La campagne est ondulée, cultivée avec de grands champs de blé. Au début du séjour on se croyait au printemps avec les colzas en fleur. Maintenant c’est la moisson! Un agriculteur laboure déjà.Les cigognes avides de gober les vers suivent les labours. Les cigogneaux, petits au début juillet, ont quitté les nids .
A midi, nous arrivons en Lettonie. Nous avons donc le temps d’aller visiter Rundale, le « Versailles Letton ». Sur la carte cela parait tout près. Le GPS annonce 48km mais 1h48, incrédule je recommence : même résultat. Explication : c’est une piste, bien roulante, mais caillouteuse tout de même. On arrive plus vite que prévu.
Salon rose
Une longue allée de marronniers, le long d’une pommeraie bien entretenue, mène à une grille impressionnante. La cour bordée de3 ailes identiques avec 3 perrons, des murs jaunes des centaines de fenêtres. Il faudrait une bonne demi-journée pour visiter ce palais. Il faudrait un guide qui nous raconte l’historie de Biron, la princesse qui deviendra impératrice, le séjour de Louis XVIII. …JP Kauffmann avait nommé Rundale « un manoir » palais conviendrait mieux ? Rastrelli, l’architecte a déployé les fastes de Saint Saint-Pétersbourg où il a dessiné le Palais d’Hiver.
Malheureusement je ne dispose que d’une heure, nous voulons arriver tôt à Riga. Je parcours donc à grands pas rapides la magnifique Galerie du Trône, sorte de Galerie des Glaces avec ses glaces dorées, ses stucs éblouissants, les cabinets de porcelaine où des consoles en stuc ont été réalisées exprès pour des potiches chinoises ou japonaises bleues turquoises et vertes ;
Une salle rose avec guirlandes de fleurs et oiseaux colorés en relief me plait beaucoup. Les poêles en faïence m’impressionnent ! Quel volume à chauffer !
Très joli petit déjeuner : avec du pain perdu au fromage et au lard, une salade de fruit.
Le temps est magnifique, la marée basse a laissé des flaques. En short je vais d’îlot en îlot dans une eau très fraîche observant de beaux ripple-marks.
Quittant la route côtière 128 de Roja à Talsi, nous traversons une campagne assez peuplée, prés et champs cultivés de pois. Les toits des maisons en tôle ondulés sont si moussus qu’on croirait des chaumières. Les cigognes arpentent gravement les prés. A plusieurs reprise nou traversons la rivière Roja qui se jette dans la Baltique à Roja.
Valdemarpils: arrêt devant une très mignonne église cachée sous les arbres. Un panneau raconte l’histoire du bourg peuplé jusqu’en 1850 de 80%de Juifs ( Guide Vert) mais il est bilingue Letton/Russe!
A un carrefour, beau moulin est à vendre (affiche en Allemand).
Talsi
Bourg tranquille bâti sur des collines. L’accueil à l’office de tourisme est chaleureux, on nous donne un plan avec un itinéraire historique. Malheureusement lundi est jour de fermeture des musées. Je monte par un chemin malaisé pavé de très gros pavés pour voir une église. Deux cantonnières blondes joufflues ratissent les feuilles.
– « parlez- vous Russe ? » – « niet ! »
La jeune femme rentre au presbytère pour me faire ouvrir l’église. Une stèle en Allemand m’apprend que le pasteur, ami de Mozart a recueilli ses enfants à la mort du compositeur. Ici ???
Le Musée historique (fermé) se trouve dans une maison palladienne bicolore, rose sur le balcon sur un fronton classique avec une colonnade, gris autour.
Stende
Recommandé par le Guide Vert « fleuri », est un village ordinaire qui respire plutôt la décrépitude que les fleurs avec plein de HLM et deux usines fermées et ses voies ferrées envahies d’herbe.
Un train passe 31 citernes et 27 bennes de charbon, inscriptions en cyrillique.
Sabile
Sabile: la vigne la plus septentrionale du monde!
JP Kauffmann, dans Courlande raconte avec enthousiasme sa visite du vignoble de Sabile, le plus septentrional du monde sur une colline très en pente.
