L’exploratrice c’est Alice qui a construit avec Zacharie Lorentun spectacle autour d’Internet.Seule en scène, avec quelques accessoires basiques : un écran, un smartphone, un micro et un siège, elle raconte son exploration dans le côté sombre d’Internet
« Dans le spectacle tout est vrai »
» C’est drôle et terrifiant »
Affirment ils dans une interview sur Facebook.
De liens en liens, Alice débouche chez les complotistes, les Qanon, les platistes, les complètement barrés.
Son monologue est prenant, elle semble essoufflée devant ces découvertes inattendues.
Le plus drôle c’est que c’est un lapin, avatar d’un de ses nombreux followers, qui lui envoie les liens vers des endroits les plus glauques, derrière le miroir. Un lapin, Alice, cela ne vous dit rien? Mais c’est vraiment son nom!
Le spectacle tourne encore la semaine prochaine au 104. Courrez -y !
Enter Ghost : le titre en VO, plus shakespearien que VF
Le Théâtre comme Résistance, cérémonie politique, catharsis. C’est la vocation première du théâtre antique. Thème du Quatrième Murde Sorj Chalandon où une troupe multicommunautaire répétait Antigonedans Beyrouth en guerre. Souvenir ancien d’une Antigone de Sophocle jouée par le Théâtre National Palestinien CLIC
En ce lendemain de Reconnaissance de la Palestine par la France, par delà les débats stratégiques, diplomatiques, je suis avide de connaître les Palestiniens, côté culture, ou vie quotidienne. En passant, citons les Chroniques de Haïfa, film de Scandar Copti CLICen salles actuellement.
Isabella Hammadest une écrivaine Anglo-Palestinienne de langue anglaise. Elle maîtrise donc la pièce de Shakespeare qui est la trame du roman. Comme je ne suis pas familière du théâtre élisabéthain, j’ai dû télécharger le texte de la pièce pour m’y retrouver dans les personnages et la progression des actes et des scènes.
« Tu veux dire que Hamlet est un martyr comme un martyr palestinien ?
waël : (Il hausse les épaules.) C’est ça.
mariam : OK. On en discute un peu.
waël : Moi je dis ça dans l’idée d’Ibrahim.
mariam : Rien de ce que vous avez dit n’est faux. C’est même très intéressant, je trouve.
ibrahim : Quelle vision optimiste de la libération nationale ! Tout le monde meurt à la fin.[…] Il libère quelle nation, Hamlet ? Pause. george : Le Danemark, non ? majed : Mais tu es sûr que tuer Claudius libère le Danemark ? Est-ce que tuer Claudius ne donne pas le Danemark à Fortinbras, au contraire ?
mariam : Alors…
majed : Et puis est-ce que le Danemark est la Palestine ? Ou bien Israël ? Ce temps « désarticulé », ce qui est pourri dans l’État, l’État d’Israël ? Je ne fais pas d’ironie, hein, ce sont de vraies questions. «
Sonia Nasir, comme l’autrice, est Anglo-Palestinienne. Elle débarque à Haïfa munie d’un passeport britannique pour passer des vacances chez sa sœur, une universitaire. Elle est actrice, en attente du rôle de Gertrude dans Hamlet que doit monter Harold, son amant. Elle renoue avec sa famille, entre Haïfa dont elle est originaire et Ramallah. Le roman va se dérouler en Israël, Cisjordanie et Jérusalem. Isabella Hammad a commencé le roman en 2017 avec la fermeture de l’Esplanade des Mosquées et les évènements qui en ont découlé. Période de tension mais pas de guerre ouverte comme maintenant. La circulation entre ces différentes zones n’est pas impossible surtout avec les passeports britanniques ou israéliens, mais les checkpoints la compliquent sérieusement.
Sonia fait la connaissance d’une metteuse en scène, Mariam, qui monte Hamlet en Cisjordanie. Sa troupe est presque complète mais il lui manque Ophélie et Gertrude. Mariam propose à Sonia de les dépanner pendant la première lecture en lisant les rôles des actrices manquantes.
Le roman raconte le montage de la pièce, les répétitions. Tout le travail est décrit avec les tensions dans la troupe, jalousies, origines sociales différentes. Trouver des financements n’est pas évident, surtout dans cette période de tension. Les différents exercices préliminaires sont particulièrement intéressants. De même que les interprétations de la pièce.
