Trinidad (3) – la vie du village – Musées –

CUBA – Mardi 25 Février 2004

Trinidad enfants des écoles

 

Promenade le matin dans les rues de Trinidad par un soleil estival . Le vent  souffle atténuant la chaleur. Si, de plus, on choisit le trottoir à l’ombre, la température est parfaite .

Les enfants des écoles vont en rang à la Foire du Livre. Ils sont réunis dans une salle pour assister à un spectacle . En route, ils mangent des glaces ou des oranges . Un homme pousse une petite charrette grillagée contenant des oranges. Avec une curieuse machine il les pèle, un fin ruban de zeste vert se déroule, puis  il coupe l’orange par moitié. Je ne sais pas comment les enfants arrivent à manger sans se mettre du jus partout !

Vendeur de rue

Nous commençons à mieux voir les boutiques , les vendeurs de légumes, les échoppes de pizza . sur le bord du trottoir, on vend des paniers en vannerie. Des vieux confectionnent aussi des petits objets décoratifs en tressant des fibres de palmier : une tortue portant une graine ovale en guise de carapace, des crocodiles . Les touristes échappés de leurs cars, occupent les rues les plus restaurées aux maisons peintes de couleurs vives .

Trinidad les rues aux pavé inégaux (montage)

Plus loin les pavés deviennent plus inégaux, les façades plus délavées, les ferronneries moins élaborées, les intérieurs plus petits et très pauvres. Des chiens squelettiques dorment dans la rue, et toujours des cages à oiseaux .

A dix heures nous entrons dans le Musée Romantique en même temps que des fournées de touristes. La présence de cette foule enlève une partie de son charme à la visite . Contrairement à la plupart des maisons de la ville, le Palais est construit avec un étage avec des balcons (vue extraordinaire). Le Musée romantique s’appelle ainsi à cause de l’époque sans doute. Il est entièrement meublé avec  une sophistication extrême : Biscuits français, porcelaine de Meissen, cristaux de Baccarat, marbres d’Italie .Seuls les meubles sont cubains . Nous sommes prises en main par une des gardiennes du Musée qui malheureusement se contente de désigner les objets précieux et de nommer leur provenance. Le luxe de ces aristocrates sucriers est inouï . une baignoire de marbre ressemble à un sarcophage antique. Elle ne comporte ni arrivée d’eau ni vidange . C’était la tâche des esclaves. Seule mention de l’esclavage . Tout ce luxe nous éblouit mais la foule gâche notre plaisir.

les riches maisons des sucriers, patio fleuri

Le Musée de l’Architecture est moins prisé des touristes en car. La gardienne qui nous sert de guide, plus intelligente que la précédente . La visite est donc beaucoup plus plaisante. Cette belle maison coloniale est bâtie sur un plan similaire à la nôtre  en beaucoup plus grand . La salle de réception immense : son plafond de cèdre est extrêmement décoré à l’espagnole, presque à la marocaine . Elle est flanquée de salles plus petites servant de chambres à coucher. A l’arrière, une galerie s’ouvre sur le patio . Dans cette pièce, les femmes brodaient, cousaient au frais . La vaste cour est bordée des chambres des domestiques d’un côté, de l’autre d’annexes utilitaires, cuisine extérieure, WC etc… Au fond, un petit édicule abrite une centrale à gaz (acétylène) pour l’éclairage . La citerne couverte se trouve dans un coin de la cour. L’eau de pluie est soigneusement captée par tout un système de gargouilles et de gouttières. Le sol est pavé de marbre importé d’Italie. Un détail architectural nous avait intriguées à La Havane : les demi-cercles au dessus des hautes portes de bois nous les retrouvons . ici, en fines lamelles de bois disposées en éventail pour l’aération.

climatisation naturelle (courants d’air)

Comme au Maroc, la climatisation est l’art de faire circuler l’air dans les pièces aux hauts plafonds . Ici, tout est courants d’air, claire-voie, persiennes, lattes …La belle maison à étage et à galerie ressemblant aux sobrados capverdiens a été transformée en galerie d’art. Une salle est consacrée à un peintre dont la peinture fait penser à la sérigraphie de Robert. Motifs africains, couleurs primaires, dessins un peu naïf.

Nous avions remarqué des touristes au sommet d’ une tour carrée dominant la Plaza Mayor . Nous voulons les imiter et tournons autour du « bloc » puisque c’est ainsi qu’on nomme un pâté de maisons . Nous nous retrouvons dans le hall du Musée Municipal occupant, lui aussi, un Palais à étage (le plus grand) construit autour d’un patio à arcades. Deux étages plus une sorte de colimaçon dans une cage en bois et au final, une échelle conduisent à la terrasse. On se bouscule dans l’escalier. Magnifique vue sur la Plaza Mayor et la montagne en toile de fond.

Les collections du Musée Municipal sont éclectiques, la présentation, un peu vieillotte. Toujours des panneaux bilingues noir sur blanc. Des photos anciennes, des fac-similés de lettres. Toujours une très grande place aux exploits guerriers .Ici, la Révolution n’est pas au premier plan, plutôt les luttes pour l’Indépendance. J’apprends  de nouvelles choses sur l’esclavage :

-14 000 esclaves travaillaient aux plantations au début du XIXème siècle

  • le développement de ces plantations est relativement récent (un décret autorisant la Traite est daté de 1789)
  • -c’est l’effondrement des plantations d’Haïti qui a stimulé la production à Cuba
  • l’une des photos de Manaca avec la tour à 7 étages vue hier me surprend . Sur la photo, pas de trace du mignon village. Près de la tour, une énorme maison (le restaurant actuel) et plus loin , la sucrerie avec quatre cheminée qui a maintenant disparu . c’est surtout l’absence du village qui m’étonne.
  • dernière visite : l’église. Intérieur peint en blanc, sobre. Des chapelles ont été rénovées avec des autels en bois moderne de facture assez grossière. Les statues de bois sont assez étranges : nombreuses sont habillées avec de vrais habits de tissu. Une scène représentant une barque sur des flots de bois bleu porte des personnages (apôtres ?) habillés comme des cubains actuels enchemise kaki avec les manches retroussées, ils rament au pied d’une Vierge flottant sur des petits nuages baroques.

Comme hier, nous achetons un déjeuner populaire en monnaie nationale(je donne 1$ et on me rend un billet inconnu de 10 pesos) nous achetons deux pizzas cubaines au fromage jaune cuites dans des assiettes en fer blanc, type militaire. Le four est un bidon (genre bidon d’essence) horizontal posé sur un support métallique. Je fais la queue, le pizzaiolo m’appelle « companera » ce qui m’amuse .On essore la pizza du gras avant de l’arroser de ketchup .C’est un peu bourratif mais  cela a bon goût .

Nous faisons un peu de lessive que nous étendons dans le patio avec celui de la dame.

Trinidad – promenade en ville, rencontre avec des collègues cubains

CUBA 2004 – 23 février après midi

Les maisons aux couleurs pastel de Trinidad

En rentrant à Trinidad vers 14h ,. nous doublons des carrioles tirées par des chevaux chargés de canne. Le cheval rentre seul à la maison, il connaît le chemin. Le paysan fait la sieste couché sur son chargement de canne.

Notre patio est idéal pour l’heure de la sieste . Après une douche rafraîchissante, dans ma nouvelle tenue blanche, je transcris le compte rendu de la matinée. Dominique fait ses cartes postales ? le colibri est revenu . Ses couleurs métalliques me renvoient à des souvenirs de fac : c’est un des moments de gloire de l’Optique du cours de Françon que le calcul de la couleur du colibri d’après les interférences : calcul de la longueur d’onde de la lumière en fonction de l’écartement des barbules des plumes. Un des plus beaux problèmes de physique que je connaisse !