Nous faisons une curieuse visite : dans un jardin des dizaines de personnages en paille sont habillés et mis en scène avec différents accessoires, et sonorisé, figurant la vie villageoise. L’artiste est une dame très aimable mais russophone Daina Kucere. Une visiteuse joue les interprètes, c’est une rencontre chaleureuse ; Ce n’est pas une exposition temporaire. Daina laisse ses personnages par tous les temps hiver comme été de temps en temps elle les habille de neuf.
Un peu plus loin dans la colline il y a une exposition de sculptures contemporaine « foutage de gueule » !
synagogue de sabile
La synagogue rose sur un jardin est vide, c’est un musée (fermé). Dans le jardin une inscription sur un rocher de granite « Izcor ! »
Les cascades de l’Abava, sont de petits rapides sur une jolie rivière tranquille. Ici aussi, on a aménagé des tables de piquenique. Nous nous installons dans une gloriette ronde qui tourne comme un manège.
Maras Chambers
Ces grottes dans du sable dolomitique au dessus de l’Abava ont un intérêt archéologique. S’y déroulaient des cérémonies chamaniques. Le circuit fléché est une jolie balade un peu sportive d’un peu plus d’une heure.
Il existe d’autres grottes dans le sable qui se visitent. Elles résultent de l’exploitation du sable et les tunnels font plusieurs kilomètres.
Kuldiga
les maisons et els toits de Kuldiga
Jolie ville ancienne tranquille sur le bord de la rivière Venta. Rue Baznica se trouvent de vieilles maisons des marchands 16ème et 18ème , un peu négligées mais d’autant plus charmantes. La petite rue Skolas descend à un petit canal. L’église catholique de la Trinité a de jolis lustres baroques mais elle est très simple, peinte en bleu et blanc, sans torsades ni dorures. Un groupe de maisons coiffées de toits de tuiles qui se chevauchent derrière une cour très fleurie nous a bien plu. Rue Liepaja, la rue commerçante, est bien calme cet après midi. Kuldiga est bien tranquille après l’animation de Pärnu et de Jūrmala. A l’extrémité de la rue, l’église orthodoxe en brique a ses bulbes peints de couleurs vives un peu criardes.
La Venta est une rivière un peu envahie par la végétation. Le pont de brique à plusieurs arches laisse imaginer un cours d’eau beaucoup plus important. Non loin du pont, les chutes n’ont rien de spectaculaires, un mètre seulement.
Mes choix de lectures sont géographiques, j’ai eu du mal à trouver le départ d’une bibliographie « pays baltes ». C’est JP Kauffmann dans Courlande qui m’a donné le lien vers Le Coup de Grâce dont l’action se déroule dans un manoir de Courlande – actuellement Lettonie – en 1919 dans les soubresauts de la première Guerre Mondiale entre défaite de l’Allemagne et Révolution russe.
Récit très ambigu, très trouble. L’auteur, dans sa préface, se réfère à Racine et à Corneille, unité de temps, de lieu, unité de danger ajoute l’auteur.
Le narrateur est un personnage glauque, combattant des guerres inavouables, non pas par conviction mais plutôt par appartenance à une caste de soldats prussiens pour qui l’état militaire était une évidence. Personnage d’une très trouble noblesse, adhérant aux préjugés les plus sordides de son milieu des descendants des Chevaliers Teutoniques ou Porte-Glaives : antisémitisme, misogynie. Mais l’absence de volonté, d’enthousiasme, de générosité annule la virulence de ces idées .
Période troublée, guerre impitoyable, on ne sait où se situent les combattants capables uniquement de défendre le petit domaine dans une indifférence que n’égale que leur bravoure devant le feu.
C’est d’abord une historie d’amour. Adolescents ou adultes, les protagonistes Eric, Sophie et Conrad, sont incapables d’envisager un amour viable. Si Eric aime Conrad, c’est l’évidence, jamais il n’avouerait autre chose que l’amitié ou la camaraderie virile. Sophie se jette dans le désespoir d’un amour non partagé, elle l’avoue, l’affirme jusqu’à se rendre insupportable pour Eric, l’objet de son amour.
Noblesse ou déchéance? Le narrateur est spectateur passif, incapable de prendre parti. Ce Coup de Grâce est un sommet de l’ambiguïté, ambiguïté des sentiments mais aussi des idées. Le lecteur, malgré ses réticences, est emporté dans la boue, le froid, la tourmente. C’est le grand art de Yourcenar que de mener à bout ce récit à la limite du supportable.