LIRE POUR LA GRECE
« Oui, moi Antigone, la mendiante du roi aveugle, je me découvre rebelle à ma patrie, définitivement rebelle à Thèbes, à sa loi virile, à ses guerres imbéciles et à son culte orgueilleux de la mort. » dans LA COLERE
Antigone est l’héroïne du Théâtre grec qui me fascine le plus : Antigone est la femme qui dit NON! Celle qui le crie. C’est aussi la fille d’Œdipe qui l’a guidé, aveugle sur les chemins de Grèce, qui a mendié pour lui. Fille de Roi, de Reine, mendiante.
Antigone de Sophocle a inspiré de nombreux écrivains et metteurs en scène. C’est la tragédie la plus impressionnante, jouée chaque fois dans un paroxysme de l’Histoire. La version qui m’a impressionnée le plus est celle de Adel Hakim jouée par le Théâtre national palestinien aux Théâtre des Quartiers d’Ivry que j’ai été voir deux fois. Tragédie de Beyrouth dans le 4ème Mur de Sorj Chalandon . J’ai même vu une Antigone Ukrainienne/Russe, un peu punk et musicale de Lucie Bérelowitsch qui a choisi une version de Brecht/Sophocle. Bien sûr, il y a celle d‘Anouilh(1944).
Antigone de Bauchau n’est pas une pièce de théâtre mais un roman qui fait suite à Oedipe sur la Route lu il y a douze ans qui m’avait laissé un souvenir inoubliable. Avec 368 pages, l’auteur développe une histoire plus longue avec de nombreux personnages, avec des retours dans l’épopée de Thébes : Œdipe et Jocaste et sur les pérégrinations d’Œdipe.
Antigone de Bauchau commence avec le retour de l’héroïne à Thèbes après la mort d’Œdipe. Antigone est entourée des compagnons de son père : Clios qui peint une fresque pour Thésée à Athènes et qui la met en garde:
« En retournant à Thèbes tu vas suivre, toi aussi, le chemin du rouge. Tu seras en grand danger, au centre de la guerre entre tes frères. Est-ce nécessaire Antigone? »
Bauchau développe l’histoire des jumeaux : Polynice et Etéocle, désiré et souverain, Etéocle toujours en rivalité. De la jalousie d’Etéocle et de la domination de Polynice, il ne peut que résulter le combat, combat à mort. Dédoublements, Etéocle demande à Antigone de sculpter deux statues de Jocaste , il offre un étalon noir à Polynice qui part à la recherche d’un cheval aussi fougueux, aussi beau, blanc.
« mon corps, bien avant moi, sait ce qu’il faut faire. Il se jette à genoux et, le front sur le sol, extrait de la terre elle-même un non formidable. C’est un cri d’avertissement et de douleur qui brise la parole sur les lèvres d’Ismène. C’est le non de toutes les femmes que je prononce, que je hurle, que je vomis avec celui d’Ismène et le mien. Ce non vient de bien plus loin que moi, c’est la plainte, ou l’appel qui vient des ténèbres et des plus audacieuses lumières de l’histoire des femmes. »
Au lieu de se tenir comme Sophocle, à l’épisode de l’interdit de la a sépulture de Polynice, par Créon, et du refus de la tyrannie par Antigone, privilégiant la loi des Dieux avec la tradition des honneurs dus aux morts, par rapport à la loi de la Cité (le décret de Créon), Bauchau inscrit les funérailles à la fin de l’histoire de la guerre de Thèbes. Il raconte toute une épopée. Epopée guerrière, histoire d’amour, relations familiales…La tyrannie de Créon n’entre en scène qu’après les trois quarts du livre.
« Nous les femmes, les sœurs, nous devons seulement enterrer Polynice et dire non, totalement non à Créon. Il est le roi des Thébains vivants, il n’est pas celui des morts. »
Antigone n’est pas seulement celle qui dit non. C’est aussi celle qui ne veut pas choisir l’un ou l’autre de ses frères, qui va tenter de faire la paix entre eux. C’est aussi l’héroïne qui va soigner les blessés, faire de sa maison un refuge pour les pauvres et pour des personnalités un peu étranges, comme le faux aveugle Dirkos qui chante les chants d’Oedipe, ou Timour, le Nomade cavalier et archer, qui apprend à Antigone le « chant de l’arc ». Antigone est une femme puissante, cavalière accomplie, archère.
Sans affaiblir la tragédie, Bauchau brode, interrompt son récit comme l’aède qui peut réciter des milliers de vers. Ce n’est pas un théâtre politique. C’est une véritable épopée.
Lu dans le cadre du MOIS BELGE 2022
J’avais abandonné « Oedipe sur la route » il y a quelques années, je ne sais plus vraiment pourquoi. Sans doute pas le bon moment.
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@Aifelle : c’est vrai, certaines fois on a d’autres urgences, d’autres préoccupations…mais Bauchau vaut vraiment une deuxième chance.
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Mais oui, Bauchau pour le mois belge, je l’oublie.
Et j’ai inséré une meilleure adresse, les nouveaux billets de ton blog apparaissent!
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@keisha . tu avais peut-être l’ancienne adresse LeMonde?
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J’ai lu les deux livres il y a très longtemps et j’ai beaucoup aimé. Je suis un peu triste de l’étiquette que tu mets à ce billet : littérature française. C’est au minimum de la littérature francophone, et c’est bien de la littérature belge 😉
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@anne : pour l’étiquette, je vais corriger. En revanche pour les catégories, tu peux voir en face qu’il y en a vraiment beaucoup et je n’ai pas encore créé la catégorie « Belgique », mes voyages en Belgique datent d’une période où je ne tenais pas encore de carnets de voyage. J’ai le même problème avec les livres suisses, canadiens ou africains : certains sont de la littérature « francophone » ou « africaine » certains sont tout simplement de la Littérature.
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@ Anne : merci pour le lien! Je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin!
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j’ai vu – lu de nombreuses versions d’Antigone aussi, un des mythes qui n’en finit pas de nous parler! j’ai vu une belle adaptation de celle là à Avignon l’été dernier!
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Cette relecture a l’air passionnante ! Tu as vu des mises en scène géniales, semble-t-il. Je ne l’ai vu qu’une fois (celle d’Anouilh) au festival d’Avignon il y a quelques années . C’était bien mais pas inoubliable.
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@claudialucia : si cela t’intéresse il y a eu une captation de l’Antigone ukrainienne
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Où ça ?
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@claudialucia : c est une citation de l’Antigone de Bauchau dans le chapitre intitulé « la colère » mais comme je lis sur la Kindle j ai seulement l emplacement comme repere
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