J’ai rencontré Makhno à plusieurs reprises dernièrement : dans la Cavalerie Rouge d‘Isaac Babel et dans Les Loups de Benoît Vitkine. Ce révolutionnaire anarchiste de la Révolution de 1917 m’a intriguée et je suis tombée sur ce court roman de Kessel de moins de 100 pages que j’ai lu d’une seule traite.
Dans un café parisien, le Sans Souci(cela ne vous rappelle rien?) un camelot qui fut autrefois journaliste, après boire de la bière mêlée de vodka poivrée et et salée, fait cadeau à l’écrivain d’une belle histoire:
« – je vous dirai la vie de batko Makhno »
Nestor Ivanovitch Makhno.
il y a un triple destin dans ces syllabes : la ruse, l’insouciance et la férocité. Vous pensez que j’exagère, que c’est de la prophétie après coup. Possible.
C’est une histoire d’amour entre l’ataman terrible et sanguinaire et une jeune fille juive, qui a osé le défier. Belle histoire contée avec le style inimitable de Kessel dans la fureur de la guerre civile dans le décor improbable d’un train qui traverse l’Ukraine dans la dévastation et les massacres.
Pour le plaisir de lire Kessel plus que pour se renseigner sur le personnage de Makhno et sur l’histoire du mouvement anarchiste dans la Révolution. De la vie de Makhno, j’apprends ses années d’apprentissage, et ses combats
« chef de bande, il commence par piller les grandes propriétés, puis fait en partisan la guerre aux Allemands puis aux bolcheviks. Avec l’ataman Grigorieff, il prend Odessa, le trahit, l’assassine, massacre les juifs, les bourgeois, les officiers, les commissaires, bref, pendant deux années terrorise l’Ukraine entière par son audace, sa cruauté, sa rapidité de manœuvre et sa félonie… »
C’est un peu court et je n’en apprendrai pas plus pour la Grande Histoire.
Il me faudra d’autres sources. Il n’empêche que Kessel est un merveilleux conteur!
Zouleikha ouvre les yeux, dans l’isba tatare, dans la région de Kazan. Une longue journée commence avec les soins à sa belle-mère, la Goule puis le travail avec son mari, le bois qu’il faut rentrer dans la neige….Zouleikha est une jeune femme, mariée trop tôt, à un homme plus âgé qu’elle.
« Zouleikha avait de la peine à prononcer ces longs mots russes, dont elle ne comprenait pas le sens, et en elle- même elle appelait tous ces gens : la Horde rouge. Son père lui avait raconté de nombreuses histoires sur la
Horde d’Or, dont les émissaires cruels, aux yeux bridés, récoltaient le tribut dans leur région il y a quelques centaines d’années pour le ramener à leur féroce suzerain – Gengis Khan »
Régulièrement, la Horde rouge vient réquisitionner les récoltes, les animaux des paysans. Mourtaza, le mari de Zouleikha a décidé de refuser. mais en 1930, il ne s’agit plus de prélever le butin mais dedékoulakiser, et de déporter les koulaks. Le camarade Ignatov tue Mourtaza et emmène Zouleikha dans une longue caravanes de déportés jusqu’à Kazan.
« tu es expulsée. Comme élément koulak de première catégorie. Activiste de la contre-révolution. L’assemblée du Parti l’a confirmé. Mansourka tape de son doigt court la feuille sur le coffre. L’isba, on la réquisitionne pour le soviet »
Zouleikha ouvre les yeux dans la mosquée transformée en campement où sont parqués les paysans déplacés avant leur long voyage vers la Sibérie sous le commandement d’Ignatov. Le convoi traîne, parfois s’immobilise pour des jours, même des semaines.
« Zouleikha ouvre les yeux. Dans la brume rosée de l’aube les, objets semblent devenus légers et vacillants. Une grande mouette à la poitrine blanche posée sur le bastingage la regarde fixement de ses yeux brillants aux reflets d’ambre. Derrière elle, dans la blancheur ouatinée, frémissante du brouillard matinal, on devine à peine les contours des rives lointaines. le moteur est éteint, la péniche suit silencieusement le courant. «
Le long voyage se poursuit sur l‘Ienissei et l’Angara par voie fluviale. Des centaines de koulaks tatars il ne reste qu’une poignée, surtout après le naufrage de la péniche.
Zouleikha enceinte, donnera naissance à un fils, elle qui avait perdu presque à la naissance ses quatre filles. Cet enfant lui donnera une raison de vivre et lui épargnera les travaux les plus pénibles dans la forêt : défrichage, construction d’une tranchée pour abriter les prisonniers, abattage des arbres. Dans cette colonie perdue en Sibérie, ils n’ont rien pour subsister. Le seul homme armé, Ignatov doit chasser pour rapporter un peu de viande. Un pêcheur, Louka complète la nourriture avec du poisson. Zouleikha, la maigrichonne devient un chasseur émérite.
Et pourtant, la vie s’organise : un véritable village se construit au fil des années avec un hôpital où officie un véritable médecin, ancien professeur de l’université de Kazan, une école, même un club décoré par un peintre renommé au nom d’Ikonnikov (y-a-t-il un rapport avec les icones?). Youssouf, le fils de Zouleikha grandit. Zouleikha ouvre les yeux pour surveiller le sommeil de celui qui déjà est un adolescent….Elle raconte des légendes et des contes tatars comme celle du Simorgh, dont le nom est proche de celui du village Simourk. merveilleux conte persan de la Conférence des Oiseaux.
1938, 1940 la guerre fait rage, des hommes partent à la guerre. 1946, la guerre est finie, une nouvelle autorité s’impose aux colons défricheurs. Youssouf rêve de partir en ville, d’étudier la peinture.