« Je n’en peux plus, de ces symboles. Les clefs, les keffiehs, c’est vrai, quoi, c’est tout ce qu’on a ? Des
oliviers ? On n’a vraiment rien d’autre ? » Sa réaction me paraissait si outrée que j’allais lui demander si
elle allait bien, mais je me suis entendue lui dire : « Ah, allez, tu peux pas dire ça. C’est notre héritage.
On n’a qu’à mettre une ceinture d’explosifs à Ophélie, et ce sera parfait. »
Sonia est venue retrouver sa sœur, sa famille, ses origines. Ces retrouvailles avec ses racines sont parfois difficiles. Une histoire tragique. Des secrets qu’elle découvre.. Des souvenirs d’enfance qui surgissent. Roman très sensible.
« Je suis allée jusqu’à la maison. Je suis allée voir qui y habitait. » Je lui ai laissé le temps de répondre, mais il n’a rien dit. « C’était un Juif, avec sa famille. Il n’a pas aimé nous voir traîner devant. — Tu lui as dit qui tu étais ? — Bien sûr. — Très bien. » Il a émis un claquement de langue, et ri dans un souffle. « Il a eu peur de toi. Tu es un spectre, pour lui. — C’est moi, le fantôme ? — Nous les hantons. Ils veulent nous tuer mais nous refusons de mourir. Même aujourd’hui, alors que nous avons presque tout perdu.
Ce n’est pas une lecture facile par manque de références. Une fois que j’ai téléchargé et relu Hamlet, et identifié les rôles et les différents acteurs (certains jouent plusieurs rôles) je me suis laissée entrainer dans le cours de ce roman touffu et je ne l’ai plus lâché. Lecture addictive. Et j’ai bien aimé!
« Dans la culture populaire juive, un dibbouk désigne une âme errante qui prend possession d’un vivant »
texte de la pièce Le Dibbouk
L’écrivain An-Ski(1863-1920) s’empara du mythe du Dibboukpour écrire une pièce de théâtre jouée à Varsovie en 1920. C’est l’histoire d’une jeune fille, Léa, possédée par l’esprit de son fiancé mort avant leurs noces.
Léa : L’homme vient au monde pour une belle, une longue vie. Mais s’il meurt avant l’heure qu’advient-il de sa vie inachevée, de ses pensées qu’il n’a pas eu le temps de mûrir. Des actions qu’il n’a pas eu le temps d’accomplir
Aux sources du Dibbouk, les expéditions ethnographiques deAn-Ski pour la Société d’Histoire et d’Ethnographie fondée en 1908 à Saint Pétersbourg pour préserver la culture juive de l’Empire Russe. Altman effectua des relevés d’inscriptions, Salomon Youdovine rapporta de magnifiques clichés de Volhynie et Podolie (Ukraine actuelle).
Chagall : la Noce (1911-1912)
La première version de la pièce fut écrite en Russe(1917), puis traduite en Hébreu (1918) et en Yiddish (1919). Elle fut adaptée au cinéma par Michal Waszynski (1937) . C’est cette version projetée qui accueille le visiteur de l’exposition : La jeune fille danse avec son fiancé mort avec une tête de squelette dans la « danse des mendiants »
Chagall : David et Bethsabée (1956)
Le tableau de Chagall des deux amants et un seul visage illustre parfaitement la possession de la Léa par l’esprit de Hanan.
Hanan et Lea
Le mysticisme juif et la kabbale sont illustrées par des vitrines montrant des amulettes et des ouvrages de la kabbale ainsi que par deux vidéos d’un film évoquant un exorcisme. Pour éloigner le Dibbouk de la créature vivante, on a recourt à l’exorcisme. Dans la pièce, la jeune fille ne veut pas être séparée de son fiancé et elle se rebelle.
Issachar Ber Ryback – synagogue
L’exposition présente des dessins et tableaux de contemporains de Chagall comme Nathan Altman ou Rybackdans une version cubiste.
Costume Habima Nathan Altman
Le Dibbouk fut mis au répertoire de Habima et joué en hébreu à Tel Aviv dès 1922 avec les costumes de Nathan Altman. Habimase produisit lors de nombreuse tournées internationales . Les affiches et les programmes sont présentées ici.
Habima
Le film de Waszynski est considéré comme l’apothéose du cinéma yiddish.
Des versions américaines ont été tournée : en 1960 Sidney Lumet l’adapte pour la télévision américaine. Bernsteinet Robbinsle montent en ballet (1974).
