site archéologique de Cuccuruzzu

CARNET CORSE 2021 de BASTIA à BONIFACIO

Cuccuruzzu : Torre néolithique

J’ai renoué avec le plaisir des baignades matinales, les meilleures quand la surface de l’eau est un miroir qu’aucun mouvement n’a altéré et que le soleil se lève derrière la colline avec son éclairage particulier. Malheureusement je ne suis pas seule, une bande de jeunes chahute bruyamment.

La D459 tortille jusqu’à Sotta où nous trouvons la D59 qui rejoint Levie. C’est une très jolie balade en voiture. Tôt le dimanche matin, il n’y a personne et la route est à nous. Le paysage est somptueux. Près de la côte, les chêne-liège sont magnifiques et écorcés, ils me rappellent la Sardaigne. Tout comme les gros blocs de granite qui émergent de la végétation. Quand on monte en altitude les pins remplacent les feuillus. Certains sont très hauts. Les panoramas sont bluffants. Je reconnais sur la côte la Baie de Santa Giulia avec son arrondi et le petit lac derrière la plage. Du de la montagne, des rochers rouges ressemblent à des châteaux et des éperons. Au loin, les aiguilles de Bavella dominent les crêtes. Brusquement on passe un petit tunnel. Les cistes rose sont en fleur. Le GPS de la DS3 indique l’altitude, je prends l’habitude de le consulter chaque fois que je trouve des fleurs. Malheureusement Plantnet a des limites : celles de la 4G. Le GPS a aussi perdu le signal dans la montagne, nous naviguons au jugé. Facile puisqu’il n’y a qu’une seule route. 809m  Col de Bacinu. Passé le col, les feuillus remplacent les pins surtout les chênes.

On traverse des villages Orone , très petit, quelques maisons. Carbini est plus important. Une surprise nous y attend l’église Saint Jean-Baptiste, église romane en granite ; On reconnaît la ressemblance avec les églises pisanes du Nebbio. Le granite plus dur, difficile à sculpter élimine toute décoration superflue. C’est donc une église austère avec un très haut campanile au milieu de son esplanade herbue. Un écriteau raconte que Prosper Mérimée l’a découverte en ruines et a recommandé sa restauration et son classement.

Carbini : église romane en granite

Alors que j’allais retrouver Dominique à la voiture une très vieille dame vient à ma rencontre, portant un vase contenant un grand bouquet de lys. Je devine qu’elle va fleurir l’église et lui demande la permission de l’accompagner. Elle est ravie parce que je peux l’aider à ouvrir le portillon et le refermer. Elle peste :  celui qui tond la pelouse serait fâché si les vaches entraient dans l’enclos.

« Toute cette belle herbe serait mieux dans leur ventre ! Quel saccage, cette tonte qui chasse les insectes de leur milieu de vie ! » 

Commentant le style de l’église :

 » Pise a envahi la Corse, puis Gènes, nous avons toujours été envahis. C’est pour cela que nous sommes toujours sur nos gardes. C’est dans nos gènes de se méfier de l’envahisseur ! Mais c’est stressant. Mon cardiologue me l’a dit. »

Dans l’église, elle cherche Saint Antoine. Effectivement, les statues ont quitté leurs supports. Il ne lui reste plus qu’à placer les lys de Saint Antoine sur le socle à la place de la statue.

Remontée en voiture, je me remémore les festivités de la fête de Saint Antoine de Padoue, il y a deux ans dans la Basilicate. Ici, la vieille dame fête le saint le 13 juin toute seule et me prend à témoin.

Levie est un gros bourg de l’Alta Rocca aux maisons de granite massives à l’architecture sobre.

Cuccuruzzu : chemin bordé de pierres depuis les temps anciens

Le site archéologique de Cuccuruzzu est bien indiqué par des flèches touristiques marron, un vaste parking ombragé se trouve à l’entrée du site. Au guichet, on donne avec les tickets (3€/4€) un livret explicatif qui permet une visite individuelle. Avant le Covid, la visite se faisait avec un audioguide supprimé par les mesures sanitaires. Le circuit se parcourt en deux heures, il faut être bien chaussé, certaines parties sont escarpées et glissantes. C’est donc une très belle promenade dans la forêt vallonnée qui rejoint les deux sites de Cuccuruzzu et de Capula avec explications archéologiques, géologiques et ethnographique.

Tafoni : cavité naturelle dans les blocs de granite

Je passe à côté de grosses boules d’un chaos granitique. Certains blocs ont été creusés par l’érosion formant les tafoni – cavités semblables aux caries dentaires (selon le livret) . les hommes préhistoriques auraient utilisé ces abris naturels pour eux-mêmes, leurs bêtes ou pour y stocker des choses. Souvenirs pédagogiques, avec les 5èmes,  je passais une bonne séance sur la formation d’un chaos illustré avec mes photos de vacances en Bretagne. On signale au passant un châtaignier vieux de 800 ans, planté sous les injonctions des génois et encore vivant maintenant.

Le sentier passe entre deux murettes élevées par les paysans (néolithiques ou actuels). Si les murettes tiennent encore debout, les champs ne sont plus cultivés et la forêt gagne du terrain ;

Cuccuruzzu : le chaos granitique fournit des abris sous roche naturels

Le site de Cuccuruzzu est spectaculaire parce qu’il utilise le chaos préexistant pour organiser le casteddu (la forteresse) utilisant les cavités naturelles, tafoni ou abris-sous-roche pour les ateliers des potiers, le moulin du meunier ou la boucherie. Une tour analogue aux nuraghe sarde est assise sur un bloc qui dominait le paysage. Sans doute avait-elle un rôle de guet.

