CARNET ISLANDAIS

Les prévisions de la météo sont détestables : peu d’espoir d’éclaircies, des températures proches de zéro et même de la neige en montagne.
Nous ne nous dépêchons pas de quitter l’hôtel Hafnarfjall d’autant plus que le petit déjeuner est somptueux ; je me précipite sur le hareng gras, plus rare que le saumon (je sais que certains frémissent à l’idée du hareng au petit déjeuner).
La route n°1 nous réserve une surprise, de la péninsule d’Akranes, nous voyons Reykjavik de l’autre côté du fjord : un tunnel de 6 km sous la mer nous y transporte directement.
Aux abords de Reykjavik, je règle le GPS pour trouver la route 42 à Hafnarfjördur qui traverse la Péninsule de Rekjanes. Nous passons devant IKEA, PIZZAHUT, KFC et toutes les marques mondialisées. Cette uniformisation me déprime même si IKEA est dans le style local nordique et que le Guide Vert explique la présence des enseignes américaines par la présence de bases américaines à Keflavik. Des carrières et des chantiers enlaidissent le début de la route 42.
Un gros engin de chantier barre la route à un carrefour, la piste qui y débouche est réservée aux 4×4. Hésitantes nous marquons l’arrêt. Un viking en gilet jaune se dirige vers nous à grands pas avec un regard inamical « la piste est fermée, faites demi-tour et surtout faites vite, le rallye va passer dans quelques minutes ». Nous voyons débouler des engins numérotés et crottés qui ne font pas cas de notre présence. La piste est mauvaise, nous avons hâte de trouver le goudron.

Nous longeons un lac d’eau brune avec des oiseaux que je confonds dans la pluie et le brouillard avec la mer. La route s’améliore ensuite et traverse un champ de lave comme labourée par une charrue géante. De quel volcan proviennent-elles ?
Seltun est un site géothermique. De la vapeur sort des évents, des ruisseaux de boue dévalent de la pente. La chaleur et les réactions chimiques ont décoloré la roche, la transformant en argile beige ou gris argenté. Le sol est brun orangé. La pluie se déchaîne. Les fumerolles changent de direction sous les bourrasques. J’ai l’impression d’avoir un avant-goût de l’enfer entre vapeurs sulfureuses qui s’exhalent du sol craquelé et fissuré, et les averses qui cinglent le visage. Feu et glace selon une version diabolique.
Krysuvik était à notre programme, nous passons sans voir l’église.
Nous nous arrêtons devant le Lac Kleifarvatn qui a inspiré Arnaldur Indridasson dans L’Homme du Lac qui attend patiemment dans la PAL notre retour à Créteil. Sa couleur verte est due à une algue. Dans la tourmente, nous ne sortons même pas de la voiture pour la photo et on filme tandis que le balai d’essuie-glace passe et repasse. Mes chaussettes et mon pantalon sont trempés de la sortie à Seltun.
Enfin, nous trouvons la route 427 goudronnée qui suit la côte. Le supplice des nuits de poule s’évanouit. La mer est déchaînée. Il semble que le vent retourne les vagues et emporte vers le large la gerbe d’écume qui se soulève.

Grindavik (3500 ha) est un port de pêche important. La vidéo touristique d’Icelandair, pendant le vol m’avait fait croire à un petit port pittoresque avec des maisons colorées et des barques de bois. Pas du tout ! Le port est bordé d’entrepôts de tôle, hangars métalliques grosses boîtes rectangulaires où l’on stocke le poisson. Il s’agit de pêche industrielle, de congélation, d’expéditions lointaines marquant une activité dynamique pas touristique. Il y a bien des maisons colorées mais elles sont dispersées séparées par des lotissements de longues maisons basses grises toutes pareilles séparées par une petite haie avec plusieurs voitures dans l’allée du garage.

Le Musée de la Morue (Saltfish museum) installé dans un grand bâtiment moderne gris. Parking vide, personne au comptoir. La porte est ouverte. Peut-être est-ce entrée libre ?
Une exposition géologique avec des panneaux lumineux, des schémas. Beaucoup à lire, au moins une vingtaine de chapitres traitant de sujets aussi divers que le volcanisme, les types de volcans, les éruptions fissurales, la stratigraphie, les glaciations. Chaque sujet est bien expliqué mais l’ensemble est indigeste, le programme trop copieux.
L’exposition qui raconte la Pêche à la Morue est passionnante. On a affiché des photographies anciennes un peu jaunies de très grand format et placé les tables où les femmes salaient le poisson en plein air, une barque de bois montrant le retour des pêcheurs. Des pêcheurs semblent s’échapper de la belle photo du rivage. Les morues salées sont véritables si les personnages sont des mannequins de taille humaine. On a recréé l’ambiance du port autrefois.

