même méchanceté et la même noirceur chez certains aujourd’hui.

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