« Mes plus belles heures je les ai passée à la grande carrière proche de la première cataracte. Là, un tailleur de pierre m’a enseigné l’art de manier le maillet et le ciseau, sans négliger l’usage des boules de dolérite; don l’usage répétitif permet de détacher le granite. Pendant que mes camarades s’amusaient, j’apprivoisais les outils et le matériau, ne me souciant ni de l’ardeur du soleil ni de la violence de certains vents. originaire d’un hameau proche du mien, l’artisan avait longtemps travaillé dans le nord à Dachour, où le pharaon Snefrou, aimé et admiré , avait érigé deux pyramides géantes, deux merveilles que mon maître ne cessait de décrire, déployant un enthousiasme communicatif »
D’Assouan à Guizeh…..
Pour rester encore à Guizeh j’ai téléchargé ce roman historique de Christian Jacq. Récit racontant les aventure d’un jeune tailleur de pierre pendant al construction de Chéops, il m’a appris beaucoup de choses sur la construction de la pyramide, la vie quotidienne des artisans, ce qui a suffi à mon bonheur. Même si l’intrigue est un peu simpliste, la psychologie manichéenne avec des méchants très méchants (le Profiteur) des bons très bons (le Vieux) des animaux très gentils et intelligents presque doués de la paroles (l’âne).
Un rêve.
Un rêve de gosse, si merveilleux qu’il effaçait tous les doutes. Un rêve en forme de pyramide, si ample que la journée ressemblait à une fête de l’esprit et de la main. Maintenant, j’assumais mon enfance, mon adolescence et ma vie d’adulte ; mes luttes, mes efforts n’avaient eu qu’un seul but : participer à la création de cette demeure d’éternité.
Mon équipe, la Vigoureuse, m’avait donné une âme, nulle épreuve ne la déliterait ; plus jeune que mes compagnons d’aventure, j’avais l’âge de ces pierres qui oubliaient de vieillir. Combien d’êtres étaient si pleins d’eux-mêmes qu’ils ne se remplissaient pas d’autrui? Je ne bâtissais pas sur l’humain, mais avec lui ; et parce que nous étions conscients d’œuvrer au-delà de notre courte existence, nous vivions. «
Saqqarah : la punition de la Justic
Je me suis revue dans la galerie qui descendait à la chambre funéraire de Dachour où j’ai descendu à reculons une rampe interminable. Les cavités autour des pyramides de Chéops et de Khéphren se sont peuplées de toute une foule de tailleurs de pierre, de tisserands, de blanchisseurs…de toutes les corporations… J’ai imaginé Memphis et j’ai prolongé le voyage.
Mahmoud Husseinest le pseudonyme réunissant deux auteurs : Bahgat El Nadiet Adel Rifaat. Ce court roman (167 pages) se déroule dans l’Egypte de Nasser en 1959. Le héros est un jeune étudiant en médecine idéaliste, marxiste mais hésitant à se définir communiste. Il a été raflé comme de nombreux opposants au régime, interné sans jugement, à la Citadelle du Caire puis dans un camp au Fayoum. Nadia lui écrit chaque jour. Ses lettres, sa présence qu’il sait faire surgir lui donne la force de garder sa dignité devant les humiliations de ses geôliers.
S’opposer aux dieux, ce titre avec les dieux au pluriel en Egypte, m’avait fait penser aux dieux des pharaons. Erreur! Quand le jeune homme emploie cette expression, il fait allusion à Homère qu’il a découvert avec la littérature étrangère et Marx. C’est Ulysse, en tuant le Cyclope, et les bœufs du soleil, qui a provoqué la colère des dieux. Pénélope lui fait penser à la fidélité de Nadia. Les épreuves d’Ulysse, aux siennes.
S’opposer aux dieux, s’opposer aux gardiens. Pour conserver les lettres de Nadia il a su provoquer le terrible chef aux lunettes noires du camp d’Al-Fayoum. En s’opposant à lui, il a gagné l’estime de ses camarades. Au bagne d’Abou Zabaal, il conservera cette ligne de conduite malgré les coups. L’éditeur laisse à la fin un cahier de feuilles blanches. Pour que le lecteur en écrive la fin?
On peut lire ce livre comme un roman d’amour, ou comme un roman historique se déroulant dans l’Egypte de Nasser.