Vers 16h15, nous partons visiter la ville . Premier objectif : la Poste . Nous demandons souvent notre chemin. La réponse est toujours formulée de la même manière : 3 blocs puis à gauche, 4 blocs puis à droite. Malgré le relief et la relative fantaisie des maisons et placettes, le plan à angle droit est respecté . Jamais personne n’emploie le nom des rues. Le spectacle de la rue est réjouissant .Tout le monde est sorti sur le pas de la porte, les enfants en uniforme, short et jupe rouge à bretelle, chemise blanche et foulard bleu pour les petits, pantalon et minijupe moutarde chemise blanche pour les plus grands. De nombreuses maisons sont ornées de cages à oiseaux comme au village ..

les grilles des maisons de Trinidad

Ici, on a mis une table sur le trottoir et on joue aux dominos. Partout, les hommes proposent des marchandises diverses : gâteau sablé découpé en parts sur un plateau, quelques betteraves et du coriandre dans un panier sous le bras…Un autre pousse un chariot avec des courges ou des calebasses découpées à la scie. Sans oublier le vendeur de bonbons à l’unité qui crie sa marchandise « caramelle ! » . Des enfants jouent au base-ball avec un bâton ordinaire et une balle de leur confection.

Un cyclo-pousse passe à grand vacarme : il a  fixé une batterie rien que pour la musique.

J’ai enfin compris pourquoi tous ces grillages de ferronnerie ou en bois placés devant les portes font une toutes avancée dans la rue . Les grilles « ferment » la maison. Elles sont très décoratives. Tout le monde ouvre sa porte pour laisser entrer la fraîcheur du soir . Nous pouvons jeter un coup d’œil indiscret . Certaines maisons sont encore plus grandes et plus belles que la nôtre avec le salon d’apparat carrelé séparé en deux par des colonnes, ses lustres et les fauteuils à bascule. Certains intérieurs sont misérables. Scène de rue : un homme tond un tout petit garçon et lui enlève ses boucles de bébé .Nous arrivons par des rues encore plus animées : on vend des livres dans la rue . les livres sont étonnamment présents à Cuba. Une île où on lit et où on fait de la musique force le respect .

Nous cherchons toujours la Poste . Nous trouvons les ruines du Théâtre Brunet . Sous des arcades de brique à ciel ouvert, on a installé un bar, une salle avec des chaises et une petite scène. Affiché, tout un programme alléchant : cours de dans e afro-cubaine, cours de percussions tous les jours . Deux touristes européens s’essaient à la danse cubaine.

Plus nous montons, et plus nous rencontrons des touristes. Les maisons multicolores sont de plus en plus soignées.  J’ai envie de tout prendre en photo – la photo comme une drogue – Une façade bleue est particulièrement soignée : joli porche tarabiscoté Par le porche, nous découvrons une salle de classe avec 21 tables de deux, un tableau noir et une télévisions, pas ou très peu d’affichage . Nous sommes au lycée technique . Deux profs sont encore dans la classe : le prof de biologie et celui d’histoire.

Que racontent deux profs français à deux collègues cubains ? Nous parlons d’effectifs – toujours trop lourds . A Cuba ils dépassent 40 par classe.   Retraites, 60 ans pour les femmes 65 pour les hommes . Le professeur de biologie, la soixantaine, dit qu’à soixante cinq ans, on n’a plus de voix . Des vacances : là, cela diffère énormément : ils n’ont qu’un mois en Août 2 ou3  jours pour Noël et pour Pâques. Des programmes, pas si différents des nôtres . Quant aux salaires, ils se demandent bien combien de temps nous avons économisé pour venir à Cuba.

Le soir tombe, les maisons peintes ont des teintes de plus en plus vives . Certaines sont vertes, d’autres roses, jaunes . Les volets bleus tranchent sur les maisons jaunes . Les ferronneries, les balustres quelques balcons donnent une touche de fantaisie . Le clocher jaune de l’église dépasse les maisons basses . Nous le connaissons d’après les photos  des catalogues de voyages à Cuba.

Plaza mayor16

Nous parvenons à la ravissante Plaza Mayor jolies  lanternes blanches , balustres de porcelaine . Des grillages délimitent des petits jardinets où sont plantés des palmiers et des bougainvillées . Au centre de la petite place des bancs de fer forgé peints en blanc avec des motifs végétaux. Deux musiciens donnent un véritable concert : un guitariste et un percussionniste . Les deux chantent très bien . Les touristes ont occupé les bancs .Je sors mon carnet de dessin . La Galerie d’art ressemble aux maisons nobles de Sao Felipe. Il ne faut pas que je recommence toujours les mêmes dessins !Je décide de dessiner au premier plan les musiciens . Le soleil va se coucher . Il fait très doux, presque frais . Je resterais volontiers plus encore à écouter les musiciens . Nous rentrons par les rues pavées . A chaque coin de rue, un petit orchestre, un peu plus loin, un saxophone .

Comment allons nous retrouver notre Maison coloniale?

finalement facilement, elle est sur la route principale, Camilo Cenfuegos .

 

Trinidad : le port de Casilda et les plages Ancon et La Boca

5CUBA 2004 – 

Casilda : ancien port sucrier de Trinidad

Avant d’aller à la plage, nous faisons un petit tour au port de Casilda. De l’ancien port sucrier et esclavagiste, il ne reste plus rien. Quelques baraques et des barques de pêcheurs sur des pontons de bois . Nous sommes mal accueillies, c’est bien la première fois depuis notre arrivée à Cuba.

Pour aller nous baigner nous avons le choix entre la Plage d’Ancon et celle de La Boca. Du côté de la Boca, la côte est rocheuse tandis qu’à Ancon, il y a une belle plage de sable, deux hôtels et quelques parasols en paille. La Mer Caraïbe ressemble à l’Atlantique, du point de vue de la couleur. Le sable est assez grossier mais plein de coquillages . Ce qui change c’est la température ! Je me trempe sans aucun préparatif et nage parallèlement à la plage avec beaucoup de plaisir.

La petite station de La Boca est très différente d’Ancon et de ses beaux hôtels pour touristes . Le village de vacances pour Cubains est vide en cette saison, quelques maisons fleuries proposent des chambres à louer. Le bord de mer est très animé avec des pêcheurs. Certains plongent, d’autres sortent des filets pleins de tout petits poissons brillants ressemblant à des anchois. Nous nous approchons. En marchant sur le rocher, nous découvrons des coraux et des coquillages énormes. C’est un calcaire récifal construit. Nous attendons le coucher du soleil qui se cache dans de petits nuages. Une sorte d’arche est du plus bel effet : l’eau scintille avec des reflets dorés et orangés. Les silhouettes des pêcheurs se découpent sur le rocher . Un petit teckel à poil ras tire sur sa laisse . Il est rigolo. Nous écoutons avec émotion son aboiement de teckel.

Après, le coucher du soleil, nous retrouvons les gens du teckel sur une charrette tirée par un cheval, le teckel occupe la place d’honneur derrière le cheval.

Dominique échafaude des plans. Et si nous restions une nuit de plus à Trinidad ? ce serait bien tentant ! Mais il faudrait garder la voiture un jour de plus.

Nos rentrons à la nuit tombée en ramenant une femme et sa petite fille.