Si le site de Cuccuruzzu est bien lisible avec l’aide du livret, celui de Capula est plus difficile à interpréter. Il a été utilisé depuis la Préhistoire mais aussi au Moyen Age par les paysans et leurs seigneurs qui ont construit château et église. L’accès au fort est difficile et mal balisé mais cela donne un caractère d’aventure à son exploration.

le site de Capula est plus difficile à intrepréter : il a été occupé jusqu’au 16ème siècle

La suite logique de cette visite serait la visite du Musée archéologique de l’Alta Rocca à Levie. Malheureusement (malgré les informations du site sur Internet) le musée est fermé le dimanche. Comme nous passons devant je m’arrête pour trouver pour trouver porte close.

Gavrinis

 CARNET DU MORBIHAN

le cairn de Gavrinis


Temps ensoleillé, gelées blanches, à 10h la terre fume. Une bonne demi-heure de queue à la pompe, pour compléter de dix litres le réservoir de la voiture, la pénurie semble s’installer.

Après Auray, sur la route de Baden, belles échappées : le petit port du Bono, un château qui a un air écossais, un golf.

Je trouve le GR à Locmicquel derrière une jolie chapelle. Le sentier, de la plage, monte sur une pointe boisée de pins et de thuyas géants. De belles maisons sont cachées sous les arbres. Je découvre de jolies petites criques avec du sable jaune avant d’arriver à Larmor Baden d’où part le bateau pour Gavrinis. Notre bateau part à 14h30, je poursuis donc le GR vers Port Blanc malheureusement Larmor Baden est très construit: le chemin est bien goudronné, de plus les maisons plus modestes que le long du rivage, n’offrent aucun intérêt. Un lavoir et une jolie fontaine sont inclus dans un lotissement, dommage pour la poésie ! Puis on contourne un marais mais je dois rebrousser chemin.

Pique-nique à côté du Ter sur une plage déserte à marée basse à côté d’un établissement ostréicole fermé. On ramasse des coquilles géantes.

Gavrinis

Un petit bateau nous emmène en quinze minutes sur l’île de la Chèvre où se trouve le cairn. Dans le bateau, on nous a commenté le paysage, montré Belle Ile à l’horizon, la passe de 250m seulement qui ouvre le Golfe du Morbihan sur l’Océan.

La guide nous fait d’abord un topo sur les hommes qui l’ont construit, les hommes du Néolithique, Homo sapiens comme nous, sédentaires, ils cultivaient déjà le blé, pêchaient à la nasse ou au hameçon, chassaient dans les bois de chêne, faisaient des poteries décorées, cousaient des vêtements de laine ou de chanvre… seuls manquaient les métaux.

Le climat était doux  preuves par la palynologie, chênes- noisetiers- bouleaux.

Le plus différent d’aujourd’hui c’est la géographie : il y a 5000 ans, le golfe du Morbihan n’existait pas, l’estuaire de la rivière d’Auray était encaissé dans une région de collines. Gavrinis n’était pas une île : le cairn coiffait une colline. Pendant la dernière glaciation la ligne de rivage était à une centaine de km plus loin soixante kilomètres derrière Belle-Ile.

allée gravée

J’apprends aussi la définition d’un cairn : dolmen ou allée couverte recouvert d’un énorme tas de pierres sèches. La différence entre un cairn et un tumulus : un cairn est ouvert vers l’extérieur alors qu’un tumulus renfermant une sépulture est fermé définitivement. Les trésors sont retrouvés davantage dans les tumulus alors qu’il semble qu’un cairn soit utilisé successivement. Dans le milieu acide du Morbihan on n’a pas retrouvé de squelettes, ils ne se conservent pas plus d’un siècle. Les données archéologiques sont extrapolées d’autres tombes étudiées en milieu calcaire où les os se conservent. On sait donc que les corps n’étaient pas enterrés mais posés sur la dalle funéraire pour être ensuite remplacés par  d’autres plus tard.

gravures

L’entrée du cairn est à la base d’une « pyramide à degré » un peu comme Saqqarah, d’ailleurs elles sont presque contemporaines, bien sûr toutes proportions gardées. Mais l’émerveillement ce seront les gravures qui décorent les dalles de l’allée et de la chambre funéraire. On s’habitue d’abord à l’obscurité dans l’allée de 14m, c’est dans la chambre que la guide allumera les lampes-torches pour nous montrer les dalles décorées. Pas un endroit qui ne soit laissé inoccupé. Des sortes de labyrinthes, des cercles concentriques, des spirales, des serpents, des haches… Rien d’explicable, la seule jouissance de l’œuvre d’art, les hypothèses des archéologues qui ne restent qu’hypothèse, aucune certitude. La guide insiste sur l’une d’elles : Gavrinis serait trop beau pour être une tombe cachée, les gravures seraient faites pour l’amour de l’art….peut être ?

Un quart d’heure pour tourner autour du cairn, recouvert de terre et de végétation à l’arrière par le temps, de relire les panneaux explicatifs. Revoir cette incroyable histoire du réemploi du menhir brisé de Locmariaquer de la table des marchands. Récemment les archéologues ont eu la surprise de voir que les cassures et les gravures coïncidaient. Les hommes du néolithiques ont réutilisé une partie du menhir pour faire la dalle qui sert de plafond à la chambre funéraire.

De cette découverte découle une nouvelle question : celle du transport, et encore une autre de ma part sur cette succession de civilisations. Les hommes qui ont érigé des menhirs géants n’étaient donc pas les mêmes. Et même ceux des cairns n’avaient aucun scrupule à utiliser un menhir comme pierre à bâtir !