La Tempête – Shakespeare – Folio trad. Yves Bonnefoy

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Acte I, 1: « Botswain! « la pièce débute  en pleine tempête. Et dans la tempête, les marins ne discourent pas en vers. Ils parent au plus pressé. Courtes phrases qui suggèrent l’urgence. Les passagers, la suite du roi de Naples, sont éconduits, ils gènent la manoeuvre…

« Mercy, we split! we split! »

La scène  est économe de paroles. On doit imaginer seul, les vagues, les éclairs le tonnerre….

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scène2 – Changement de décor et de ton. Prière de Miranda pour que Prospero apaise la tempête qu’il a soulevée.   On devine les immenses pouvoirs du magicien.Le père et la fille se confient. Prospero raconte les origines qu’ignore Miranda . Duc de Milan il a été trahi par son frère Antonio. Cette tempête est sa vengeance.

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Entre Ariel, un esprit de l’air. Nous entrons en pleine magie. Ariel a apporté l’orage des Bermudes sur la Méditerranée. Pur esprit, Ariel, ou esclave? Ariel revendique sa liberté tandis que son  maître lui rappelle qu’il l’a libéré de la prison, fente d’un pin, où l’avait enfermé Sicorax, la sorcière, mère de Caliban. A l’esprit aérien s’oppose l’esclave monstrueux Caliban, fils de la sorcière, contrefait et malfaisant, banni de la hutte de Prospéro après avoir attenté à la vertu de Miranda.

Tandis qu’Ariel chante, survient Ferdinand, naufragé  fils du roi de Naples. Charme de la chanson, magie orchestrée par Prospero? Miranda tombent amoureux.  Coup de foudre sous influence magique!

« Un esprit? Sire comme il est beau!« s’exclame Miranda. « présence divine? »  la jeune fille est conquise

le charme opère aussi pour le jeune homme :« la déesse escorte la musique! Exaucez ma prière, madame »…

Romance après le drame et la magie. C’est le génie de Shakespeare  de changer sans prendre garde de registre. pendant cette seule scène2 .

Acte II,  les naufragés  ont miraculeusement survécu, Gonzalo, le vieux conseillers mais aussi Antonio le traître, Sébasien, le frère du Roi de  Naples qui suivrait volontiers l’exemple du frère félon du Duc de Milan. Luttes de pouvoirs et succession. Traitrise et conspirations. L’intrigue se complique. Tandis qu’à la scène suivante Caliban, l’esclave, Trinculo, le bouffon et Stephano, l’ivrogne jouent une scène de farce et de beuverie. Encore ici, le grand William nous surprend!

L’acte IV est un « masque », une pastorale, un intermède mythologique, féérie que Prospero offre aux jeunes fiancés. Les danses des nymphes et des moissonneurs sont suivies par un nouvel épisode de farce où l’on retrouve les 3 ivrognes nauséabonds qui ont  pataugé dans une mare puante.

Le lecteur  trouve à l’Acte V le dénouement de l’intrigue. Les naufragés sont réunis, les navires intacts, la vengeance accomplie, Ariel libéré, les amants se marieront à Naples. le pardon de Prospero est équivoque. Comment comprendre l’épilogue en vers?

Alors que, généralement, je prise peu le fantastique,  les histoires de sorcières et de magiciens,  je suis étourdie par le rythme endiablé de la pièce. Eblouie par l’imagination du génial conteur!

Dans l’édition Folio, une longue préface du traducteur Yves Bonnefoy précède la pièce.  Analyse savante et très complète. J’ai préféré la lire après! La traduction s’est avérée indispensable, la variété des registres, l’économie de paroles rendent obscurs de nombreux passages pour les non-anglophones.

Prélude pour la Tempête de Shakespeare /L’Île de Prospero L.Durrell

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J’ai choisi La Tempête, je l’avoue, sur un malentendu : revenant de Corfou, je restais sur le souvenir du livre de Lawrence Durrell L’île de Prospero qui raconte son séjour en 1937 à Kalami nord de Corfou.

Cette île ionienne est-elle le décor de la pièce? Plus je m’intéresse à la Tempête, plus je suis dubitative! Les navires du Roi de Naples reviennent de Tunis. Que viennent-ils faire dans l’Adriatique? Et puis Corfou est une grande île, comment les naufragés pourraient-ils se retrouver si facilement? Corfou, l’île de Nausicaa, d’Alkinous.

