Il a fait très chaud cette nuit, au matin le ciel est rose de petits nuages. Déjà hier, la nébulosité était remarquable. La mer était noyée dans les brumes de chaleur, invisible de la piscine de la villa Poggetto alors qu’elle scintillait les autres jours.
Nous traversons la Toscane d’Ouest en Est sous un ciel grisâtre, le soleil dans les yeux, peu propice aux photos. Pourtant la route est tout à fait pittoresque
Volterra. Je n’avais pas remarqué qu’il y avait tant de virages dans la montée de Volterra. La ville domine les chaumes.
De Volterra à Colle Val d’Elsa : 36km sur une route de crêtes. On aperçoit au loin Lardarello, puis hérissée de tours San Gimignano où nous retrouvons les vignes et les paysages familiers.
Nous contournons Colle val d’Elsa, prenons la voie rapide jusqu’à Sienne, passons devant les tours de Monterregioni. Après Sienne, nous reprenons la route des crêtes et regardons s’éloigner Sienne sur sa colline.
Une voie rapide toute neuve rejoint l’autoroute Bologne–Florence–Rome. Nous la quittons à Colonna del Grillon pour une route de montagne traversant de magnifiques forêts de chênes et de pins dans un relief très escarpé sans rencontrer aucun village.
Intérieurement, je commence à m’inquiéter. Autour de Sienne ou de Volterra nous avons vu d’innombrables panneaux « Agriturismo ». Ici : rien. Nous voulions éviter les foules et nous voici dans un véritable désert.
Cela ne m’empêche pas de profiter du paysage, des crêtes, à perte de vue : des forêts bleutées, loin à l’écart de la route : un village perché – Gargonza ? –D a bien préparé cette nouvelle étape avec nos livres: Monte San Savino nous a paraît êtreun bon point de chute : pas trop grand, entre Arezzo et Cortona.
Nous laissons la voiture au pied des murs de Monte San Savino près d’une belle porte. l’Office de Tourisme est installé dans une belle Loggia Renaissance aux pilastres en pietra serena, grise, cannelée avec des chapiteaux corinthiens, dessinée par Sansavino (1517-1520) face au Palazzo Communale, belle bâtisse carrée crépie, le tour des portes et des fenêtres souligné par des bossages à la façon florentine.
L’employée de l’office de tourisme, devant son ordinateur, très aimable, propose de téléphoner aux résidences d’Agriturismo. Nous n’avons aucune idée de l’emplacement ni du prix. La première répond en anglais: 671€ avec piscine.. La seconde offre est très tentante : un château en pleine forêt, piscine, tennis, des chevaux à notre disposition : 730€. C’est plus cher, mais tentant. Troisième adresse 700€, le dépliant montre une résidence moderne qui ressemble à la Villa Poggetto que nous venons de quitter .
Sur ces entrefaites, arrive,un homme, poivre et sel, très excitéqui être le patron de la gentille employée qu’il rudoie :
– »W.W.W »( en Italien cela donne « vouvouvou ») pour l’inciter à chercher sur Internet.
Elle imprime une quatrième proposition. Il téléphone avec un air important de son mobile qu’il décroche de la ceinture. C’est pris. Il re-téléphone au château. Il embrouille tout, parle très vite dans un curieux mélange de français « appris à l’école »d’italien et d’anglo-américain. Nous lui disons que nous préférons la location à 671€. Il barbouille notre carte routière, confisque le papier sur lequel la jeune fille a écrit soigneusement. D’une grosse écriture griffonne trois mots « Illuminati » « Foresteria », « Alberoro ».
Que viennent faire ces illuminations ? Et cet illuminé excité ? Qu’allons nous trouver? une résidence avec des panneaux lumineux comme Nuit d’ Hôtel ou Campanile éclairés de néons ?
J’en oublie mon sac à dos sur un fauteuil. Et ne m’en aperçois qu’au retour au parking. Je reviens en vitesse à l’Office de tourisme pour découvrir, la main dans le sac, la jeune fille qui tient mon carnet moleskine. Elle est toute rouge, toute gênée. Elle m’explique qu’elle cherchait mon nom et mon adresse dans le carnet et surtout le telefonino qu’elle a allumé. Il aurait pu me venir à l’idée de téléphoner pour le retrouver. C’est un bon plan, je n’y aurais pas songé.