Hélena a ait des poivrons farcis aux légumes : chou, carottes, courge jaune. C’est délicieux . les tomates de Cuba ont un goût de vraies tomates. Quand on pense qu’en Crète ou à Chypre elles poussent hors-sol . ! Il faut aller à Cuba pour retrouver des vraies tomates.

Soirée dans le patio, toute la famille, Héléna, sa fille et sa mère regarde le feuilleton brésilien (j’ai reconnu la musique).

J’ai oublié de parler du « Mural » qu’on a trouvé dans tous les musées. C’est une grande feuille de papier blanc sur un support d’environ 1mx1.5m sur lequel toutes sortes d’informations intéressantes sont placardées.

Au Musée romantique :

–     une information sur la transmission du SIDA avec dessins explicatifs sur la pose du préservatif

  • un article de journal daté de fin janvier relatant une explosion de bombe à Moscou
  • -un article encore antérieur sur les exploits d’un tennisman dans un tournoi
  • la liste des employés sur un tableau récapitulatif, certains sont soulignés en rouge
  • le nom des employés modèles de Janvier
  • au Musée d’Architecture, moins d’informations générales mais un organigramme du personnel et la liste des employés modèles.
  • A la galerie d’art, les employés récompensés voient leur nom artistiquement écrits sur du papier kraft tout aussi artistiquement déchiré
  • En outre, une liste désigne les critères de sélection de ces employés récompensés (comment ?) : assiduité, retards, initiatives, travail supplémentaire ( ?) agriculture (dans une galerie d’Art !) etc…

Valle de los Ingenios

CUBA – Lundi 23 février 2004

La route de Sancti Spiritu longe la très belle vallée de los  Ingenios bordée par des montagnes bleutées dans le petit matin. La canne couvre de belles étendues vert tendre. Des ruisseaux serpentent . quelques fermes isolées sont ombragées par de gros arbres tropicaux à la cime arrondie.

Los Ingenios sont les raffineries à sucre parfois appelés moulins à sucre. Cette vallée est le centre de la production de la canne à sucre. 

Nous faisons un premier arrêt pour le panorama . . Deux vautours picorent le cadavre d’un malheureux chien.

Les panneaux roses signalent les sites touristiques. Nous parvenons sans encombre au village de Manaca construit autour d’un curieux édifice : une tour de guet de six étages avec des paliers à arcades. Dominique monte les échelles jusqu’au premier niveau (deux étages d’un immeuble ordinaires) je grimpe jusqu’au sommet. La vue est très étendue . On surveillait ainsi les plantations .

Les plantations vues de ma tour de guet de Manaca

Au pied de la tour un très joli marché est installé, tout blanc de dentelles : nappes et draps brodés, suspendus, flottant au vent. Sur des cintres, des blouses des combinaisons et des pantalons à l’ancienne. Des femmes brodent (pour authentifier la facture des broderies ?)

Le village est très fleuri, les jardins  bien entretenus . Les petites maisons de bois peint en blanc patiné, ouvertes à tout vent. A l’arrière la cuisine consiste en un plan de travail . Parfois des marmites cuisent sur de petits feux au milieu de la cour. Au fond des petits appentis, des cabinets.

Les porcelets se promènent tranquillement dans la « rue » ainsi que les poules suivies de leurs poussins. Une vieille femme avec un turban sur la tête propose de nous accompagner. Des cris nous surprennent : « c’est un calao qui parle » explique-t- elle. C’est un gros oiseau  qu’on devine entre les branches d’un manguier . Est ce un perroquet ? Elle vient avec nous sous l’arbre. L’oiseau noir et lourd s’envole. Une sorte de mainate ? Les villageois semblent beaucoup aimer les oiseaux . Au toit de leur auvent, ils suspendent de jolies cages faites de très fines lattes de palmier avec de petits oiseaux exotiques pour nous .Sur un petit terre plein soigneusement balayé une cage est suspendue à un poteau avec un écriteau « local des dominos » . Ce n’est pas l’heure, la place est vide . Je photographierais bien chacune des maisons mais j’ai peur d’être indiscrète. La tour provoque un afflux de touristes et je n’aime pas trop d’idée de participer à cette invasion .

Pour libérer ma conscience, je m’invente un code de savoir-vivre à ma propre intention : toujours demander, bavarder un peu, demander le nom des gens que je photographie . Nous nous promenons très tranquillement. Une petite fille pose gentiment . Je demande à sa mère à quoi travaillent les gens du village : « A la canne » et les femmes ? « A la canne aussi . C’est un dur travail » Il existe aussi une usine de papier un peu plus loin mais les gens de ce village n’y travaillent pas. Certains jardins sont clos par des poteaux serrés qui ont repris vie. D’autres, par les mêmes cactées qui étaient dans le salon de la mère de Dominique . Les tiges plantées serré bifurquent et forment un rideau piquant impénétrable. Dans un jardin, une pancarte : Chien méchant ;

Pour prendre une autre photo, j’engage la conversation avec une dame noire en tablier enturbannée qui se plaint que ses plantes ont soif . Elle me montre les coléus sur la terre sèche .Il n’a pas plu depuis six mois . Je m’étonne et lui raconte l’averse d’hier à Cienfuegos . Je lui demande son adresse pour lui envoyer la photo si elle est réussie , le code postal du village . Etonnement, personne ne connaît le code . Le nom du village devrait suffire .

Avant de repartir, je choisis une blouse sans manches au marché avec des jours et de discrètes fleurs brodées. Dominique insiste pour que je prenne aussi un pantalon qui coulisse avec un lacet . La vendeuse me fait un  prix 15$ pour les deux . Elle a eu raison ! Après la douche, j’ai mis mon nouvel ensemble qui est très léger et agréable à porter avec cette chaleur .

Le petit train à vapeur avec ses wagons de bois a apporté sa cargaison de touristes . Nous repartons à bord de notre petite Hyundai bleue vers des aventure hors des sentiers battus .

Le gardien du parking nous a dit que nous devrions trouver su site intéressant après le pont sur le Rio . On pourrait même s’y baigner ; Nous tournons sur une mauvaise route dans les champs de canne à sucre . La route se transforme rapidement en piste . A notre rencontre, arrivent d’antiques camions bleus chargés de canne. C’est la Zafra. Leurs allers et venues sont incessants. Ils soulèvent une épaisse poussière qui s’enroule avec le vent comme une mini-tornade.

Nous demandons notre chemin au village suivant. Deux femmes montent à bord  . L’une d’elle avait une silhouette très pittoresque avec un parapluie noir qu’elle brandit comme une ombrelle. L’autre porte une cocotte .

Nous découvrons un bâtiment très vaste en haut d’un imposant escalier, précédé d’arcades majestueuses. C’est la maison des plus grands sucriers du début du XIX ème siècle 1820 . Ils ont fait peindre des fresques par un peintre italien. L’UNESCO rénove le bâtiment pour y installer un musée du sucre. Le garde nous commente très aimablement la visite.

Près de la route, dans une grande mare, des hommes battent l’eau avec des gourdins : ils pêchent .

C’est l’heure du déjeuner :J’entre dans une petite cantine en ciment sur le bord de la route .. La dame fait des difficultés pour accepter mes dollars, elle ne peut pas me rendre la monnaie Après maintes hésitations, on me prépare un bocadillo de jambon au pain se et un « hamburgesa » sur un minuscule réchaud. Elle me rend en « monnaie nationale » C’est la première fois que je vois des billets de 20 pesos . Le hamburgesa est très pimenté . Je me débarrasse du billet au bar du mirador pour acheter une glace très rose très chimique . Nous avons déjeuné pour 1$.

