Du sang sur la soie – Ann Perry – Polar Byzantin

POLAR BYZANTIN

prise de Constantinople -fresque roumaine

…. »Je suis byzantine. Cela veut dire que je suis à la fois sophistiquée et barbare. »

déclare Zoé, figure principale de l’intrigue.

« C’est Byzance! »Synonyme de richesse et d’abondance. En ce sens ce roman de 975 pages est sur-abondant. Gros pavé. Riche de reconstitutions historiques de décors exotiques. Les héros nous promènent à Constantinople où se déroule la majeure partie de l’action, mais aussi à Rome, à Venise, Palerme, Jérusalem et même à Sainte Catherine du Sinaï.

Byzantine,  l’intrigue compliquée que devra dénouer la narratrice, médecin.   Constantinople  encore dévastée par la IVème Croisade de  1204, se remet à peine de ses ruines 70 ans plus tard. Les familles impériales, Comnène, Lascaris, Cantacuzène, contestent l’autorité de Michel Paléologue. Les complots et les vengeances se succèdent : poisons et poignards utilisés avec cynisme et cruauté.

prise de Constantinople - fresque roumaine

Byzantines encore les implications religieuses, querelle du Filioque, adoration de l’icône de la Vierge miraculeuse protégeant la ville. Michel Paléologue craignant une nouvelle croisade avec des exactions des Latins, choisit de faire alliance avec le Pape pour se protéger des ambitions de Charles d’Anjou, Roi de Sicile. L’orthodoxie se sent menacée.

Byzantines encore la sophistication des amours, l’intervention des eunuques, la confusion des sexes et des genres.

Constantinople est à la frontière des puissances orientales , la Horde d’Or, les Seldjoukides, les Arabes …Rempart de la chrétienté? ou Carrefour des influences orientales?

C’est donc un roman historique très dépaysant qui raconte une période passionnante pendant que six papes se succèdent à Rome, faisant et défaisant les alliances,  trois doges à Venise, s’achevant avec les Vêpres siciliennes qui remettent en question les rapports de force.

Cependant, dans cette abondance de reconstitutions historiques, le propos se dilue un peu. Roman choral où tantôt la narratrice-médecin byzantine, laisse la parole, aux légats du pape, ou à l’envoyé du doge de Venise. On perd de vue l’intrigue qui doit être élucidée : le bannissement de Justinien Lascaris.

J’ai été toujours intéressée par l’histoire, mais pas tout à fait séduite. Il manque la pointe d’épice, le « je-ne-sais-quoi » qui fait qu’on y croit vraiment, et qui fait la différence entre un Roman Historique et un grand roman.

 

La petite Venise – film d’ Andrea Segre

TOILES  NOMADES

Ce n’est pas la Venise des Palais, ni celle des gondoles, des marbres…c’est celle des pêcheurs, des barques et des filets, du casone où l’on range les nasses et où l’on fait griller le poisson.

D’ailleurs, ce n’est pas Venise mais Chioggia qui a aussi ses ponts vénitiens, ses quais, sa lagune. On ne croise pas de masques de carnaval, mais des lanternes de papier qui flottent, en l’honneur du Poète chinois. On y croise des gens simples, des migrants chinois, des pêcheurs à la retraite qui viennent passer la soirée au bar, boire la grappa, le caffe corretto, ou le ballon de blanc ou de rouge. Sauf que la serveuse est chinoise. Et que de ces gens-là on se méfie…on parle, on médit. Pas Bepi, le poète qui rimaille en Italien, mais qui boit sa prune, en Yougoslave qu’il était.

Une histoire d’amour s’ébauche…simple, émouvante.

Cima da Conegliano au Luxembourg, une expo, une rencontre et une nouvelle….