Zouleikha ouvre les yeux; Le soleil cogne, aveugle, transperce sa tête qui se fendille en petits morceaux. Autour d’elle, dans une sarabande étincelante de rayons de soleil, vacillent les contours des arbres.
– tu te sens mal? Youssouf se penche vers elle, la regarde dans les yeux. Si tu veux, je ne pars pas.
Gouzel Yakhina m’avait enchantée avec Les Enfants de la Volga, l’histoire de ces Allemands de la Volga à travers plusieurs décennies autour de la Révolution. Toujours sur la Volga, mais en pays tatars, elle raconte dans Zouleikha ouvre les yeux la déportation des koulaks tatars, puis la vie en Sibérie. Histoire soviétique, aussi histoire et culture de ces peuples très riches et divers. Magie aussi d’un animisme encore présent dans les forêts où Zouleikha veut se concilier les esprits. Traditions bousculées mais toujours persistantes. Un charme fou!
C’est un gros pavé de 563 pages mais je l’ai dévoré avec grand plaisir.
C’est un roman très riche : il s’ouvre à Gnadenthal un peu avant 1920 dans la communauté allemande de la Volga avec le Schulmeister Bach à la personnalité plutôt insignifiante. Les colons allemands avaient été invités par la Grande Catherine et parlaient un dialecte allemand tandis que le Schulmeister enseigne sans grand succès le Haut Allemand, les poèmes de Goethe.
Trois mythes essentiels ont déterminé la vie des colons allemands depuis l’époque de Catherine la Grande. Le premier – « le mythe de la terre promise russe » – est né des efforts des agents engagés par l’État russe pour attirer des étrangers. Épuisés par la guerre de Sept Ans, par la famine et la ruine qui dévastaient l’Europe, les paysans allemands étaient ravis de croire à l’existence de terres vastes et fertiles qui les attendaient dans la lointaine Russie.
Aujourd’hui, comme dix et cent ans plus tôt, deux principes opposés se côtoient étonnamment bien dans le cœur du colon : tout d’abord, la volonté de s’ancrer, l’amour des traditions et un incorrigible fatalisme qui le poussent à travailler son champ pendant des décennies, sans se plaindre du destin…
Bach reçoit une curieuse invitation qui le mène de l’autre côté de la Volga dispenser des leçons à la fille d’un riche paysan. Elle tombe amoureuse de lui, s’enfuit pour le rejoindre. Le bonheur? c’est sans compter sur l’envie, la malveillance des villageois. Le pasteur refuse d’unir les amoureux. La couple scandaleux est banni et passe la Volga pour s’installer dans la ferme du père où ils vivent en autarcie des légumes du jardin, des pommes du verger, des poissons du fleuve. Les descriptions de la vie quotidienne, des travaux agricoles, de l’abondance des fruits sont merveilleuses.
Encore une fois, leur bonheur est compromis. Des rôdeurs abusent de Klara que le modeste et maigrichon Bach est incapable de la défendre. Du viol naitra une petite fille Anntche tandis que Klara meurt en couches. Bach s’attache à la petite orpheline qu’il faut nourrir. Pour lui trouver du lait il retourne à Gnadenthal qu’il retrouve bien changé. Entre temps la Révolution s’est déroulée avec la fuite de nombreux habitants, le début de la collectivisation. Comme il essayait de voler du lait des chèvres du kholkoze, il fait connaissance du camarade Hoffmann venu d’Allemagne pour construire le socialisme.
Hoffmann voulait changer le monde. Non, pas tout ce monde immense et inconnaissable qui s’étendait des deux côtés de la Volga, avec ses mines de charbon insondables qui dévoraient les gens et ses villes pluvieuses aux rues couvertes d’écailles puantes, mais juste le monde minuscule, barré d’un côté par le fleuve, et de l’autre –par le bord des gros champs courtauds du kolkhoze. Un petit monde consistant en quelques hectares de terre, deux douzaines de colons terrifiés, une cinquantaine de chèvres émaciées et deux chameaux grisonnants. Hoffmann voulait changer Gnadenthal.
Il conclut avec lui un curieux marché : il écrit les coutumes du village, les dictons, les coutumes en échange du lait. Sur la demande d’Hoffmann, il transcrit les contes que Klara lui avait racontés. Finalement Bach devient un véritable écrivain, invente des contes qui ont un réel succès.
Il était une fois une contrée où les prés semblaient d’émeraude, où les champs de blé brillaient comme l’or, une contrée d’abondance peuplée de bons bergers et de laboureurs paisibles, dont les poètes et les peintres ne cessaient de chanter la beauté. Au cœur de cette contrée, sur une haute falaise surplombant une vaste rivière, s’élevait le palais du roi. Et dans ce palais, vivait un roi très puissant. Il était gros comme un tonneau de harengs, chauve comme un pain rond, sa barbe rappelait une poignée de chou fermenté. Ce roi avait une fille aux yeux bleus comme l’eau de la rivière, aux joues douces comme les ailes d’un papillon. Elle n’avait jamais connu sa mère et avait grandi sous la surveillance d’une unique servante – une vieille maigre et sévère, qui passait ses journées à filer sans fin, et si parfois elle ouvrait la bouche, il n’en sortait que des méchancetés…
Ses écrits sont utilisés par Hoffmann pour l’agit-prop, publiés dans le journal local, affichés dans le village.
Par une sorte de magie, les contes se réalisent dans la vie. Ces récits de la vie populaire m’ont énormément plu. L’auteure donne une foultitude de détails ; ses descriptions sont amusantes, vivantes. L’enthousiasme gagne les habitants, ceux qui ont fui reviennent, les récoltes sont miraculeuses, la mécanisation commence avec l’arrivée de tracteurs nains. Bach note l’année 1926 comme l’année des Récoltes inouïes
Ces années fastes ont une fin avec les réquisitions de nourriture, 1927 est celle des Mauvais Pressentiments, 1928 celle du Blé caché, 1933 l’année de la Grande Famine. Le village est à nouveau ruiné, Hoffmann lynché par les paysans. Bach s’enferme à nouveau dans sa ferme de l’autre côté de la Volga, ne retourne plus au village et élève sa fille dans le mutisme.
comme Bach l’avait rêvé, la ferme était comme un grand bateau au milieu de l’océan, qui n’avait plus besoin des rivages.