C’est l’occasion de relire ce court ouvrage, non pas en y cherchant l’île grecque, si merveilleusement décrite, mais en traquant Shakespeare. Désirant comprendre ce qui justifie le titre : L’île de Prospero. J’ai oublié pour quelques heures mon propos initial pour me perdre dans des baignades, des parties de pêche  au trident, et la légende de Saint Spiridion….dans l’église du Saint, dans la ville de Corfou, je retrouve un indice : « les peintures de naufrages dignes du Douanier Rousseau…« la description de la fête du saint nous plonge dans un décor magique. Indice que le récit du naufrage du Père Nicolas revenant avec du bois d’Igoumenitza? « au milieu du tonnerre et des éclairs l’icône de Saint Spiridion est consultéemais le saint doit être occupé ailleurs…. » annecdote humoristique et si touchante! Traquant Prospero, je trouve Falstaff : « Huxley dit quelque part que les étrangers ignoraient comment se comportaient les anglais jusquj’à l’apparition de Falstaff ». Nouvelle lecture à mon programme : Falstaff!

Continuant ma lecture, je croise Ulysse – Odysséus raconté par un paysan presque illettré,Caton, Cicéron, Néron, Agripine, Guiscard le Normand, Karaghiosis – marionnette populaire – (pas Byron!). Jubilation de ma part.

Ce n’est qu’à la p.104 que le Comte, ami de Durrell, livre la réponse à mon enquête :  Corfou CORCYRA en grec, est l’anagramme de SYCORAX la sorcière, mère de Caliban! et à partir de là toute une démonstration éliminant Lampedusa, l’île la plus proche de Tunis d’où vient la flotte napolitaine revenant du mariage, Malte trop grande et connue, Zante également trop célèbre…les sources d’eau fraîches et sallines que Caliban connaît correspondent, ainsi que les vigne et les bocages de genêts,  les lieux stériles… et qui sait si Shakespeare n’avait pas visité Corfou? avance-t-il.

Comment ai-je pu oublier cette anecdote si pittoresque? Voyageant dans les îles grecques, cet été pas si lointain d’ailleurs, j’étais à la recherche de grécité et non pas de littérature anglaise, sans doute. On ne trouve dans les livres que ce que l’on cherche!  Séduite par les personnages pittoresques, les rivagres albanais, les ruelles vénitiennes, j’avais zappé Shakespeare!

To be or not to be Lubitsch/ Mel Brooks

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Le pire monologue de Hamlet?

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Varsovie, 1939, les autorités polonaises font cesser les représentations d’une revue ridiculisant Hitler et les nazis. The show must go on… au pied levé, l’acteur principal remplacera la bouffonerie par le monologue d’Hamlet. Sa femme, actrice vedette du show, en profite pour inviter un de ses admirateurs, un pilote polonais. La guerre éclate, le pilote se retrouve à Londres et doit sauver la résistance polonaise dénoncée par un agent double qui apporte à la Gestapo la liste des résistants et un étrange message « To be or not to be… »

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Si Hamlet est massacré (exprès) c’est Shylock joué par un comparse (hallebardier)  devant Hitler qui sauvera toute la troupe. Et c’est aussi ce monologue dans ce film qui me réconciliera avec le Marchand de Venise.

Quelle version préférer?

J’aime bien les deux!

 

Une livre de chair – Shakespeare / En observant Venise M. MacCarthy

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  Shylock, I, 3 138

This kindness will I show.

Go to my notary, seal me there

Your single bond, and, in a merry sport,

If you pay me not in such a day,

In such a place, such sum or sums as are

Expressed in the condition, let the forfeit

Be nominated for an equal pound

Of your fair flesh, to be cut and taken

In what part of your body plesseth me.

Shylock

Et que je veux montrer.