Foresteria
Foresteria :la maison de maître
Nous traversons des zones industrielles, je crains le pire. Enjambons la voie rapide et l’autoroute et retrouvons une campagne prospère avec des tournesols et des vergers. Sur le bord de la route une affiche énorme figurant des pommes avec le vocable mystérieux « Illuminati » Je traduis approximativement « Illumine ta vie avec des fruits ». Chassées nos appréhensions, et les analogies avec l’hôtellerie de pacotille soulignée au néon coloré !
Nous traversons un verger de pommiers très bien tenu. Un beau panneau de bois brut indique : « Foresteria-Giardino di Pontecoro ». Nous voici arrivées.
Une ferme massive, cubique, crépie de jaune laissant voir la brique. Une entrée monumentale : trois arcades successives sur un perron. Le gazon pourrait être britannique, on le tond en ce moment. Cela sent très bon. Une jeune fille très décidée vient à notre rencontre, nous tend la main :
– « Amanda » (elle a l’air américaine) s’adresse à moi en anglais.
Je lui dis que je parle aussi Italien.
– « C’est plus simple en anglais », fait-elle.
Nous visitons notre appartement dans un petit bâtiment bas.
Pendant que je suis en train d’écrire à la piscine, je remarque une tête brune qui progresse régulièrement. C’est un gros crapaud qui nage tranquillement la brasse.
Il Fienile
Notre maison, « Il Fienile », est recouverte de tuiles rondes patinées, les murs sont doublés de canisses qui ont pris une teinte grise avec le temps. Les coins et le milieu sont soulignés de montants de brique. Belle porte en bois peint de gris, encadrement des fenêtres, jaune crème et cadres gris, rideaux de dentelle un peu rustique.
L’intérieur est tout à fait charmant. Dans le tiroir de la table en bois patiné à l’ancienne, on découvrira une nappe, des serviettes à carreaux et aussi des torchons et même des tabliers assortis aux rideaux. Sur la table un compotier plein de goldens et une très jolie fiole fantaisie remplie d’huile d’olive sur un napperon.
Le coin cuisine est meublé de bois ciré avec des rideaux à carreaux. Un canapé recouvert d’un beau tissu brillant complète l’ameublement.
La chambre est très belle : grand lit de fer surmonté d’une moustiquaire de mousseline, dessus de lit rouge plus précieux. Vieille armoire. La salle de bain est une merveille, la robinetterie semble ancienne, le lavabo de porcelaine antique est surmonté d’une glace ancienne mais il y a une cabine de douche en verre.
Tandis que Dominique décharge la voiture je tente de camoufler nos bagages pour ne pas gâcher un si joli décor.
Pour un prix inférieur à celui de Casale Marittimo, clim et télé-satellite (CNN, Arte en Allemand mais rien en français). Luxe de serviettes, draps brodés. C’est le plus bel endroit des vacances.
Les autres gîtes sont installés dans la belle ferme carrée. Un autre bâtiment à étage est aménagé en restaurant : belles voûtes. La piscine est très grande et très bien aménagée : les transats en toile crème et les grands parasols de bois. Ici encore, luxe et bon goût: même les briques qui bordent la piscine ont l’air vieilles et patinées.
Un petit pigeonnier recouvert de rosiers grimpants et de glycine abrite les installations de la piscine. Deux rangées de lavandes, des géraniums rouges dégoulinent de baquets anciens En angle, face aux bâtiments, des pêchers bien taillés.
Nous passons l’après midi à la piscine, nageant dans l’eau tiède, le luxe et l’euphorie. Le ciel est traversé par des nuées qui n’atténuent pas la chaleur et qui ont tendance à s’accumuler sur les crêtes montagneuses qui bordent la vallée de Val di Chiana à l’est.
Foresteria est située à 12km de Monte San Savino et à peu près la même distance d’Arezzo. Dans le village le plus proche, Montagnano, il y a tous les commerces.
cloitre S. Agostino dessiné par Sansavino (1470-1529)
Nous nous promenons tranquillement dans la rue principale de la ville close de Monte San Savino. Nous rentrons au Palazzo communale : cour en arcades avec de belles colonnes grises et une fontaine. A l’arrière, un jardin aux parterres géométriques bordés de buis taillés fleuris d rosiers avec une petite fontaine. Au fond un petit amphithéâtre.
Sur la place principale on a monté une estrade et installé des tables pour un banquet. C’est la fête de l’Unita. J’aurais bien aimé voir cela. Partout où nous passons il y a des fêtes aux couleurs rouges du PCI –faucille et marteau –ou arc en ciel de la Paix ou symbole de l’Olivier.
