Le temps de Tamango de Boubacar Boris Diop et Tamango de Prosper Mérimée

LIRE POUR L’AFRIQUE

Le temps de Tamango

 

 

 

 

 

Le 4ème de couverture promettait:

« A travers ce roman de politique-fiction, Boubacar Boris Diop fait un bilan des années Senghor : celles de deux décennies de fausse indépendance du Sénégal.

la multiplicité des temps et des points de vue narratifs nous offre une vision à facette d’une société en décomposition.

une critique habile d’une pernicieuse domination culturelle et linguistique, à la façon des romanciers sud-américains… »

La période m’intéresse. Maïmouna de A Sadji, avant l’orage de S Badian  lus récemment, se déroulaient  avant les Indépendances. Les livres de Abasse NDione sont plus récents mais je n’ai rien lu des premières années des Indépendances.

Cependant la multiplicité des points de vue et surtout le parti pris de politique-fiction complique la compréhension de la lectrice lointaine qui n’a pas connaissance des faits réels. Roman à clés peut être? Clés que je ne possède pas! Les premiers chapitres m’ont d’abord déconcertée. Grotesque du Conseiller François Navarro, caricature de ministres-courtisans, d’un président solennel mais dépassé, je suivais à peu près…mais les documents d’époque (la narration se déroule en 2063) sont bien obscurs, une certaine lassitude de n’y rien comprendre m’a gagnée.

J’aurais eu tort d’abandonner. C’est bien après le milieu du livre que les personnages s’individualisent, qu’on s’attache au héros principal N’Dongo, révolutionnaire, gauchiste, romancier raté, et à ses camarades. C’est à la fin que le titre de Temps de Tamango s’explique. Tamango est le héros d’une nouvelle de Prosper Mérimée que je me suis empressée de télécharger.

Prosper Mérimée a créé des personnages mythiques archétypes comme Carmen. Moins connu, Tamango, a pourtant marqué les imaginations africaines. Nouvelle très dense, réquisitoire contre  la traite négrière, décrivant les odieuses conditions de traversée atlantique dans les détails les plus monstrueux, la marche des  prisonniers soutenant le prisonnier suivant, les menottes inrouillables, l’invention originale de Ledoux , les économies d’espace pour faire rentrer le plus d’hommes dans la cale….Certes, Tamango n’est pas une victime innocente : c’est lui qui a vendu les esclaves et  même sa femme Ayché alors qu’il était ivre.  Menant la mutinerie à bord du bateau, massacrant les marins, Tamango se  montre un chef de guerre redoutable et un bon stratège. Malheureusement, un mauvais marin. La révolte victorieuse ne permettra pas aux esclaves de revoir les côtes de l’Afrique.

Si la nouvelle de Mérimée est marquante dans le contexte historique, j’avoue que j’ai plus goûté l’histoire de Tamango racontée par l’écrivain Sénégalais, il donne des détails encore plus frappants, surtout dans la vie de Tamango à Joal. Le personnage de  Tamango a-t-il échappé à son créateur? Ou Tamango a-t-il vraiment existé? C’est un peu le destin de Carmen dont on connaît plus l’opéra que la nouvelle.

une blogueuse s’est attachée au rôle d’Ayché la femme de Tamango: ICI

lire également : ICI

Et si vous voulez écouter la version audio de Tamango cliquez LA

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Mbëkë mi – A l’assaut des vagues de l’Atlantique – Abasse Ndione

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Dès les premiers chapitres, j’ai pensé au film de Moussa Touré récemment sorti sur nos écrans : La Pirogue qui a été  primé au Festival de Ouagadougou en mars 2013 (je l’ai appris sur la plage de M’Bour). Ceci n’est pas l’effet du hasard:Abasse NDione  est à l’origine du scénario.

A l’assaut des vagues de l’Atlantique (2006) est le roman des boat people, de ceux qui tentent leur chance à bord des pirogues et  abordent l’Union Européenne sur les côtes des Canaries.

Douze chapitres courts, sobres, des personnages bien campés, humains, vrais. Une histoire bien racontée. Est-ce un documentaire? Est-ce un roman? On apprendra le prix de la traversée, les précautions des marins-pêcheurs, experts en navigation, la vie à bord, les espoirs, le drame, la solidarité, aussi.

