Gramvoussa

CARNET CRÉTOIS

 

Gramvoussa, encore sauvage


Kissamos s’appelle aussi Kastelli, souvenir d’un fort vénitien. Kissamos, le dimanche matin, est si bien endormie qu’on trouve juste une pâtisserie ouverte et elle n’a pas encore garni ses rayons. Point de feuilletés pour midi ! C’est encore un village intouché par le tourisme de masse. Le bateau pour le lagon est à quai et ne partira pas aujourd’hui. Il y a un musée archéologique, des thermes romains et encore un autre site mais l’archéologie n’est pas au programme d’aujourd’hui.

La piste de Gramvoussa commence après Kalivani. Un écriteau signale qu’un péage d’1€ est prélevé au km5, mais nous ne trouverons personne. Nous engageons la Suzuki Alto avec appréhension : c’est vraiment une petite voiture le premier véhicule que nous croisons est une vieille BMW, pas un4 x4, ensuite les pickups des bergers, ce qui ne nous rassure pas. C’est au début du parcours que la piste est la plus raide. Le sommet de la péninsule s’élève à 762m mais la piste ne dépassera pas 250m. Dans la pente, elle est escarpée, ravinée et pleine de gros cailloux. La voiture peine. Je parcours la suite à pied pour voir si cela empire.  Non ! Au contraire, après la pente s’adoucit. Vers la fin je marche dans un paysage sauvage de garrigue ou phrygane : la phrygane est une garrigue basse, ici c’est bien le cas. Des coussins épineux, des cistes presque rampants. Ici les arbres ne poussent pas. Il y en quand même un à un tournant, deux, pas plus. En revanche, c’est le royaume des chèvres. Livrées à elles mêmes, elles sont couchées sur la piste et ne se lèvent, avec mauvaise volonté, qu’au dernier moment s’agenouillant lentement et se dépliant sans hâte à l’approche de la voiture. Une C1 double la Suzuki, si une si petite voiture peut monter, nous aussi !

Une petite cantine de planches est installée sur le parking au bout de la route. Plusieurs panneaux indiquent des balades à pied : View point (10mn)(mauvais plan on ne voit rien)

Le lagon Bali : 20mn.Un écriteau Natura2000 capte mon attention. Il signale une micro-réserve pour Anthemis globerina  ou Agria Grambousa  qui ne pousse qu’ici et sur l’ilôt d’Imeri. Petite plante annuelle aimant un sol calcaire, germant en automne et fleurissant en avril/mai. Cette plante rarissime devrait être en fleure maintenant ! Ma curiosité est aiguisée. Je veux absolument photographier Anthémis Globerina. Je tiens le regard au sol pour la chercher. Dans mes observations herborisantes  je remarque  de minuscules géraniums bleus hauts peut être de 2cm aux fleurs à peine plus grandes que celles des myosotis avec de vraies feuilles de géranium, de minuscules iris en boutons que je prends d’abord pour des crocus pas éclos. Toute la végétation est miniaturisée- rabougrie, diraient les Canadiens – un petit chêne vert ne dépasse pas 30cm mais il est bien reconnaissable, de même les pistachiers. Seules les sauges ont évité le rétrécissement. Elles prospèrent ici avec leurs beaux pompons jaunes. Les ajoncs sont aussi fleuris, minuscules, eux aussi.

les nuages s'accrochent sur le sommet

Le sentier est bien tracé, pas de balise à la peinture : une rangée de cailloux alignés sur chaque bord. Il faut dire que les cailloux, ce n’est pas ce qui manque ! Il vaut mieux choisir l’endroit où on doit poser le pied pour ne pas se tordre la cheville. Au début, cela descend. Logique puisque je vais à la plage ! Mais il se met à remonter. La montée est interminable.  Le vent qui se lève m’indique que je passe un petit col. Cela ne m’inquiète pas. Cela devrait, je marche depuis 40m,. Je me retourne : le sommet de Gramvoussa a accroché un nuage menaçant. On dirait qu’il va faire mauvais alors qu’au dessus de la mer le ciel est tout bleu. Le sentier ne redescend pas du tout. Il reste sur une crête. Au but d’une heure, j’atteins sur  borne : un cadran solaire. J’ai enfin compris que j’ai pris le mauvais chemin !