En rentrant à Trinidad vers 14h ,. nous doublons des carrioles tirées par des chevaux chargés de canne. Le cheval rentre seul à la maison, il connaît le chemin. Le paysan fait la sieste couché sur son chargement de canne.

Trinidad : notre Maison Coloniale

CUBA  2004

Salon d’apparat

Avant le retour à  La Havane, il est temps de décrire notre maison coloniale . Elle est située 126 calle Cienfuegos sur la route principale qui va de Cienfuegos à Sancti Spiritu. Ce nom est une coïncidence.  Camillo Cienfuegos fut le compagnon de Che Guevara. La façade est peinte en vert amande. Elle s’ouvre par une très haute porte de bois marron antique. La fenêtre est grillagée avec des motifs en rosace évoquant un soleil et ses rayons. On entre par une pièce toute en longueur qui sert de bureau avec des bibliothèques remplies de livres. Le salon est très vaste, carrelé de motifs floraux imitant un tapis. Un portique de quatre colonnes sépare la pièce en deux, deux colonnes de chaque côté et deux au milieu. Quatre fauteuils cannés en bois foncé  meublent chaque partie . A l’arrière, un piano . La chaîne Hifi et la télévision sont les seules concessions à l’époque moderne. A l’arrière du salon, une longue galerie couverte communique avec le salon par trois ouvertures dont l’une est fermée par une grille représentant le soleil comme celle de l’extérieur. Des persiennes de bois marron avec des lattes orientable ferment la maison.

Le patio de la résidence Sanchez

Le patio est une vaste cour rectangulaire cimentée avec trois bac plantés de verdure . Dans le massif rond, au milieu, pousse un aloès en fleur, dont je cueille une feuille grasse pour calmer les piqûres de moustiques au coucher du soleil à la Boca. Les deux autres bacs sont carrés, le premier occupé par des rosiers énormes, celui du fond  par sept bananiers. Des potiches contenant des palmiers complètent la verdure . Face à la galerie, au fond, le comedor et la cuisine sont également fermés par les mêmes persiennes que celles de la galerie. La longueur du rectangle est occupé par quatre chambres aux portes laquées de crème, avec des fenêtres grillagées. Dans le salon de jardin, deux berçantes métalliques et une petite table .

Notre chambre est très haute. Le plafond de bois en pente se termine par un auvent à l’extérieur. Les meubles anciens sont sculptés de motifs floraux . Face au lit, un curieux meuble tarabiscoté : un très haut miroir est encadré par deux petites commodes à tiroirs recouvertes de marbre, autour du miroir, un cadre compliqué avec des colonnettes un frontispice à sculpture en coquille . Au dessus du lit, un crucifix de bonne taille sur un cœur . J’ai essayé de faire raconter à Helena l’histoire de la maison . Celle ci a deux cents ans mais son arrière grand mère l’a achetée il y a cent ans. La grand mère y est née. Quand Héléna était adolescente, on y donnait des fêtes et on dansait dans le salon. Mais le père est mort et depuis il n’y a plus eu de fêtes.

En route vers Trinidad : autostopeurs et jardin botanique de Cienfuegos

CUBA 22 février 2004

Ficus étrangleur

Après des adieux très affectueux, nous quittons notre belle maison du Védado à bord d’une Hyundai bleue .

Nous sortons facilement de La Havane en descendant la calle 10 jusqu’au Malecon puis prenons le Tunnel . un piège nous attend : une pancarte (il y en a si peu !) indique Cienfuegos . Nous la voyons trop tard, faisons demi tour à la sortie suivante de la voie rapide, puis nous retrouvons sur un rond point sans aucune indication . Au moment d’entamer le second tour de la rotonde, un homme nous hèle . Il affirme que les touristes ne trouvent jamais l’autoroute et monte d’autorité dans la voiture . Il nous mènera à l’entrée de l’autoroute, moyennant finances .Cienfuegos est une banlieue de La Havane ce qui nous a trompé puisque notre première étape est la ville de Cienfuegos.

A se demander si cet homme ne fait pas profession de remettre dans le bon chemin les touristes égarés comme nous . Profession lucrative !

L’autoroute traverse une plaine pendant une centaine de km  .Le paysage est monotone : de la canne, des friches plantées de buissons épineux, quelques palmiers. Sur l’autoroute, très peu de voitures, surtout des touristes comme nous , sur la voie de droite, des piétons, des vélos … J’essaie de me repérer sur la carte mais j’ai peu d’indices. Toujours la plaine, les cultures changent enfin . Les grands champs de canne font place à des vergers d’agrumes qui embaument . Le parfum des orangers en fleurs m’enchante. Des troupeaux de vaches paissent dans des prés à perte de vue. Il s’agit d’élevage collectif sûrement : étables immenses avec des centaines de stalles .

Après 150 km, nous quittons l’autoroute pour une route assez importante. Des auto-stoppeurs sont massés sur la bretelle d’accès . Nous faisons monter une jeune femme.

Dominique n’est pas enthousiaste pour prendre des stoppeurs. Moi, au contraire, j’y vois plus d’un avantage : rencontrer des Cubains ordinaires, parler espagnol, avoir des explications sur les cultures et bien sûr, un guide pour la route. Malheureusement, notre passagère ne fait rien de tout cela . Elle agace prodigieusement Dominique qui se méfie d’elle et ne pense qu’à s’en débarrasser. Nous traversons des villages et des rizières . Un nuage menaçant surgit brusquement . A peine l’avons nous remarqué, qu’une pluie diluvienne s’abat . L’essuie-glace de droite est défectueux : le caoutchouc est déchiré (pourtant nous avions bien été prévenues par Mireille et Hamdane) La route est devenue très glissante . Dominique maîtrise mal la direction . Heureusement, le beau temps revient aussi vite que la pluie était venue. Nous évitons Cienfuegos pour arriver plus vite au Jardin Botanique.

luxuriance et gigantisme

Le Jardin Botanique est un immense arboretum situé en pleine campagne. Rien à voir avec un parc urbain ou avec une attraction pour touristes . D’ailleurs, nous sommes les seules visiteuses étrangères. Des allées sommaires conduisent à des plantations thématiques : ici, le coin des paliers, là bas les cactus ou les bambous. Les arbres sont immenses. C’est le gigantisme qui frappe tout d’abord l’imagination . Evidemment, nous n’économisons pas la pellicule . Il faut mettre un personnage pour donner l’échelle tellement il est important de souligner la taille des végétaux ;

Il faudrait une visite guidée pour apprécier toutes les essences et les variétés . Nous voici dans un univers végétal totalement inconnu . Les étiquettes sont fort rares . Dominique ramasse toutes les graines tombées à terre . Voudront elles bien germer à Créteil ?

Chercher le colibri!

Je cherche les fleurs pour égayer l’album photo. Une curieuse grappe rouge m’attire . Surprise du jour : un colibri !

Cette découverte me ravit presque autant que mon premier baobab . De l’infiniment grand à l’infiniment petit ! Le colibri butine les grosses fleurs oranges comme le ferait un insecte . Son long bec recourbé fait penser à la trompe d’un papillon . Ses ailes battent si vite quand il fait du surplace qu’on ne les voit plus . Il fait le même bruit qu’un bourdon . Tellement rapide que je ne pense même pas à le photographier . Dominique s’y essaie avec méthode : attendre . Puisqu’il aime ces fleurs il reviendra sûrement . J’admire les couleurs métalliques de son plumage vert ou bleu , pensant au problème d’optique de Françon à la fac avec les interférences . Il faudra le chercher dans les photos . Ensuite, je privilégie la recherche d’autres arbres fleuris espérant revoir d’autres colibris. Un arbre aux fleurs rouges est aussi peuplé d’autres oiseaux, Dominique applique sa nouvelle méthode de chasse photographique .