Venez chez le notaire avec moi, signez moi

Si vous ne me remboursez pas tel jour,

En tel endroit, là ou les sommes qui seront

Mentionnées au contrat que le dédit

Se fixe à une livre de votre belle chair à découper et prendre

En la partie de votre corps qu’il me plaira

MARY MC CARTHY / EN OBSERVANT VENISE

Ce sont  ces mots « une livre de chair » que Mary Mc Carthy  choisit pour raconter non seulement l’histoire du Ghetto de Venise mais aussi l’essor du Capitalisme à Venise et fait un parallèle étonnant entre l’antisémitisme qui assimile juif et usurier,personnifié par Shylock et la vague de répulsion culminant avec la Ligue de Cambrai au début du 16ème siècle unissant toute l’Europe contre Venise. Elle écrit : « on leur(les Vénitiens)attribuait une ambition sansa limite; ils étaient accusés de charcher à dominer le monde, ce qui semble avoir été bien loin de leurs intention….les termes du Pacte de Cambrai , signé par la plupart des puissances de la chrétienté…est un exemple d’hystérie collective , organisée par un politicien aventurier – l’empereur Maximilien en l’occurrence. » Une véritable guerre sainte fut livrée contre Venise. Le pape Jules II prononça l’interdit contre Venise.

« Les Vénitiens étaient haïs à peu près comme étaient haïs les Juifs… ils étaient haïs, jalouséset le savaient. C’étaient des gens à part… »

Il existait, selon elle, un lien subtil entre les Juifs et ls Vénitiens. Les Juifs avait le droit de constituer des banques de prêt. Les autorités interdisaient qu’ont persécutât les Juifs . Si la République tolérait les Juifs, elle ne le faisait pas gratuitement; Le Ghetto était une invention vénitienne, destiné à contrôler les Juifs et à profiter d’eux. La loi interdisant aux Juifs de posséder de la terre la République louait le Ghetto en augmentant régulièrement le loyer. Les immeubles grandisssaient en étages.

Lire Le Marchand de Venise, une pièce antisémite?

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J’ai attendu très longtemps avant de lire Le Marchand de Venise; Lire une pièce antisémit e en cachette, passe encore. Mais l’analyser dans mon blog me pose des problèmes de conscience.

« La facture est « antisémite  ». Sauf à vouloir lire la pièce au troisième degré, Shakespeare, le grand Shakespeare, semble partager ici les pires préjugés de son siècle « 

affirme une critique de la mise en scène de Cécile Garcia Fogel fort bien documentée.

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Le génie ne donne aucune excuse. Il faut, certes, remettre la pièce dans son contexte historique où l’antisémitisme était banal dans toute l’Europe. On peut aussi penser qu’une pièce porteuse d’une idéologie délétère et dépassée trouve plutôt sa place aux oubliettes de l’histoire, queShakespeare a écrit assez de chefs-d’oeuvres pour remiser la plus sulfureuse et pourtant on monte encore et encore Le Marchand de Venise.

Le Marchand de Venise c’est Antonio et non pas Shylock comme certains le pensent. Shylock est pourtant le personnage le plus intéressant et le plus ambigü. Comique, c’est  l’usurier, le  vieillard avare et  méchant, renié, abandonné, volé par sa fille, qui pousse sa vengeance au delà de son intérêt et qui maintient son bon droit même quand on lui propose de tripler la somme due. Tragique, c’est l’homme humilié, moqué, insulté parce qu’il est juif, poussé à la vengeance,  dont la tirade est un très bel appel à la tolérance.

« Un Juif n’a-t-il pas des yeux ? Un Juif n’a-t-il pas des mains, des organes,
des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ; nourri avec
la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé
aux mêmes maladies, soigné de la même façon,
dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été
que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ?
Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez,
ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? »

— William Shakespeare, Le Marchand de Venise, Acte III, scène 1[18Cette tirade est un des beaux moments  de To Be Or Not To Be dont j’ai visionné les deux versions ce week end. Lubitsch ou Mel Brook m’on réconciliée avec le Marchand de Venise  ou tout au moins, la vision de Shylock porte parole des juifs face aux nazis est la plus  belle résistance au cinéma.

Shakespeare : VO ou VF ? j’ai choisi l’édition Bilingue du Marchand de Venise

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LIRE LE MARCHAND DE VENISE OU THE MERCHANT OF VENICE ?

florie.1290921902.jpg         Après avoir lu l’excellent billet de Florie recensant les 25 000 vocables de le langue shakespearienne dans le blog de claudialucia,un doute m’ a prise. Comment serais-je capable de lire la pièce dans le texte?Pourtant je suis capable de traverser tout Paris pour voir un film en VO et je zappe systématiquement un film que j’adore, Valse avec Bachir,  par exemple, parce qu’Arte a le mauvais goût de le diffuser en VF.