Nous retrouvons la jeune fille de l’Office de Tourisme. Elle est encore confuse de l’incident de ce matin.
Achats à la Coop. Nous comptions sur le boucher de Montagnano, fermé. Nous trouvons de la porchetta dans un camion sur le bord de la route.
Arezzo est une ville de 90 000 habitants. Le centre historique est enclos dans des murailles. Contrairement à Florence ou Sienne il semble beaucoup plus habité. Plus de voitures, moins de boutiques de souvenirs, très peu de touristes.
Les Italiens font la grasse matinée le dimanche matin. . Une dame revient avec le pain. Quelques autres vont à la messe. Le ciel gris accentue l’impression de ville endormie. Nous montons sur le point le plus haut de la ville, pour avoir une vue d’ensemble qui nous permettra de nous orienter.
pietra serena
Arezzo est construite en grès gris très fin : la pietra serena qui semble fragile à l’érosion :les palais s’épluchent par plaques.
Le haut de la colline est occupé par une forteresse Médicéenne (encore une !) et par un jardin public « orné » d’une hideuse statue de style mussolinien(1928) où on reconnaît Pétrarque, la Louve Romulus et Rémus, SPQR, une espèce d’Ange piétine une tête de mort, des soldats . Tout cela est bien blanc, bien lourd. La vue sur la campagne est très étendue. Nous repérons la Cathédrale toute proche San Domenico (recommandé par nos guides).
Duomo et autres églises
La Cathédrale, en grès fin, est comme neuve. On a dû la restaurer. Son porche s’orne de fines colonnettes torsadées ou ornées de rosaces en bon état. Comme le guide dit qu’elle est Néo-gothique, j’en conclue qu’elle date du 19emesiècle. On célèbre la messe, nous ne nous attardons pas.
cimabue
Nous avons plus de chance à San Domenico : les portes sont ouvertes. L’œuvre principale est un crucifix de Cimabue qui vient d’être restauré. J’ai déjà entendu le nom deCimabue mais aucune image ne vient à l’énoncé de son nom. J’espère que je me souviendrai de es visages douloureux encore qu’un peu stylisés apparentés aux byzantins. Sur les murs, presque effacées, des fresques de l’école de Duccio (de la Maestade Sienne). Sans aucun commentaire, je trouve une jolie Annonciation et des anges musiciens. Nous avons vu tellement de fresques que maintenant nous pouvons reconnaître de nombreuses scènes des Écritures (pas de la vie des Saints) et même voir des correspondances.
La messe est terminée à la Cathédrale. Nous suivons un groupe d’Italiens avec un guide pour trouver les œuvres désignées par les guides. Les vitraux de Guillaume Marcillat sont unanimement loués mais personne ne signale qu’il a réalisé les fresques dont le plafond est couvert.Je me démanche le cou mais la nef est vraiment trop haute et l’éclairage insuffisant. Sans la conférencière des Italiens, nous n’aurions pas trouvé la petite fresque de Marie Madeleine de Piero della Francesca. Première rencontre avant d’aller voir les fresques fameuses.. Dans une chapelle nous voyons des sculptures de l’école des della Robia. Nous sommes maintenant habituées à les reconnaître. Je me souviens de la première à la Certosa de Galluzzo !
Maison de Vasari
Cieu bénissant la semence d'Adam
Dès le premier jour à Florence, nous avions fait la connaissance de Vasari au Palazzo Vecchio. Ensuite, soit comme architecte, soit comme critique d’art, ce personnage nous a accompagné tout le mois. Fernandez et l’auteur de l’énorme guide de Florence s’y réfèrent constamment. J’ai donc été ravie de visiter sa maison.
C’est l’occasion de franchir la porte de ces façades sévères. Surprise d’y découvrir également un joli jardin aux bordures de buis ombragé de tilleuls, qui embaument. Vasari a décoré toute sa maison de fresques.
