MITTELEUROPA
Angel Wagenstein (né en 1922 à Plovdiv, Bulgarie) juif séfarade est l’auteur d’Abraham le Poivrot qui m’avait fait beaucoup rire et qui se déroulait au bord de la Maritza.
Le Pentateuque ou les cinq livres d’Isaac – Sur la vie d’Isaac Jacob Blumenfeld à travers deux guerres mondiales, trois camps de concentration et cinq parties –
traduit du bulgare

Isaac est un tailleur de Kolodetz, de l’ancienne province de Galicie, aujourd’hui en Ukraine non loin de Lvov. Isaac Brumenfeld fut successivement sujet et soldat de l’Empire Autrichien(jusqu’en 1918), citoyen polonais(jusqu’en 1939 , soviétique jusqu’à l’invasion allemande 1942, allemand (et interné dans deux camps nazis), réfugié en Autriche, interné en Sibérie….
« tout cas, voici le fond de ma pensée : si la demeure de Dieu possédait des fenêtres, il y aurait beau temps que ses carreaux seraient brisés ! »
Cette vie tragique est racontée de manière cocasse, véritable collection de blagues juives, qui me font sourire quand ce n’est pas rire aux éclats. Avec son compère et beau-frère le rabbin Shmuel Bendavid (qui devint Président du club des athées pendant leur période soviétique) ils traversent les épreuves avec débrouillardise et philosophie et surtout un grand humanisme.
« — Qui sortira vainqueur d’après toi, demandai-je, les nôtres ou les autres ? — Qui sont les nôtres ? fit pensivement Shmuel. Et qui sont les autres ? Et qu’importe le vainqueur quand la victoire ressemble à un édredon trop court ? Si tu t’en couvres la poitrine, tes pieds resteront à l’air. Si tu veux avoir les pieds au chaud, ta poitrine restera découverte. Et plus longtemps durera la guerre, plus court sera l’édredon. Si bien qu’en définitive, la victoire ne sera plus capable de réchauffer quiconque. »
La vie quotidienne des juifs du shtetl est décrite de manière vivante. Isaac est tailleur mais l’essentiel de ses commandes est plutôt de retourner un caftan pour lui donner sur l’envers un aspect présentable (sinon neuf) . Ses connaissances des différentes langues parlées à Kolodetz, son Allemand littéraire, le Russe (qui sert surtout pour les jurons), le Polonais, en plus du yiddisch de la vie familiale, lui permet de survivre dans ses tribulations.
Chaque fois que la vie paraît impossible, une nouvelle anecdote (blague juive) va alléger le récit et les digressions sont annoncées parfois de manière plaisante :
« voilà que je suis à nouveau passé par Odessa pour me rendre à Berditchev. »
J’ai recopié tout un florilège d’humour juif, je suis bien tentée de tout coller ici .

Ce récit émouvant est un texte humaniste et pour finir , cette citation illustre le sinistre « A CHACUN SON DÛ » des camps de concentration :
« Qu’est-ce qu’un unique et misérable émetteur caché parmi des boulets de coke comparé à la puissance de leur armée ? » « Je vais te dire ce qu’il est : il est l’obstination de l’esclave, il est une provocation envers l’indifférence de l’acier qui donne la mort. Je vais te le dire : il n’est rien et il est tout, un bras d’honneur au Führer, mais aussi un exemple dont l’homme faible a besoin pour croire que le monde peut changer.
L’inscription qui surmonte l’entrée de tous les camps de concentration – « À CHACUN SON DÛ » – prendra
alors un sens nouveau et deviendra enfin réalité. Amen et shabbat shalom, Itzik ! »
Je n’ai jamais lu cet auteur ; j’apprécie l’histoire de l’édredon qui ne réchauffera plus rien .. Je serais étonnée de le trouver à la bibli, mais je vais quand même vérifier.
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@Aifelle : c est un auteur que j aime beaucoup et qui me fait rire sur des sujets tragiques.
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J’ai été touchée de lire une des blagues chez une juive française de mon âge. Tout cela est si vivant ! Un grand plaisir de lecture.
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Je retiens le nom de cet auteur que tu me fais découvrir en deux billets. Formidable de garder ainsi le sens de l’humour, une forme de résistance.
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@Tania : l’humour juif est la plus grande forme de résistance!
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sous des aspects drolatiques je trouve que c’est le livre qui dit le mieux la vie de ces populations ballotées par l’histoire et qui ont payé le prix fort de tout cela
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