Pour les anglicistes pressées ou fauchées, je signale également qu’il est très facile de télécharger les pièces de Shakespeare sur l’ordi. Mais là, mon plaisir a été gâché: lire sur écran me fatigue, je n’arrive pas à me concentrer, les lignes s’emmêlent, je n’y comprends rien….

Ma décision est prise : je commande l ‘édition Bilingue: GF-Flammarion (6€80)

Discipline de lecture : commencer par la  page de gauche (anglais) et n’aller voir à droite que si le texte est obscur.

ActeI, 1, 140

In my school-days, when I had lost one shaft

I shot his fellow of the self-same flight

The same way, with more advised watch,

To find the other forth, and by adventuring both,

I oft found both: I urge this chilhood proof,

Because what folllows is pure inocence….

I  owe you much, and like a wilful youth,

That which I owe is lost – but if you please

To shoot another arrow, that self way …

Que vient faire cette histoire de flèche dans le dialogue entre Antonio et Bassanio? Bassanio confie à son ami ses revers de fortune et son amour pour une dame.  Antonio est tout à ses affaires de bateaux et à ses marchandises. Sûrement, je n’ai rien compris!

Traduction  :

Quand, écolier je perdais une flèche,

Je lançais sa pareille à la même portée

En même direction, mais la regardant mieux

Pour trouver la première et, en risquant deux

Les retrouvais : je prend cet exemple enfantin

Car ce qui suit n’est que pure candeur

Je vous dois tant et j’ai, jeune fantasque,

Perdu ce que je vous dois; même s’il vous plait

Lancer une autre flèche en même direction

Que la première et je ne doute pas, 

Tant je suivrai son vol, ou de trouver les deux 

Ou de vous rapporter la dernière hasardée 

Et de vous devoir la première avec gratitude

La traduction m’a confortée,ce n’était pas l’anglais qui était compliqué mais la fantaisie de Shakespeare! Pour emprunter de l’argent à son ami, Bassano nous raconte des histoires de tir à l’arc! Cet exemple m’enchante! Dès la première scène , me voilà avertie, je vais me perdre avec délices dans des digressions inattendues. Ses personnages n’ont cure de la logique, ni l’auteur de celle des spectateurs. Il va falloir me laisser enchanter dans des lieux incongrus, accepter des changements de décor, sauter à la scène 2 la lagune pour me retrouver dans le chateau de Belmont. Les règles classiques d’unité de temps et de lieu n’ont pas cours dans le théâtre Elisabethain.

Bassanio et Antonio conversent en vers, mais ce sont des vers qui ne riment pas je compte les pieds, 10-9-10-12,…. on est loin des alexandrins classiques! La belle dame Portia et sa servante utilisent la prose. Plus déroutant encore Bassanio et shylock commencent leur dialogue en prose, surgit Antonio et Shylock se lance dans une tirade en vers. Il me semble par la suite que  les gentilhommes et des grandes dames utilisent les vers, les serviteurs la prose. Quoique Nérissa, à la fin promise à un brillant mariage, s’exprime alors en vers.

Aurais-je remarqué cela dans une traduction française?

Challenge Shakespeare : c’est parti!

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Depuis que Claudialucia  banniere-de-claudialucia1289767198.1290884789.png   m’a inscrite au Challenge Shakespeare, je vois Shakespeare partout! De Venise à Corfou en passant par Vérone…en passant par Varsovie!

dague.1290885183.jpgSans parler des dagues ensanglantées,crane.1290885222.jpg   des cranes, des forêts qui avancent;

Complot, jalousie, intrigues…il y a quelque chose de pourri….

Quel vaste sujet!

j’ai choisi de rester dans mon domaine de prédilection : Le Marchand de Venise et la Tempête pour ne pas m’égarer dans l’oeuvre immense du Grand Will!

Je fait appel à toutes les blogueuses du défi pour m’envoyer des conseils de lecture. je cherche le Juif de Malte de Marlowe qui aurait inspiré Shakespeare, entre autres….

maggie.1290884868.jpg maggie

et encore toutes et tous les autres