Un film politique:  ainsi commence le livre:

« Cette année-là, il y avait eu un bon hivernage. les pluies avaient été  très abondantes. malheureusement, les récoltes avaient été mauvaises. par manque de bonnes semences;
l’état avait décidé de tuer tout bonnement la culture de l’arachide. la société nationale des graines avait été dissoute et le stock des semences sélectionnées supprimées…. »

La pénurie de poisson, la diminution des prises est aussi la cause de l’exode:

« – je savais que tu finirais par admettre l’évidence! les ressources de la mer sont en train de disparaître peu à peu. bientôt il n’y aura plus de poisson… »

Le manque de travail et d’espoir pour les jeunes :

Comment vont les affaires? demande le pêcheur à Lansana :

– » Rien de neuf! tout est monotone, on continue à compter les poteaux… »

Les risques énormes qu’ont pris les cultivateurs – qui n’avaient jamais vu la mer – ont été calculés, assumés par toute la collectivité villageoise qui s’est cotisée. Les 40 jeunes qui partent portent l’espoir de 4 villages. On comprend que l’émigration n’est pas le mirage de la société de consommation mais répond à l’urgence.

 

 

Maïmouna – Abdoulaye Sadji

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Dans la première partie, Abdoulaye Sadji   raconte l’histoire de Maïmouna, petite  fille de Louga, fille d’une marchande de légumes au marché. Petite fille simple, sa vie se déroule avec sa poupée,  dans la cour avec la volaille, au robinet où elle remplit sa bassine avec les petites filles de son âge qu’y si rassemblent « comme des hirondelles« . On voit Maïmouna se prépare pour une fête, fixer le hénné à ses talons, se faire coiffer par Lalla, danser…. Charmante évocation de l’éveil de la puberté, de la découverte de son corps.

L’adolescente rêve de Dakar où sa soeur richement marié tente de l’attirer. Sa maman Yaye Daro ne voudrait pas se séparer de sa petite fille. Devant son insistance, Daro cède. Maïmouna dans la splendeur de ses seize ans, prend le train pour la ville.

La seconde partie est la découverte par la jeune fille de la vie citadine. Sa sœur Rihanna la pare, lui ouvre ses salons, et se réjouit des succès de jeune beauté qu’on élit même Étoile de Dakar. Elle fréquente les riches parvenus de Dakar, bourgeoisie noire qui entretient dans la cour de la villa tout un cortège de flatteurs, de vrais ou faux dévots, mendiants et pique-assiettes, prétendants à un riche mariage. Rihanna et son  mari Bounana,  ont trouvé un mari convenable Galaye, riche, prévenant, amoureux.

Maïmouna n’aime pas Galaye, elle a consenti au mariage mais se laisse séduire par Doudou Diouf, le fin, jeune homme occidentalisé, croisé au cinéma, puis dans la rue sur sa bicyclette. Séduite…enceinte…abandonnée.

J’ai moins aimé cette deuxième partie, plus conventionnelle et plus attendue. Danger de la ville pour une innocente jeune fille, refrain connu!

Un chant nègre : Léopold Sédar Senghor -film de J-D Bonan (dvd)

FESTIVAL SÉNÉGALAIS

Quelques jours avant l’envol pour Dakar, j’ai trouvé de DVD à la bibliothèque dans la collection de La Bibliothèque du Centre Pompidou, collection diffusée dans les bibliothèques publiques de  prêt.

Il me semblait indispensable de consacrer mon attention à Senghor – grande figure du Sénégal.

Ce documentaire de 52 min. est vraiment magnifique, alternent des documents d’archives en noir et blanc, des séquences actuelles en couleur, vraiment très belles et des interviews d’artistes ayant côtoyé Senghor : le poète mauricien Edouard Maunick, le percussionniste Doudou Ndiaye Rose ainsi qu’une très belle performance du danseur Papa Sy.

Senghor le poète, Senghor le député puis le Président (discours de sa démission), Senghor le promoteur de la culture africaine avec en prime un discours de Malraux joué par un couple antillais, très drôle, puis la voix de Malraux.