L’amour muet du père pour sa fille, leur vie commune hors du temps dans la nature est à nouveau troublée par l’arrivée d’un vagabond, un enfant violent, incontrôlable, qui saura se faire apprivoiser et qui deviendra le frère de Anntche. Il lui apprendra à parler. Ce seront eux, les Enfants de la Volga.
Entre le récit de la vie au bord du fleuve, de courts chapitres racontent des épisodes de la vie de Staline, désigné par Il, épisodes cruels, décalés comme sa visite aux Allemands de la Volga de la République. Ces chapitres qui n’ont aucune incidence directe sur l’histoire de Bach rappellent le contexte de l’Union soviétique de l’époque.
Lecture comme un roman historique si on se réfère au calendrier de Bach. Roman d’amour, amour fou de Bach pour Klara et amour paternel exclusif pour Anntche. Contes populaires. Amour de l’écriture. Vie dans la nature et leçons d’horticulture. Comment cultiver, conserver les aliments; entretenir une isba, vivre en autarcie. Livre du fleuve avec ses mythes…Ce livre est très riche si on additionne tous ces aspects.
» Oui, je crie oui à la révolution, je le crie, mais elle se cache de Ghédali, et n’envoie devant elle que de la fusillade…
— À qui ferme les yeux, le soleil ne se voit point — dis-je au vieillard. — Mais nous saurons dessiller les yeux clos… — Le Polonais me les a fermés — chuchote le vieux, d’une voix presque indistincte. — Le Polonais est un chien méchant. Il prend le Juif et lui arrache la barbe… Ah ! le vilain mâtin ! Et voilà qu’on le fouette, le mauvais chien… C’est admirable, c’est la révolution !… Et après, celui qui a battu le Polonais vient me dire :Donne ton gramophone, réquisition, Ghédali… J’aime la musique, madame, que je réponds à la révolution… — Tu ne sais pas ce que tu aimes, Ghédali ! Veux-tu que je tire ? Tu sauras alors ce que tu aimes ! Et je ne peux pas m’empêcher de tirer, parce que je suis la révolution…
Mais le Polonais tirait, mon aimable pane, parce qu’il est la contre-révolution ; et vous tirez parce que vous êtes la révolution. Pourtant, la révolution, c’est un contentement. Et un contentement n’aime pas qu’il y ait des orphelins au logis. L’homme bon accomplit de bonnes œuvres. La révolution est la bonne œuvre de bonnes gens. »
Est-ce un roman? un recueil de 34 courtes nouvelles? ou une série de reportages, témoignages de la campagne en Vohynie(Pologne) de l’Armée Rouge?
Babel note scrupuleusement le lieu et la date, de Juillet à septembre 1920. Dans un texte, il fait allusion à une Gazette Le Cavalier rouge qui contiendrait aussi des informations sur la situation internationale.
Il est question de batailles, de sabres de mitrailleuses, de victoires ou de retraites, de blessés, d’héroïsme ou de mesquineries, de trahisons aussi. Mais ce n’est pas un épopée glorieuse. C’est plutôt un récit répétitif de la vie quotidienne de ce régiment de Cosaques qui se placent à cheval, en charrette, dans le train de l’agitprop, qui occupent des villes polonaises, découvrent des ruines, bivouaquent dans des fermes.
Les personnages sont, bien sûr, les Cosaques et les officiers, « combrig, chefdiv ou la politsection » tout un jargon révolutionnaire. Personnages secondaires : les Polonais et les Juifs, habitants de la Volhynie sont aussi décrit avec vivacité : le vieux Ghédali, commerçant juif, le fils du rabbin communiste, un curé obséquieux qui s’efforce de préserver son église, des artistes, un peintre qui prend les villageois pour modèle pour peindre les saints, un accordéoniste….Moins attendues, les femmes, les mères, les infirmières, fermières. Tout un monde!
« -un cheval qu’il avait amené du pays — disait Bitsenko. — Où trouver le pareil ? — Un cheval, c’est un ami —
répondait Orlov. — Un cheval, c’est un père — soupirait Bitsenko. — Il vous sauve la vie tout le temps. Bida,
sans cheval, est comme perdu… »
Autres acteurs importants : les chevaux que Babel décrit avec une précision toute hippologique. Un officier est capable de quitter la brigade pour se procurer une monture. un autre concevra une véritable haine parce que son cheval préféré a été réquisitionné.
Une mention spéciale devrait être attribuée au traducteur : Maurice Pariajanine (1928) qui, dans une longue introduction, présente Isaac Babel . Il fait découvrir, au plus proche du mot-à-mot, la saveur du style de l’auteur dans de très nombreuses notes en fin de chapitre. Il fut également le traducteur de Trotski.
Ce roman graphique s’attache au personnage d’Isaac Babel et raconte son arrestation et sa détention en 1939. Il est composé de 5 « livres » :
I. -Moscou 1939 : arrestation de Babel,
II. -Odessa 1913-1921 : Ce que Babel a vu avant pendant et après la Révolution : l’histoire du brigand Bénia
III. -Moscou 26 janvier 1940 : « ce que Babel avait deviné en imaginant le destin du brigand Bénia Krik
IV. -Washington 17 mai 1995 : ce qu’il advint de la dernière lettre de Babel
V. – Moscou 1939 -1940 : ce que contenait la lettre que Babel écrivit dans sa cellule de la Loubianka
Les deux livres qui se déroulent à la Loubianka sont composés de manière saisissante : les vignettes en noir et blanc (même pas de gris comme on s’y attend dans le N&B ) avec des pointes acérées et une rare violence, tandis que Bénia représenté en couleur (rouge pour son sang) est cerné par cette brutalité, comme écrasé par les bottes qui empiètent la vignette centrale.