Malheureusement, le soleil baisse, la lumière est très belle . Il faut nous hâter si nous voulons rejoindre Trinidad avant la nuit .

Encore une fois nous avons perdu la route . Dans le village suivant, je demande mon chemin à un vieil homme assis sur le bord de la route . Ce dernier nous impose deux jeunes gens à bord de la voiture « vous n’avez pas confiance ? » lance-t il à Dominique qui n’a pas confiance du tout Nos passagers nous guident  et nous quittent rapidement. Comme le deuxième descend, une femme avec une petite fille se précipite, elle ne va pas loin à 8 km à la clinique .

Dans la lumière du couchant, la montagne violette est très belle . Nous aurions pu faire de bien belles photos : une aigrette sur une chevrette ; des homes qui rentrent à cheval coiffés de leur sombrero de paille qui ont fière allure . Certains rentrent les vaches . Cela fait western .

safari-photo : chercher le colibri!

J’attends avec impatience la Mer des Caraïbes, toute proche ; Enfin ! la voilà au coucher du soleil . Nous ne résistons pas à la tentation de faire un détour et nous arrêtons devant une maison très simple  où on élève des chèvres . Une chèvre essaie de manger une orange, trop grosse, elle la presse dans sa gueule en relevant la tête comme pour en extraire le jus .

Il reste une vingtaine de km à parcourir pour arriver à Trinidad . Nous longeons la mer .La nuit tombe vite à Cuba . Quand nous sommes aux portes de Trinidad, il fait nuit noire. Des cyclistes se relaient pour nous conduire à l’hostal Rioja chez Térésita que tout le monde connaît. Il y a plein de monde dans les rues sombres . Nous rencontrons deux ivrognes soutenus par leurs amis. La première impression de Trinidad n’est sans doute pas la meilleure . Cela ressemble au Cap Vert en plus sordide ?

Le soleil se couche sur la Mer des Caraïbes : nous arriverons de nuit!

Nous ne logerons pas chez Térésita (bonne référence d’après le Routard). Nous sommes logées en « catégorie coloniale » Térésita enfourche son vélo nous la suivons. Nous découvrons notre Maison Coloniale avec son salon immense ses plafonds très hauts, son grand patio. Avant de s’installer, il faut mettre la voiture au garage .Les voiture n’ont pas droit de cité .

Nos voisins sont italiens, un couple et leur bébé de trois mois, très très italiens.
Maria Héléna nous sert un dîner léger dans le patio : une soupe de légume délicieuse, de la salade de tomates et des choux râpés, du riz blanc, des bananes frites et une coupe de fruit : bananes et goyave.

Je termine la soirée à écrire dans un fauteuil dehors sous les étoiles .

 

La Havane – Vedado – visite de la Forteresse – Musées – Cocotaxi – Prado

CUBA – Samedi 21 février

La Havane : petit marché local

En sortant ce matin dans le jardin, l’odeur délicieuse d’oranger en fleur nous surprend. Inutile de se lever tôt dans notre belle maison Le petit déjeuner n’est pas servi avant 8heures.  A neuf heures, nous sommes sur la calle 23, si animée hier soir, maintenant déserte. Pas un taxi.  Nous détaillons les belles façades, certaines restaurées, certaines mangées par la végétation tropicale Des chapiteaux corinthiens, ioniques ou doriques s’écaillent ou sont soulignés par des peintures colorées dans la plus grande fantaisie. Difficile d’imaginer la vie dans ces villas immenses. Les anciennes familles occupent-elles encore leurs domaines ou sont ils fractionnés en logements ?

Nous sommes à la recherche d’une bouteille d’eau . J’essaie une épicerie au comptoir ouvert sur la rue . Les rayonnages sont absolument vides, bien entendu, l’eau minérale est inconnue. S’il n’y a rien sur les étagères, par terre se trouvent des sacs. On vend en vrac, le riz, le sucre les haricots et la farine pesés sur une balance Roberval. Pas de conserves en dehors du lait condensé . Sur des étals presque vides sont exposés des tomates, concombres et tubercules que je n’identifie pas .

en taxi vers la forteresse

Nous trouvons enfin un taxi, une vieille Lada qui suit le Malecon et emprunte le tunnel pour aller à la forteresse.

9h30 : il est bien trop tôt. La billetterie n’ouvre qu’à 10 heures (plus une bonne dizaine de minutes de retard. L’exactitude n’est ni espagnole ni latino-américaine) . Il fait déjà chaud, le soleil tape dur . Une belle lumière inonde La Havane.

De loin, les gratte-ciel du front de mer ont belle allure, de près ils étaient laids .La Havane offre son profil américain avec ses gratte-ciel et son Capitole.

profil « américain » et port vus de la forteresse

Les gros cargos se succèdent dans la passe qui mène au port. L’un d’eux, Panaméen est particulièrement rouillé.

Finalement, nous pénétrons dans l’énorme forteresse du 18ème siècle entourée par ses fossés herbus et ses hauts murs .Elle garde l’entrée du port, le défendant des corsaires. Très vaste  et armée de nombreux canons. Ce n’est qu’une partie du système défensif. Un autre fort se dresse en avant à côté du phare, en face, la Fuerza Real que nous avons visitée la semaine dernière .

La Havane : forteresse

Les bâtiments très hauts précédés de hautes portes de bois sont très bien conservés (ou restaurés).Ils abritent un petit musée des armes (poignards, sabres, kris) du monde entier, des restaurants, et surtout la Foire du Livre .les écriteaux au dessus des portes évoquent la littérature cubaine   Lezama Lima, Alejo Carpentier ...

Nous montons sur les enceintes sous un soleil cuisant(j’aurais dû prendre mon chapeau de paille ou un foulard). Sur la Place d’Armes, une surprise nous attend : une dizaine de soldats espagnols en perruque et bottes de mousquetaires relève la garde . deux d’entre eux se détachent. Un minuscule canon est mis à feu à l’aide d’une loupe. Autour du canon, en arc de cercle : un grand cadran solaire.

Fortreresse de la Havane : relève de la garde

Visite au Musée Che Guevara : on voit son bureau, quelques effets personnels, un vieux sac à dos, un canif . beaucoup de photos. J’en connais une bonne partie d’après le livre de Découvertes Gallimard et celui de Kalfon. Sur des panneaux vieillots très sobres : des citations à la gloire du Che de Fidel, de Borges et l’inévitable José Marti .C’est émouvant . La personnalité du Che, archange de la Révolution, modèle d’un Homme Nouveau ne peut laisser indifférent . Pourtant je suis toujours sceptique aux martyrologies . Que serait il devenu s’il avait survécu ?

Pour rentrer : taxi de collection : une Opel 1954 peinte en marron. Le chauffeur nous fait remarquer que Cuba est un musée roulant ;

Irons nous voir le Musée de la Musique ? Assises sur un banc du square du 13 mars, nous hésitons. Promenades au Prado pour voir les façades des grands édifices ? ou Musée de la Révolution construit dans le monumental Palais Présidentiel construit en 1913 ?

