Riga médiévale

Une arche de briques laisse le passage dans la Cour Saint Jean bordée des anciennes fortifications, très rénovées et fleuries de géraniums, trop neuves pour être émouvantes. Certaines rénovations exigent plus de patine ! Une autre arche  dans un mur de brique permet de passer dans la ruelle qui borde l’église luthérienne Saint Jean en briques avec un haut pignon à redan et un clocher néogothique (restauration 19ème siècle). Les marchandes de souvenirs ont installé leur marchandise sur la placette comprise entre l’église Saint Jean et l’église Saint Pierre : bijoux d’ambre, chaussettes tricotées-main, gadgets en bois…

les musziciens de Brème

Une curieuse statue de bronze m’intrigue : un âne, un chien, un chat et un coq sont empilés les uns sur les autres. Cette statue a été offerte par la ville de Brême d’où était originaire l’évêque Albert l’un des premiers évêques de la ville. Une rengaine revient de mon enfance « les animaux de Brême, de Brême.. », je ne me souviens que de ces mots, j’ai oublié le conte des Musiciens de Brême  évoqué par la statue.

Nous voulions commencer la visite de Riga en découvrant le panorama du clocher de l’église saint Pierre accessible par un ascenseur. Il faudra attendre 10heures pour que l’église ouvre. Nous avons le temps d’admirer les statues de pierre du portail baroque du 18ème siècle juxtaposé sur la façade austère de briques rouges. La découverte de Riga est passionnante. Deux ponts enjambent la Daugava, un peu plus loin le port. Les petites maisons colorées se serrent les unes contre les autres sans ordre apparent. Au loin les hangars à zeppelins abritent le marché Central.

La nef de l’église Saint Pierre est très haute, très claire avec de larges ouvertures vitrées mais elle est dépouillée, seuls éléments décoratifs : un portrait de Luther, des écussons et un monument funéraire : le sépulcre des Gardes Bleus.


Arrivée à Riga

Lundi 4 juillet : Orly, Milan, Riga

Art Nouveau

L’avion survole des montagnes encore enneigées : Dolomites ou Autriche ? Les nuages cachent la Tchéquie et la Pologne.

Une annonce me tire de la lecture du guide Vert : la Mer Baltique sous le soleil,  la presqu’île de Courlande et le port de Klaïpeda. La campagne lituanienne se déroule, verte, avec des champs jaunes : du colza fleuri début juillet ! De vastes étendues sont boisées de résineux, plus loin vers le nord on voit des zones humides,  marécages ou tourbières ?

étiquette de l'eau minérale vendue dans l'avion

L’eau minérale d’ Air Baltic est géorgienne, j’achète un paquet joliment emballé de canneberges confites délicieusement acides. Sur les fauteuils de la rangée devant nous, un couple lit : elle, le journal, lui un ebook en Russe. Sont-ils Russes ou Lettons russophones ? Nouvelle annonce au micro, je saisis dans le flot de paroles incompréhensibles les noms de  Helsinki, Tachkent, Moscou, Kiev…  Comme un appel d’air, j’ai déjà ressenti une sensation analogue à Athènes, voyant les annonces de voyage pour Bucarest ou Chisinau.

La voiture est une Skoda, Roomster rouge.

Devant le parking, une forêt de mâts avec des drapeaux en berne : on commémore aujourd’hui la Shoah. En Hongrie, en Roumanie, une question me brûlait les lèvres : « Qu’avait- vous fait des Juifs ? ». Le livre de Sandra Kalniete « En escarpins dans les neiges de Sibérie » effleure le sujet : l’enfant découvre le charnier de Salaspils, mais l’auteur passe rapidement à autre chose. Le Guide Vert est plus critique et parle de « coupable indulgence » vis-à-vis de l’Allemagne de Hitler.

Nous traversons Riga sans trop regarder.

Tout est nouveau : la route, les magasins. Je bombarde Inèse, la guide, de questions.

Tout juste un coup d’œil à de magnifiques maisons de bois. On traverse la Daugava, très large de là la vue est superbe sur la ville ancienne dans la lumière du soir très douce.

L’hôtel Edvards est  situé Dzirnavu iela 45, une rue animée tout proche du centre historique dans le quartier 1900 des maisons Art Nouveau. On entre dans une cour qui permet un parking bien pratique. Il y a aussi dans la cour une terrasse avec trois tables et des parasols. Cet équipement champêtre m’étonne tout d’abord.

La chambre est jolie, très sobre, murs beiges, bois clair, des cadres contemporains : photos variations sur le thème des feuilles et galets. . On nous prête un ventilateur malgré les 23°C de la température extérieure.

Dans ce quartier central, il y a très peu de véhicules. Ils circulent vite mais laissent bien traverser les piétons. Les façades Art Nouveau sont signalées autour de Alberta iela. Certaines sont vraiment délirantes. L’une d’elles, surchargée de statues, caryatides, sphinx pote des ouvertures sur le ciel : étage qui manque ou sublime fantaisie ? Elle porte une plaque gravée en caractères hébraïques : Sir Isaiah Berlin a habité ici.

