CARNET MACÉDONIEN

L’établissement est perdu dans la campagne. Derrière le Baptistère de Lidia, une petite route longe la route Kavala/Drama. Derrière un champ de tournesols, dans un complexe en briques, pelouses et jardins, se cachent deux piscines rondes. Hommes et Femmes séparés. Entrée 6€. La copine d’Elsa me reconnait, elle sait que je suis française : et professeur et que je comprends un peu le grec. Elle me pilote :
– « d’abord visitez les toilettes (pas de porte). Ensuite douchez- vous »
Vestiaire commun ; le jet de la douche est très puissant.
Ensuite elle me guide jusqu’à une échelle métallique qui descend dans la boue.
– « il faut s’allonger ! »
Au début je ne comprends pas. Deux femmes jeunes rieuses me font des signes. J’essaie de les rejoindre en marchant. Impossible avec la résistance de la boue ! je m’épuise. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder. On rampe allongée. La boue nous porte. L’eau en surface est chauffée par le soleil, l’argile est plus fraiche. Il faut s’enduire complètement la tête et le visage pour éviter le coup de soleil. C’est un plaisir enfantin que de tripoter l’argile grise, de l’étaler, d’écraser les mottes. Plaisir de se sentir enrobée dans sa nudité, de se sculpter soi-même une silhouette primitive de déesse-fécondité aux fesses exagérées et aux seins pendants. Ridicule amusant de la figure enduite ! On « fait la planche » mieux que dans le meilleur des lits pour se retourner sur le ventre. Toutes mes vieilles douleurs aux épaules et aux reins sont effacées. On vient au x bains de boue en société. A chaque échelle des groupes se sont formés. Les femmes bavardent et rigolent. Seule c’est un peu barbant. Dès que les deux jeunes femmes sortent je copie leur trajectoire et m’extirpe à grand mal du magma. Près de l’escalier des filins permettent de se hisser. Des cordes servent à se racler et à enlever un maximum de boue. La douche énergique doit être complétée en se frottant. Autant le bain était relaxant, autant le jet est violent. Les femmes passent d’un jet à l’autre dans un cérémonial incompréhensible. Enfin, explique Elsa, il ne faut surtout pas se savonner ou se shampooiner. Un hammam complète la séance. Par 35), le hammam est permanent ! Je saute donc cette étape. De retour aux Studios Anesthis, tout le monde me questionne sur la douceur de ma peau. Pour un bienfait thérapeutique il faudrait faire la cure sérieusement. On peut aussi voir l’aspect récréatif ou celui du soin de beauté !
Orage
La matinée était lumineuse. Vers midi les premiers cumulus ont bourgeonné. En rentrant, l’horizon est gris très foncé, les crêtes de Bulgarie sont cachées. On devine l’averse sur la montagne la plus proche. Les premières gouttes s’écrasent sur le dallage de la cour des Studios Anesthis. Grosses gouttes qui mouillent à peine. Chacun se met à couvert sous les avancées des toits. Les éclairs zèbrent les nuages. Enfin, une averse drue se déclenche. Les gouttières débordent. La cour est noyée. Il faut entrer dans le studio qui a accumulé la chaleur de la journée alors qu’on préfèrerait prendre plaisir sous la pluie bienfaisante.
Une heure plus tard, on peut dîner sur le balcon.
Anestis a peint et travaillé toute la journée à l’étage sans même faire la trêve de la sieste. Avec ses copains, entre hommes, ils improvisent un dîner de brochettes sur le barbecue abrité sous l’auvent. Elsa et les femmes ont disparu. Deux hommes sont à l’ordinateur tandis que les autres surveillent les braises. Ils ont mis de la musique et font la fête entre eux. Les chats se sont cachés de la pluie.