La Havane : Capitole

Impossible de faire l’impasse sur la Révolution. Nous passons plus d’une heure à regarder les photos en noir et blanc avec leur austère commentaire, les slogans révolutionnaires , et quelques objets de la vie quotidienne des guérilleros (chaussures de marche, chemises militaires, blaireaux …)tout un demi siècle d’histoire défile, et pas seulement à Cuba . je reconnais les figures de Nasser, de Gagarine, de Mikoyan . cela me remue que les images d’actualité de mon enfance et de mon adolescence soient maintenant passées à l’Histoire. des souvenirs clignotent .

Des visages inconnus de cubains, bourgeois, paysans sous le chapeau de paille, quelques rares visages de femmes ,. des centaines de visages qu’on ne peut pas ignorer. Je lis avec attention les austères panneaux de statistiques . Bien peu répondent à mes interrogations . Rien sur les taux de naissance ni sur la contraception, si peu sur les exportation et le prix du sucre .

De la guerre opposant Cuba aux USA, des données nouvelles : la guerre bactériologique aurait été utilisée par la CIA : maladies du tabac, maladies de la canne et même la dengue . Que penser ?

Dominique découvre qu’elle comprend très bien l’espagnol écrit des panneaux même mieux que l’anglais .

Nous rentrons au Vedado en Coco taxi – version latine du touktouk asiatique – version moderne aussi : une coque en fibre de verre jaune : un engin léger, rigolo, confortable mais terriblement bruyant. Le notre ne démarre pas, il doit être poussé par trois vigoureux passants . A chaque carrefour, il pétarade sans trêve . Malheur, s’il cale, il ne pourra pas repartir .

Dans le jardin il fait une température idéale, pas une voiture dans la callé 25 ni sur 6 . Des enfants jouent à la balle dans la rue. Je me prélasserais bien encore plus dans cette douce tranquillité .

Cocotaxi

Vers 16 heures, nous prenons un autre cocotaxi, nous y avons pris goût . Je marchande 3$  pour la Vieille Havane, le chauffeur en demandait 5 . C’est toujours risqué de marchander avec un touktouk j’en avais déjà fait l’expérience à Kanchanabury . Pour ce prix négocié, le Cocotaxi fonce, nous secoue . C’est à se demander s’il ne fait pas exprès de passer dans les nids de poules et s’il ne rase pas les piétons pour nous effrayer . J’allais faire la remarque à Dominique « nous sommes punies », quand la police arrête notre véhicule qui roulait à gauche largement au dessus des 40km/h autorisés. Au lieu de nous conduire à la Cathédrale, il nous laisse devant le Capitole. Nous sommes bien contentes de descendre à défaut d’être arrivées à destination .

Nous sommes abordées par des mendiants. C’est la première fois . Je distribue de bonne grâce chicklets et savons.

Nous descendons le Prado qui est vraiment une très belle promenade ombragée d’arbres magnifiques, avec des bancs de marbre, bordée de deux contre-allées tranquilles . Les immeubles sont surchargés de stucs, colonnes et moulures, peints en vert, bleu, beige . Comme c’est samedi, soir tout le monde est dehors au balcon. Je prends une photo d’une femme noire vêtue de rose fuchsia avec des bigoudis sur la tête qui danse avec son balai. Il y a de la musique partout. Chacun pousse sa chaîne au maximum.

Aux balcons du Prado

Nous nous asseyons sous les fenêtre d’un bel immeuble d’où sort une musique assourdissante : d’après ce qu’on voit sur le balcon, c’est une boum d’enfants .

Par les petites rues animées, nous parvenons à la Cathédrale. Des musiciens jouent dans un bar, les spectateurs se massent dans la rue . sur la place de la Cathédrale, devant le restaurant Le Patio un orchestre de cinq musiciens . Des cubains invitent à danser les touristes. Un vieux noir avec une casquette rouge fait rouler un bidon et fait mine de danser avec .

Le musée colonial occupe une belle demeure construite autour d’un vaste patio . les salles du rez de chaussée présentent de la vaisselle de porcelaine fine : quel raffinement chez les familles nobles espagnoles ou créoles .  A l’étage, des pièces sont reconstituées : une salle à manger d’apparat avec tout un service de verres en cristal, ne chambre à coucher etc… Nous sommes sans cesse sollicitées par les bruits de la rue les orchestres des bars des rues adjacentes, ,  trois petites filles répètent une chorégraphie en tapant dans leurs mains …

Il fait presque nuit quand nous remontons Obispo que nous reconnaissons . Cela fait plaisir de repasser par des endroits connus. Nous nous approprions la ville . Pourtant Obispo,  le soir, est bien différente de l’autre matin . Les oiseleurs ont rentré les cages, les librairies sont fermées mais les bars font recette . Nous passons devant des galeries de peintures que nous n’avions pas remarquées quand nous cherchions nos piles . Je fais mon pèlerinage Hemingway, entre au Floridita (très classe, air conditionné, le portier referme la porte derrière moi) . A côté du fameux tabouret de l’écrivain, une silhouette en carton à son effigie .

 

La Havane – Vedado

CUBA – Vendredi 20 février 2004

Vedado

J’écris, assise dans un rocking-chair en fer forgé sous la colonnade de la plus belle maison qu’on puisse imaginer. Une maison de millionnaires d’antan. Construite en 1954, modern style, très sobre. Sur la table basse de fer forgé, le plus joli cendrier en émail cloisonné chinois. Un jardin luxuriant . La terrasse est bordée d’une rangée de frondes de fougères . Un immense bananier donne de l’ombre à notre chambre. Trois de ses troncs sont si hauts que je les confonds avec des palmiers. Dans les carrés de pelouse, des massifs de bougainvillées rose vif, des crotons, des rosiers . Des plantes vertes en pot complètent l’aspect luxuriant de cette végétation tropicale. Une belle haie très drue nous isole de la rue 25 tranquille bordée de villas d’un ou deux étages un peu décaties . Souvenirs pas si lointains d’un quartier très chic avant la Révolution. Notre chambre, elle aussi, est restée dans l’état de sa première splendeur avec son mobilier des années 50 vieillissant mais de très bon goût, armoire de glace .

Les occupantes des lieux sont de vieilles dames, les anciennes propriétaires.

Une vieille dame vient me tenir compagnie avec Mélida. Ces deux dames sont très bien coiffées maquillées, elles sont encore belle allure . Dans leur jeunesse, elles ont dû vivre dans un luxe comparable à celui de la Côte d’Azur ou de Neuilly . Elles parlent de maladies comme toutes les vieilles dames du monde .

Vedado

Nous avons failli habiter dans un véritable palais aux moulures de stuc, colonnes grecques. Nous sommes arrivées dans une entrée magnifique avec des lustres de cristal, des peintures chinoises ou japonaises au mur. Par la porte vitrée nous avons aperçu dans le petit salon le plus beau piano à queue laqué blanc que j’ai jamais vu . mais c’était une erreur de Roots . le taxi ayant disparu, j’ai roulé la valise et Dominique a porté les paquets à quelques blocs de là, de la rue 21y4 à 25y6. Peu de poésie dans cette numérotation, mais c’est bien pratique .

Notre deuxième séjour à La Havane ne ressemblera pas au premier .

La journée ne s’est pas déroulée comme nous le pensions.

Nous avons quitté Cayo Levisa par une mer d’huile laiteuse et opalescente à l’arrière du récif, noire et brillante du côté de la mangrove .

Sur la jetée de planches, nous avons guetté les petits poissons .Le guitariste a accompagné un saxophoniste français . Il lui montre un barracuda : poisson mince, à l’affût . Puis nous voyons une sorte de concombre de mer puis un annélide que le guitariste appelle un mille pieds.