Romain Garys’en inspire pour La Danse de Gengis Cohn (1967).
En Pologne Andrzej Wajda (1988)choisit pour prologue le poème de Ernst Bryll pour qui les juifs assassinés dans la Shoah sont les dibboukim qui hantent les polonais. 2003 Krzysztof Witkowskil’associe à une nouvelle d’Hanna Krall. 2015 Maja Kleczewska adjoint l’alliance brisée entre Juifs et Polonais. le Dybbouk est un spectre qui hante le monde contemporain.
Les frères Coen dans leur film A serious man présentent aussi le Dibbouk. C’est sur cette scène que se termine la visite.
Après avoir terminé l’excellente biographie de Toussaint Louverture par Alain Foix, j’ai eu la curiosité de télécharger la pièce de Lamartine.
Depuis 1834 les hommes politiques qui croient que les gouvernements doivent avoir une âme, et qu’ils ne se légitiment aux yeux de Dieu que par des actes de justice et de bienfaisance envers les peuples, s’étaient formés à Paris en société pour l’émancipation des noirs ; j’y fus admis à mon retour d’Orient ;
Dans son intéressante préface, Lamartine s’enorgueillit d’avoir été le signataire du décret de l‘Abolition de l’Esclavage,
Trois jours après la révolution de Février, je signai la liberté des noirs, l’abolition de l’esclavage et la promesse d’indemnité aux colons.
Ma vie n’eût-elle eu que cette heure, je ne regretterais pas d’avoir vécu.
En revanche, il n’est pas spécialement fier du poème dramatique. Le manuscrit fut perdu, et retrouvé par son caviste au fond d’un panier. Selon Lamartine, le succès au Théâtre de La Porte Saint Martin où la pièce fut représentée est plutôt dû à la performance des acteurs qu’au texte lui-même.
Une étrange Marseillaise noire a attiré mon attention, version d’époque ou poème de Lamartine?
MARSEILLAISE NOIRE
. I. Enfants des noirs, proscrits du monde,
Pauvre chair changée en troupeau,
Qui de vous-mêmes, race immonde
Portez le deuil sur votre peau !
Relevez du sol votre tête,
Osez retrouver en tout lieu Des femmes, des enfants, un Dieu : Le nom d’homme est votre conquête !
REFRAIN.
Offrons à la concorde, offrons les maux soufferts,
[…] Ouvrons (ouvrons) aux blancs amis nos bras libres de fers. II.
Un cri, de l’Europe au tropique,
Dont deux mondes sont les échos,
A fait au nom de République
Là des hommes, là des héros
L’esclave enfin dans sa mémoire
Épelle un mot libérateur,
Le tyran devient rédempteur :
Enfants, Dieu seul a la victoire !
Offrons à la concorde, offrons les maux soufferts, Ouvrons (ouvrons)…
Malheureusement, la suite se gâte. Je m’ennuie des péripéties lyriques et familiales. Une fade Adrienne, jeune pupille parfaite, guide Toussaint déguisé en mendiant aveugle qui épie les fortifications de Leclerc. Les fils de Toussaint, élevés en métropole, sont amenés comme appâts pour fléchir Toussaint. Foix raconte cet épisode, historique, mais le drame familial s’étire en guimauve. Pas d’analyse politique, ni stratégique, point de bataille homérique. Du sentiment sucré.
De même, le meurtre de Moïse n’est en rien contextualisé. Brutus et César! De la tragédie, certes mais pas d’explications. Décevant.
Le livre se termine par les discours prononcés par A de Lamartine, à la Chambre des Députés le 23 avril 1835, le 25 mai 1836, à un banquet le 10 Février 1840, le 10 Mars 1842
C’est une rencontre avec une dame extraordinaire. Je la savais actrice à succès, star internationale, comédienne accomplie.
Du demi-monde à la scène :
destin de la fille de courtisane, élevée à la campagne, revenue à Paris adolescente pour exercer le métier de sa mère : on voit le Livre des Courtisanes, registre de la police qui fichait ces-dames. Sarah avait des relations : le duc de Morny, (frère de Napoléon, excusez du peu!)la fit entrer au Conservatoire, puis à la Comédie Françaiseen 1862. Elle y triomphe en 1872 avec Ruy Blas.
