Lecce, ville baroque

CARNET DES POUILLES

Lecce baroque

Comment raconter cette ville baroque sans recopier le Guide Bleu ou sans faire la litanie de palazzi, d’églises ou de placettes aux allures de décor de théâtre ? Combien de places ?

Quelle est la représentation jouée ici? la grandeur de l’Eglise en ces temps des Espagnols et de la Contre-Réforme ? Foisonnement de sculptures, de colonnes torses, d’atlantes et de cariatides. Etrange mélange des images pieuses précises, de femmes nues, d’angelots joueurs, de monstres marins, de chevaux…statues colossales de la Justice et de la Piété. Mais aussi bouquets et guirlandes de fleurs. L’intérieur de certaines églises ressemble à une salle de bal avec des moulures en stuc comme une pâtisserie à la crème fouettée. L’ensemble est tout à fait harmonieux.

Lecce est une ville vivante avec de nombreux festivals de musique et concerts. La RAI installe les sonos et l’électricité au Duomo, nous en interdisant violemment l’accès : »via !» me suis-je entendu dire quand je me suis interposée entre leur camion et le portail de la cathédrale pour faire des photos. Partout des estrades et des chaises. Beaucoup de bâches et d’échafaudages cachent les façades en restauration. On ne peut que s’en féliciter, même si, sur l’instant, je les maudis. Heureuse initiative : l’automobile est bannie du Centre Historique. Seuls de petits véhicules électriques, nous surprennent, ils approchent en silence.

Dans un kiosque, je trouve Le Monde. C’est un évènement, je ne l’ai pas eu depuis Naples.

Ce n’est pas la première ville baroque que nous visitons. L’étonnement, la surprise, ce fut à Noto, en Sicile en 1998 . Le village perdu, véritable décor de théâtre d’un autre siècle ! Si décoré, si parait, il se dégageait une impression d’étrangeté. Plus tard, à Syracuse, surtout à Palerme, nous nous sommes familiarisées avec les décors surchargés, les angelots, les pampres… Dominique Fernandez nous avait guidées, pointant du doigt l’humour des putti de Serpotta dans les églises palermitaines ou dans la villa des Grotesques. Grâce à cet auteur, j’avais goûté le baroque sicilien sans me laisser trop impressionner par la grandiloquence. Dans notre lecture des foisonnantes sculptures, il avait attiré notre attention sur un geste insolent, ou inconvenant d’un petit garçon : grâce parfaite des œuvres de Serpotta.

A Lecce, nous n’avons que le Guide Bleu, moins littéraire, pour étudier les façades et les édifices.

Confondant la porte de Napoli et la porte Rudiae, nous effectuons l’itinéraire du Guide à l’envers en commençant par la Chiesa del Rosario (1691 1728). A l’intérieur, un homme gratte son lotto. Cette opération profane est chargée d’une grande angoisse et d’une grande piété. La superstition déborde. Il jette des regards désespérés. A-t-il honte d’être surpris dans cette activité dans une église ou l’enjeu est il d’une importance capitale ?  Il ne gratte pas toute la carte à la fois. Un numéro, une prière, un regard affolé de notre côté. Peut être notre présence contrarie l’intercession divine ?

Chiesa del Rosario

Le maître architecte de la chiesa del Rosario est Giuseppe Zimbalo(1620 -1710) . Lui aussi animé d’un humour railleur, ne recule pas devant le grotesque des cariatides ou des monstres qui voisinent avec les statues des saints. Les putti jonglent avec des mitres ou la tiare papale.

Piazza ignazio Falconieri

Il ne faut pas avoir les yeux rivés sur le Guide. La corniche des balcons soutenue par des chevaux, un patio croulant sous la vigne vierge, un escalier monumental découverts au hasard de la promenade, offrent autant de surprises à savourer avec le plaisir supplémentaire de la découverte personnelle.

La grande place Sant’Oronzo est d’architecture disparate : elle comprend un amphithéâtre romain, une très jolie église s Marco (vénitienne ?) avec le Lion de Venise mais aussi des immeubles mussoliniens, des banques des années 60 . Ici aussi le baroque délirant règne : au sommet d’une colonne antique, un évêque baroque semble prendre son envol. Le commentaire du Guide Bleu rajoute dans la surenchère : cette colonne est celle qui aurait marqué à Brindisi la fin de la Voie Appienne. Elle aurait été acquise contre quelques mètres d’excellent boudin. Et voici le burlesque qui revient au galop !

Le Castello Carlo V est ouvert : en restauration on a peu de vues d’ensemble. Des salles abritent deux expositions de peinture contemporaine qui m’ont beaucoup plu surtout celle de Virgilio Vairo qui a pour thème des variations sur les thèmes du trabucco – grandes huiles bleues traversées de lignes sécantes, les perches ou courbes, les filets- tableaux déclinant les lignes de l’olivier . On reconnaît aussi MonteSantAngelo dans des études de villes, figures géométriques, à plat blancs, arches et toits. Cette promenade picturale autour du Gargano nous rappelle les paysages familiers.

Lecce santa Croce

La dame de l’exposition nous recommande de visiter Santa Croce,la plus belle et la plus originale des églises de Lecce avec sa verrière ronde inattendue.

santa croce atlantes et caryatides

Il commence à faire chaud même en suivant les trottoirs à l’ombre. Il est temps de rentrer pour profiter de notre belle piscine de La Fortuna.

Nous rentrons en une petite heure sous la canicule. Le thermomètre de la pharmacie de Manduria marque 38° à l’ombre. Le soleil est écrasant. Le paysage grisâtre, gris le ciel, gris les oliviers, l’herbe sèche…Un mirage, les phares allumés d’une voiture se reflètent sur la chaussée : on dirait un incendie qui se rapproche de nous.

La piscine, à l’ombre des grands pins est un vrai bonheur. Elle est maintenant complètement remplie, mais l’eau est toujours aussi froide. Je lis avec appétit Le Monde, petite déception, il est mince avec le supplément télé inutile.

Un épisode comique : la chienne boiteuse fait irruption. elle se penche pour boire dans la piscine sans y réussir. Je mets mes mains en coupe pour l’aider. Elle est assoiffée et boit dans mes mains. Pour me remercier, elle me lèche. Elle est en chasse et me dégoûte un peu. Les deux autres chiens la suivent. Nous distribuons les derniers biscuits de MonteSantAngelo tellement durs qu’ils sont immangeables. Tandis que nous nageons, la truie arrive en clopinant. C’est tellement drôle cette association : la truie à la piscine ! Je vais chercher l’appareil photo mais cela l’effraie. Il faudra faire un montage si nous voulons raconter cet épisode dans l’album !

Pour terminer la journée, nous retournons à San Pietro en Bevagna et nous installons à la plage désertée par les baigneurs qui rentrent dîner.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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