Expédition à Louxor : chercher de l’argent liquide et acheter les billets du train du retour et éventuellement rapporter une bouteille d’ouzo ou d’arak.
A peine ai-je traversé la route qu’un taxi propose ses services jusqu’au ferry :
« your price ? » – « Ashrin » (20) – « forty ! » – « Talaatin » on se met d’accord pour 30 guinees.
Au débarcadère les felouquiers me harcèlent. Je tiens bon : je veux le ferry baladi à 5 guinees. Le petit bateau à moteur est amarré sous une méchante rampe métallique bien glissante. Sur la Corniche, je retrouve la banque Misr qui a installé 3 ATM dans une pièce fermée surveillée par un gardien à proximité du Winter Palace. Cela me sécurise parce que j’ai les deux cartes VISA et que je compte tirer le maximum que l’automate donne. Je suis chanceuse : aujourd’hui il propose 3000LE par carte. Cela tiendra toute la semaine, j’espère ! Aller à pied à la gare est facile, sur le trajet je regarde les magasins pour touristes (bijouteries, un antiquaire qui vend des photos anciennes « since 1907 »…) mais aussi supermarchés pour égyptiens, une « Pharmacie de confiance » en français sur l’enseigne.
temple de Louxor
Marcher seule dans Louxor incite au harcèlement. Je ne fais pas un pas sans qu’on me propose un taxi, une calèche, un accompagnement. Seule parade, marcher droit et vite, ne pas hésiter ni flâner.
La gare de Louxor (comme celles du Caire ou d’Assouan) est un beau bâtiment de pierre de taille claire décorée aux motifs pharaoniques ; l’intérieur est un peu moins reluisant. D’un côté les guichets des 3èmeClasse, de l’autre, les sleepers watania et à côté 3 guichets pour les tickets de 1ère et 2ème classe. De belles queues et personne au guichet. C’est la pause : les guichetiers boivent leur thé mangent et rejoignent à contre-cœur leur poste. Dans les queues on s’impatiente, on se bouscule. Certains prennent leur train aujourd’hui. C’est la foule et cela ne me plait pas du tout de penser que j’ai une fortune dans mon sac avec les cartes de crédit. Si j’avais eu la moindre idée du prix du billet j’aurais pu préparer la somme.
Evidemment l’employé ne comprend pas l’anglais. Heureusement, son chef vient à mon aide. Je demande deux places pour Guiza le samedi 28 au matin en 1ère classe. Il n’y en a plus dans le train de 9h, il propose le train de 7h. 390 LE pour les 2 billets (10€ chaque) . Je fourre les petits tickets (taille carte de crédit) sans les lire dans la cachette, je suis pressée de m’extraire de la queue. Heureusement derrière moi, attend un couple de retraités grecs qui ne vont pas me dévaliser.
Juste à la sortie de la gare, au magasin Drinkies , le prix de l’Ouzo est trop bon marché pour être honnête 55LE (2€50) Mais il n’y a pas de choix.
Je trouve les cachets de magnésium à la pharmacie.
Au retour, je rencontre le chauffeur de taxi qui m’avait donné sa carte alors que je recopiais les panneaux des colosses de Memnon. Il propose « le prix local : 20guinees et des excursions lointaines. « ne prenez pas celles de l’hôtel ! ils gagnent déjà assez avec la chambre et le restaurant. Tout le monde doit pouvoir travailler » implore-t-il. Il m’offre même une bouteille d’eau pour la bienvenue (je refuse, la course est beaucoup trop courte).
De retour chez Mahmoud j’examine le ticket de train. La date est correcte mais pas l’heure : au lieu de 7 heures, il est écrit 19h25. Encore un tour des Britanniques ! Avec leur am et pm, ils nous embrouillent ! ce n’est pas la première confusion du genre : à Delhi c’était bien pire nous avions raté l’avion.
Après déjeuner il me faut retourner à Louxor, reprendre le taxi et le bateau, puis la gare. Le bateau est un gros bateau à deux étages mais la rampe est facile.