Sarah Bernhardt par Clairin
Mademoiselle Révolte à la Comédie Française
Elle gagna ce surnom en quittant la Comédie Française où son talent était, selon elle sous-exploité. Dans cette section de l’exposition, on voit le corset, le châle porté dans Hernani joué 116 fois, et de nombreux objets.
Une artiste parmi les artistes
Autoportrait en marbre blanc
C’est, pour moi, la plus grande surprise. Sarah Bernhardt avait de nombreux talents. Elle vivait entourée d’artistes et était elle-même très douée pour la sculpture et la peinture. Son hôtel particulier, rue Fortuny, possédait deux ateliers de sculpture
Déjeuner dans la serre rue Fortuny peint par Louise Abbema
Louise Abbema,son amie, l’a peinte ainsi que le peintre Clairin. A l’occasion de l’Exposition de 1878, elle s’éleva avec le peintre Clairin en montgolfière ca qui inspira les caricaturistes : Robida, unPanorama de Paris très amusant, une autre « Sarah Bernhardt planant au dessus des hommes« . Les caricaturistes n’étaient pas tendres avec elle, elle fut leur cibles comme sculptrice et comme peintre si bien que Zola prit sa défense
Sarah Bernhardt : autoportrait en chimère
Goût du Bizarre
Son originalité s’est aussi affirmée par son goût pour le morbide. Pierre Loti a rapporté qu’elle aurait gardé dans sa chambre le squelette Lazare d’un jeune homme mort d’amour. Elle avait aussi un cercueil dans lequel elle aurait dormi. Comme dans la sculpture ci-dessus, elle a abusé du motif de la chauve-souris, coiffant des ailes de chauve-souris, l’utilisant dans ses décors…
Boulevard Montmartre – on peut reconnaître Sarah Bernhardt, Zola, Jules Ferry…
Grands Rôles
Une grande salle présente tous les grands rôles avec les affiches de Mucha (1894)
Alexandre Dumas : La Dame aux Camelias (1880), Sardou : Théodora, la Tosca(1884), Fédora (1882), Cléopâtre, Jeanne d’Arc…Ces derniers étaient de véritables peplums
Sarah Bernhardt dans Phèdre
Elle a triomphé dans Phèdrede 1874 à 1914.
Sans oublier les travestissements pour Lorenzaccio, Hamlet, ou L’Aiglon de Rostand
Sarah Bernhardt : l’Aiglon
Une salle : La Divine (nommée ainsi par Cocteau) montre l’exploitation de l’image de la star dans la publicité, support pour les biscuits LU, de l’absinthe ou de la Poudre de Riz.
Nous sommes restées plus de 2heures 30 dans l’exposition qui ne s’achève pas là.
La Femme engagée : la montre organisant un hôpital militaire pendant la Guerre de 1870-1871. Elle fut aussi active dans la défense de Dreyfus avec Zola. Pendant la Première Guerre mondiale elle fit une tournée aux Etats Unis en 1916 pour sensibiliser l’opinion américaine …
De la Scène à l’écran : dès le début du cinéma elle a interprété ses rôles pour l’écran.
L’exposition se termine par la projection d’un film montrant ses funérailles presque aussi suivies que celles de Victor Hugo.
C’est une très grande exposition qui nous a réservé de belles surprises. J’ai aussi beaucoup apprécié les photographies de Nadar
Je n’ai malheureusement pas pu assister à la pièce en Avignon. Dans la cour du Palais des Papes cela devait avoir plus d’allure que sur mon écran. J’ai même eu du mal à rentrer dans l’histoire, redite trois fois avec des petites variations, mais en trois langues différentes dans un décor très noir. Je me suis quand même laissée emporter et j’ai découvert le final spectaculaire avec enthousiasme.
Le moine noir : la nouvelle de Tchekhov
Avant de regarder la captation d’Avignon j’aurais été mieux inspirée de lire la nouvelle, j’aurais mieux compris et identifié les personnages. j’ai eu une hésitation avec les personnages féminins puisque Srebennikov a dédoublé et même triplé Kovrine, pourquoi pas Tania?
Finalement le metteur en scène est beaucoup plus fidèle au texte que je ne l’imaginais – on peut monter Tchekhov de manière très variée et moderne – j’ai beaucoup aimé les diverses mises en scène d’Oncle Vania récemment celle de Weber.