La traversée a été très agréable, le bateau soulève une écume abondante et fend le miroir brillant traînant 12 ondes qui rident la mer étale .

A la sortie du bateau, le chauffeur de taxi nous attend avec sa Citroën Xsara . Il se présente : « Pedro ». la conversation s’engage. C’est absurde d’aller chercher l’autobus à Vinales, cela rallonge la route, sans parler de l’attente . Il propose, pour 50$ de nous emmener directement à La Havane. Vous serez à la Havane à 11h au lieu de 17 heures . Pour seulement 25$ de plus, nous gagnons une demi journée et surtout un voyage beaucoup plus agréable que dans le car Viazul sur l’autoroute. De plus, il est d’accord pour les arrêts photos.

Dans les rizières, les hommes repiquent. Contrairement à la Thaïlande, les femmes ne travaillent pas aux champs ici. Pédro commente. C’est un guide excellent qui sait expliquer et animer ce qu’on voit . Je suis fascinée par les ceibas (baobab). Il confirme leur caractère sacré « on ne l’abat pas » .

Il nous apprend aussi comment conduire à Cuba. « Tout le monde vit sur la route : les gens, les animaux, les vélos, les charrettes, les camions et les tracteurs, » Ce sont surtout des vélos qu’il faut se méfier, klaxonner et quelques fois rouler derrière le vélo, à son allure.

Les camions fument terriblement . Nous roulons derrière le même depuis un bon moment, impossible de le dépasser, je renonce à ouvrir la fenêtre malgré le soleil qui tape dur. Dominique, incommodée par la pollution, se bouche le nez avec son mouchoir.

Nous traversons des villages. Il y a énormément de gens dans la rue . Nous voyons les échoppes et les petites cantines. Pedro nous explique que la vitesse est limitée à 40 dans les agglomérations, mais il roule à la vitesse des vélos .

Les Cubains montent dans des charrettes tirées par des chevaux, dans de bizarres remorques bricolées en bois dans lesquelles ils s’entassent debout. Ces misérables remorques sont tirées par des camions et parfois par des tracteurs. Nous passons devant de nombreux policiers qui arrêtent les camions mais pas le taxi .Le taxi roule à gauche, ou à droite selon les nids de poules.

Le transport semble être un problème majeur . Les camions transportent également la canne , toujours dans des remorques bricolées de bois mal équarri.

La plupart des villages sont très pauvres. Mais ils semblent également très riants . Je m’explique mal la pauvreté dans cette  campagne si verte, si bien cultivée partout. Les cannes sont les plus belles que j’ai jamais vu (Cap Vert ou Egypte) . Les rizières sont florissantes, le manioc, les légume, tout semble pousser à merveille. Aucune comparaison avec les pauvres petits champs du Cap Vert ou du Maroc .

L’absence de tracteurs et de mécanisation est peut être une explication. Mais quand même ! Comment expliquer une telle pénurie ? Le sucre ne se vend pas à un juste prix . Mais justement, les cultures me paraissent diversifiées.

En tout cas, cette campagne est très pittoresque et variée. A 11 heures nous sommes encore à 60 km de La Havane. Nous arriverons à 12h155 . A la fin Pedro emprunte l’autoroute. C’est un compagnon de route très agréable. Il est curieux de tout. Il me pose des questions sur la France symbolisée pour lui, par la Tour Eiffel (bien sûr) et Brigitte Bardot . Il est au courant de la canicule en France cet été . Que des gens meurent de chaud par 40°C lui paraît invraisemblable. A Cuba, on se met à l’ombre sous les arbres ! Et il fait 40° tous les étés ! C’est la première fois que mon espagnol me sert vraiment . Dans le reste de « Cuba en dollars » c’était un luxe superflu, l’anglais aurait bien suffi.

Vedado : villas fastueuses

Promenade dans le Vedado . Vers 16 heures, nous ressortons. Au bout de la rue 25, à trois blocs d’ici, se trouve le cimetière de Colon que les guides recommandent. Dominique trouve que c’est une drôle d’idée de visiter un cimetière. Certains mausolées sont monumentaux . Nous repérons les tombes citées dans les guides. Celle, très fleurie d’une femme morte en couches, enterrée avec son enfant à ses pieds qu’on a retrouvée avec son bébé dans ses bras . Celle des pompiers ; sorte d’obélisque, celle qui représente la partie de dominos que la défunte n’a pas pu terminer.

Le repérage dans le Védado est très facile : rues impaires recoupant les rues paires de 2 à 12 ou nommées par des lettres . Au fond : le Malecon.

Dans ce quartier, les villas sont très belles dans des jardins très calmes . La circulation automobile est concentrée dans de rares artères (cale 12 ; la Rampa, le Paséo fleuri, Los Présidentes promenade fleurie) .Il y a des squares très verts .. Nous marchons beaucoup admirant les villas avec les balustres, les portiques les moulures, les maisons Art Déco .

Des enfants jouent au basket et au base-ball en pleine rue. Je suis agréablement surprise.

Malecon

Le Malecon que nous suivons sur plusieurs km, en revanche, me déçoit un peu . Des immeubles modernes, tours affreuses gigantesques mal construites et mal entretenues gâchent la vue . La circulation peu dense mais à grande vitesse est gênante. A la tombée de la nuit, la lumière est belle et les couleurs chatoyantes avec le Capitole au fond du décor.
Nous rentrons harassées par la Rampa sans trouver de taxi.

Cayo Levisa – enfin le beau temps!

CUBA  -jeudi 19 février 2004

Enfin le soleil!

Enfin le beau temps ! Et ma baignade tant attendue ! Allons-nous prendre une excursion en bateau ?La mer a une belle couleur turquoise bordée d’une bande opalescente frangée d’écume et d’eau laiteuse émulsion de fin sable corallien. Le vent n’est pas complètement tombé. L’eau est trop trouble pour la plongée et le snorkelling. Ceci met un terme à nos atermoiements .

Sous le soleil nous ne reconnaissons plus notre plage . Je prends photo sur photo pour le plaisir du fond turquoise.

Il faut se protéger du soleil. Je me barbouille d’écran total avant de dessiner dans mon carnet moleskine  . Il a un format idéal, il tient dans la poche et les esquisses sont faciles.

Un arbre à la dérive

L’arbre seul sur son radeau m’obsède et m’inspire toutes sortes de pensées .:

Version biologie : ancrage multiple résistant à la marée et au vent envers et contre tout .

Version écologique transgression de la: limite entre le milieu terrestre et le milieu marin

Version politique : départ vers la Floride, radeau prêt à partir, plus sûrement que les voitures amphibies.

Je dessine, le dessin comme moyen d’analyse . Cela se rapproche du travail que j’exige des élèves . pas d’exigence artistique, plutôt une description imagée . Confortée par ce point de vue, je ferai trois esquisses, l’une de la forêt magique, mangrove fantôme, une autre de la côte de Cuba une troisième de la mangrove bien vivante sur son chenal d’eaux dormantes.

Peu de trouvailles originales dans les laissées de la marées, surtout des clams et quelques gastéropodes ? la surprise du jour :quelques minuscules poissons dans l’herbier marin et d’autres dans l’eau calme de la mangrove .