Au retour, je trouve le sentier du lagon à gauche de la Pancarte Natura2000 qui avait capté mon attention. Si pressée de trouver ma fleur je n’avais pas vu la flèche avec  BALOC écrit en grec !

la chèvre préfère les voitures bleues!

Pique-nique au parking : avocat-saucisson puisque tout était fermé à Kissamos. La chèvre blanche et noire a fait sauter le couvercle de la poubelle. Elle y plonge ses pattes antérieures et sa tête et ressort tout ce qui lui plait : peau de banane, épluchures de pommes et papiers gras. Elle ne dédaigne même pas une boîte de conserves de Haricots géants à l’huile… Nos écorces d’avocats ne lui plaisent pas. Une petite chèvre noire s’approche. La grande qui porte une clochette (la chef ?) la pousse d’un coup de tête. Puis elle s’attaque à la poubelle suivante et d’un bond s’élance sur le capot d’une belle Peugeot Bleue et du capot, sur le toit. Ainsi juchée, au dessus de tous, elle joue la star. Tout le monde se précipite pour la photographier. Elle frappe du sabot la tôle de la 207. Notre Suzuki chocolat est garée juste à côté. D’un saut elle aurait vite fait d’atterrir dessus. Non la chèvre a ses goûts et ses couleurs.  Elle préfère les voitures bleues et en choisit une autre de l’autre côté du parking !

le lagon de Bali

La descente au lagon est facile, le sentier descend tranquillement. Les passages fréquents l’ont adouci. D’une terrasse maçonnée on découvre l’eau turquoise enchâssée dans el sable blanc, comme une pierre précieuse. Une chaussée de rochers plats ferme le lagon vers le sud. Une  île comme une forteresse reliée par un mince tombolo de sable blanc tout juste recouvert d’une faible épaisseur, le sépare de la mer ouverte. Les courants sont matérialisés par des trainées plus turquoises ou bleu profond. La plage est blanche éblouissante, une vraie merveille ! Une surprise dans l’environnement austère et sauvage de la péninsule déserte.

Les plages merveilleuses se méritent : de la terrasse descendent des marches sur au moins 1 km, 10 minutes de descente.

Bali : une plage de rêve

Dès que je foule le sable d’une blancheur incroyable, je quitte mes chaussures. Près d’un rocher le sable est constitué d’une accumulation de coquilles blanches, parfois cassées, parfois entières non loin, les grains sont très doux, très fins. Marcher dans l’eau, me rassasier de cette beauté. En profiter, ne pas repartir trop tôt avant de l’avoir savourée toute. Cette transparence, la finesse du sable, les petits poissons qui filent entre mes pieds…. Au bout d’une cinquantaine de mètre, je découvre la première plaque de mazout qui encroûte la roche du rivage, puis d’autres… Quelle tristesse !quelle fragilité ! Une telle merveille a été souillée par une marée noire, un dégazage. Tout le lagon est pollué. Ce que j’avais pris d’en haut pour des algues, pour des figures de courants, ce sont des boulettes de mazout. J’en suis révoltée.  J’aurais dû voter Éva Joly ! Peut-être en est-il encore temps ? D qui a la procuration n’est peut être pas encore allée au bureau de vote ? De la terrasse, j’avais remarqué, alignées, des taches noires. J’avais pensé à des chèvres. Ce sont des sacs-poubelles remplis, noués, qui attendent d’être évacués par mer. Je n’aurais jamais deviné. Je remonte atterrée. Tant de beauté, tant de fragilité.

les poubelles de mazout

L’isolement, la difficulté d’accès a préservé un petit coin de nature sauvage. La menace est venue de la mer.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

3 réflexions sur « Gramvoussa »

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