 

LE MONDE EN EXPOS

affiche de l'expo Tête de Saint Sebastien

D’abord, l’occasion de faire la visite en compagnie de 2 blogueurs amis que je n’avais jamais rencontrés. C’est quand même plus chaleureux que les commentaires, même s’ils sont fréquents et amicaux! Échanger devant un tableau, c’est plus enrichissant que sur le net! surtout quand on a un spécialiste de l’huile, moi qui ne connaissais rien aux couches et glacis….

Plusieurs longues minutes devant une gravure de Venise en 1500! Nous arrivons à reconstituer nos itinéraires de vacances récentes!

Cima (1459-1517)de Conegliano dans les Dolomites est moins célèbre que Carpaccio ou que Bellini ou Giorgione, les maîtres vénitiens les plus connus. C’est donc une découverte que nous offre cette exposition!

La première salle est dominée par un grand tableau de 1489 La Vierge à l’Enfant en trône entre St Jérôme et St Jacques : trône de marbre sous un arc formé par une tonnelle de vigne et chaque côté, des orangers modèrent un peu la solennité et la symétrie parfaite du tableau.

Cima vierge et l'enfant bologne

Plusieurs tableaux plus petits sont des variations sur le thème de la Vierge et l’enfant, Vierge très mélancoliques, enfants tout à fait adorables. Ma préférée est celle de 1494 exposée à Bologne. Déjà, perfection de la technique, mais je ne suis pas technicienne, mon esprit s’égare dans le souvenir d’une nouvelle de Stefan Zweig  » les Prodiges de la vie » dans le recueil « L’Amour d’Erika Ewald« où un peintre cherche longtemps l’inspiratrice de la Vierge dans Anvers des guerres de Religion, la trouve en une jeune Juive et métamorphose la jeune fille en lui faisant asseoir l’enfant sur ses genoux. La tristesse de l’expression des Vierges de Cima m’a tout de suite fait penser à cette nouvelle.

lamentation sur le Christ

Les Lamentations sur le Christ est un tout à fait frappant d’expressivité. la douleur de la mère est palpable. Cima a représenté Marie vieillie, inconsolable malgré la présence des deux femmes qui l’entourent. En plus des visages la variété des couleurs des costumes en font un tableau remarquable.

Saint Sébastien et Saint Roch faisaient partie d’un triptyque, ils sont pourtant très différent. Saint Roch réaliste tandis que Saint Sébastien au corps marmoréen malgré la flèche qui transperce sa cuisse a le visage complètement détaché, déjà ailleurs? Les paysages en arrière-plan sont merveilleux. Ce n’est pas pour rien que la présentation numérique de l’exposition est sous-titrée : La Poésie d’un Peintre , Paysages et Visages à la Loupe. Francis nous fait remarquer les couches successives d’huile pour obtenir une telle transparence. Transparence et lumière extraordinaire dans une tête de Christ couronné d’épines!

Cima ne s’est pas cantonné à des sujets religieux. Des coffres de mariages montrent aussi des sujets mythologiques dont l’un racontant Thésée m’a bien amusée.

 

Pour les explications des spécialistes, le parcours numérique du Musée du Luxembourg est passionnant.

 

Marchand de Venise – film de Michael Radford , Al Pacino (DVD)

CHALLENGE SHAKESPEARE

Ce n’est pas du théâtre : c’est du cinéma!

Film très vénitien, jouant merveilleusement bien du décor naturel de Venise, recréant  aussi des peintures vénitiennes dans les intérieurs, plaisir des yeux.p2094990024119.1296114316.jpg

Al Pacino est Shylock, très convainquant, poignant même. Sa présence sauve l’oeuvre d’accusation d’antisémitisme. Mention spéciale à Portia, Lynn Collins, blonde vénitienne, belle et astucieuse à souhait.

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Toutefois,  si l’adaptation est fidèle dans l’ensemble, je n’ai pas retrouvé la verve de Shakespeare dans certaines scènes mineures comme le dialogue entre Bassanio et Antonio qui m’avait étonné. Le caractère de Lancelot est effacé. La richesse de Shakespeare est aussi sa capacité à changer de registre de langage, à faire côtoyer gens du peuple, serviteurs et nobles seigneurs.