Le livre II est d’un graphisme plus classique. Bande dessinée en couleur, bulles blanches contenant les paroles (rares) et les chansons que fredonnent les personnages. C’est l’histoire de Bénia, le Roi des brigands juifs, qui détrousse les riches (juifs ou goys) pour redistribuer les richesses aux miséreux. Ce communisme rudimentaire (extorsions) rencontre la Révolution et se joint à l’armée rouge. la fin sera tragique.
Babel a raconté cette histoire dans les Contes d’Odessa et il en tiré un scénario pour Eisenstein finalement un autre cinéaste tournera le film.
Le livre V n’est pas dessiné, c’est le texte de la lettre de Babel à sa fille, encadré encore par les zigzags noir et blanc de la Loubianka.
Un abondant corpus de notes, chronologie, bibliographie et histoire de Mémorial complète le volume passionnant.
Depuis longtemps je tourne autour de Babel, l’écrivain, et d‘Odessa aux temps de la Révolution . Les Aventures extraordinaires d’un Juif Révolutionnaire de Alexandre Thabor, Odessa Transfer, La Route du Danube de Ruben, Aux Frontières de l’Europe de Rumiz, et tant d’autres m’y ont conduite. Cependant, je reste un peu sur ma faim quant à l’auteur et son œuvre. J’ai donc téléchargé Cavalerie rouge et je vais chercher les Contes d’Odessa
Récemment, j’ai lu La mort du Khazar Rouge de Shlomo Sands un polar où il est question de l’identité juive et des Khazars, j’ai voulu en savoir plus sur les Khazars. Emmanuel Ruben, Sur la route du Danube raconte qu’il a visité un cimetière khazar à Celarovo (Serbie), il cite Le Dictionnaire khazar de Milorad Pavic. J’ai téléchargé la Treizième Tribu de Koestler en anglais et j’ai beaucoup appris sur les Khazars.
La Treizième tribu, l’Empire Khazar et son Héritage est un livre de 181 pages, annexes comprises. Sa première publication date de 1976. Il est composé de deux parties : L’essor et la chute des Khazars et l’Héritage.
Khazarie et voisins trouvé sur wikipedia
Qui étaient les Khazars? C’est un peuple d’origine turque, semi-nomade, venant de l’est, comme avant eux les Huns, Bulgares? Hongrois ou Pechnègues. Leur domaine s’est étendu entre la Mer Noire et la Caspienne, du Caucase à la Volga. Ils sont venus avec leurs yourtes, puis ont construit des palais. Leur capitale Itil se situait dans le delta de la Volga; pour contrer les incursions des Vikings (Rus) ils édifièrent la forteresse de Sarkel près de Tsimliansk (Rostov-sur-le-Don). Après avoir combattu les Arabes au 7ème siècle, le Royaume Khazar servait à l’équilibre géopolitique entre l’empire Byzantin chrétien et les califes musulmans. Situé au carrefour des routes commerciales (Est-Ouest sur la Route de la Soie) et nord Sud, par la Volga et le Don entre la Baltique et Constantinople, le royaume Khazar vivait du commerce en prélevant des taxes de passage sur les marchandises qui circulaient.
la conversion
Selon la légende, en 740, le Kagan Bulan, aurait vu un ange dans son sommeil lui enjoignant de se convertir ….mais quelle religion choisir? Il fait venir des représentants des trois grandes religions monothéistes pour une grande controverse. Le choix est peut être plus politique que philosophique, garantissant l’indépendance du royaume entre l’Islam et le christianisme byzantin. Le judaïsme était bien connu des Khazars : des Juifs de Bagdad fuyant des persécutions auraient rejoint la Khazarie.
Koestler se réfère aux textes connus, relation d’Ibn Fadlan, mais aussi correspondance entre un Juif de Cordoue, textes byzantins. C’est vraiment un essai historique loin du roman historique. un important corpus de notes et références dans les annexes montre le sérieux de cette étude. .
L’empire Khazar atteindra son apogée à la fin du VIIIème siècle, vers le milieu du IXème siècle le Kagan demanda l’aide des byzantin pour construire la forteresse de Sarkel destinée à contenir les incursions des Vikings ou Rus. Constantinople se servait du royaume Khazar comme bouclier protecteur contre les navires Vikings comme aux siècles précédents contre la bannière verte du Prophète. Une alliance entre les Khazar et les Magyars confortait la position du Kagan.
Toutefois, au tournant du millénaire , l’annexion en 862 de Kiev par les Rus, les guerres et les alliances entre Constantinople et les Vikings/Rus puis le baptême de la Princesse Olga de Kiev en 957 annoncent le rapprochement entre les deux puissances au détriment des Khazars. Vladimir occupa Cherson en 987 sans même une protestation byzantine. La destruction de Sarkel en 985 marqua la fin de la puissance Khazar. Les hordes mongoles de Gengis Khan au début du XIIIème siècle puis la peste Noire 1347-8 signent la chute de l’empire Khazar.