« Il y a mille ans, un moine, vêtu de noir, cheminait dans le désert, en Syrie ou en Arabie. À quelques mètres de
l’endroit où il passait, des pêcheurs virent un autre moine qui marchait lentement sur l’eau d’un lac. Le second moine était un mirage. Perdez de vue maintenant toutes les lois de l’optique que la légende, semble-t-il, ignore, et écoutez ce qui suit. De ce mirage en naquit un second, du second un troisième,
[…]
en sorte que l’image du moine noir se transmit à l’infini d’une couche de l’atmosphère dans l’autre. On la voyait
tantôt en Afrique, tantôt en Espagne, tantôt aux Indes, tantôt dans l’extrême Nord… Elle sortit enfin des limites
de l’atmosphère terrestre, et, maintenant elle erre dans l’univers entier, sans pouvoir se trouver jamais dans des
conditions où elle pourrait disparaître. Peut-être est-elle maintenant dans la planète Mars ou dans quelque étoilede la Croix du Sud. «
La découverte de la folie par Kovrine, les différentes hallucinations sont racontée par Tchékhov mais exagérées jusqu’au ballet fascinant de derviches tourneurs à Avignon en un final extraordinaire.
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne dédiée à la Reine le 14 septembre 1791
Je connaissais Olympe de Gouge, de nom, je savais qu’elle avait rédigé la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne et qu’elle avait été guillotinée. C’est tout!
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même fondamentales, la femme a le droit de monter sur l’échafaud : elle doit avoir également celui de monter à la tribune. «
J’étais donc très curieuse de connaître cette femme révolutionnaire, son parcours et ses œuvres.
Olympe de Gouges n’a pas attendu la Révolution pour prendre la parole. C’est sur la scène du théâtre qu’elle a choisi de s’exprimer pour défendre les droits des femmes. Elle soumet à la Comédie Française la pièce Zamore et Mirza , d’abord acceptée, que les comédiens, découvrant qu’elle est l’œuvre d’une femme, rechignent à jouer. Cette pièce est une dénonciation de l’esclavage. Elle imagine une suite au Mariage de Figaro : Le Mariage inattendu de Chérubin. Elle pétitionne aussi, indignée par l’injustice, ne se démonte pas et frôle l’embastillement. Dès février 1788elle fait précéder sa pièce d’un texte véhément Réflexion sur les Hommes nègres, véritable manifeste antiraciste et établit une relation entre le traitement réservé aux femmes et celui réservé aux esclaves
Après la Révolution, elle occupe la scène politique, une autre sorte de théâtre. devient membre du Club de la Révolution, elle complète son éducation politique. Femme de conviction, elle cherche à se faire entendre malgré la misogynie et la condescendance :
je donne cent projets utiles : on les reçoit ; mais je suis une femme : on n’en tient pas compte.
Elle est en faveur d’une monarchie constitutionnelle. D’ailleurs sa
déclaration du droit des femmes est dédiée à la Reine. Elle compose le Tombeau de Mirabeau. Mais toujours elle est à la tête de l’action des femmes, beaucoup plus actives qu’on ne le raconte quand on fait le récit de la Révolution. Proche des Girondins, elle dénonce les massacres quand la Terreur s’emballe et elle s’oppose frontalement à Robespierre et à Marat
Crois-moi Robespierre, fuis le grand jour, il n’est pas fait pour toi; imite Marat, ton digne collègue, rentre avec lui dans son infâme repaire[…] De qui veux tu te venger? A qui veux tu faire la guerre et de quel sang as-tu soif encore?
Elle continue à écrire pour le théâtre, L’entrée de Dumouriez à Bruxelles sera représentée avec du retard à cause encore de la mauvaise volonté des comédiens et les représentations se passent mal .Sa pièce est mal accueillie en janvier 1793, comble de malchance Dumouriez est battu et trahit.
Se sentant en danger Olympe fuit Paris, puis rentre et s’offre en sacrifice dans son Testament politique d’Olympe de Gouges :
Vous cherchez le premier coupable? C’est moi, frappez. C’est moi qui dans ma défense officieuse de Louis Capet, ai pêché en vraie républicaine, la clémence des vainqueurs pour le tyran détrôné
Elle est emprisonnée, le 28 octobre 1793, elle est transférée en secret à la Conciergerie. Quand on la conduit à la guillotine, elle lance une réplique de théâtre
Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort
Comment une telle figure est elle restée dans l’ombre si bien que peu la connaissent?
le gros pavé, bien épais!
