LIRE POUR LA BULGARIE

A l’ arrivée dans ma boîte aux lettres de Anima, j’ai chaussé mes chaussures de randonnée, pris le bâton télescopique pour suivre Kapka Kassabova dans ses montagnes bulgares du Pirin sauvages, avec un enthousiasme renouvelé après la lecture de Lisière, Elixir et de l’Echo du Lac qui se déroule un peu plus loin.
J’ai lu récemment Les Cent frères de Manol d‘Anton Dontchev et malgré le grand saut chronologique j’ai retrouvé l’univers des bergers et Anima m’a éclairée sur les différents bergers, bulgares ou Yörüks déjà présents au XVI ème siècle. Il me semble d’ailleurs que leur mode de vie a peu changé.
Anima raconte la vie pastorale dans ces montagnes des Balkans. Vie pastorale où le nomadisme est encore très prégnant : nomadisme des origines, nomadisme des Roms, et tout simplement transhumance annuelle à la recherche des pâturages d’estive. L’autrice situe les différentes tribus nomades dans cette mosaïque de populations qui constitue les Balkans. Bulgares, mais aussi turcophones, hellénophones. En filigrane, le souvenir des tapis, des yourtes venus d’Asie Centrale ou d’Anatolie.
Anima raconte la relation très forte aux animaux. Ovins, caprins et bien sûr les chiens nécessaires à la protection des troupeaux. Chevaux presque sauvages pour le portage du matériel là où les jeeps et 4×4 ne peuvent accéder. Prédateurs : loups et ours, invisibles, mais bien présents. Les animaux domestiques sont de races locales, adaptées aux conditions difficiles de la haute montagne : karakachan que la modernité a fait presque disparaître au profit de races standardisées peut être plus productives mais que des passionnés tentent de maintenir au nom de la biodiversité génétique, richesse du vivant. Les animaux ont une très forte individualité, surtout les chiens. Chaque chien a sa place dans la meute et le troupeau, son caractère, son nom. D’ailleurs, au début du livre je n’ai pas toujours fait la différence entre les noms humains et canins. Même les brebis, les béliers, les agneaux sont individualisés. Je me suis attachée à ces personnages-animaux comme aux personnages humains.
Le titre Anima fait-il référence à ces animaux? Pas sûr, parce que animaserait aussi l’âme, le souffle, l’essence de la vie. Dans la solitude de la montagne les bergers deviennent-ils philosophes? l’autrice rêve de symboles vivants « je suis animus » faisant référence à la psychologie jungienne, à une psyché collective. Je suis très ignorante de Jung. En revanche, je suis réceptive au dialogue entre civilisés et nature sauvage personnifiée p.366 par l’apparition de 4 chamois sur un épaulement, ou de « dix chèvres alignées, tels des démons barbus aux yeux jaunes »
Anima raconte le quotidien des hommes dans la situation extrême de la transhumance, quand le berger est seul face au troupeaux et aux éléments, tempêtes ou brouillard. L’entraide nécessaire entre les bergers, la relation biaisée au patron, à l’éleveur qui apporte avec les vivres, les croquettes pour les chiens, la rakia, l’alcool que les bergers vont consommer à l’excès. Relation très forte entre les partenaires que l’alcool va abimer. Histoire d’amour ou d’amitié qui ne résistera pas à l’addiction.
J’en ai déjà trop écrit, à vous de lire Anima, de vous dépayser, de découvrir toutes les richesses cachées du livre.
P.S. J’ajoute que l’objet-livre, comme les précédents, est très beau, belle couverture, beau papier, composition originale.


