Senghor en trois idées-forces : négritude, universalité, métissage

Un de ses amis a dit de lui :

« Quand il dit négritude, c’est la racine. quand il dit métissage, c’est les branches… »

 

 

Poème à mon frère blanc – Léopold Sédar Senghor

FESTIVAL SÉNÉGALAIS

 

Cher frère blanc,
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.

Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.

Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?

Léopold SEDAR SENGHOR

Hyènes – film de Djibril Diop Mambety 1992 (DVD)

FESTIVAL SÉNÉGALAIS

 

Préparant notre voyage au Sénégal, j’ai emprunté à la médiathèques plusieurs DVD sénégalais. Chaque fois : une surprise. De madame Brouette, à Guelwaar, en passant par Naye, ou récemment au cinéma la Pirogue, des productions, des styles très divers. Je n’aurais jamais imaginé une telle diversité.

Hyènes est un film flamboyant, théâtral, très original, avec une bande-son magnifique.

 

 

 

 

Quand j’écris théâtral, je ne fais pas seulement référence au scénario qui est l’adaptation africaine d’une pièce de Dürrenmatt : La visite de la Vieille dame, ma à la mise en scène du film haute en couleurs, loin de la réalité et du quotidien, aux costumes qui auraient plus leur place sur une scène que dans la vie de tous les jours : les soldats portent des costumes d’opérette rouges aux manches arrachées, les mendiants sont vêtus de sacs de jute, Linguène Ramatou est hiératique, raide avec ses prothèses en or, ses suivantes auraient plus leur place dans le chœur d’une tragédie antique que dans la banlieue de Dakar. Que dire de la japonaise aux lèvres trop rouge porteuse de menottes?

Loin de toute réalité les attractions de foire, clinquantes, les cabriolets-coupés de deux-chevaux rouge et noires qui surgissent dans le désert.

 

 

Animaux de légende contribuent à l’atmosphère de légende et de mythe dans laquelle baigne l’histoire de la vengeance de la petite bonne Ramatou engrossée par Draaman Drame, chassée du village,  devenue richissime, « plus riche que la banque mondiale, » vient acheter la condamnation à mort de Draaman en déversant des largesses sur Colobane et ses habitants, comparés aux hyènes. La solidarité des habitants est rapidement mise à l’épreuve de la corruption. « le monde a fait de moi une putain, je veux faire du monde un bordel »

 

 

 

 

 

La vieille dame aux pieds d’or symbolise-t-elle l’aide occidentale à l’Afrique avec son cortège de corrompus, de hyènes?

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little Senegal – Rachid Bouchareb 2001- DVD

FESTIVAL SENEGALAIS

Deux semaines avant le départ pour Dakar, ce tire a attiré mon attention, mais je me suis retrouvée au Etats Unis. Du Sénégal je ne verrai que Gorée, en prologue et en épilogue.

Film sur la traite des esclaves? Au début oui, Alloune, ancien guide de la Maison des Esclaves de Gorée,  du part à la recherche des esclaves de sa famille dans les archives américaines et parvient malgré les difficultés à reconstruire un arbre généalogique et à retrouver  des descendants encore vivants.

Rapidement l’action bifurque. New York, Alloune retrouve son neveu et un « Little Senegal », émigrés africains tentant le rêve américain. Les descendants des anciens esclaves ne sont pas tendres avec les nouveaux émigrés. Ils se considèrent pleinement américains et n’ont que mépris pour les Africains.  Alloune parvient à se faire embaucher par la dernière descendante des Robinson qu’il a identifié dans ses recherche généalogique.

A nouveau, le film prend une nouvelle tournure; On découvre la dureté de la vie Newyorkaise, sa violence, la primauté de l’argent, les combines, la délinquance. Alloune, le sage met de l’ordre dans sa « famille ». Une autre histoire se greffe sur la famille d’Alloune celle de Karim (Reschdy Zem) qui contracte un mariage blanc pour avoir des papiers américains. On ne comprend pas bien ce que cela vient faire là.

Film un peu foutraque, bien sympathique, plein de surprises porté par la présence magnifique de Sotiguy Kouyaté. De belles vues de New York, mais on ne saisit pas très bien le propos. Le thème de l’esclavage est à peine abordé et les bons sentiments opposant une solidarité africaine à l’égoïsme américain sont un peu simplistes.