Après la biographie de Michel Faucheux, j’ai trouvé à la médiathèque l’énorme pavé de Catel & Boquet (500pages, 1049 g) Un roman graphique en noir et blanc, 400 pages en XXXI chapitres, chacun une année, une adresse avec le bâtiment dessiné. Le roman graphique donne moins de texte bien sûr que la biographie, il donne du corps à cette femme douée, hardie et séduisante. Il s’attache plus à ses amours, ses amitiés, ses proches.
Au début, je me suis félicitée d’avoir lu la biographie de Faucheux avant la BD. Pleine d’allusions, mais pas toujours explicite. Des clins d’oeil à Rousseau, Lafayette ou Voltaire, sans parler des révolutionnaires.
Et puis, j’ai découvert 100 pages de chronologie, des fiches biographiques sur tous les contemporains d’Olympe de Gouges. Très complet, facile d’accès. Si je n’avais pas lu Faucheux, j’aurais pu ici me rattraper! Un conseil donc : Si un personnage qui intervient dans le roman graphique vous intrigue n’attendez pas la fin pour faire plus ample connaissance, allez chercher sa fiche!
J’ai gardé un souvenir ébloui du seul Festival d’Avignon 1976, auquel j’ai assisté avec la canicule: Carolyn Carlson dans la cour du Palais des Papes, Ariane Mnouchkine et la Révolution sont inoubliables, même 45 ans après.
Evidemment Claudialuciaet Eimelle, sur leurs blogs respectifs me font très envie chaque année, mais cela ne se goupille pas.
Après cette année de télé-visites de musées, théâtre en virtuel, zoom et compagnie… j’ai découvert une version beaucoup plus classique : le théâtre radiophonique et les podcasts de France-Culture. J’ai rangé dans ma bibliothèque l’onglet « AVIGNON LES FICTIONS« . Oreillette et smartphone, j’organise mes promenades selon la durée du podcast, bords de Marne ou Bords de Seine, lac Daumesnil…
Merci à Matatoune qui m’a fait découvrir la lecture de Frère d’Ame par Omar Sy! J’avais aimé le livre mais cette lecture est une découverte. par la voix d’Omar Sy les mots de David Diop retrouvent leur accent, la puissance et l’urgence. Une profondeur nouvelle. j’avais retenu l’horreur des tranchées mais je n’avais pas mesuré la folie qui s’empare d’Alfa, le frère survivant.
Les Suppliantes d‘Eschyle traduites et mises en scène par Olivier Py au Festival 2020 est d’une saisissante actualité : femmes demandant l’asile, femmes fuyant des mariages forcés, femmes dans la guerre et questionnement sur la démocratie. Le prince d’Argos n’ose pas leur octroyer l’asile, craignant la guerre avec les Egyptiens laisse la décision au peuple.
Eschyletoujours traduit et mis en scène par Olivier Py, Les Sept contre Thèbes,dépouillement et clarté, seulement 38 minutes. Une pièce destinée à être jouée au plus proche d’un public qui ne va pas au théâtre, dans une école, une prison, un quartier….Toujours une pièce très politique : le pouvoir de l’image et le questionnement de la démocratie. Image il y a 2700 ans? Non, les Grecs n’avaient pas la télévision! mais les guerriers arboraient sur leurs boucliers toutes sortes de symboles et d’images qui parlaient à leurs contemporains.
Une Antigone originale que celle présentée en Concert-fiction : œuvre radiophonique réécrite d’après Sophocle par Stéphane Michaka mise en musique avec les musiciens de Radio-France, provient du Festival d’Avignon 2020. Aussi une belle découverte!
la Mort d’Achilles’inspire aussi de la tragédie antique. C’est une œuvre contemporaine de Wajdi Mouawad. Commande pour Avignon 2019. Echo aux massacres du XXème siècle de Sabra et Chatila, ou de Srebrenica, la dévastation de Troie. Le guerrier demi-dieu est mort, quelle suite donner à la célébration du héros? Un nouvel horizon sans le divin, pourrait-il annoncer une nouvelle histoire épargnant Troie vaincue? A Agamemnon de décider. Une pièce magnifique. Antique, contemporaine, comme vous voudrez!