Le plafond de la première salle représente la Renommée et la Fortune piétinant la Mauvaise Réputation, dans la seconde ce sont les Muses. . Dans la Chambre Nuptiale, Abraham présente sa progéniture à dieu le Père qui les bénit pour porter chance. Cela n’a pas marché. Vasari est resté sans héritier. La salle de Cérès est très vaste. Dans cette allégorie mythologique on reconnaît la Lune le Soleil, Saturne, Mars Jupiter Apollon autour du plafond à caisson. Il y avait déjà ces mêmes représentations au Palazzo Vecchio. Les murs sont plus extraordinaires. Vasari a conçu cette salle à sa propre gloire vantant tous ses talents de peintre, d’architecte, de sculpteur et d’écrivain. Dans une porte en trompe-l’œil, Vasari s’est représenté, ses lunettes posées à côté de lui. Je n’ai jamais vu une telle sophistication. Je repense à notre visite au palazzo Vecchio où figuraient les mêmes allégories Muses Dieux de l’Antiquité. Cette fois ci elles ne sont pas à la gloire des Médicis mais à la propre gloire de l’artiste. J’avais été un peu abasourdie, ne sachant pas où donner de la tête. Aujourd’hui cela paraît plus simple. Peut être avons nous appris quelque chose pendant ce mois ? Une autre visite de cette maison aurait pu être l’examen de toutes les toiles accrochées sur les murs.
Entre temps les rues se sont peuplées de touristes. Nous découvrons la rue principale bordée de Palais et de belles façades. La municipalité d’Arezzo a installé des plaques bilingues détaillant l’architecture et l’histoire de tous ces palais ?
Curieuse anecdote du puits
Sur une petite place un joli puits a une curieuse histoire. Une femme harcelée par son mari jaloux décide de le punir en prenant un amant. Elle fait boire son mari et, chaque soir, rejoint son amant pendant que son mari dort. Un soir, le mari découvre le stratagème et ferme la porte. La femme ne pouvant rentrer chez elle, invente une nouvelle ruse : elle lace un objet très lourd dans le puits faisant croire qu’elle s’y est noyée. Quand son mari sort pour voir, il laisse la porte ouverte, lui permettant ainsi d’entrer. Ce genre d’histoire me ravit.
Nous nous promettons d’aller voir la Maison de Pétrarque, natif d’Arezzo, la prochaine fois.
Piazza grande, côté Renaissance loggia dei Laici
La belle place en pente d’Arezzo est une véritable surprise. J’avais imaginé une réplique de celle de Sienne ou de Volterra. Celle ci st encore très différente. Il est midi. La pluie commence à tomber.
Laissant la voiture au pied des remparts, nous entrons dans la ville ancienne par des marches menant à une belle arche de brique. Dans toute la ville : briques, marches et ruelles. Le marché s’est installé partout où c’est possible. Il occupe toutes les places et les rues les plus larges. Comme souvent à la campagne, les marchands de vêtements sont plus nombreux que les étals d’alimentation. Le camion de porchetta qui stationne près de chez nous le soir est là avec deux poissonniers et seulement trois marchands de légumes. La ville est très animée. Les hommes sont assis sur des chaises à l’extérieur des cafés.
Après un tour dans les petites rues, nous achetons abricots, oranges, haricots et un melon avec la désagréable impression qu’on nous a appliqué le tarif « touriste ».
Pour sortir de Foiano, c’est toute une histoire. Si le centre historique est tout petit, nous ne nous étions pas rendu compte que le bourg moderne est très étendu avec des lotissements, des usines, des entrepôts. Deux autoroutes à proximité ne facilitent pas l’orientation.
La télévision locale annonce une reconstitution historique dans un village des environs d’une bataille dont on fête le 450ème anniversaire Laquelle? Il y a bien Castiglione en 1796 mais le dates ne collent pas! Que s’est il passé en 1554? J’aimerais bien y assister mais la télé n’a pas bien expliqué où cela se déroulait.
Castiglion Fiorentino de l’autre côté du Val di Chiana. Castiglione a fière allure sa grosse tour carrée. Ses remparts se détachent et se voient de très loin. Quand on s’approche, on trouve une petite ville tranquille sans monument d’intérêt majeur, mais tout à fait charmante avec ses porches, ses ruelles tranquilles. La Loggia est dessinée par Vasari, avec des arches Renaissance en pietra serena ; elle jouit d’une très jolie vue sur la campagne. Nous montons au donjon et rentrons ravies de notre excursion.
Lucignano est le plus joli village que nous avons visité en Toscane !
A l’intérieur de ses remparts ovales, les rues s’enroulent en colimaçon. Le long des murs, dans des pots, de véritables « jardins de rue »dans des baquets, des hortensias et même des oliviers.
