Le Pain perdu – Edith Bruck

LECTURE AUTOUR DE L’HOLOCAUSTE


Les livres des survivants ou survivantes de l’Holocauste révèlent des personnalités fortes et très diverses. Edith Bruck est une écrivaine originale. 

Le Pain perdu débute dans un village hongrois en 1943 . La petite fille Ditke a déjà très conscience de l’antisémitisme des villageois et des lois antisémites qui s’appliquent aussi à l’école et les brimades de la part des adultes et des enfants

« S’ils se rendaient à l’unique pompe d’eau potable, ils étaient repoussés en queue de la file d’attente et il n’était pas rare que l’on crache dans leurs seaux. Contre les Juifs, tout devenait légitime pour les villageois, et le plus petit d’entre eux se sentait puissant, en imitant les adultes. »

Le Pain perdu, c’est celui que la mère avait préparé avec la farine qu’une voisine avait offert, qui levait et qui devait être mis au four, quand les gendarmes sont venus en 1944 chercher la famille pour la déporter vers le ghetto. « le pain »,  » le pain », était la plainte de sa mère devant la catastrophe imminente.

Birkenau, Auschwitz, Landsberg, Dachau,  Bergen-Belsen…

Ditke et sa soeur Judit se soutiennent après avoir été séparées du reste de la famille

« Est-ce que c’étaient trois mois ou trois années qui étaient passés ? Chaque jour, à chaque heure, à chaque minute on mourait : l’une par sélection, une autre à l’appel, une autre de faim, une autre de maladie et une autre, comme Eva, suicidée, foudroyée par le courant du fil barbelé, restant longtemps accrochée comme le Christ en croix. Son image s’est imprimée en moi et en Judit, »

Quand la guerre se termine « une nouvelle vie » s’ouvre aux deux soeurs qui recherchent d’abord les survivants de leur famille à Budapest : Sara et Mirjam les soeurs ainées mariées,  David leur frère. Elles retournent au village où elles trouvent leur maison pillée et l’hostilité des voisins.

Judit persuade Ditke à la suivre en Palestine qui était le rêve de leur mère. Edith a une autre vocation : elle veut écrire. Elle pressent que la discipline qu’on exigera d’elle lui pèsera. Elle ne supportera pas « les dortoirs »

Pour suivre sa sœur et son frère Ditke essaye de s’installer à Haïfa, se trouve un mari, marin, un travail, rêve un moment d’une maison, et même d’un bébé. Fiasco, son mari est violent ; elle divorce.

« Fais ce que tu veux, de toute façon tu n’écoutes personne ! Attends, dès que tu auras dix-huit ans, tu pourras devenir une très jolie soldate et tu apprendras même la langue. — Je ne prendrai jamais une arme en main. — Tu préférerais te faire tuer ? — Je crois que oui. Je préfère avoir eu un père martyr plutôt qu’un père assassin. — Moi, par amour d’Israël, j’aurais été militaire. — Je sais. Pas moi. Les guerres entraînent des guerres. Moi, je désarmerais le monde entier. — Rêve donc tes rêves. Mais le réveil sera rude. — J’ai déjà vécu ce réveil »

 

Pour fuir le service militaire, elle se remarie, avec Bruck qui lui donnera son  nom d’écrivaine. Mariage blanc, elle s’enfuit devient danseuse à Athènes. D’Athènes à Istanbul, à Zurich suivant sa troupe , et enfin Naples et Rome

Pour la première fois, je me suis trouvée bien tout de suite, après mon long et triste pèlerinage. “Voilà, me disais-je, c’est mon pays.” Le mot “patrie”, je ne l’ai jamais prononcé : au nom de la patrie, les peuples commettent toutes sortes d’infamie. J’abolirais le mot “patrie”, comme tant d’autres mots et expressions : “mon”, “tais-toi”, “obéir”, “la loi est la même pour tous”, “nationalisme”, “racisme”, “guerre” et presque aussi le mot “amour”, privé de toute substance. Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle.

C’est donc en Italien qu’elle écrira comme elle l’avait toujours désiré. Coiffeuse des acteurs et actrices du cinéma italien, des critiques littéraires  des cinéastes, se marie avec le cinéaste Nisi. Toujours antifasciste, elle écrit :

« En fille adoptive de l’Italie, qui m’a donné beaucoup plus que le pain quotidien, et je ne peux que lui en être
reconnaissante, je suis aujourd’hui profondément troublée pour mon pays et pour l’Europe, où souffle un vent pollué par de nouveaux fascismes, racismes, nationalismes, antisémitismes, que je ressens doublement : des plantes vénéneuses qui n’ont jamais été éradiquées et où poussent de nouvelles branches, des feuilles que le peuple dupé mange, en écoutant les voix qui hurlent en son nom, affamé qu’il est d’identité forte, revendiquée à et à cri, italianité pure, blanche… Quelle tristesse, quel danger ! »

Une leçon de vie!

Lire aussi ICI le billet d’Aifelle

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

16 réflexions sur « Le Pain perdu – Edith Bruck »

  1. J’avais entendu parler de ce livre pour la première fois dans l’émission radiophonique « Le masque et la plume » et les commentaires étaient tous très élogieux. Je suis heureux de lire cette chronique chez toi ; merci pour ce participation.

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :