Opération Shylock – Une confession – Philip Roth

LITTERATURE AMERICAINE/ISRAEL

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C’est encore dans le blog de Kathel que j’ai trouvé  ce livre! Depuis un moment je n’avais pas lu Philip Roth.  Avec le temps de lecture octroyé par le confinement (oui! la lecture est essentielle comme manger et boire) ce pavé (650 pages en poche) me semblait tout à fait indiqué. 

Opération Shylock, un tel titre suggère un thriller, de l’espionnage…

Thriller? Sûrement pas, le rythme est paresseux avec des digressions incroyables.

Espionnage, presque, Roth embauché par le Mossad, qui l’eût cru?

Shylock ? Nous digressons sur Shakespeare : Roth, très littéraire, nous emmènera aussi du côté de Dostoïevski. Shylock , « Trois mille Ducats » ,le marchand de Venise, l’archétype du Juif. Il sera question d’antisémitismeC’est même un des thèmes principaux du livre. Paroxysme de l’antisémitisme : on assiste à des audiences du  procès de Demjanjuk (Ivan le Terrible de Treblinka) à Jérusalem. Antisémitisme ordinaire, en Ukraine, Pologne ou aux Etats Unis. Même un burlesque club des Antisémites Anonymes sur le modèle des Alcooliques Anonymes, ayant pour but de désintoxiquer des antisémites repentants. Comédie et tragédie mêlés, comme souvent, dans un humour juif ravageur. 

Une confession? on pense plus à une psychanalyse qu’à l’aveu d’une faute. Auto-analyse, Freud fait partie de la culture juive newyorkaise, comme chez Woody Allen ou chez d’autres. Hilarante comparaison entre l’injonction de se taire, ou de cesser la médisance, d’un rabbin Polonais Hofetz Haïm et celle de parler de Freud. 

L’histoire commence par la convalescence de Philip Roth atteint d’une grave dépression, effet secondaire d’un médicament  : l’Halcion. Tout juste guéri, l’écrivain se met au travail : il a prévu une série d’entretiens avec Aharon Appelfeld  qu’il va rencontrer à Jérusalem en janvier 1988, début de la Première Intifada alors que se déroule le procès Demjanjuk.

A Jérusalem, Roth rencontre son sosie qui, non seulement lui ressemble physiquement, mais qui prétend s’appeler également Philip Roth.  Il usurpe son identité  pour profiter de la notoriété de l’écrivain afin de  rencontrer des autorités (Lech Walesa, et pourquoi pas Yasser Arafat à Tunis). Le faux Philip Roth est le promoteur d’un mouvement politique :  le diasporisme qui prétend au retour des Juifs Ashkénazes en Pologne, Roumanie et Allemagne (d’où il proviennent). Cette thèse scandaleuse fait l’affaire des Palestiniens. 

Etrangement, Philip Roth ne dénonce pas cette usurpation d’identité et ne s’entoure pas d’avocats chargés de clarifier cette affaire. Au contraire, il s’amuse du romanesque de la situation, s’empêtre dans des situations scabreuses et soutient les thèses improbables du diasporisme. On ne sait plus qui est qui, qui pense quoi . L’écrivain voit dans le thème du double une contradiction intéressante stimulant son imagination. Pour s’y retrouver (et pour que le lecteur ne soit pas complètement perdu il nomme l’autre Philip Roth Moishe Pipik,  surnom enfantin qu’on attribue aux enfants qui font les intéressants, Moishe petit-nombril,  surnom péjoratif pour rabaisser l’imposteur? Le roman, la confession, ne serait-il pas nombriliste? On est pris parfois d’un doute, ce dédoublement de la personnalité ne serait-il pas plutôt imputable à l’Halcion, le médicament aux effets secondaires psychiatriques? 

Les péripéties sont tellement invraisemblables qu’on navigue à vue. Et si l’opération Shylock était  une manipulation habile? En plus de cette intrigue compliquée, Roth nous raconte des souvenirs d’enfance. Il fait des détours par des références littéraires ou philosophiques. J’ai le tournis et je suis tentée d’abandonner ce maelstrom quand il expose des délires antisémites difficiles à lire (j’ai sauté des paragraphes entiers). Et culot  incroyable, Houtzpah phénoménale!  il ose, après 577 pages, terminer le livre par un épilogue : En général les mots gâchent tout.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

12 réflexions sur « Opération Shylock – Une confession – Philip Roth »

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