GUADELOUPE
Pour prolonger notre voyage en Guadeloupe, à la suite de lectures de Maryse Condé et de Simone Schwarz-Bart, écrivaines reconnues, classiques, j’ai cherché un roman plus récent. Un peu désarçonnée par le titre j’ai voulu tenter l’aventure.
« Morne Galant somnolait, ramassé sur lui-même. Encore aujourd’hui, les Guadeloupéens disent de Morne-Galant : « Cé la chyen ka japé pa ké. » Je te le traduis puisque ton père ne t’a jamais parlé créole : « C’est là où les chiens aboient par la queue. »
Dans ce roman choral, alternent les récits de la narratrice (l’auteure?), de ses tantes Antoine et Lucinde, de son père Petit-Frère. La saga familiale commence à Morne Galant, village perdu dans la Grande-Terre, chez des planteurs de canne : Hilaire, l’ancêtre qui vivra centenaire, est une personnalité respectée dans le village il règne sur les Ezechiel, cousins proches ou éloignés. Hilaire a épousée une Blanc-Matignon, Eulalie dont la famille n’acceptera pas cette mésalliance. Leurs trois enfants, Antoine, Lucinde et Petit-Frère quitteront à l’adolescence le village pour tenter leur chance à Pointe-à-Pitre, puis dans les années 1960 partiront pour la région parisienne. Quatre personnages, trois lieux, un demi-siècle.
« Hilaire représentait une Guadeloupe rurale frappée de disparition. Aucun de ses enfants n’appartenait au
même monde que lui. Ils étaient de l’âge de la modernité, éloignés de la canne, plongés dans l’en-ville. »
Je ne suis pas entrée tout de suite dans l’histoire qui se présente un peu comme un puzzle. Histoire et géographie se mélangent au gré des confidence des personnages. Mélange, métissage des origines.
« Je me considérais comme une femme, ça oui, et comme une Guadeloupéenne, c’est-à-dire une sang-mélangé, comme eux tous, debout sur un confetti où tout le monde venait d’ailleurs et n’avait gardé qu’un peu de sang des Caraïbes, les tout premiers habitants. Ça m’éloignait définitivement de toute idée de grandeur et de pureté. Ma fierté, c’était le chemin que je menais dans la vie et que je ne devais qu’à moi-même. L’homme m’a empoignée par le cou, alors je lui ai craché en créole : « Tu sais pas regarder, ou quoi ? »
L’auteure est née à Créteil, me voici perplexe : j’ai choisi une lecture exotique et me voilà revenue chez moi, pas très dépaysée! Les allers et retours en Guadeloupe vont satisfaire mes envies d’évasion!
Un demi-siècle en Guadeloupe et quelques décennies en Métropole. Le roman raconte avec beaucoup de vivacité l’arrivée d’une certaine modernité à Pointe-à-Pitre, l’évolution du commerce, des relations sociales, la construction d’une ville de béton, l’émergence des luttes anticoloniales et indépendantistes – les journées de mai 1967 que j’ai découvertes à Pointe-à Pitre.

L’intégration des trois Guadeloupéens en région parisienne est une facette intéressante du roman. Déception et déclassement pour les deux soeurs qui avaient acquis une certaine notoriété, une place dans la société pour la couturière qui faisait les robes des notables blanches, une boutique prospère pour Antoine, ouverture pour le frère qui découvre une vie intellectuelle parmi les étudiants. Dans les années 60 le racisme existait, certes mais c’est seulement avec la montée du chômage qu’ils l’ont ressenti.
« En métropole, nous sommes devenus noirs vers 1980, à partir du moment où avoir du boulot n’est plus allé de soi. »
Revendication identitaire?
Les Antillais et les Noirs américains partageaient une même expérience minoritaire et une part d’histoire
commune, mais la France et les États-Unis ne modelaient pas du tout les individus de la même façon. Il y avait indéniablement moins de violence à subir en France mais en revanche, les Antillais n’avaient aucun modèle auquel s’identifier. Quel héros[…]
Faute de mieux, ils se choisissaient des modèles outre-Atlantique : aux ambiguïtés de la France, ils préféraient le rutilant rêve américain, […]Pourtant, ils sentaient bien que l’illusion était grossière : les Antilles françaises, si proches géographiquement de
l’Amérique, en étaient fondamentalement différentes. L’Amérique de cinéma n’avait rien à voir avec
l’Amérique réelle. Et la France demeurait leur terre, où miroitait une réussite sociale inatteignable.
J’ai oublié mes réticences du début, je suis entrée dans ce roman qui ne m’a pas lâchée.
💜
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Tu continues ton voyage, un roman récent qui doit se trouver en bibli, je le sens.
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@keisha: je n’arrive pas à la fin de mes lectures antillaises.Je ne me doutais pas du tout en programmant ces 3 semaines an Guadeloupe que 3 mois plus tard j’y serai encore
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Celui-là m’attend sur ma pile… quelle belle possibilité nous offrent les livres, en nous permettant de prolonger nos découvertes physiques, ou de découvrir tout court des endroits où on ne mettra peut-être jamais les pieds…
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Un titre qui m’a toujours intriguée mais je n’ai pas sauté le pas.
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@Aifelle le titre m a plutôt effrayée. Rien à voir avec les chiens!
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j’aime beaucoup prolonger les voyages en lecture!
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@eimelle : et c est loin d être fini!
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