Le visiteur peut lire des panneaux intéressants ou visionner des films sur des écrans.
La pêche à la morue était destinée à l’exportation. Les pays catholiques où la viande était interdite 166 jours par an étaient de gros consommateurs de morue salée surtout la France ? L4espagne, le Portugal et l’Italie. Par ailleurs, Grindavik subissait la concurrence de la Norvège. Des guerres commerciales se menaient à grande échelle. En 1912, à la suite de la prohibition, les ventes de vin espagnols se sont écroulées ; par mesure de rétorsion, l’Espagne s’est tournée vers la Norvège. Il fallu conquérir les marchés portugais et italien. Cette géopolitique de la morue m’intéresse énormément.
Les conditions de vie des pêcheurs et des femmes qui découpaient et salaient le poisson sont illustrées par des vidéos. Malheureusement, pas en route à mon premier passage. La jeune fille chargée de les mettre en route me découvre « non ! le musée n’est pas gratuit ! » ; en revanche le café bien chaud est offert. Elle m’apprend que la tempête aujourd’hui correspond au passage de l’ouragan Dorian qui a fait des dégâts au Bahamas et qui est requalifiée ici « tempête tropicale » .
Nous continuons le tour de la Péninsule de Rekjanes et, comme à notre habitude, nous arrêtons à chaque parking pour lire les explications.
Brimketill : les coulées sont arrivées jusqu’à la mer et ont formé, selon le Guide Vert un chaudron. J’aurais été mieux avisée de prendre le temps de regarder le panneau, j’aurais su quoi chercher. Dans le vent monstrueux qui fouette le visage au bord de l’eau, je renonce à poursuivre la promenade jusqu’au bout et je n’ai pas vu Brimketill !

Gunnuhver s’annonce par des panaches de vapeur s’échappant du sol, soit d’évents naturels, soit captés et conduits par des tuyaux de métal brillant vers la Centrale de Gunnuhver , centrale géothermique à l’architecture très élégante et épurée, silhouette toue en courbes aux parois blanches rappelant un nuage. Elle tire son nom de la sorcière Gunne. Le site est accessible à condition de bien rester dans les chemins aménagés qui conduisent à l’observatoire surplombant le solfatare et à un second parking de l’autre côté d’un panache particulièrement dense qu’il faut traverser. Des avertissements en forme de thermomètre découragent les imprudents ; deux jeunes le traversent en courant. Je ne cours pas bien vite surtout avec mon bras en écharpe j’ai peur d’être ébouillantée.
Non loin, un phare est posé sur une colline. On continue et on le dépasse pour arriver à la mer dans un site où de noires aiguilles dépassent de la falaise. Ce vent terrible fait toujours rage, des vagues puissantes se brise en écume abondante. Le soleil perce enfin !

Le pont reliant deux continents est une passerelle au-dessus de la faille, un petit canyon tapissé de sable noir ; cette faille marquerait la limite des deux plaques. Je « passe en Amérique » en traversant la passerelle en reconnaissant l’approximation de cette illustration simpliste de la tectonique des plaques ; pourquoi cette faille plutôt qu’une autre dans toute la série des fractures parallèles orientées NE/SW qui hachent la péninsule de Rekjanes ?
Si le temps avait été plus clément j’aurais poursuivi la promenade au sommet de la coulée jusqu’à de très hautes falaises. Décidemment, le vent me décourage.
Hafnir

Le village d’Hafnir est minuscule avec sa jolie église dont le clocher porte une large girouette. Etrangement tranquille avec la tempête d’aujourd’hui. Elle a dû en connaître des pires. Autour de l’église, des maisons aux formes et couleurs variées. Les murs sont revêtus de tôles et les fenêtres encadres de bois aux belles menuiseries.
La route 425 longe le grillage de l’aéroport Keflavik, tronçon herbu, moins pittoresque que les noirs champs de lave que nous avons traversés.
Stafnes
Le village de Stafnes a deux phares, l’un d’eux est aménagé en bistro. Il a aussi une petite église de bois sur une colline ;
Sandgerdi est plus construit. On traverse Gardur avant de trouver l’aéroport puis notre hôtel.
L’hôtel Gresteinn se qualifie lui_même de « hôtel-aéroport ». C’est une étape parfaite à moins de 10 minutes de l’aéroport. Un parking pratique, des chambres sans charme mais confortables et propres. Le service tient compte des contraintes des vols matinaux. Un petit déjeuner-buffet complet est servi pour nous à 3h45 ; la dame-gardienne de nuit tricote un pull traditionnel blanc à motifs bleus « marins » et l’exposera à la vente dans la salle à manger lorsqu’il sera terminé.
Dîner de hamburgers achetés dans un drive-in aux couleurs coca -cola, fast-food hérités du temps de la base américaine.
Les dernières heures en Islande seront paradoxalement britanniques. La télévision écran plat est réglée sur la BBC : retransmission ce soir des Proms à l’Albert Hall, Glasgow, Belfast…Je savais la musique beaucoup plus populaire au Royaume Uni qu’en France. Comment imaginer un tel rassemblement festif, enthousiaste autour de la musique »classique ». Pas de tenues uindées (ou très peu) des petits drapeaux, des banderoles des rubans et des couvre-chefs fantaisie.
Quel plaisir de constate que les drapeaux bleus de l’Union Européenne sont presque aussi nombreux que l’Union Jack ou les couleurs locales écossaises, galloises ou irlandaises,
Quel plaisir de voir Chanter Rule Britannia sous une bannière arc-en-ciel que brandit fièrement la chanteuse.
Des britanniques si sympathiques quand on pense aux péripéties de Brexit !