CARNET DES POUILLES

Un bon petit vent a chassé les nuages du matin. Enfin nous traversons Rodi Gargano sous le soleil ! Nous voyons la route de Rodi à Peschici sous une lumière favorable.
Mirador ( comme on le dirait en Espagne): sur une pointe est installée une tour carrée ayant fait partie du dispositif de défense espagnol de Pedro de Toledo vers 1550 au moment où la flotte turque (voir l’histoire de la pierre amère de Vieste) (chercher également la date de la bataille de Lépante)

. Sur un promontoire, un trabbuccho, filets quadrangulaires suspendus à des tiges de bois comme les carrelets que l’on voit à Royan. Avec la falaise de craie, la ressemblance est frappante.
Peschici, comme Vieste, est un village blanc perché sur une arête rocheuse. Il n’a pas le blanc éclatant des maisons grecques passées au lait de chaux. Le blanc est un peu vieux, un peu sale, patiné de sel sur les maisons des pêcheurs ou sur les palazzi que l’on reconnaît en levant les yeux, à une porte plus finement sculptée, à un balcon reposant sur des volutes baroques
Ruelles en pente et escaliers, nous arrivons au château du IX ème siècle(tout au moins ses fondations) parce qu’il a été détruit par les Vénitiens appelés par le pape Pie IX contre l’avis de Frédéric II (Encore lui !) Sous ses dehors de modeste village de pêcheurs, Peschici est de noble origine !
Au marché, l’un des marchands nous fait goûter une pêche délicieuse, mûre à point ; il en remplit un sac pour 3€ aux clients qui nous précèdent. Il me propose des figues, un prix dérisoire si j’emporte la cagette. Je plaisante avec lui : j’en ai un arbre devant ma maison ! Ce qui est tout à fait vrai ! Je lui demande un demi kilo de haricots verts et un demi kilo de carottes. Il ramasse tous les haricots qui restent sans les peser et rajoute un panier de champignons qui ne nous sera d’aucune utilité, comme cadeau. Les courses se déroulent dans le flou artistique ou l’arbitraire du commerçant. La transaction la plus simple se termine par un cadeau : un rabais inattendu, une mesure de plus. Le marchand veut faire plaisir au client même si, auparavant il l’a truandé sur le prix ou le poids. Et malheur à celui qui demande le scontrino ! Hier, achetant six cartes à 25 cent et 6 timbres à 60 centimes on nous réclame 6€95 au lieu de 5€10, je demande alors le reçu. Pas de problème le vendeur revient avec un ticket de 1€5o. De toutes les façons les achats de fruits et légumes sont à des prix dérisoires.

je m’inscrit à l’excursion en bateau dans les grottes en compagnie d’une soixantaine de touristes pendant trois heures dans l’après midi
L’attente à Vieste est agréable: on loue un parasol et des lits (ombrelone et lettini) pour attendre confortablement le bateau.
La plage la plus proche du port est presque entièrement vide. Nous choisissons un emplacement près de l’eau. Aucun plagiste ne vient réclamer la location.Pique-nique. Les derniers estivants rentrent déjeuner chez eux. Pourquoi ne paie -t – on pas ? Le plagiste est il en train de déjeuner lui aussi ? N’y a t il pas de plagiste en cette saison ? Sommes nous sur les emplacements d’un hôtel ?
J’embarque sur le Valentina, grosse barque à moteur équipée de nombreux bancs de bois. Arrivée dans les premiers j’ai le choix de la place. Je choisis bâbord. C’est une erreur : à l’aller la meilleure vue sur Vieste est à tribord, au retour je me ferai tremper.
Nous quittons Vieste à petite vitesse contournant le phare, le rocher portant le grand couvent, la ville. Après une belle plage, malheureusement très aménagée, nous retrouvons les falaises blanches. Les petits bancs calcaires sont soulignés de lits de silex le plus souvent continus qui marquent la stratification. Les couches sont généralement horizontales, hachées de failles décalant les bancs. Parfois une série de bancs est repliée en plis contournés. Sur une épaisseur de plusieurs mètres la stratification est disloquée, les silex dispersés, je crois voir des slumpings. Plus haut, la superposition des bancs horizontaux recommence. Dans quelle mer cette craie s’est elle formée ?
Des îlets se détachent de la côte ; l’un d’eux fait penser à une tête, deux îles ressemblent à une tortue.
Le bateau entre dans de très grandes grottes où il peut manœuvrer. Malheureusement, les gens se lèvent, photographient au flash, la croisière perd un peu de sa magie. Le toit de la grotte est une voûte en cloche comme celle d’un fontis. Je pense à enlever les lunettes de soleil : la roche est bleutée reflétant le bleu de la mer sur la paroi.
La promenade le long de la côte est tranquille, je pense à notre croisière depuis Zadar jusqu’à l’île de Cres. Les pins s’accrochent à la haute falaise, ils ont parfois des airs chinois.
Les barques emportant des touristes se font la course entre elles. La Veronica est la plus grosse.
Arrivés à Mattinata, le marin en T-shirt bleu recommande de bien tenir son chapeau, cela va décoiffer. En fait de vent, c’est plutôt de l’écume. Le bateau est soulevé comme un hovercraft. Comme je suis au fond, je suis arrosée d’embruns. Je cache précipitamment l’appareil photo, essuie les lunettes de soleil, peine perdu. Le paysage est éclaboussé d’un jet d’écume.
Nous entrons dans une crique pour la baignade. J’ai cru un moment que la « douche » tenait lieu de bain de mer. Un autre bateau est déjà sur le gravier. La plage de gravillons est prise d’assaut. J’accroche mon t-shirt à mon sac à dos et me précipite à l’eau. Le vent qui agite la mer cause une certaine turbidité, l’eau est moins transparente que la dernière fois. D’ailleurs, j’ai oublié mon masque. En revanche, l’eau de la crique ne bouge pas, pas une vague. Je peux donc nager, faire des longueurs comme à la piscine. Je guette d’un œil mon sac de l’autre le bateau.
Le retour s’effectue dans les embruns, je suis mouillée, peu m’importe d’être douchée en plus !