Lire pour Venise : La Bulle de Tiepolo – Philippe Delerm

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Lire pour Venise 

 

J’avais gardé un excellent souvenir de la Première Gorgée de Bière et autres Plaisirs Minuscules. Quand Claudialucia a publié un article je me suis précipitée à la bibliothèque pour emprunter ce livre ! mais peut être faut-il savourer cet excellent billet après avoir lu le livre?

Le court roman s’ouvre sur la description d’un tableau trouvé dans une brocante : allusions à Matisse et à Marie Laurencin. Quel rapport avec Venise ? Le narrateur est critique pictural, le tableau le tente mais il laisse passer l’occasion. C’est une italienne de passage à Paris qui l’achètera.

Un si joli petit livre l’expression pourrait qualifier La Bulle de Tiepolo ou plutôt la Première Gorgée ; c’est le livre (à succès)  Granité Café, allusion transparente à cet ouvrage de Delerm? Dédoublement de l’écrivain ? L’auteur est la jeune femme qui a emporté le tableau. Antoine Stalin travaille à une biographie de Vuillard.

Un autre tableau  est prétexte à l’enquête à Venise : Le Nouveau Monde de Tiepolo. Le critique part-il dans l’espoir d’y retrouver l’écrivaine ? Il prend pension à l’hôtel Felice que tient la mère de cette dernière. Est-ce un roman d’amourou une double enquête picturale?Il y a décidément beaucoup de doubles dans ce court ouvrage qui se révèle très dense.(Double Tiepolo pour l’ignorante qui croyait connaître l’artiste ! Non le peintre du Nouveau Monde c’est Giandomenico ! Le Tiepolo que je connaissais était son père Gianbattista).

Vraie rencontre, amour avorté, complicité dans leur quête qui s’écarte de Venise pour aller à Vicence visiter une villa décorée d’une autre fresque du Nouveau Monde qui donnera la clé du mystère qui a piégé le narrateur. Les deux complices s’embarqueront sur le vaporetto pour les îles de la lagune à Burano où se résoudra la deuxième enquête. Pénible découverte : le drame du grand père d’Ornella  coupable (ou non) de la déportation de six cent cinquante juifs à Auschwitz. Pourquoi Venise est-elle , pour moi inséparable du Ghetto ?

Le roman avait commencé légèrement. Roman ou nouvelle m’étais-je demandé ? Futiles recherches érudites. Au fur et à mesure de la lecture, il gagne en densité et en gravité.

Une livre de chair – Shakespeare / En observant Venise M. MacCarthy

 SHAKESPEARE

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  Shylock, I, 3 138

This kindness will I show.

Go to my notary, seal me there

Your single bond, and, in a merry sport,

If you pay me not in such a day,

In such a place, such sum or sums as are

Expressed in the condition, let the forfeit

Be nominated for an equal pound

Of your fair flesh, to be cut and taken

In what part of your body plesseth me.

Shylock

Et que je veux montrer.

Venez chez le notaire avec moi, signez moi

Si vous ne me remboursez pas tel jour,

En tel endroit, là ou les sommes qui seront

Mentionnées au contrat que le dédit

Se fixe à une livre de votre belle chair à découper et prendre

En la partie de votre corps qu’il me plaira

MARY MC CARTHY / EN OBSERVANT VENISE

Ce sont  ces mots « une livre de chair » que Mary Mc Carthy  choisit pour raconter non seulement l’histoire du Ghetto de Venise mais aussi l’essor du Capitalisme à Venise et fait un parallèle étonnant entre l’antisémitisme qui assimile juif et usurier,personnifié par Shylock et la vague de répulsion culminant avec la Ligue de Cambrai au début du 16ème siècle unissant toute l’Europe contre Venise. Elle écrit : « on leur(les Vénitiens)attribuait une ambition sansa limite; ils étaient accusés de charcher à dominer le monde, ce qui semble avoir été bien loin de leurs intention….les termes du Pacte de Cambrai , signé par la plupart des puissances de la chrétienté…est un exemple d’hystérie collective , organisée par un politicien aventurier – l’empereur Maximilien en l’occurrence. » Une véritable guerre sainte fut livrée contre Venise. Le pape Jules II prononça l’interdit contre Venise.