Isabelle Adjani est la voix d’Ismène dans le poème de Yannis Ritsos. Ismène la survivante, Ismène contemporaine ou antique? Ismène intemporelle. Ismène raconte sa sœur, Antigone. Antigone, l’héroïne, qui a dit non à Créon, celle qui a désobéit, qui est morte martyre entraînant la mort de son fiancé Créon, le suicide d’Eurydice sa mère, mais aussi Antigone vierge effarouchée qui se refusait à Hémon, Antigone anorexique qui mange en secret la nuit, qui refuse la vie, qui a peur d’être tout simplement humaine. Ismène, au contraire accepte la vie, se réjouit du parfum des orangers en fleur, plante des bulbes de cyclamens. Vieillissante, elle caresse l’idée de prendre pour amant le jeune officier… Elle a choisi la vie, elle pourra mourir tranquillement.
La série de créations contemporaines sur thèmes antiques ne s’arrête pas ici : Hélène Après la chute de Simon Abkarian. Dialogue entre Hélène et Ménélas après la chute de Troie. Les vainqueurs se partagent les captives, Hélène revient à Ménélas. Entre vengeance et pardon. Jeu de chat et souris. Ils se déchirent mais nous réservent des surprises.
Evidemment rien ne vaut le théâtre vivant, la présence des acteurs sur scène, les décors, la communion avec les autres spectateurs… Cette année encore je me contenterai d’enregistrements. Je m’en veux de ne pas avoir cité les acteurs, mais écouter un podcast en marchant ne permet pas de retenir les noms.
« Nous avons un roi. Il nous faut partir à sa recherche. Son nom est Simorg. Il est le vrai roi des oiseaux. Il est près de nous, et ,nous en sommes éloignés. Le chemin pour parvenir jusqu’à lui est inconnu. Il faut un coeur de lion pour le suivre »
La Conférence des Oiseauxest un conte soufi du Persan Farid Uddin Attar (1142-1220). Les oiseaux partirent en quête du Simorg afin de le prendre pour roi. Après avoir traversé 7 vallées et montagnes, ils découvrirent le le Simorg était en eux…
J’avais vu autrefois la Conférence des Oiseaux mis en scène par Peter Brooket en avais gardé un souvenir ébloui (mais lointain) récemment Shâhnâme au Quai Branly qui montrait le Simorgh. La programmation des théâtres d’Ivry ne m’a jamais déçue. Je me suis rendue avec impatience à la Manufacture des Oeillets et la soirée a été à la hauteur de mes attentes.
Les acteurs portent des masques têtes d’oiseaux élaborés par le facteur de masques Kuno Schlegelmilch. Ce sont des têtes très légères mais très réalistes d’une dizaine d’oiseaux : la huppe qui mène la conférence et qui est la conteuse, le moineau, le canard, le hibou, la perruche…Quand les acteurs sont masqués, leur gestuelle est celle des oiseaux. Adorable petit moineau en blouson de fourrure, rapace (faucon ou aigle) en uniforme militaire, jolie perruche verte dans sa cage symbolisée par un cerceau.
Quand ils posent les masques, il redeviennent humains. les voyageurs, fatigués à l’étape, un peu craintifs, migrants. La Huppe qui les guide leur raconte des contes. Ils vont découvrir 7 vallées, On ne verra pas le Simorgh. Le Simorgh était en eux et le voyage une initiation mystique….Humains, migrants, très humains (mais j’ai eu le regret de ces beaux masques qu’ils ont abandonnés).
De retour à la maison, j’ai cherché l’interprétation de Peter Brook sur Youtube et trouvée. J’ai pu mesurer l’oubli de ma mémoire. il restait si peu de souvenirs!
J’ai aussi cherché, et trouvé le texte de la Conférence des Oiseaux qu’on a aussi nomme Cantique des Oiseaux. J’aurais pu acheter la pièce de Jean Claude Carrière, j’ai téléchargé le texte ancien traduit par Henri Gougaud et l’ai commencé sur le champ.
J’ai été étonnée de la proximité de la pièce et du texte original. L’adaptation théâtrale a sauté la belle introduction poétique qui lraconte la Genèse, compare notre âme à un oiseau, énumère les Pères et les Prophètes jusqu’à Mohamed et fait alterner textes religieux et contes profanes. Le premier « Un jour un chevalier sur un lit de coussin découvrit son épouse avec un inconnu » est franchement comique, il suffit à la femme de glisser un crouton de pain dans la main de son amant pour désarmer le mari!
