La vie en spirale – Abasse Ndione

LIRE POUR LE SÉNÉGAL

La vie en spirale est l’histoire d’un dealer – sipikat – chauffeur de taxi clandestin dont la seule préoccupation est de faire la foire avec sa bande de copains, cannabis –yamba – et alcool. A la suite d’une pénurie d’herbe, il se lance dans le trafic. Et cela lui réussit! Les affaires  deviennent de plus en plus prospère, il croise des trafiquants importants, importe des tonnes dans des ravitaillements hasardeux. Protégé par un grigri efficace tout semble lui réussir. Son négoce lui rapporte des coups de canon – des millions de CFA. Villa, voiture luxueuse, femmes séduisantes, le petit trafiquant mène grand train. Jusqu’à l’accident, la prison d’où il sort par miracle.

Ce roman  noir est écrit dans un style alerte et efficace mêlant des expressions exotiques – argot des junkies ou wolof?-.Il entraîne le lecteur dans les bouges, les clubs chics, les mosquées, les villages. Voyage étonnant. Seules les conquêtes féminines et les gueules de bois inévitables m’ont un peu lassée. Il y a assez d’action pour ne pas s’ennuyer.

Analyse pessimiste d’une société corrompue où le trafic de drogue étend ses ramifications aussi bien dans le monde des affaires, la police ou les hauts fonctionnaires et même chez les imams. L’argent y est roi. Même en prison, tout s’achète, y compris sa libération!

Hyènes – film de Djibril Diop Mambety 1992 (DVD)

FESTIVAL SÉNÉGALAIS

 

Préparant notre voyage au Sénégal, j’ai emprunté à la médiathèques plusieurs DVD sénégalais. Chaque fois : une surprise. De madame Brouette, à Guelwaar, en passant par Naye, ou récemment au cinéma la Pirogue, des productions, des styles très divers. Je n’aurais jamais imaginé une telle diversité.

Hyènes est un film flamboyant, théâtral, très original, avec une bande-son magnifique.

 

 

 

 

Quand j’écris théâtral, je ne fais pas seulement référence au scénario qui est l’adaptation africaine d’une pièce de Dürrenmatt : La visite de la Vieille dame, ma à la mise en scène du film haute en couleurs, loin de la réalité et du quotidien, aux costumes qui auraient plus leur place sur une scène que dans la vie de tous les jours : les soldats portent des costumes d’opérette rouges aux manches arrachées, les mendiants sont vêtus de sacs de jute, Linguène Ramatou est hiératique, raide avec ses prothèses en or, ses suivantes auraient plus leur place dans le chœur d’une tragédie antique que dans la banlieue de Dakar. Que dire de la japonaise aux lèvres trop rouge porteuse de menottes?

Loin de toute réalité les attractions de foire, clinquantes, les cabriolets-coupés de deux-chevaux rouge et noires qui surgissent dans le désert.

 

 

Animaux de légende contribuent à l’atmosphère de légende et de mythe dans laquelle baigne l’histoire de la vengeance de la petite bonne Ramatou engrossée par Draaman Drame, chassée du village,  devenue richissime, « plus riche que la banque mondiale, » vient acheter la condamnation à mort de Draaman en déversant des largesses sur Colobane et ses habitants, comparés aux hyènes. La solidarité des habitants est rapidement mise à l’épreuve de la corruption. « le monde a fait de moi une putain, je veux faire du monde un bordel »

 

 

 

 

 

La vieille dame aux pieds d’or symbolise-t-elle l’aide occidentale à l’Afrique avec son cortège de corrompus, de hyènes?

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little Senegal – Rachid Bouchareb 2001- DVD

FESTIVAL SENEGALAIS

Deux semaines avant le départ pour Dakar, ce tire a attiré mon attention, mais je me suis retrouvée au Etats Unis. Du Sénégal je ne verrai que Gorée, en prologue et en épilogue.