« Les Vénitiens étaient haïs à peu près comme étaient haïs les Juifs… ils étaient haïs, jalouséset le savaient. C’étaient des gens à part… »

Il existait, selon elle, un lien subtil entre les Juifs et ls Vénitiens. Les Juifs avait le droit de constituer des banques de prêt. Les autorités interdisaient qu’ont persécutât les Juifs . Si la République tolérait les Juifs, elle ne le faisait pas gratuitement; Le Ghetto était une invention vénitienne, destiné à contrôler les Juifs et à profiter d’eux. La loi interdisant aux Juifs de posséder de la terre la République louait le Ghetto en augmentant régulièrement le loyer. Les immeubles grandisssaient en étages.

Lecture pour Venise :Loredan-les mystères de Venise – Leonora agent du doge – policier livre de poche

Lire pour Voyager/Voyager pour Lire

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Un policier historique agréable et facile à lire, et même très instructif

Prologue : Pucci, orpheline confiée au couvent des ursulines de Vicence résout l’énigme des reliques volées.

Premier Acte : Leonora Agnela Immacolata (surnommée Pucci) est retirée du couvent pour faire un beau mariage à Venise. L’incarcération du père de la fiancée  aux Plombs va contrarier  ce projet

Deuxième acte : Leonora ne se laisse pas abattre et cherche à savoir de quoi son récent « père » est accusé….

Je ne résumerai pas plus loin l’intrigue et ses nombreuses péripéties pour ne pas altérer le suspense d’une part, ensuite parce que ce serait beaucoup trop compliqué…Leonora ne manque ni d’astuce ni de courage et sa bourse est bien remplie pour acheter valets, barcarols, huissiers mais aussi tous ceux qui tenteraient de l’arrêter. Le courtisan qu’elle a recruté est également très bien renseigné.

Mais Leonora « ne connaît pas Venise ».

Nous non plus !

Cela tombe bien. Nous allons nous instruire  aux coutumes singulières de la Dominante et nous promener pour assister au curetage des canaux de Cannoregio, au commerce de contrebande de dentelle, aux rénovations interminables (déjà à cette époque) d’une église à l’élection d’un doge et aux intrigues qui la précède, à un jugement de la Quarantie et du conseil des Dix ; à la Sensa et au Carnaval…..

Lecture passionnante pour celle qui revient tout juste de Venise et qui a encore bien présents à l’esprit les décors.

Si les Mystères de Venise, et surtout la naissance de Leonora s’éclaircissent au 5ème acte, un dernier mystère reste irrésolu : qui est donc cet auteur qui signe Loredan, les mystères de Venise et dont trois volumes sont déjà parus ? Pas d’indication de traduction, ce Loredan écrit donc en Français ! Je googlise sans résultat : Loredan fut un doge de Venise, cela ne m’étonne pas : déjà dans le roman le doge était un Loredan. Loredan renvoie aussi à des ouvrages de science fiction ou de BD, lien avec Corto Maltèse…

Qui est donc Loredan ?

le Stendhal : Train Paris-Venise

 Train Paris-Venise

 

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La gare de Bercy ne ressemble pas aux autres gares parisiennes. Seulement 4 trains sont programmés ce soir, le premier pour Rome, 2 TER pour Nevers et Avallon, et le Stendhal pour Venise 20h33. Inutile d’arriver des heures à l’avance comme pour l’avion. On s’installe comme dans n’importe quel train. C’est un train italien.  6 Bouteilles d’eau frizzante attendent dans chaque compartiment, délicate attention.

Stendhal est un traînard qui s’arrête avant même d’avoir atteint le Carrefour Pompadour.