La petite place bordée de palais est très calme
La façade de l’église est rayée blanche et verte comme à Sienne ou Florence en plus sobre. Elle renferme des fresques à demi-effacées.
La plus remarquable est cachée par un retable à colonnes. Je ne l’avais pas vue à la première visite. C’est un panneau explicatif situé à l’extérieur qui m’a incitée à rentrer la chercher. C’est un « Triomphe de la Mort »: Sur un cheval
noir, la Mort aux cheveux blancs portant ses attributs, la faux et un bâton, néglige un groupe d’impotents sur leurs béquilles et va frapper un couple d’amoureux ou de jeunes mariés insouciants en habits colorés. Quand je vois ce tableau il me fait penser à Guernica, je ne sais pas pourquoi, pourtant j’ai déjà vu une autre fresque sur le même thème à Palerme tout à fait extraordinaire.
Un autre église, plus bas, est tout à fait étonnante : son parvis est ovale. Il est inséré entre deux séries de marches arrondies embrassant la place ovale, une série convexe l’autre concave. Comme je l’admire, une petite bonne sœur partage mon enthousiasme. L’intérieur baroque, est quelconque.
Plus bas, une loggia, à arcades simples, abrite un joli café, malheureusement fermé .Nous suivons les ruelles qui s’enroulent autour de la colline. Des maisons enjambent les ruelles sur de petites arches. Des bancs sont installés le long des murs pour que les habitants puissent prendre le frais. Chats et chien dorment très tranquillement, jamais dérangés par les autos. Deux boutiques vendent des cartes postales. Le tourisme de masse n’a pas cours ici. Les rares promeneurs se promènent discrètement deux par deux.
C’est dans ce village qu’Abbas Kiarostami a tourné Copie Conforme . J’attendais avec impatience la sortie du film et malgré la très belle distribution et le cadre pittoresque, j’ai été déçue. L’histoire m’a semblé alambiquée, sans véritable consistance, dans une Toscane pour touristes. Quelle drôle d’idée de jouer le jeu d’un couple qui se défait alors que les préliminaires n’ont pas commencé! Quel manque de goût que de resté pendu au téléphone portable lorsqu’on a un jour pour profiter d’une rencontre!
Gargonza, château fort est situé en pleine forêt, dans cette montagne boisée et déserte à l’ouest de Monte San Savino, que nous avons traversée samedi en venant de Sienne.
Le donjon carré domine les arbres. Les nombreux cyprès dépassent les chênes, pourtant très beaux.
Il faut laisser la voiture à l’écart : une allée dallée, en sous bois, nous conduit au village fortifié. Pas de brique, ici, de la belle pierre de grès gris et fin. Sous une arche on entre dans la cour, au pied du donjon, toute verte d’herbe rase ornée d’une belle citerne octogonale .
Le village a été converti en château-hôtel. Les maisons sont retapées, fleuries, toutes les portes peintes en marron. Belle unité de style, mais le village a perdu son âme. Nous parcourons les ruelles, prenons des photos. Je regrette d’avoir oublié mon carnet de dessin.
Comme la visite a été courte, je propose de rentrer par un autre itinéraire par une strada bianca et de descendre le chemin à pied. C’est une balade magnifique sous les beaux chênes aux troncs moussus et les hauts pins qui embaument .
Dans une clairière dégagée nous retrouvons les oliviers. Au loin, les crêtes, dans la vallée, tournesols, maïs et blé : concentré de la Toscane, un moment exceptionnel.
Maison de Pétrarque
La belle via dei Pileati avec ses palais couverts de blasons conduit à la Maison de Pétrarque qui abrite une belle bibliothèque avec des livres anciens (aussi en Français et en latin).
Piazza grande et Santa Maria della Pieve
Santa Maria della Pieve est surtout remarquable par ses colonnettes qui décorent la façade, l’abside et le campanile (style Pisan). La nef est impressionnante, très vaste, très haute, très dépouillée.
Nous restons une bonne heure sur la Piazza Grande. Les façades sont très variées. Les arcades de la Loggia de Vasari occupent tout un côté. De beaux cafés y sont installés.
piazza gbrande côté des cafés
Le plus grand côté de la Piazza grande est occupé par des façades médiévales avec des balcons de bois et des maisons-tours décorées de blasons. Les crépis jaunes, ocre, ou gris tranchent avec la pierre. Nous nous installons sur la margelle du puits. Un homme dessine le côté très disparate avec le chevet de Santa Maria della Pieve et son campanile, un Palais XVIIème /XVIIIème occupé par le tribunal et un bâtiment très curieux, très ouvragé la Loggia dei Laici gothique en bas surmonté de frises Renaissance et d’une curieuse horloge. Le dessinateur est d’une dextérité étonnante. Il installe ses lignes de fuite, jongle avec la perspective puis complète les bâtiments et rajoute les détails à la fin. J’avais l’intention, moi aussi de dessiner mais je me sens complètement gourde à côté de lui !