 

Niaye film de SEMBENE Ousmane 1964 dvd

FESTIVAL SENEGALAIS

noir et blanc – 35 mn 4/3

Film d’un autre temps?

d’un village ou les cases sont de bois et de paille, de canisses les palissades. Où les traditions ancestrales semblent régner.

Pourtant les cases vides qui s’effondrent témoignent déjà de l’exode rural. comme le trône du chef du village, un transat de toile, les anciens ont encore en mémoire la noblesse des castes. mais on sent la décomposition.

Le griot raconte la honte répandue sur le village : le chef a conçu un enfant incestueux à sa fille. La mère ne supportera pas l’opprobre. Son fils est rentré fou de la guerre coloniale. il arpente la place en uniforme avec son drapeau au pas militaire. la musique militaire « au près de ma blonde «  couvre la musique du griot… les catastrophes se succèderont jusqu’à ce que la petite fille soit chassée avec son enfant.

http://www.africanfilmlibrary.com/Movies/Video/9317/988/Niaye

Madame Brouette – film sénégalais de (DVD)

FESTIVAL SENEGALAIS

Mati – madame Brouette – vend toute sorte de marchandises au marché avec sa brouette.

Au début du film une scène nous interpelle : d’un  taxi, un homme travesti en femme en robe rouge le visage peint comme un masque, débarque dans la chambre et veut voir son enfant. Mati le met en joue. Le coup part. Accident ou crime passionnel. la police et un journaliste de télévision effectuent la reconstitution.

Les femmes prennent le parti de Mati tandis que les hommes l’accusent. Un groupe de griot chante comme un chœur antique

 

 

Mati est-elle capable de tuer Naago, son amant,  le policier corrompu, le dragueur, le père de son enfant qui a préféré faire la fête que d’assister à la naissance?

Certes Mati ne se laisse pas faire. Elle tire son amie des coups de son mari. les deux femmes décident de vivre sans les hommes, de se débrouiller seules, de monter une affaire, une gargote, promesse d’indépendance et de richesse. A peine ont elles pris la décision de s’installer ensemble que Mati tombe amoureuse de Naagot, et rapidement enceinte.

Désillusion, Naagot installe Mati dans un hôtel borgne, amant infidèle sûrement, maquereau peut-être? Forte femme, elle réagit ,  mène une affaire de contrebande pour réunir les fonds nécessaire à l’achat de sa gargote. Enfin, Mati réalise son rêve. Sa fille est très touchante, le très joli duo avec le gamin du quartier m’a ému. Le bonheur est-il à portée de main? Arrive le drame.

 

 

Film enlevé, des acteurs sympathiques, de la bonne musique, les couleurs africaines, de l’humour.

 

 

 

 

 

 

 

 

La Pirogue film sénégalais de Moussa Toure- avec Souleymane Seye Ndiaye, Laïty Fall.

FESTIVAL SENEGALAIS

Entre 2005 et 2010, 30 000 Africains ont tenté leur chance sur des pirogues. 5000 ont péri en mer, c’est un film qui leur est dédié, dit le générique. Rien que pour cette raison il faudrait voir ce film.

mais ce n’est pas un documentaire, c’est du vrai cinéma avec des personnages forts, les héros, le capitaine, le passeur, mais aussi les personnages secondaires qui ne sont jamais des figurants et qui sont si différents. Sénégalais, Guinéens, Peuls, musulmans ou animistes, jeunes rêvant de musique, de football ou de bonnes fortunes, mais aussi un pêcheur infirme qui fait le voyage pour se procurer une prothèse, des hommes et des femmes si forts, si dynamiques, si vivants…

 

Une mise en scène soignée nous offre aussi du spectacle. Spectacle de lutteurs en introduction, tempête, et belles images des campagnes qui hantent les têtes des passagers, baobabs ou vaches peules aux cornes si gracieuses.

 

Ne pas spoiler! C’est un vrai beau film avec une histoire très prenante. Arriveront-ils? Réussiront-ils à accomplir leurs rêves. Il faut aller voir le film.