L’héritage
Avec la destruction de leur état, plusieurs tribus Khazar se joignirent aux magyiars en Hongrie, certains ont combattu en Dalmatie en 1154 dans l’armée hongroise. La diaspora khazar suivit la migration vers l’Ouest des Magyars, Bulgares de la Volga, Kumans, etc…La formation du Royaume de Pologne se fit au moment du déclin de l’empire Khazar 965. les immigrants khazar furent les bienvenus en Pologne et en Lituanie, de même que les Allemands qui apportèrent leur savoir-faire. parmi ces population s’installèrent aussi les Karaïtes, une secte juive fondamentaliste emmenés comme prisonniers de guerre en 1388. Koestler montre l’apport démographique considérable formant d’après lui le noyau de la communauté juive eshkenaze. Tandis que le féodalisme polonais a graduellement transformé les paysans polonais en serfs la communauté khazare surtout urbaine a formé un réseau d’artisans, marchands de bestiaux, cochers, tailleurs, bouchers… caractéristiques du Shtetl. Selon Koestler, la construction de charrettes, la profession de cocher spécifique des communautés juives aurait une origine khazar rappelant les peuplades semi-nomades qui utilisaient des chariots tiré par des bœufs ou des chevaux.
L’usage du yiddisch proche de l’Allemand conduit à penser que les juifs polonais ou russes seraient venus de Rhénanie et d’Allemagne. Après une grande digression sur l’historique des communautés juives d’Europe de l’Ouest Koestler soutient que ces migrations à la suite des persécutions pendant les Croisades et après la Grande Peste ne marquent pas de déplacement en masse et que l’usage du yiddisch pourrait avoir une autre origine, linga franca dans tout ce domaine parce que les Allemands formaient une population éduquée qui influençait les juifs du shtetl.
S’en suit ensuite une longue étude pour prouver qu’il n’existe pas de fondement scientifique à l’existence d’une race juive. Etude fastidieuse des caractères comme la forme du nez, la taille, ou les groupes sanguins. Comme, depuis longtemps, le concept de race n’est plus scientifiquement fondé, je ne m’attarde pas sur cette partie du livre.
Cette idée que les Juifs Ashkénaze auraient des origines turques et asiatiques complètement distinctes des origines de la Diaspora venant de Palestine après la Destruction du Temple perturbe certaines traditions et certaines notions comme celle de « Peuple élu » et se trouve à la base du roman de SandLa mort du Khazar Rouge.
Je serais curieuse de lire ce queMarek Halter a écrit
Dans mes recherches sur Internet j’ai eu la très désagréable surprise de trouver que les Khazars avaient inspiré antisémites et conspirationnistes qui ont imaginé des conspirations khazares impliquant Rothschild ou même Soros. Evidemment j’ai prudemment refusé d’aller plus loin et de cliquer sur les vidéos ou les liens de peur d’importer de très nauséabonds cookies.
Exposition temporaire du 22 septembre 2021 au 22 février 2022
Matisse : corbeille de fruits
Exposition spectaculaire qui réunit les chefs d’œuvre français et russes, de Renoir à Picasso en passant par Cézanne,Bonnard, Matisse, Gauguin, van Gogh… et j’en oublie, des plus fameux. Les deux frères Mikhail et IvanMorozovn’ont pas seulement collectionné des tableaux magnifiques, ils ont surtout fait des commandes. Les tableaux ont souvent été peints pour être vus ensemble comme ceux de la salle Bonnard dont les formats sont inhabituels. Après la nationalisation de la collection en 1918 les tableaux ont été répartis dans différents musées entre Moscou et l’Ermitage. Les voir réunis ici leur donne une meilleure cohérence.
Bonnard : printemps
Quel éblouissement que ces deux grands tableaux presque carrés Printemps et Automne encadrant le triptyque Méditerranée. L’été se trouve en face. Dans cette salle consacrée à Bonnardon peut aussi admirer le Triomphe de Cérès de Ker-Xavier Rousseldont les gais coloris s’harmonisent avec les tableaux voisins.
Ker-Xavier Roussel : Le Triomphe de Cérès
Certains tableaux sont surprenants comme le Cézanne sombre ou le Bouchon de Manet peint à grands coups de pinceau
Cézanne : scène d’intérieur
J’ai bien aimé les deux saltimbanques de Picasso
Picasso 2 Saltimbanques
Une salle entière est consacrée à Sisley, Pissaro, des petits formats de paysages de Louveciennes ou de Pontoise, la surprise vient d’un peintre russe Korovine : ubn café à Paris et d’un merveilleux paysage de Golovine
Golovine ; paysage Pavlovsk
Au fond, de très beaux Monet : des fleurs et un étang, mais nous ne sommes pas à Giverny, c’est Mongeron.
Une découverte, à côté de Derain, Louis Valtat : la Mer à Anthéor
Louis Valtat : La mer à Anthéor
Une journée en Polynésie, c’est bien sûr Gauguin
Gauguin : Matamoé
j’ai beaucoup aimé ce paysage aux paons.
Encore de la couleur avec Martiros Sarian
Martiros Sarian : rue à Constantinople
Une salle entière est dédiée à Cézanne :calme et verdure des Bords de Marne à Créteil ou saint Maur des Fossés ainsi qu’un très beau pin
Cézanne : le Pont de Créteil
On retrouve Cézanne à de nombreuses reprises, paysages et natures mortes, des portraits aussi.
Contrastant avec les paysages colorés, une salle entière contient des grands portraits d’hommes dans une dominante de gris, Picasso, Cézanne, Kontchalovski, Malevitch et Ilia Machkov. Certains sont étranges voire inquiétants.
KontchalovskyIlya Machkov : autoportrait
Une salle met à l’honneur la Ronde des Prisonniers de Van Gogh
On revient à la couleur avec Matisse, ses fleurs, ses natures mortes et le triptyque marocain
Cette rétrospective nous fait connaître un peintre majeur en Russie qui laisse une œuvre très vaste aussi bien par la durée (presque un siècle) que par la variété de ses tableaux : nombreux portraits, scènes de la vie du peuple Russe, peinture historique, peinture officielle. Véritable illustration de la vie en Russie de 1870 à la Révolution.
