LITTERATURE AMERICAINE/ISRAEL
16
C’est encore dans le blog de Kathel que j’ai trouvé ce livre! Depuis un moment je n’avais pas lu Philip Roth. Avec le temps de lecture octroyé par le confinement (oui! la lecture est essentielle comme manger et boire) ce pavé (650 pages en poche) me semblait tout à fait indiqué.
Opération Shylock, un tel titre suggère un thriller, de l’espionnage…
Thriller? Sûrement pas, le rythme est paresseux avec des digressions incroyables.
Espionnage, presque, Roth embauché par le Mossad, qui l’eût cru?
Shylock ? Nous digressons sur Shakespeare : Roth, très littéraire, nous emmènera aussi du côté de Dostoïevski. Shylock , « Trois mille Ducats » ,le marchand de Venise, l’archétype du Juif. Il sera question d’antisémitisme. C’est même un des thèmes principaux du livre. Paroxysme de l’antisémitisme : on assiste à des audiences du procès de Demjanjuk (Ivan le Terrible de Treblinka) à Jérusalem. Antisémitisme ordinaire, en Ukraine, Pologne ou aux Etats Unis. Même un burlesque club des Antisémites Anonymes sur le modèle des Alcooliques Anonymes, ayant pour but de désintoxiquer des antisémites repentants. Comédie et tragédie mêlés, comme souvent, dans un humour juif ravageur.
Une confession? on pense plus à une psychanalyse qu’à l’aveu d’une faute. Auto-analyse, Freud fait partie de la culture juive newyorkaise, comme chez Woody Allen ou chez d’autres. Hilarante comparaison entre l’injonction de se taire, ou de cesser la médisance, d’un rabbin Polonais Hofetz Haïm et celle de parler de Freud.
L’histoire commence par la convalescence de Philip Roth atteint d’une grave dépression, effet secondaire d’un médicament : l’Halcion. Tout juste guéri, l’écrivain se met au travail : il a prévu une série d’entretiens avec Aharon Appelfeld qu’il va rencontrer à Jérusalem en janvier 1988, début de la Première Intifada alors que se déroule le procès Demjanjuk.
A Jérusalem, Roth rencontre son sosie qui, non seulement lui ressemble physiquement, mais qui prétend s’appeler également Philip Roth. Il usurpe son identité pour profiter de la notoriété de l’écrivain afin de rencontrer des autorités (Lech Walesa, et pourquoi pas Yasser Arafat à Tunis). Le faux Philip Roth est le promoteur d’un mouvement politique : le diasporisme qui prétend au retour des Juifs Ashkénazes en Pologne, Roumanie et Allemagne (d’où il proviennent). Cette thèse scandaleuse fait l’affaire des Palestiniens.
Etrangement, Philip Roth ne dénonce pas cette usurpation d’identité et ne s’entoure pas d’avocats chargés de clarifier cette affaire. Au contraire, il s’amuse du romanesque de la situation, s’empêtre dans des situations scabreuses et soutient les thèses improbables du diasporisme. On ne sait plus qui est qui, qui pense quoi . L’écrivain voit dans le thème du double une contradiction intéressante stimulant son imagination. Pour s’y retrouver (et pour que le lecteur ne soit pas complètement perdu il nomme l’autre Philip Roth Moishe Pipik, surnom enfantin qu’on attribue aux enfants qui font les intéressants, Moishe petit-nombril, surnom péjoratif pour rabaisser l’imposteur? Le roman, la confession, ne serait-il pas nombriliste? On est pris parfois d’un doute, ce dédoublement de la personnalité ne serait-il pas plutôt imputable à l’Halcion, le médicament aux effets secondaires psychiatriques?
Les péripéties sont tellement invraisemblables qu’on navigue à vue. Et si l’opération Shylock était une manipulation habile? En plus de cette intrigue compliquée, Roth nous raconte des souvenirs d’enfance. Il fait des détours par des références littéraires ou philosophiques. J’ai le tournis et je suis tentée d’abandonner ce maelstrom quand il expose des délires antisémites difficiles à lire (j’ai sauté des paragraphes entiers). Et culot incroyable, Houtzpah phénoménale! il ose, après 577 pages, terminer le livre par un épilogue : En général les mots gâchent tout.
Je ne suis pas sûre que j’accrocherais à une intrigue aussi embrouillée.
J’aimeJ’aime
Embrouillé c est le motet le reproche que je ferais à ce livre. Mais par ailleurs il est tellement riche et drôle que je le recommande quand même
J’aimeJ’aime
Comme toi, je l’ai trouvé parfois long, mais il y a des passages tellement géniaux qu’il faut le lire tout de même !
J’aimeJ’aime
@kathel : en ce moment on a le temps de lire des livres longs!
J’aimeJ’aime
Il me semble l’avoir lu mais il y a tellement longtemps… (genre siècle dernier)
J’aimeJ’aime
@keisha : paru en 1993 eh oui c’est le siècle dernier!
J’aimeJ’aime
J’ai vraiment aimé cette lecture personnellement, dont je n’ai retenu que l’humour et la richesse !
J’aimeJ’aime
@inganmic: humour et richesse! Bon résumé (on oublie les longueurs après coup)
J’aimeJ’aime
S’il est drôle comme « Portnoy », ça devrait me plaire, même si le côté embrouillé m’effraie un peu.
J’aimeJ’aime
@lilly oui cela ressemble a Portnoy c est embrouille mais c’est drôle
J’aimeJ’aime
Je ne sais pas si je le lirai mais… Je trouve la dernière phrase du livre génialement provocatrice après ce « maelstrom » et ces 577 pages !
J’aimeJ’aime
@claudialucia : si tu as aimé Portnoy je te le recommanderais, mais si tu as préféré les opus plus récents celui- ci est très eùbrouillé
J’aimeJ’aime