Le Salut aux oiseaux est une merveille de poésie et d’observation naturaliste :
« Huppe, je te salue, guide des hauts chemins et des vallées profondes, toi qui t’en fus (heureux voyage!) jusqu’au royaume de Saba et revins chanter à la reine à l’oreille de Salomon »
« Et toi, bergeronnette, ô bergère des âmes, que ta flûte fluette annonce k’aube neuve et le réveil de Dieu! »
« Salut, ô perroquet à la robe superbe, toi qui bâtis son nid, au vieux temps de l’Eden dans l’arbre du savoir »
« Salut, faucon royal à l’oeil impitoyable! Jusqu’où va ta violence et jusqu’où ta passion »
La huppe essaie de convaincre les oiseaux d’aller à la quête du Simorgh
« Que la route soit une fête, chantez marchez dansez! »
Les oiseaux cherchent des prétextes pour se défiler.
« L’amoureux rossignol s’avança en premier : Le front haut, l’âme ardente, il semblait à le voir incendié d’amour… »
« Voici le perroquet à la bouche de miel, à la robe pistache, à la gorge dorée, »
je me régale aussi bien avec les oiseaux qu’avec les contes médiévaux qui me conduisent aussi bien à la Mecque qu’à Byzance, histoires de derviches ou de chevaliers, ou simple avare qui enterre son trésor….
Quel joli texte. J’ai vu que Diane de Selliers a édité un de ses beaux livres illustré par des miniatures persanes. Quel beau cadeau!
Le Théâtre des Quartiers d’Ivryréserve de belles surprises et malgré l’intitulé un peu étrange, je n’hésite pas à y faire le détour. Il est maintenant logé dans un très bel endroit : La Manufacture des œillets une usine désaffectée qui a gardé des locaux spacieux et une haute verrière.
Les Reines est l’oeuvre d’un auteur canadien qui est aussi un traducteur de Shakespeare. Les Reines sont celles qui ont gravité autour de Richard III – pièce fascinante – dont on a tiré des versions contemporaines intéressantes Looking for Richard d’Al Pacinoet Richard III de David Gauchard(clic sur les liens) . J’aurais dû relire la pièce avant d’aller à Ivry et au moins lire le feuillet qu’on distribue à l’entrée du théâtre au lieu de bavarder avec Nicole. Mais je n’aime ni lire les critiques de films, ni les 4ème de couverture des livres, il me semble que cela gâche le plaisir de la surprise. Cependant dans le cas des Reines c’est indispensable de se situer un peu mieux dans l’histoire d’Angleterre, de la Guerre des Roses pour identifier les personnages .
Marginales chez Shakespeare, 6 Reines sont les héroïnes de la pièces :
La duchesse d’York (1415 – 1495): Cécile Neuville, épouse de Richard Plantagenêt
La Reine Marguerite (1430 – 1482) Marguerite d’Anjou, fille de René d’Anjou et de Provence, qui déclenche la guerre des deux Roses.
Elisabeth Woodville (1437 – 1492) mère de deux enfants assassinés par Richard
Isabelle Warwick (1451 -1477) mariée à George, duc de Clarence
Anne Warwick (1456 -1485) marée au prince Edouard puis épouse de Richard III
Ann Dexter (1439 -1476) soeur des rois Richard et de George duc de Clarence.
J’ai posé sur mes genoux l’arbre généalogique des famille Lancastre et York du feuillet de présentation pendant la pièce et je suis restée perdue malgré cette aide. De retour à la maison la présentation d’une autre mise en scène de la pièce m’a un peu mieux éclairée.
Peut-on jouir du spectacle en mélangeant tous les personnages? Il faut croire que oui, parce que la mise en scène est tout à fait originale et spectaculaire avec des effets d’éclairages très réussi et des actrices à la personnalité percutante.
On entre dans la salle dans un épais brouillard traversé par des faisceaux lumineux formant comme une colonnade. La scène est au milieu de deux rangées de gradins qui se font face. La pièce se joue dans ce couloir mais aussi au dessus de nous sur des balcons où courent les actrices qu’on ne découvre qu’ensuite.
Unité de temps: un jour le 20 janvier 1483. Unité de lieu, la tour de Londres. Un drame réel : le roi Edouard est à l’agonie. Elisabeth cherche à protéger ses deux enfants de la menace de Richard. Climat d’épouvante. On entend des cloches, les pas claudicants de Richard qui rôde, le vent…
Si j’étais complètement perdue dans la salle dans le tourbillon des reines je me suis rattrapée ensuite par des retours dans cette histoire d’Angleterre et j’y ai pris plaisir.