Film sur la traite des esclaves? Au début oui, Alloune, ancien guide de la Maison des Esclaves de Gorée,  du part à la recherche des esclaves de sa famille dans les archives américaines et parvient malgré les difficultés à reconstruire un arbre généalogique et à retrouver  des descendants encore vivants.

Rapidement l’action bifurque. New York, Alloune retrouve son neveu et un « Little Senegal », émigrés africains tentant le rêve américain. Les descendants des anciens esclaves ne sont pas tendres avec les nouveaux émigrés. Ils se considèrent pleinement américains et n’ont que mépris pour les Africains.  Alloune parvient à se faire embaucher par la dernière descendante des Robinson qu’il a identifié dans ses recherche généalogique.

A nouveau, le film prend une nouvelle tournure; On découvre la dureté de la vie Newyorkaise, sa violence, la primauté de l’argent, les combines, la délinquance. Alloune, le sage met de l’ordre dans sa « famille ». Une autre histoire se greffe sur la famille d’Alloune celle de Karim (Reschdy Zem) qui contracte un mariage blanc pour avoir des papiers américains. On ne comprend pas bien ce que cela vient faire là.

Film un peu foutraque, bien sympathique, plein de surprises porté par la présence magnifique de Sotiguy Kouyaté. De belles vues de New York, mais on ne saisit pas très bien le propos. Le thème de l’esclavage est à peine abordé et les bons sentiments opposant une solidarité africaine à l’égoïsme américain sont un peu simplistes.

 

Niaye film de SEMBENE Ousmane 1964 dvd

FESTIVAL SENEGALAIS

noir et blanc – 35 mn 4/3

Film d’un autre temps?

d’un village ou les cases sont de bois et de paille, de canisses les palissades. Où les traditions ancestrales semblent régner.

Pourtant les cases vides qui s’effondrent témoignent déjà de l’exode rural. comme le trône du chef du village, un transat de toile, les anciens ont encore en mémoire la noblesse des castes. mais on sent la décomposition.

Le griot raconte la honte répandue sur le village : le chef a conçu un enfant incestueux à sa fille. La mère ne supportera pas l’opprobre. Son fils est rentré fou de la guerre coloniale. il arpente la place en uniforme avec son drapeau au pas militaire. la musique militaire « au près de ma blonde «  couvre la musique du griot… les catastrophes se succèderont jusqu’à ce que la petite fille soit chassée avec son enfant.

http://www.africanfilmlibrary.com/Movies/Video/9317/988/Niaye

Guelwaar – film de Sembène Ousmane dvd – 1992

FESTIVAL SÉNÉGALAIS

 Bien que sorti en 1992, ce film dont le titre complet est Guelwaar, légende africaine de l’Afrique du XXIè siècle est encore d’une criante actualité. C’est un  film magnifique.

Pierre-Henri Thioune doit être enterré au village. Il a demandé une messe en latin. Tout le village est présent pour ses obsèques qui ne peuvent avoir lieu parce que le corps du défunt a disparu à la morgue. Négligence? Méprise?

Barthélémy, son fils, venu de France s’adresse à la police. l’adjudant Gora finit par retrouver la trace du corps qui a été enterré par erreur dans un cimetière musulman. Confrontation entre les deux communautés? Les guerres de religion sont évitées grâce à  la sagesse de l’Abbé et la modération de l’Imam qui parviennent à grand mal à contenir leurs ouailles. Les anciens des deux villages se connaissent bien, s’apprécient.

l’aide alimentaire

L’arrivée du député accompagné du préfet et celle des camions de l’Aide Alimentaire font prendre une tournure politique au film : Pierre Henri Thioune, appelé Guelwaar est mort dans des circonstances troubles après avoir pris la parole dans un meeting contestant la pertinence et la distribution de l’aide internationale alimentaire. La disparition du cadavre a peut être des raisons politiques.