C’est l’heure de l’apéro ou plutôt du caffe freddo. Nous remontons vers les beaux cafés sous les arcades de Vasari. Toutes les tables sont occupées. Encore une fois, pas de café ! La terrasse à côté est vide, on peut s’asseoir à son aise. Je commence le dessin laborieux des maisons médiévales plus faciles.
Les montagnes par delà le Val di Chiana
De la piscine de la Foresteria, on voit la montagne qui borde le Val di Chiana vers l’est, d’Arezzo à Castiglion Fiorentino. En fin d’après midi, par une petite route à travers un village puis des oliviers on parvient à une très belle forêt. La route grimpe puis redescend sur l’autre versant vers Arezzo.
Comme hier, je descends à pied sur la route dans la belle lumière du couchant. La vue est très étendue sur la plaine cultivée : jaune des tournesols, vert vif du maïs et du tabac, or des chaumes, vert foncé des vergers qu’on arrose à grands jets tournants. Au bas des pentes : des oliviers en terrasses – Véritable « résumé » de la Toscane : oliviers, clochers et fermes massives précédées de leurs haies de cyprès.
Amanda a pris rendez vous à 9h, pour nous pour la visite des fresques dePiero della Francesca sous le nom d’Illuminati, le nom de Francesco, le véritable patron et propriétaire de la fattoria mais aussi des vergers et de l’usine .
Les fresques ornent le chœur de San Francesco, grande église romane très haute mais assez simple.
A l’heure dite, on nous laisse entrer, on allume et nous confie un audio-guide en français.
Les fresques racontent l’ « histoire de la Vraie Croix » racontée dans la Légende Dorée de Voragine.Cette histoire commence par la mort d’Adam. Son fils, Seth plante dans sa bouche un bourgeon de l’arbre de la connaissance qui donnera le bois de la Croix. Episode intermédiaire : Salomon a fait du tronc de cet arbre, un pont. La Reine de Saba a une vision et refuse de marcher sur ce pont. Salomon fait enterrer l’arbre. De la Crucifixion, rien dans cette fresque.
Rêve de Constantin : un ange porte une croix de lumière qui lui apportera la victoire. Scène de bataille. Hélène va chercher la Vraie croix à Jérusalem. Un Juif, Judas, connaît l’emplacement des trois croix. Pour lui extorquer le secret on l’enferme dans un puits. Titre : torture du Juif (déjà ! Encore !)
Puis nouvelle scène de bataille, contre les Perses cette fois. Le roi de Perse avait volé la Croix, en avait fait un trône sur lequel il avait coutume de s’asseoir à côté d’un coq (esprit saint).
On peut regarder cette fresque comme une BD. Lecture naïve des analphabètes. Les fresques étaient appelées : bibliothèques des pauvres. Ne connaissant pas cette légende, je la découvre sans a priori, sans esprit critique. Une belle histoire, magnifiquement peinte et bien racontée.
Nous repassons la cassette deux fois pour mieux découvrir les détails. Ensuite, le regard essaie de saisir les détails du contexte historique : Jérusalem, c’est bien sûr Arezzo. Mais Piero a voulu faire oriental, il a rajouté deux minarets. Délicieux anachronisme ! Les scènes de batailles sont les plus colorées. Les pattes des chevaux donnent l’idée du mouvement dans la mêlée, elles sont très bien représentées. J’avais déjà remarqué ces pattes de chevaux à Sienne en regardant le pavement. Lances, oriflammes pointent vers le ciel. Les blessures des soldats saignent d’un beau sang rouge. Le thème religieux s’efface devant l’évocation guerrière.
L’audio-guide se contente de raconter la légende. Nos livres en faisaient de même. Je regrette l’absence de visite guidée qui aurait pu donner des notions de technique et d’Histoire de l’Art. Dans la nef, nous sommes livrées à nous même devant des fresques moins connues. Je remarque une curieuse fresque où un âne est agenouillé.