Répine : Ivan le Terrible et son fils
Le visiteur est accueilli par une séquence du film Ivan le Terrible d’Eisenstein. Pourtant le célèbre tableau de Répine, objet de scandale et vandalisé à deux reprise (1913 et 2018) ne figure pas dans l’exposition. Un document vidéo lui est consacré.
Dans une première salle, on fait connaissance avec le peintre et le Mouvement des Ambulants autour de Kramskoïqui peignent une peinture réaliste reflet du peuple. A propos des Haleurs de la Volga, ce dernier écrit:
« Répine pense de manière actuelle. je ne sais pas ce qu’il fera après les Haleurs. nous ne pouvons pas revenir en arrière (…)non, décidemment l’Ecole Russe devient sérieuse… »
On fait connaissance avec le Cercle familial : Répine peint sa famille
Véra ChevtsovaLibellule (sa fille)Son fils : Youri Répine
Répine obtient une bourse pour aller étudier à l’étranger et part à Paris en 1873 . J’ai bien aimé ses tableaux de Montmartre encore en chantier avec ses carrières et ses fours à plâtre et ceux peints en Normandie.
Vendeur de nouveautés à Paris
Une vie intellectuelle russe très active gravite autour de Tourgueniev et de l’église russe de la Rue Daru (audiovisuel intéressant)
Portrait de Tourgueniev
il peint aussi de très jolis portraits comme ceux de la fille de pêcheur et de l’Ukrainienne.
La Vie en Russie
montre des épisodes de la vie du peuple encore majoritairement paysan : les traditions, fêtes et rites religieux
procession
procession religieuse, mais aussi veillée avec des jeunes gens et un duel
Répine portraitiste
Nous fait connaître les visages des musiciens russes : Cui, Moussorgski,Glinka, Glazounov ainsi que d’actrices et de célébrités de l’époque
Moussorgski
Il est aussi très lié avec Tolstoï. Toute une salle est consacrée à l’écrivain avec 4 portraits :
Tolstoï couché
Répine maîtrise aussi la Peinture historique dans de grands tableaux colorés où des cosaques sont truculents
Cosaques Zaporogues écrivant au sultan de Turquie
C’est aussi un peintre officiel qui obtient des commandes de Nicolas II avec des tableaux monumentaux. A côté de ces peintures royales il consacre des toiles au Narodniki(qui vont vers le peuple) . Un petit tableau montre un condamné à mort qui refuse la confession, l’arrestation d’un militant, et il existe plusieurs versions de Ils ne l’attendaient plus (retour de déportation avec également des femmes, étudiantes)
Ils ne l’attendaient plus
Ambiguïté des productions de Répine qui peint en couleurs joyeuses la Révolution de 1905et un rassemblement au Mur des Fédérés
Rassemblement au Mur des Fédérés
Répine s’installe dans sa propriété aux Pénates, à 40 km de Saint Pétersbourg sur le Golfe de Finlande.
Aux Pénates : Quelle liberté!
Après al Révolution de 1917, Kuokkala devient finlandaise et c’est en Finlande que Répine finit sa vie.
J’ai dévoré ce livre, une fois commencé je ne l’ai plus laissé. Merci à Babélioet l’éditeur du TempsPrésent
« Et bien, votre fils Sioma…en deux mots c’est un Don Quichotte tragique… un héros antique, en quelque sorte » […]…mais inspiré par un vieux philosophe, un hassid, sans doute, qui lui apprit que « sans l’espérance, nous ne trouverons jamais l’inespéré » « .
Lecture passionnante : un demi-siècle de révolutions, 1904-1946 , d’Odessa à la Guerre Civile espagnole, aux camps du Vernet de Djelfa, en Palestine. Sioma, le père d’Alexandre Thabor, raconte sa vie à son fils après une longue séparation. Ce livre qui se lit comme un roman d’aventures, est le témoignage d’un combattant révolutionnaire. C’est aussi une merveilleuse histoire d’amour de deux enfants juifs d’Odessa 15 ans et 13 ans qui se sont aimés jusqu’à ce Tsipora ne soit réduite en cendres quelques jours avant la libération d’Auschwitz.
Révolutionnaire depuis sa plus tendre enfance :
« C’est à six ans que mon père m’a ouvert les yeux sur le monde dans lequel nous vivions, nous les Juifs : un monde de pogroms, d’incendie, de pillage, de viols, de dévastations, de massacres perpétués par les Cent-Noirs »
….
C’est juste après l’assassinat de Stolypine, l’organisateur des Cent-Noirs un jour de Septembre 1911, que mon père a jugé bon de commencer mon éducation politique. […]Il m’a raconté le dimanche sanglant de 1905 à Saint Pétersbourg, les grandes grèves d’Odessa, la mutinerie des marins du Cuirassé Potemkine…
Révolutionnaire et juif, révolutionnaire parce que juif?
Son père tenait une école où l’on enseignait le Russe avec Gogol et Pouchkine, l’Hébreu avec la Torah, …et les prophètes : Amos, le premier révolutionnaire ouvrier, Isaïe très présent tout au cours du récit. Malgré les violences, les récits de guerre, les références aux textes juifs sont présentes.
Chagall : la Guerre
Sioma, adolescent à Odessa, vit dans une ambiance de violence extrême. Le récit d’un pogrom est insoutenable. Après la Révolution de 1917, Odessa est le théâtre d’affrontements entre l’armée Rouge, les armées blanches et les nationalistes ukrainiens. La communauté juive est, elle-même, partagées, certains juifs soutiennent l’Ukrainien Petlioura, pourtant antisémite. Sioma choisit les komsomols où il acquiert une éducation politique et militaire.