Je suis très joyeuse de prendre le train. C’est un acte militant mais pas seulement. Partir et arriver en centre ville est un avantage. Le prix est comparable à celui des avion Low cost (35€ pour le Prems, 51€ pour notre billet). Le train de nuit économise une nuit d’hôtel, les taxis des transferts, et surtout,  est très reposant.

Le monde entier se retrouve à bord : beaucoup d’Asiatiques des étudiants japonais, coréens ou chinois qui ont sans doute un pass inter-rail pour toute l’Europe, des familles indiennes, des Italiens, des Africains….Dans l’avion, tout le monde se bat pour avoir un hublot, poser ses bagages à main dans les casiers. Dans notre compartiment s’établit une certaine intimité, on s’aide pour hisser les sacs, installer les couchettes. On échange la couchette du bas d’une étudiante coréenne pour  celle du milieu. J’offre des cerises. Un monsieur alpiniste ou randonneur (sac d’alpiniste, bâtons) qui descendra à Brescia tente de lier connaissance.

Coucher de soleil sur Montereau et la Roche Migennes.


Vu du train

6h30, Milano Centrale, jour blafard, l’arrêt se prolonge. J’ai dormi 8h30, mieux qu’à la maison bercée par le mouvement du train. Je recommande les couchettes aux insomniaques (se munir de bouchons d’oreilles et d’un masque en tissu). Milan : tissu urbain très serré. Seuls éléments pittoresques : de grandes bâches vertes pendant devant fenêtres et balcons. Campagne plate et verte, les maïs sont très hauts.

 Brescia, sous la pluie battante. Les crêtes des Alpes ont disparu dans les nuages.la campagne est inondée. Verrons-nous Venise sous l’orage ? Le temps s’améliore juste avant les lacs : paysages somptueux. Des crêtes très déchiquetées se détachent sur un ciel rose, clochers pointus et cyprès se reflètent dans un miroir argenté. Vision fugace. Entre Peschiara del Garda et Vérone, les cimes nous accompagnent. Brusquement nous entrons dans la lagune. Sans prévenir, à Maghera toute une flottille de barques à moteur accompagne le train chargée de ciment ou d’autres marchandises. Les cheminées des usines de Mestre puis les gros ferries apparaissent. Le train court sur une digue.

A la sortie de la gare, le Grand Canal!

 

Cinq jours à Venise (1er jour)

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A la sortie de la Gare : la surprise, le Grand Canal, ses ponts aux nombreuses marches, le soleil, l’éblouissement !

 Nous traînons les valises à l’Hôtel Airone(un héron pour enseigne) – fermé – c’est l’hôtel Canal, voisin. Il est trop tôt : il faudra revenir, nos chambres ne sont pas prêtes (check in à 13 heures).

Vaporetto

Munies de la Carte Venice (72€ pour 3 jours : gratuité des transports et de certains musées, des réductions dans les autres,  Carte Chorus gratuité dans une quinzaine d’églises) nous prenons les Vaporetto ligne2. Une foule attend le vaporetto devant la Ferrovia. Ce qui devait être  une croisière est pire que le métro à l’heure de pointe. On se pousse, on se presse, debout on ne voit rien. Au pont du Rialto le vaporetto se vide. Chacune trouve une place assise à l’extérieur, et regarde, un peu éberluée,  les palais défiler. Ce n’est pas notre première visite à Venise, pourtant nous sommes surprises. Tant de palais ! Tant de splendeur ! On en oublie de suivre le plan sur le livre et d’identifier les édifices.

San Marco, tout le monde descend ! Sauf nous. À la proue, nous nous installons aux meilleures places. Les mêmes palais défilent, leur aspect devient plus familier. Dépassons la Ferrovia, le parcours devient moins touristique vers la Piazza Roma, Tronchetto, le port où attendent les grand bateaux blancs. Le ferry de la compagnie Anek  pour Corfou ou Patras ? Le vaporetto hésite entre lagune et Venise, choisit le canal de la Giudecca. Les arrêts ont des noms d’église Redentore, San Basilo ou San Giorgio pour enfin arriver à San Marco.