Le discours de Guelwaar est d’une virulence extraordinaire : les paysans ne veulent pas être des assistés recevant une aide qu’ils n’ont pas demandée.  Surtout, cette aide est confisquée par les élites politiques pour leur bénéfice personnel ou électoral. On ne saisit que les grandes lignes du discours  en wolof (sous-titré) comme la plupart des dialogues du film. Seuls l’émigré et les officiels parlent en français que les paysans ne comprennent pas . Ce parti pris du réalisateur participe aussi sans doute de l’orientation politique du film. Barthélémy le « français » qui arbore son passeport fièrement, a un ton très agaçant, plein de morgue et de vulgarité contrastant avec le parler de l’adjudant Gora et avec le ton du député.

http://www.dailymotion.com/swf/video/xb96t5<br /><a href= »http://www.dailymotion.com/video/xb96t5_guelwaar-discours-sur-la-cooperatio_news &raquo; target= »_blank »>GUELWAAR, Discours sur la coop&eacute;ration Nord/Sud</a> <i>par <a href= »http://www.dailymotion.com/lolo2401&Prime; target= »_blank »>lolo2401</a></i>

En plus du contenu politique fort du film, c’est une découverte pour moi que ce film dans la société encore rurale où les traditions sont encore très prégnantes. Traditions funéraires différentes selon les communautés. Rôle des anciens. Rôle aussi des jeunes qui sont partis et financent par l’émigration pour Barthélémy et par la prostitution à Dakar pour Sophie, la survie de la famille au village.

Veillée funèbre en l’absence du défunt

L’histoire est bien contée, le suspens ménagé, les rebondissements nous tiennent en haleine. Les personnages secondaires sont intéressants et s’affirment au cours du récit. Les images magnifiques. Encore, un grand film!

 

La Grève des battù – Aminata Sow Fall

LIRE POUR L’AFRIQUE (SÉNÉGAL)

Incipit:

« Ce matin encore le journal en a parlé ; ces mendiants, ces talibés, ces diminués physiques, ces loques, constituent des encombrements humains. Il faut débarrasser la Ville de ces hommes – ombres d’hommes plutôt – déchets humains, qui vous assaillent et vous agressent partout et n’importe quand. »

Les battù sont les calebasses que tendent les mendiants.

Ce roman met en scène les deux extrêmes : les mendiants et les puissants. Mour NDiaye, Directeur de la Salubrité publique, charge Keba Dabo de désencombrer la ville afin de la rendre plus présentable aux touristes étrangers. Mour NDiaye compte sur le succès de la campagne pour atteindre le sommet de la puissance : un poste de Vice-président de la République.

Keba Dabo, par des rafles musclées et brutales, réussit sa mission.

On découvre que la société des mendiants est remarquablement organisée. la solidarité est financée par la tontine quotidienne qu’organise Salla Niang dans sa cour, qui fournit un abri pour les nécessiteux, revend bouts de chandelles ou poulets donnés en aumône – tenant une sorte de commerce du produit de la nécessité –  paie les obsèques du malheureux Madiabel, victime d’une des rafles, nourrit la communauté dans une sorte de cuisine collective.

Les puissants vivent dans des villas somptueuses, entretiennent maîtresses et secondes épouses, prodiguent satisfaction « aux demandes pressantes d’argent des parents, cousins, copains et beaux-parents…. » sans parler des sacrifices sur les conseils des marabouts.

Car ce sont eux, les marabouts qui font le lien entre les extrêmes de la société! La réussite de tel ou tel politicien dépend de leur influences et de leurs prières. La politique nage dans le domaine magique. De la rencontre avec Sérigne Birama, un saint homme,  date la prospérité de Mour Ndiaye. Il entretient cette relation par des dons substantiels :

« quelques jours après, il décide de rendre visite à Sérigne Birama. Celui-ci est toujours à l’ombre du baobab majestueux, lisant le Livre Saint. […]le sac de riz, les dix kilos de sucre, le carton de lait, les noix de kola et les paquets de bougie remplissent la malle arrière de la voiture… »

et le saint homme promet :

 » ce que tu veux, Dieu peut te le donner. Et je pense qu’il te le donnera. Inch’Allah….tu l’auras s’il plait à Dieu…. Fais seulement le sacrifice d’un beau bélier tout blanc. tu l’égorgeras de ta propre main, tu feras sept tas de viande que tu donneras à des mendiants. »

Les mendiants chassés de la ville décident de faire grève. Qui donc peut être gêné par cette grève? Justement tous ceux qui espère quelque chose et qui pensent que donner l’aumône favorisera leur prière. L’aumône fait partie intégrante des rapports sociaux et de la pratique religieuse. A qui adresser les prières? A qui faire des dons si les mendiants ne mendient plus?

