JUILLET ÉCOSSAIS

Montrose et Arbroath sont des villes de l’Angus, une province plutôt agricole avec des villes et des villages beaucoup plus peuplés que dans les Highlands ou dans les Trossachs. Nous sommes surprises par la densité de population. Nous avions l’habitude de nommer village un groupe de quelques maisons sur le bord d’une route. Ici, plus de lande inhabitée, de moutons dispersés ou de forêts denses. Le blé est mûr dans les champs. L’or des céréales nous étonne après le vert fluo de Skye ou le camaïeu brun rose des bruyères. Les grosses fermes ont de vastes hangars fraîchement repeints.
Brechin

Brechin est situé à 7.5 miles à l’Ouest de Montrose. Cette petite ville tranquille est presque entièrement construite d’un grès rose qui semble gris violacé sous le ciel plombé et orangé quand le soleil paraît. Les maisons ont des façades austères, plates. Pas de bow-window ou d’entrée de fantaisie, pas de suspensions fleuries, une extrême simplicité. Seule la rue principale avec les devantures des magasins et l‘Hôtel de Ville transformé en musée présente quelques couleurs.
Depuis le 8ème siècle, Brechin est le siège épiscopal. La cathédrale est flanquée d’une haute tour ronde très fine. Les tours rondes sont irlandaises et n’y en a que deux dans toute l’Ecosse. On a pensé aux touristes étrangers : des traductions en toutes les langues sont disponibles sur des cartons plastifiés. La traduction française est peut être l’œuvre cybernétique et automatique d’un logiciel. A sa lecture, nous piquons un fou rire: « A partir de la Réforme, le chœur était devenu inutile, pendant la Sainte Communion, on y pratiquait des mises en plis !!! » Grande simplicité de cette église réformée, plafond de bois magnifique. Des pierres sculptées très anciennes sont exposées : une croix picte, une tombe « à dos de cochon » décorée d’animaux entremêlés.

Pictavia
A quelques kilomètres de Brechin sur la route A90 Pictavia est un centre d’Information sur les Pictes. Difficile de qualifier Pictavia de musée. Il ne renferme que quelques pièces authentiques et des répliques en plâtre. C’est du grand art de faire venir les visiteurs, quand on a si peu à montrer! La mise en scène doit être spectaculaire.
La visite commence donc dans un couloir obscur arrondi où on a inscrit la chronologie de l’Histoire des Pictes commençant à l’invasion romaine en 79 AD. Ce sont les Romains qui ont donné le nom de Picti. Elle se termine en 848 avec la victoire de Kenneth Mac Alpin et la fondation du royaume d’Ecosse. On visionne une vidéo assez générale moins intéressante que celle de Rosemarkie. On débouche dans un autre couloir semi circulaire décoré par une fresque représentant la bataille de DunNechtan où les Pictes vainquirent le roi de Northumbria. Cette fresque est inspirée d’une pierre d’Aberlemno. Dans la salle suivante on peut jouer avec des ordinateurs : apprendre les différents symboles gravés, localiser les différentes pierres, résoudre des énigmes…Finalement on aboutit dans la salle d’exposition pour ne pas découvrir grand-chose. Difficile de s’émouvoir devant des moulages en plâtre après toute cette débauche de virtuel ! Et pourtant je suis admirative : si peu de choses connues sur un tout petit peuple qui n’a laissé que des gravures et quelques objets usuels et pourtant nous avons passé une bonne heure sans nous ennuyer.

Nous ne sommes que plus impatientes de rencontrer les vraies stèles sur le terrain. Comme dans les Highlands on nous a donné au musée un « Pictish trail ». L’étape suivante est tout près : Aberlemno sur la route B9134 reliant Brechin à Forfar, 6 ou 7 miles plus loin. Trois pierres dressées nous attendent sur le bord de la route sur un tapis vert vif et sous un ciel tourmenté, nuages d’orage mais soleil brillant. Elles sont beaucoup mieux mises en valeur qu’à l’intérieur d’un musée. Nous reconnaissons les symboles, le serpent, le croissant, les double disques…les scènes de chasse et les croix décorées. La quatrième stèle se trouve dans le cimetière entourant la petite église. Elle est vraiment très belle. L’église nichée dans un vallon, est très dépouillée comme celle de Nigg. Nous nous promenons parmi les tombes sur la pelouse verte. Je remarque l’inscription : « décédé à Turin, 1918 », je gamberge, je mélange les guerres mondiales. Turin n’est pas en Italie, c’est le nom du village d’à côté ! Comment je peux inventer des choses en voyage ! Je remarque un détail et mon imagination se met en route. Méfiance !

La route Picte nous emmène à Forfar, agglomération assez grande pour que nous nous perdions. Forfar dont je n’avais jamais entendu parler me semble au nœud de toutes les communications de l’Angus : il y a la route de Montrose, celle de Dundee, celle d’Arbroath, de Brechin…
Dernière étape de la journée : le Prieuré de Restenneth sur la route de Montrose dont il reste une tour carrée haute et très simple, des pans du mur du chœur et pas grand-chose de l’Abbaye. Encore une ruine poétique et très ancienne puisqu’elle fut fondée par Nechtan, roi Picte 706- 724 AD.
B&B à la ferme Eskview
Nous nous installons à 4heures dans notre très beau B&B à la ferme Eskview de Saint Cyrus près de Montrose. Les oies ne sont pas là pour nous accueillir. Notre chambre est très soignée, mobilier rustique de bois clair, une belle commode assortie, des petits abat-jour en papier écossais plissé, une moquette moelleuse et des parures de lit brodées de fleurettes bleues avec des taies d’oreillers en dentelle. La salle d’eau est très claire. Sur le rebord de notre fenêtre des jardinières avec un mélange de fleurettes rouges et de bleues. C’est vraiment une très jolie chambre !

La promenade le long de la plage est un rite qui me repose de toutes les visites. Je marche vite, les pieds dans l’eau, curieusement pas froide et j’atteins les rochers volcaniques qui masquent une cascade. Au retour, vent fort de face. Le ciel est devenu très menaçant. Nous ne nous attardons pas à la plage. Il fait froid lorsqu’on reste immobile. On a envie de monter sur la falaise et d’aller voir ce qu’il y a à la pointe. Nous montons donc en voiture un raidillon et nous retrouvons sur la grande route en direction d’Aberdeen. Après avoir traversée le village de Saint Cyrus nous descendons dans un creux où un petit port est caché : Johnshaven. Dans le port, quelques bateaux colorés sont affalés en attendant le retour de la marée. Des casiers à crustacés sont empilés. Des hangars abritent sans doute une criée. C’est un vrai port de pêche, minuscule mais actif. Les maisons, presque partout de grès grisâtre sont toutes sur le même modèle qu’à Beauly. Apéro sur le port. Je dessine. Nous rentrons au gîte alors que les premières gouttes s’écrasent sur le pare-brise.