A la gare il n’y a plus de queue mais l’employé qui parle anglais ne veut pas reconnaître sa bêtise, ni la réparer. Il appelle un collègue qui affirme d’abord que l’échange n’est pas possible : il faut annuler et reprendre un autre ticket et cela coûtera 40 LE. Il ne veut pas prendre la responsabilité de l’opération, va voir son chef, m’emmène à la Police Touristique qui bien sûr dit que c’est faisable mais qu’il faut obtenir le tampon du Chef de Gare – Station Master. Où est donc le bureau du Station Master ? Sur le quai ! Mais ce dernier ne parle pas anglais. Le premier cheminot réapparaît et explique le problème en arabe. Le chef griffonne quelque chose au dos du ticket. Cela n’est pas suffisant : il faut un tampon. Mais sortir le cachet et le tampon encreur n’est pas de la compétence (ou de la dignité) du Station Master. N’Il faut trouver le préposé au tampon. On a oublié les 80 LE en route (on n’en parle plus) Mon billet enfin annulé, il en faut un autre. C’est l’ordinateur qui trouve la place et les cheminots égyptiens ne sont pas informaticiens. Intervient encore mon sauveur (au bout de 10 minutes) il me réclame 80LE après toutes ces interventions qui l’ont fait bien transpirer ! Pas de reçu ni de tampons, il les fourre dans sa poche. Cette délicate affaire mérite salaire.
Au retour je croise le caléchier qui voulait m’emmener à la gare, le pâtissier qui veut apprendre l’anglais, les felouquiers…Tout ce monde est bien physionomiste pour me reconnaître (il y a peu de touristes isolés tous sont flanqués d’un guide). Au débarcadère, mon taximan attendait.
la Nécropole c’est Gournah le village construit sur les Tombes des Nobles à deux pas de Deir-el-Medina, le village des artisans qui creusèrent et décorèrent les tombes de la Vallée des Rois et de la Vallée des Reines sur la rive occidentale du Nil en face de Louqsor.Gournah était un village habité quand nous l’avons découvert en 2002. Gournah n’est plus que l’ombre d’un village. Les maisons ont été rasées pour faire place nette aux archéologues et aux touristes.
Comme je déplorais la mort du village, un égyptien francophone en vacances avec nous à Nour-el-Gournah, m’a rappelé ce roman graphique lu à sa parution en 2011 que j’ai eu envie de relire.
« Ce récit est le reflet de quinze ans passés dans ce village de Haute-Egypte auprès des Saïdis, sujet de moqueries pour les Cairotes, de dégoût pour els gens du pouvoir; de gêne pour els archéologues qui pourtant les emploient.
C’est avant tout une envie de témoigner pour ne pas oublier »
écrit Dibou en introduction de cette bande dessinée qui fait vivre les gournawis – habitants du village, paysans, artisans, ouvriers des chantiers archéologiques, mais aussi hôteliers, archéologues, touristes et résidents européens amoureux du village ainsi que les enfants qui jouent un rôle non négligeable dans cette aventure.
Golo et Dibou se moquent avec gentillesse de tout ce monde, Golo dessine en imitant parfois les peintures antiques, Dibou photographie les enfants et leurs visages souriants font partie intégrante de ce roman graphique. La fin témoigne avec des photos des destructions au bulldozer des maisons, la BD devient roman-photo désolant….
C’est drôle, tendre, émouvant. J’ai encore plus apprécié cette seconde lecture.
Je recopie la conclusion :
Le village de Gournah, unique en Egypte, n’est plus. La vie s’en est allée. L’antique nécropole qui avait toujours été lieu de vie, de travail et de création, est devenue un lieu mort réservé au seul « spectacle culturel » le plus grand musée à ciel ouvert du monde.
Pendant 60 ans, les habitants ont résisté aux projets de l’Etat pour préserver leurs maisons et leurs moyens d’existence[….]
L’attentat d’Hatshepsout a sonné le glas pour le village qui s’est retrouvé sous haute surveillance…..
Ce renfort de police eut raison des Gournawis[….]toute une population immolée sur l’autel du tourisme, déportée dans la banlieue d’une ville inexistante loin de toute possibilité de travail.
Depuis l’été 2010; toute la zone, sur des kilomètres, est entourée d’un mur de béton. C’est une pratique qui se généralise : Palestine, Sinaï, Gournah……
Puisque nous allons faire une croisière sur le Nil, télécharger Mort Sur le Nil était une évidence! Je me voyais déjà, sur le pont dans un transat au soleil…..