Alberta iela, architecte mikail Eisenstein

 

Je flâne dans ce quartier tranquille. Des gens attablés sur des terrasses de bois très fleuries installées sur les trottoirs dînent. On nomme ces établissements cafés mais ce sont des restaurants. Sur les tables décoration florale est sophistiquée : une vasque avec des nénuphars, de petits pots d’herbes aromatiques. Dans un seau à glace, rafraîchit le vin. On sert en plein air, des salades  ou des plats simples. Les menus proposent toutes sortes de soupes de salades et de poissons. Les prix sont proches des prix parisiens, pas moins de 3 lats pour une soupe (5€).

En face du luxueux et monumental Hôtel Albert, je trouve enfin de petits magasins qui vendent des fruits, des yaourts, des poissons fumés et des gâteaux : le pique-nique de ce soir.

Le coup de Grâce – Marguerite Yourcenar

LIRE POUR LES PAYS BALTES

 

Mes choix de lectures sont géographiques, j’ai eu du mal à trouver le départ d’une bibliographie « pays baltes ». C’est JP Kauffmann dans Courlande qui m’a donné le lien vers Le Coup de Grâce dont l’action se déroule dans un manoir de Courlande – actuellement Lettonie – en 1919 dans les soubresauts de la première Guerre Mondiale entre défaite de l’Allemagne et Révolution russe.

Récit très ambigu, très trouble. L’auteur, dans sa préface, se réfère à Racine et à Corneille, unité de temps, de lieu, unité de danger ajoute l’auteur.

Le narrateur est un personnage glauque, combattant des guerres inavouables, non pas par conviction mais plutôt par appartenance à une caste de soldats prussiens pour qui l’état militaire était une évidence. Personnage d’une très trouble noblesse, adhérant aux préjugés les plus sordides de son milieu des descendants des Chevaliers Teutoniques ou Porte-Glaives :  antisémitisme, misogynie. Mais l’absence de volonté, d’enthousiasme, de générosité annule la virulence de ces idées .

Période troublée, guerre impitoyable, on ne sait où se situent les combattants capables uniquement de défendre le petit domaine dans une indifférence que n’égale que leur bravoure devant le feu.

C’est d’abord une historie d’amour. Adolescents ou adultes, les protagonistes Eric, Sophie et Conrad, sont incapables d’envisager un amour viable. Si Eric aime Conrad, c’est l’évidence, jamais il n’avouerait autre chose que l’amitié ou la camaraderie virile. Sophie se jette dans le désespoir d’un amour non partagé, elle l’avoue, l’affirme jusqu’à se rendre insupportable pour Eric, l’objet de son amour.

Noblesse ou déchéance? Le narrateur est spectateur passif, incapable de prendre parti. Ce Coup de Grâce est un sommet de l’ambiguïté, ambiguïté des sentiments mais aussi des idées. Le lecteur, malgré ses réticences, est emporté dans la boue, le froid, la tourmente. C’est le grand art de Yourcenar que de mener à bout ce récit à la limite du supportable.

 

 

 


 

 

 

Courlande – J.P.Kauffmann

VOYAGER POUR LIRE/LIRE POUR VOYAGER


que lire avant un voyage dans les Pays Baltes?

Je ne savais pas comment amorcer l’écheveau d’une bibliographie, Purge de Sofi Oksanen et En escarpins dans les neiges de Sibérie de Sandra Kalniete m’avaient été suggérés par Dominique . C’est Nadedja de Babelio qui m’a recommandé Courlande. Merci aux blogueuses! Et Courlandecontient une bibliographie détaillée de 5 pages, et des idées de lectures plus littéraires comme Le Coup de grâce de Marguerite Yourcenar qui est arrivé hier dans ma boîte à lettre et les ouvrages de Keyserling que je n’arrive pas à trouver en français, et même Simenon , Pietr le letton, Jules Verne avec Un drame en Livonie et Cendrars. Les lectures s’enchaînent comme on démêle une pelote emmêlée; il suffit de trouver le bon fil et de tirer…

Géographie

Courlande est un nom familier mais sans repère géographique précis : la Péninsule de Courlande inscrite au Patrimoine de l’Humanité(Guide du Routard) est-elle seulement lituanienne ou aussi russe? Le Grand Dûché de Courlande (1561-1795) cartographié dans le livre de JP Kauffmann, au contraire, s’étend  en Lettonie coïncidant à peu près avec la province lettone de Kurzeme.

Histoire

L’histoire de toute l’Europe converge vers cette Courlande que les chevaliers teutoniques puis les barons germano-baltes ont couvert de châteaux et de manoirs où Louis XVIII a établi sa cour en exil, les Russes ont profité des ports libres de glace pour établir des bases militaires, en 1904 ;   c’est de Karosta près de Liepaja que partit l’escadre pour affronter la marine japonaise et après la seconde guerre mondiale les Soviétiques ré-investirent Karosta pour installer leur marine.La Courlande à la consonance douce à nos oreilles francophones fut en fait le théâtre d’atrocités en 1945 et plus tard…La Courlande oubliée, eut même un empire maritime éphémère avec des colonies et des comptoirs.

Parti pour un reportage qui ne fut jamais publié, JP Kauffmann raconte son voyage en Lettonie comme un carnet de voyage, au rythme des visites mais surtout des rencontres, avec une lectrice de l’Académie de Liepaja, un rocker polytonal russe, un Professeur allemand parlant le letton, un peintre…. Ce sera lui, le passeur, que je relirai quand je serai sur place, pensant à ses références à Stendhal, et à ces lettons qu’il a eu la chance de croiser. Nous serons pressées et n’aurons sans doute pas ces contacts!