La Grève des battù est un succès inespéré. Relégués dans la  maison des mendiants à la périphérie de la capitale, ils reçoivent des cortèges de visiteurs apportant à domicile leurs offrandes. Mour Ndiaye se déplace, les paye même pour qu’ils rejoignent leurs emplacements dans la ville, les carrefours, les abords des mosquées, les marchés. Rien ne les fléchira!

 

Madame Brouette – film sénégalais de (DVD)

FESTIVAL SENEGALAIS

Mati – madame Brouette – vend toute sorte de marchandises au marché avec sa brouette.

Au début du film une scène nous interpelle : d’un  taxi, un homme travesti en femme en robe rouge le visage peint comme un masque, débarque dans la chambre et veut voir son enfant. Mati le met en joue. Le coup part. Accident ou crime passionnel. la police et un journaliste de télévision effectuent la reconstitution.

Les femmes prennent le parti de Mati tandis que les hommes l’accusent. Un groupe de griot chante comme un chœur antique

 

 

Mati est-elle capable de tuer Naago, son amant,  le policier corrompu, le dragueur, le père de son enfant qui a préféré faire la fête que d’assister à la naissance?

Certes Mati ne se laisse pas faire. Elle tire son amie des coups de son mari. les deux femmes décident de vivre sans les hommes, de se débrouiller seules, de monter une affaire, une gargote, promesse d’indépendance et de richesse. A peine ont elles pris la décision de s’installer ensemble que Mati tombe amoureuse de Naagot, et rapidement enceinte.

Désillusion, Naagot installe Mati dans un hôtel borgne, amant infidèle sûrement, maquereau peut-être? Forte femme, elle réagit ,  mène une affaire de contrebande pour réunir les fonds nécessaire à l’achat de sa gargote. Enfin, Mati réalise son rêve. Sa fille est très touchante, le très joli duo avec le gamin du quartier m’a ému. Le bonheur est-il à portée de main? Arrive le drame.

 

 

Film enlevé, des acteurs sympathiques, de la bonne musique, les couleurs africaines, de l’humour.

 

 

 

 

 

 

 

 

La Pirogue film sénégalais de Moussa Toure- avec Souleymane Seye Ndiaye, Laïty Fall.

FESTIVAL SENEGALAIS

Entre 2005 et 2010, 30 000 Africains ont tenté leur chance sur des pirogues. 5000 ont péri en mer, c’est un film qui leur est dédié, dit le générique. Rien que pour cette raison il faudrait voir ce film.

mais ce n’est pas un documentaire, c’est du vrai cinéma avec des personnages forts, les héros, le capitaine, le passeur, mais aussi les personnages secondaires qui ne sont jamais des figurants et qui sont si différents. Sénégalais, Guinéens, Peuls, musulmans ou animistes, jeunes rêvant de musique, de football ou de bonnes fortunes, mais aussi un pêcheur infirme qui fait le voyage pour se procurer une prothèse, des hommes et des femmes si forts, si dynamiques, si vivants…

 

Une mise en scène soignée nous offre aussi du spectacle. Spectacle de lutteurs en introduction, tempête, et belles images des campagnes qui hantent les têtes des passagers, baobabs ou vaches peules aux cornes si gracieuses.

 

Ne pas spoiler! C’est un vrai beau film avec une histoire très prenante. Arriveront-ils? Réussiront-ils à accomplir leurs rêves. Il faut aller voir le film.