Chaghall : le salut
Ce n’est qu’après le pogrom de Jitomir (1919) que son ami Gedeon l’entraine à une réunion du Poalé-Zion sioniste. Il entend parler Kalvarisky , un proche de Martin Buber partisans d’une entente entre les Arabes et les Juifs en Palestine. L’idée de quitter Odessa pour Eretz Israel ne le tente d’abord pas du tout. Pendant de longues années, se succèdent affrontements et massacres. Ce n’est qu’en 1924, avec Gedeon et Tsipora qu’ils iront s’installer à Nahalal dans la ferme de leurs amis Olga et Youri.
Jamais, Sioma et Tsipora n’ont adhéré au slogan « Une terre sans peuple, un peuple sans terre » . Déjà, à Odessa, ils connaissaient la situation : deux peuples condamnés à vivre ensemble sinon , selon Martin Buber, il s’en suivrait une Guerre de Cent Ans.
« partisans de la création d’un Etat commun binational, nous étions certains que cet espoir serait comblé un jour ou l’autre. De ce point de vue, nous nous sentions pleinement révolutionnaires »
L’installation à Nahalal au printemps 1924 se fait dans l’enthousiasme jusqu’à ce qu’une famille palestinienne ne vienne cultiver les terres qu’on leur avait volées et qu’un membre du moshav ne tue le père.
« Sioma ressent sa vie en Eretz Israel entachée par ce crime. Il éprouve désormais l’obligation d’empêcher pareilles injustices »
Après avoir protesté, devenus indésirables, ils sont chassés du moshav et déménagent à Haïfa où ils militent pour l’entente avec les Arabes avec qui avait fondé avec Martin Buber, Brit Shalomqui lui fait connaître le maire de Haïfa et les grandes familles arabes. Sioma rencontre aussi Yitzhak Sadeh qui l’a accueilli au Bataillon du travail tandis que Tsipora travaille avec Sarite la sœur d’un communiste arabe Nadjati Sidki dans une école bilingue accueillant enfants juifs et arabes. Ils soutiennent les revendications et les grèves des travailleurs arabes
« Ils deviennent des traîtres, des vendus à la cause arabe »
Tandis que les émeutes, les violences intercommunautaires et antibritanniques s’intensifient. En 1936, à la suite d’une décision de la Histadrout de bannir les travailleurs arabes, la grève se transforme en lutte armée. Sioma est arrêté par les Anglais et emprisonné à Saint Jean d’Acre. Il est expulsé de Palestine et rejoint les Républicains espagnol dans leur lutte contre le fascisme.
Il ne part pas seul, 25 militants antifascistes juifs et 2 arabes forment
« mon unité, mes Palestiniens »
Jose Garcia de Ortega
dans les brigades internationales. Il retrouve d’anciennes connaissances d’autrefois quand il était dans les komsomols et furent
« accueillis par André Marty, le héros de la mutinerie de la marine de guerre française dans la rade d’Odessa »
Le récit de la Guerre d’Espagne est détaillé sur 75 pages, de bravoures, de tueries, d’occasions ratées, de défaites sanglantes et aussi de coups tordus. Bataille de Madrid, de Saragosse, de Teruel pour finir par la Retraite, la Retirada. Impression de gâchis. Les ordres de Moscou sont contradictoires. Chaque clan livre bataille de son côté, quand ce n’est pas les uns contre les autres. Exécutions sommaires de déserteurs. Déserteurs ou opposants politiques? Les communistes semblent plus occupés à décimer les anarchistes et les trotskistes qu’à gagner la guerre civile. Exécutions aussi de militants communistes chevronnés, hauts gradés qui ont déplu à Moscou. Jeanne, une journaliste qui a publié un article sur la commune des femmes libres de Calanda (anarchistes), Lucia Cordoba, une chirurgienne dont le seul tort est d’avoir soigné un officier franquiste, périssent dans d’étranges accidents, enlèvement, guet-apens. Et pourtant, malgré tout cela, Sioma continue persuadé de la justesse de leur lutte anti-fasciste.
1939, Sioma est interné dans des conditions très dures au camp du Vernet d’où il s’évade pour retrouver Tsipora à Paris. Il est repris sous les yeux de son fils et de sa femme renvoyé au Vernet puis en Algérie à Djelfa jusqu’en 1942. Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord les anciens des Brigades furent libérés et un émissaire soviétique vient chercher Sioma pour l’envoyer en Palestine.
Chagall : à la Russie, aux ânes et aux autres
Détour par Moscou, où chaque clan autour de Staline avance ses pions. Béria pense l’utiliser dans un comité juif, le CAJ, cherchant à lever des fonds d’aide à l’Armée Rouge. En contrepartie, l’URSS soutiendrait la création de l’Etat d’Israel. Protégé par sa mission soviétique, il peut retourner en Israël d’où il était banni. Occasion de retrouver Haïfa, sa mère et ses camarades de combat.
1946, la guerre est finie mais la libération des camps a changé la donne. Ben Gourion, la Haganah préparent les forces du futur Etat d’Israël. Où se trouve Sioma le jour de l’Indépendance? Ce n’est plus le sujet. A Paris il apprend la mort de Tsipora.
Témoignage sur la Révolution Russe à Odessa, sur la vie du Yichouv de 1924 à 1936, récit de la Guerre d’Espagne. C’est aussi un récit très poétique entrecoupé des versets d’Isaïe ou de Jérémie, de poèmes écrits par ces poètes yiddisch qui vont disparaître en 1952 lors de la purge de Staline.
Un récit, parfois touffu, où je me suis un peu perdue, mais passionnant.
En bonus : la préface d‘Edgar Morin. Une postface très intéressante : Ils rêvaient de binationalisme signée Dominique Vidal
Pour une rentrée au cinéma, j’ai fait le bon choix!
Film historique avec reconstitution d’époque : 1933, Moscou, son Hotel Metropol fréquenté par les journalistes étrangers agréés par le régime, l’Ukraine où sévit une terrible famine.