La baignade a été plus une question de principe . L’eau est tiède, je me suis accoutumée à la température en longeant la plage, il a donc été facile de me tremper . Mais l’eau est si agitée qu’on ne voit rien et qu’il est difficile de nager . Le courant m’embarque à quelques dizaines de mètre plus loin .Je ne voulais pas quitter Cayo Levisa sans m’être baignée

Vinales/Cayo Levisa

CUBA – Mardi 17 février 

Le minibus traverse la région des mogotes .La paroi des buttes est rongée par l’érosion, creusée de grottes formant des entrelacs de dentelle calcaires . Je révise mes connaissances botaniques de fraîche date . Au tournant. de la route, la fameuse grotte de l’Indien (un complexe touristique) . Des étables collectives et un assemblage de maisons de ciment toutes pareilles décalées par rapport à la route :  Un kibboutz ? cela y ressemble .

Nous traversons un bourg très animé : Las Palmas . Il y a un monde incroyable dans la rue et sous les portiques . Que font ils ? les courses ? Nous voyons un marché. Quittant la montagne, les cultures changent : des bananeraies, les bananiers sont très hauts. Au loin, la mer grise barre à l’horizon . La chaleur et l’humidité sont palpables . Nous découvrons nos premières rizières inondées, certaines sont en terrasse comme en Asie. Des hommes labourent avec leurs bœufs, d’autres repiquent ou desserrent les plants de jeunes pousses, font des tas de plants à repiquer ailleurs .

Dans le minibus des conversations se sont engagées entre deux danoises très jeunes, une Irlandaise à allure de bonne sœur aux cheveux très blancs séparés par une raie au milieu et une belge vêtue d’une polaire bleu ciel très chic, maquillée . J’écoute distraitement leur conversation . La Belge connaît très bien Cuba qu’elle a visité à plusieurs reprises . Ces filles voyagent comme je l’aurais souhaité en logeant en casas particulares . Elles ont plus de contact avec les cubains que nous. La Belge raconte l’histoire de ces Cubains qui ont essayé de joindre la Floride à bord d’un camion ou sur de grosses voitures américaines justement à partir de l’embarcadère. Elle raconte les problèmes de ces émigrés illégaux qui souvent veulent retourner à Cuba. Cette fille a l’air très bien renseignée.

Cayo Levisa

palétuviers

10 h nous embarquons sur un tout petit bateau comme ceux qui emmènent les touristes en plongée . C’est sans doute le même. Les valises sont entassées sur le pont, tout le monde s’assoit sur le rebord. La mer est grise, très calme, le trajet très court . Nous voyons la ligne de côte avec ses palmiers échevelés qui s’éloigne . Déjà on s’approche de la mangrove . On devine le sable blanc de la plage Le bateau accoste sur un ponton de bois dans les palétuviers .

Un homme empoigne le sac à dos, je lui confie la valise, nous parcourons une centaine de mètres sur un chemin de planches et aboutissons à la réception d’une sorte de Club Med . Accueil en musique avec cocktail de fruits tropicaux .Un employé prend le voucher et nos passeports . Nous poireautons un long moment avant qu’on ne nous conduise au bungalow n°33 (composé de quatre appartements, nous sommes au rez de chaussée)Le bungalow est tout neuf, meubles modernes, climatisation avec télécommande,  télé satellite, des lits jumeaux d’au moins 1 m de large La décoration est de bon goût sur les thème des coquillages  Au fond un vaste placard très bien conçu pour les valises avec deux penderies. Je vide la valise, pour trois nuits, cela vaut le coup de s’installer. Pas de coffre fort . Propreté et confort sans reproche .

Vers midi, nous sommes installées . Notre île déserte ressemble à un catalogue de vacances : sable blanc et cocotiers . Il manque quand même le soleil !

Le ciel est plombé de gros nuages gris. Le vent est très frais. Nous nous promenons sur la plage . l’eau est tiède., le sable très doux . Nous trouvons des coquillages . Les premiers sont cassés . Dominique enfin en trouve un entier et me l’offre . Le coquillage me pince, il est habité par un beau bernard-l’ermite avec de belles pinces bleues et de longues antennes comme celles des crevettes. Nous trouvons aussi de grosses éponges tubulaires, candélabres fantaisistes et décorés . C’est la première fois que j’en trouve . Il y a aussi de petites boules gélatineuses irisées : Des méduses ou des œufs ? D’autres méduses ressemblant à des physalies sont ourlées d’un bord bleu nuit très beau . Je les manipule avec précaution.

Le restaurant est une grande paillote  rectangulaire, très simple du dehors beaucoup plus agréable que la cantine de Los Jazmines conçu pour les groupes en car . Comme l’île n’offre aucune autre possibilité  de restauration nous sommes en pension complète ( j’avais cru lire en demi pension). Je commande une soupe de poisson très légère mais contenant des morceaux entiers . Puis des poissons grillés avec de l’ananas, on dirait de l’espadon  ..Au dessert, riz au lait à la cannelle . Un guitariste et une chanteuse jouant de diverses percussions animent le restaurant . c’est extraordinaire, cette musique vivante partout.

A l’extrémité de l’île, je découvre une domaine enchanté. Quelques arbres morts se détachent au contact de l’eau, puis des branches sèches forment un entrelacs que je contourne avec difficulté, m’enfonçant dans le tapis épais d’herbes marines desséchées, enroulées comme des copeaux, sans doute des Posidonies. Tantôt les racines aériennes des palétuviers pendent comme des lances menaçantes, tantôt elles ressortent de terre, pics argentés par le temps, polis par le sable, pièges à déjouer . Je suis prise dans un labyrinthe si loin de la civilisation . J’ai enfin l’impression de me trouver sur l’île déserte promise . Personne n’est passé sur ce sable . Pourquoi les palétuviers sont ils morts ? Les écorces se détachent laissant des traces de rouille autour des troncs . Partout des terriers de crabes qui fuient à mon approche et rentrent dans leur trou. Un arbre bien vert, à quelques mètres du rivage sur son radeau de racines aériennes entremêlées en arceaux complexes . Parti seul à la conquête de la mer,  son feuillage dégagé forme une boule parfaite découpée net au niveau de l’eau .La langue de sable est si étroite, une dizaine de mètres à peine puis c’est la mangrove dense et verte avec des chenaux d’eau immobile limpide et verte. Je la rejoins avec peine, rusant avec les obstacles. Dans l ’eau peu profonde nagent de très petits poissons et des crevettes . Cette découverte m’enchante. Il me faudrait venir avec mon nouveau carnet moleskine dessiner l’arbre-radeau et les formes compliquées des squelettes des palétuviers ?

Je retourne en marchant dans l’eau, me jouant des obstacles et profitant de l’eau tiède. La marée montante a envahi le sable blanc, la plage a presque disparu sous les accumulations de copeaux de feuilles et sous les tas d’algues . Je rentre les mains chargées de trésors : test d’oursin énorme et deux éponges .

Dominique a rapporté les siens :une belle éponge et deux boules mystérieuses, une noire sans doute une graine, et une blanche, peut être un œuf, accroché à des rameaux, des squelettes de créatures marines étranges et translucides en forme de clochettes fragiles.

Je retourne avec mon carnet moleskine mais le vent a forci, les nuages se sont épaissis, il tombe des gouttes qui m’empêchent de dessiner. Je reprends ma promenade à la lisière de l’eau jusqu’à la tombée de la nuit. La caresse de la vague qui vient mourir sur le sable, se retire et revient suffit pour me ravir. Je marche avec précaution pendant le reflux sur ce sable extrêmement blanc d’une finesse inouïe . Ce bonheur est un cadeau des dieux et me fait oublier mes regrets .

Je me concentre sur le plaisir simple de la promenade .