Je ne savais pas que le rythme des visites sur la croisière serait soutenu et que je n’aurai pas le loisir d’allumer la liseuse. Que le spectacle des berges du Nil avec les palmiers, les jardins, les troupeaux, les oiseaux serait si captivant. Qu’il sera toujours temps de le lire plus tard ….
Evidemment , j’ai adoré ce bateau luxueux avec ces croisiéristes choisis, cette ambiance si british….si Agatha Christie.
Evidemment, j’ai adoré les rebondissements, la psychologie fine d’Hercule Poirot.
Lecture délicieuse pour poursuivre à terre la croisière, ou pour imaginer le Nil entre Assouan et Khartoum quand le Lac Nasser n’avait pas avalé la Nubie.
Comme il y a eu des films-catastrophes….aussi comme livre raté…
Je ne m’attendais pas à un livre calamiteux. De Christian Jacq, j’avais bien aimé les policiers qui se déroulaient à Deir el Medineh, le village des artisans . Lus avant de découvrir les tombes peintes j’avais trouvé ces ouvrages une bonne introduction au voyage. La trilogie de Ramsès m’avait aussi rendu lisibles les temples du Ramasseum, de Sethi 1er , de Louxor et de Karnak. Plus tard j’ai lu les ouvrages plus scientifique de Christiane Desroche-Noblecourt . je préfère toujours l’Histoire et les historiens aux romans historiques. Toutefois, cette vulgarisation intelligente et facile m’avait semblé de bonne facture.
Avec le tourisme de masse qui a déserté les rives du Nil, les ouvrages de Christian Jacq ont disparu des étagères….
De retour à Assouan, en prévision de notre excursion à Abou Simbel, j’ai téléchargé ce titre espérant en apprendre sur le barrage et sur le Lac Nasser. Au début, cela commence par un massacre dans un autobus, et puis cela continue par des assassinats, des attentats à n’en plus finir. Grand guignol!
J’avais que l’auteur développerait les études de son « spécialiste du barrage », mais non, ce n’est pas de la vulgarisation scientifique c’est un thriller, très violent, manichéiste, à la morale simpliste. Les méchants sont les islamiste, djihadistes. Les Égyptiens sont tous corrompus. Tout peut s’acheter. Le héros est entouré de traîtres…..
Aucune empathie possible.
Notre héros vient de perdre sa fiancée, la vengeance sera sa seule motivation. Quelle originalité! Il se précipite chez une ancienne maîtresse, puis séduit une troisième. Toutes sont belles, intelligentes….Il va perdre tous ses amis, assassinés à ses côtés et lui, réchappe de peu de nombreuses explosions….
Quelle Egypte détestable! l’auteur n’aime-t-il que les Égyptiens morts il y a 3000 ans, au moins? On se demande comment son héros américain aime l’Egypte telle qu’il la présente.
Policier pour policier, je me délecterai d’Agatha Christie.
J’ai couru vers le Nil. les grenades lacrymogène remplissaient l’atmosphère et moi je pleurais. Je ne sais pas si c’était à cause du gaz ou du jeune qui était mort, ou à cause de de moi, ou si c’était tout cela à la fois. En revenant j’ai vu de me propre yeux un grand nombre de morceaux humains laissés par le tank : de intestins, des cerveaux, de jambes des moitiés de corps. Tout cela je l’ai vu. Mais le plus dégoûtant, c’est que j’ai vu des gens qui couraient, terrorisés, et qui marchaient dessus. personne ne pense plus. La seule chose qui compte c’est de s’en sortir….. »
C’est le roman de la Révolution de 2011.
Le livre de Robert Solé : Le pharaon renversé, 18 jours qui ont changé l’Egypte, était le compte-rendu d’un journaliste, très bien documenté, de l’occupation de la place Tahrir et des manifestations qui ont obtenu la démission de Moubarak.
J’ai couru vers le Nil est un roman choral qui met en scène une galerie de personnages d’horizons très différents qui se croiseront (ou pas) au cours de la Révolution de 2011. L’auteur les présente dans leur quotidien.
Le livre s’ouvre sur le réveil du général Alouani, modèle de rectitude, de piété, qui s’avère être un tortionnaire des services de Sécurité.