Thriller mené de main de maître, on ne s’ennuie pas un instant en suivant les péripéties du voyage en URSS de Gareth Jones, jeune reporter free lance à la recherche d’un scoop. Venu avec l’idée d’interviewer Staline comme il a interviewé Hitler, il découvre que son contact a été assassiné à la veille d’un voyage en Ukraine. Comment Staline finance-t-il ses grandes réalisations? On lui suggère que « l’or de Staline » serait le blé ukrainien. Gareth Jones prend le train pour l’Ukraine ; la réalité qu’il découvre dépasse de loin ce qu’il pouvait imaginer. Pourra-t-il rentrer à Londres? Dénonciation d’un génocide.
Dénonciation aussi de Fake news – propagande stalinienne que relaient les journalistes occidentaux, en tête Duranty, prix Pulitzer.
Gareth Jones, un lanceur d’alerte.
Le film gagne ici aussi en actualité.
Ce n’est pas une fiction.
Pédagogie, pas seulement.
C’est aussi un très beau film. L’Ukraine sous la neige est d’une beauté à couper le souffle.
Un très bon film
ORWELL AND THE REFUGEES – THE UNTOLD STORY OF ANIMAL FARM – ANDREA CHALUPA
Andrea Chalupa a écrit le scénario de L’Ombre de Staline. Le film m’a tellement impressionnée que j’ai voulu en savoir plus. J’ai donc téléchargé l’essai d’Andrea Chalupa .
Orwell est bien présent dans le film mais je ne l’avais pas reconnu.Il s’ouvre et se termine par un personnage qui rédige un roman à la machine. Allure bizarre, Orwell aimait se vêtir comme un clochard pour choquer la bonne société. Et le roman, c’est la Ferme des animaux inspiré par l’histoire de Gareth Jones.
Chalupaest une journaliste américaine d’origine ukrainienne dont la famille a vécu cette terrible famine Holodomor que je découvre par le film. Dans cet ouvrage elle raconte comment les réfugiés ukrainiens à la fin de la Seconde Guerre mondiale ont accueilli la traduction en 1947 de la Ferme des Animaux comme critique du Stalinisme avec des références précises à la famine qu’ils avaient vécues.
he explained how he and his countrymen had always been puzzled by the West’s naïveté about the Soviet Union. They always wondered, wrote Ševčenko, whether anyone “knew the truth.” He concluded: “Your book has solved that problem.”
Sevcenko (le traducteur de la Ferme des animaux) expliquaient comment ils avaient été étonnés de la naïveté des occidentaux envers l’Union Socviétiuz. Ils se sont toujours demandé – écrivit Sevcenko, si quelqu’un « connaissit la vérité ». Il en conclut « votre livre a résolu le problème »
Elle explique aussi pourquoi la désinformation autour de Holodomor a persisté des années 30 jusque bien après la guerre, relayée par des intellectuels occidentaux de renom.
Cet essai donne un éclairage intéressant sur la personnalité d’Orwell.
Orwell was much like a blogger before bloggers—“As I Please” was Orwell simply writing about anything he pleased.
Orwell était une sorte de blogger avant que n’existent les blogs « comme il me plaira » était pour Orwell un exercice d’écriture sur tout ce qui lui plaisait…
La diffusion (ou plutôt la censure) de cette traduction en Ukrainien est étonnante :
However, only 2,000 copies were distributed—a truck from Munich was stopped and searched by American soldiers, and a shipment of approximately 5,000 copies was seized as anti-Soviet propaganda. The books were handed over to Soviet repatriation authorities and destroyed.
Cependant seulement 2000 exemplaires furent distribués. Un camion venant de Munich fut arrêté et fouilla par les soldats Américains, et un envoi d’approximativement 5000 exemplaoezq furent saisi comme propagande anti-soviétique. Ces livres furent envoyés aux authorité soviétiques et détruites
Par la collection de photographies des réfugiés ukrainiens c’est un témoignage poignant.
LA FERME DES ANIMAUX
Ensor
Comment qualifier ce court roman (150 p.)?
« Ces scènes d’épouvante et de massacres n’étaient pas ce que nous avions appelé de nos vœux la nuit où Sage l’Ancien avait exalté l’idée du soulèvement;Elle-même se faisait une image du futur, ç’aurait été celle d’une société d’animaux libérés de la faim et du fouet : ils auraient été tous égaux, chacun aurait travaillé selon ses capacités, le fort protégeant le faible, comme elle aurait protégé de sa patte la couvée de canetons….
Au lieu de quoi – elle n’aurait su dire comment c’était arrivé – des temps où personne n’ose parler franc, où partout grognent des chiens féroces, où l’on assiste à des exécutions de camarades dévorés à pleines dents après avoué des crimes affreux…. »
Une fable ou un conte où les animaux parlent et raisonnent comme des humains tout en gardant certains de leurs caractères.
Une fable ou un conte, une satire, où l’histoire de la Révolution russe est transposée. Élan généreux du Soulèvement, principes égalitaires énoncés et peints, bataille héroïque…Chants révolutionnaires et slogans (bêlés et répétés à l’envie par les moutons). Joie et succès des débuts, récoltes et abondance jusqu’à ce que soit conçu le projet de construire un moulin destiné à produire de l’électricité (eh oui! l’électricité et les Soviets, cela ne vous rappelle rien). Les cochons se divisent sur l’opportunité de construire le moulin. L’inventeur du moulin est chassé par celui qui contestait le projet qui le reprend à son compte. Travail forcé pour construire le moulin, cheval stakhanoviste. Famine pour les animaux. Luxe et dépravation pour les cochons….Les allusions sont claires.
Mais on dirait que le mur n’est plus tout à fait le même. Benjamin, les Sept Commandements sont-ils toujours comme autrefois?