Le Pont des Soupirs est occulté par une bâche bleue, publicité pour une marque de montres, peu romantique. Néanmoins, les gondoles s’y pressent.

Comment visiter le Palais des Doges en une matinée?

Cinq jours à Venise (1er jour)

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Il est midi, le soleil est de plomb. Seule ombre, celle des arcades du Palais des Doges. Difficile d’écrire à propos du Palais Ducal sans recopier bêtement le guide touristique qui, lui-même, renonce à guider pas à pas le visiteur. La façade rose et ses motifs géométriques, pierre d’Istrie et pierre de Vérone, sont archi-connus. La cour est éblouissante de blancheur. Comme tous les touristes, nous suivons les flèches. La visite ressemble à un marathon.

Trois points de vue sont envisageables :

 La visite politique, compréhension des institutions de la République de Venise. Rien n’est laissé au hasard dans ce Palais, ni les appartements ducaux, ni les salles d’apparat immenses, Grand conseil ou Scrutin, ni  les bouches de lion : boîtes aux lettres de dénonciations, ni les prisons. La démocratie patricienne de Venise se révèle ici dans ses fastes, dans les limitations des pouvoirs, savant dosage pour que le Doge ne  prenne pas complètement l’avantage. Il faudrait prendre son temps pour regarder mieux les portraits des doges, des dignitaires, des avocats, des juges sur les tableaux qui ornent chacune des salles, ainsi que la série des doges avec le drapeau noir occultant le portrait de celui qui a cherché à prendre le pouvoir.

On pourrait aussi  s’attacher à l’histoire de Venise racontée sur les tableaux immenses. Les cartes énormes de la Salle du bouclier montrent l’expansion vénitienne dans toute la Méditerranée. L’orientation habituelle avec le nord en haut ne semblait pas encore la norme. Les côtes palestiniennes et syriennes en haut m’ont désarçonnée. La Victoire de Lépante de Véronèse  est connue. Dans la Salle du Grand Conseil, la 4ème Croisade est peinte, du Serment de Venise du Doge Dandolo aux Croisés, à la Prise de Constantinople, en passant par le Siège de Zara. Le roman « Les chevaux de Saint Marc », que j’avais moyennement aimé m’a bien servi ! Il me faudrait réviser le les luttes entre Frédéric Barberousse et le pape Alexandre III, illustrées ici. Je passe l’apothéose de Venise de Véronèse où la ville est représentée par une femme triomphante. Comme partout, les scènes mythologiques ont une signification historique à déchiffrer, j’en suis incapable.

Une troisième visite s’attacherait à la peinture. L’exposition du Louvre Titien, Tintoret et Véronèse a mis l’accent sur les rivalités entre ces maîtres. Au Louvre, Titien l’emportait haut la main. Au Palais Ducal, Tintoret et Véronèse dominent. Le jeu consiste à repérer un tableau sur les murs ou les plafonds. Aller voir les explications et revenir ensuite à la peinture. ». Le Louvre avait aussi consacré une exposition au Paradis de Tintoret, « la plus grande toile du monde »,  il y a quelques temps. Il en faudrait du temps et des connaissances pour profiter du Palais des Doges ! Ma préparation accélérée n’y a pas suffi !

Après avoir traversé les appartements des  doges, les salles officielles, anti-collège (antichambre) collège, Salle des Dix, du Sénat, du Grand Conseil, du Scrutin, nous arrivons dans celles des Inquisiteurs, du tambour (tribunal) et passons par le Pont des  Soupirs pour visiter interminablement les prisons. Le bâtiment de la prison est en belle pierre blanche brute, dans sa cour il y a un puits. Une dame raconte Montecristo. Je pense à la lecture très récente de l’évasion de Casanova.

Dans la cour, nous admirons le magnifique escalier des Géants

Nous sortons abruties du palais..