Nous lirons la correspondance entre deux jeunes militants du mouvement Kifaya. Asma, une professeure d’anglais, refuse le modèle de femmes traditionnelle que lui propose sa famille et la corruption règnant dans un collège (je n’aurais jamais imaginé qu’on puisse impliquer des enseignants dans la corruption!). Elle se confie à un jeune ingénieur syndicaliste dans une usine en grève.
Deux stars des médias très influents joueront un rôle pervers : une présentatrice de télévision adulée par le public et un prédicateur influent.
Il y a aussi une histoire d’amour sur fond d’occupation de la place Tahrir entre deux étudiants en médecine.
Une autre histoire d’amours’épanouit à la faveur de la Révolution : celle d’un riche copte, acteur de cinéma plutôt raté, et sa bonne. Relation qui aurait pu être dégradante sans un miracle (que je ne spoilerai pas)
Un chauffeur de maître, un ingénieur désabusé qui fut autrefois militant, cassé par la répression, complètent cet échantillon de la société égyptienne…
La force du roman est de montrer l’enthousiasme du mouvement révolutionnaire populaire, ses heures victorieuses quand le pouvoir a vacillé et, ensuite, la puissance de la réaction du pouvoir en place disposant de la force militaire, de la richesse des acteurs économiques menacée et défendue à tout prix, du pouvoir des médias et surtout de la télévision diffusant de fausses interviews, des mensonges pour accréditer un complot des américains et des sionistes (l’expression fake-news n’est pas encore à la mode, le procédé oui).
Puissance de la réaction, de l’alliance des militaires, des islamistes qui sont retournés et qui ont prêté à leur service, leur organisation d’abord alliée à la révolution. Puissance et cruauté inimaginable : des témoignages de jeunes filles aux mains des policiers sont déchirants.
Le livre de Solé se terminait sur l’optimisme né du départ de Moubarak. Celui d’ El Aswanyest noir : retour de la dictature et de la corruption. Il est interdit au Caire et l’auteur exilé est sous la menace d’un procès.
J’avais beaucoup aimé l‘Immeuble Yacoubian qui décrivait la société cairote dans sa diversité selon le même procédé choral.
Comme j’ai eu un coup de cœur pour le 6ème jour, j’ai lu à la suite Néfertiti ou le Rêve d’Akhnaton de cette même auteure. Court roman historique, racontant l’utopie d’Akhnaton, le pharaon qui introduit en une courte parenthèse le monothéisme avec le culte d’Aton, le soleil, rompant avec l’influence des prêtres d’Amon à Thèbes.
Peu avant d’atteindre les falaises de calcaire, la reine fait halte auprès d’une des stèles-limitrophes. Cette fois, je lis les paroles d’Akhnaton. Je les lis comme on chnate : balançant la tête, berçant les mots :
« Ceci est mon serment de vérité :
Je veux faire de ce site
un lieu de vie pour chacun
Puisse-t-il aussi m’être accordé
que Nefertiti, vivante toujours
atteigne un âge avancé
après une multitude d’année. .. »
Akhnaton n’a pas seulement imaginé un culte à Aton. Il a aussi quitté Thèbes, la capitale de l’Egypte et fondé à Tel-el-Amarna une nouvelle capitale que Chedid appelle dans ce roman La Cité d’Horizon, cité nouvelle, citée rêvée et idéale, non conformiste, ouverte aux idées nouvelles, aux étrangers, où femmes et enfants pouvaient s’épanouir loin de l’étiquette de Thèbes.
La cité d’utopie a rayonné une vingtaine d’années. Le couple que formaient Nefertiti et Akhnaton a commencé par une histoire d’amour entre deux adolescents.Ils ont formé une famille nombreuse et heureuse où la tendresse que le Pharaon portait à ses filles était publique.
Enfin, deuils, maladies, jalousies et intrigues ont eu raison de cette belle expérience. A Thèbes, les dignitaires attendaient leur heure et la Cité d’Horizon fut défaite et rasée.
C’est après le saccage de la ville que Nefertiti et le fidèle scribe Boubastos évoquent les jours heureux en un récit à deux voix, la recension fidèle du scribe et les souvenir de la femme encore amoureuse de ce roi si singulier.
La parole et l’écrit sont plus solides qu’une stèle disait mon père Ameno. Un nom dans la bouche des hommes édifie dans le coeur la plus invulnérable des pyramides.
Ce récit poétique s’appuie sur des données historiques, sur des personnages réels qui ont laissé des traces encore tangibles comme cette Reine Tiyi, la mère d’Akhnaton, femme d’Aménophis III, colosses conservés au Musée Egyptien du Caire, comme Ramôse dont je vais revisiter la tombe à Gournah….
« Dans six jours, je serai guéri. N’oublie pas ce je te dis : le sixième jour ou bien on meurt ou on ressuscite. Le sixième jour.... »
Explique l’oustaz Selim qui sent les premières atteintes du choléra à Oum Hassan, la grand mère d’Hassan, vieille paysanne revenant du village anéanti par l’épidémie.
1948, le choléra sévit en Egypte.
Dans les campagnes, pour éviter la contagion, une ambulance enlève les malades qu’on isole dans une sorte de campement tandis que leurs biens sont brûlés. Peu ou pas de soin, peu ou pas d’espoir de guérison. Les parents cachent les malades pour qu’on ne les emmène pas.
Saddika, Oum Hassan arrive juste à temps au village pour les funérailles de sa soeur. Quand elle revient au Caire la maladie a déjà atteint la ville. On rétribue les citoyens qui dénoncent les cas d’infection. Okkazionne, le montreur de singe, se réjouit de cette source de revenus providentielle.
Quand Oum Hassan découvre les premiers symptômes sur son petit fils, elle prend la fuite avec l’enfant. Elle fait confiance en la parole du maître d’école, il suffit d’attendre six jours. Elle installe Hassan sur une charrette à bras, puis le cache dans une cabine de lessive sur le toit, enfin dans une felouque qui descend le Nil vers la mer.
Ce court roman (156 pages) raconte cette fuite éperdue, l’amour immense de la vie. Saddika ne prodigue pas de soins, elle insuffle l’énergie vitale dont elle déborde en parlant à l’enfant, en lui racontant des histoire, en protégeant le petit corps affaiblit. Il lui semble que tout l’amour qu’elle lui porte le protégera pendant les six jours fatidiques;
Je chante pour la lune Et la lune pour l’oiseau L’oiseau pour le ciel Et puis le ciel pour l’eau L’eau chante pour la barque La barque par ma voix Ma voix pour la lune Ainsi recommencera.
Dans la terre et dans l’eau Ma chansonvoyagera Où le noir est si haut Ma chanson s’effacera
La lune m’entendit Et par la lune, l’oiseau Le ciel m’entendit Et par le ciel, l’eau La barque m’entendit Et par la barque, ma voix Ma voix m’entendit Et j’entendis ma voix.
Une Egypte encore rurale et traditionnelle évoquée avec délicatesse et poésie.
J’ai voulu revoir le film de Youssef Chahine tiré du livre vu il y à sa sortie en 1986, dont je n’avais gardé qu’un très vague souvenir.
Première surprise, une grande Saddika : Dalida voilée de noir, mais loin de l’idée que je m’étais construite à la lecture du roman.
D’un récit tout simple, linéaire, le cinéaste a construit une oeuvre complexe où l’amour maternel n’est plus le sujet unique de l’histoire. Choléra, certes, mais aussi occupation britannique. Le personnage d’Okka devient central, de simple montreur de singe, vivant d’expédient, il devient un véritable acteur, danseur, inspiré par Gene Kelly qui danse sous la pluie présent dans la maison de Saddika avant le drame. Autre thème : l’amour du spectacle et du cinéma avec des allusions cinéphiles.
Même la fin, est très différente, plus visuelle au cinéma.
Le pharaon c’est Hosni Moubarak, le théâtre, la place Tahrir, Robert Solé raconte jour après jour la Révolution du 25 janvier 2011.
Dans exactement une semaine, nous serons sur le lieux : notre hôtel City View donne sur la place Tahrir. Il était donc logique que je commence ma série de lectures égyptiennes par cet ouvrage! Notre dernier voyage date de 2010, nous avons eu peur de revenir au Caire depuis. Pourtant depuis la Révolution de Jasmin nous sommes allées deux fois en Tunisie!