La vendetta – Balzac

LIRE POUR LA CORSE?

La vendetta de Balzac est peut être une histoire corse, mais elle se déroule à Paris. En 1800, arrivent à Paris un « étranger, suivi d’une femme et d’une petite fille« – étranger? corse, plutôt! « je vais voir si les Bonaparte se souviennent de nous. » Il viennent demander asile et protection après avoir « tué tous les Porta« .

 

Quinze ans plus tard, Ginevra prend des leçons de peinture chez Servin qui était le maître reconnu pour la « peinture féminine » c’est une élève douée mais rejetée par les filles de la plus haute aristocratie. Occasion de décrire les caractères de ces jeunes filles qui »appartenaient à un monde où la politesse façonne de bonne heure les caractères, où l’abus des jouissances sociales tue les sentiments et développe l’égoïsme ». Les pages décrivant l’atelier, les cabales et mesquineries des jeunes filles sont un pur bonheur de lecture. 

Après le second retour des Bourbons en juillet 1815, les bonapartistes sont pourchassés. Ginevra découvre qu’un proscrit corse se cache dans l’atelier de Servin. Coup de foudre, les deux jeunes corses vont se marier. Tout serait pour le mieux si on ne découvrait pas que Luigi est un survivant de la vendetta qui a chassé les parents de Genivra de Corse. Roméo et Juliette à Paris!

 

Ginevra tient tête à son père, elle épouse Luigi sans son consentement. La vengeance opérera cependant…..

Qui mieux que Balzac décortique les rapports familiaux ou sociaux? Les mesquineries des aristocrates dans l’atelier du peintre sont distillées avec un art consommé. De même les rapports père-fille, l’abus de pouvoir du père. Refuse-t-il le mariage à cause de la vendetta ou par peur de perdre sa fille?

Court roman ou longue nouvelle qui mérite un moment de lecture!

 

 

Occi, Sant Ambrogio, tour des villages, Bodri

CARNET CORSE

Lumio et le Golfe de Calvi

Le village de Lumio est encore endormi à 9h. Le sentier d’Occi part à l’arrière de l’Hôtel Charles, sur la route T30. Bien chaussée, mais en short (malgré les avertissements) je grimpe allègrement le chemin muletier, revêtu de grosses dalles de granite formant des marches. Tôt le matin, il est bien à l’ombre et la montée est plaisante, avec des vues magnifiques sur la citadelle de Calvi qui se reflète dans le miroir de sa baie. Vers le nord on voit la petite vallée de Spano et la marina de Sant Ambrogio. Selon les guides, 1h de montée, en une demi-heure j’arrive aux ruines. (la promenade est plus longue, les groupés cornaqués par un guide continuent dans le maquis). Jusqu’à l’arrivée au village d’Occi j’ai l’impression d’être seule dans la colline. Je passe dans les ruines et découvre l’église restaurée après être passée sous une arche à moitié cachée par un figuier qui fait un rideau. Deux hommes descendent de la montagne et me saluent. Malheureusement l’endroit sera vite envahi par les touristes. Pas moins de 4 groupes sans compter les individuels.

les ruines d’Occi

Occi, dont le nom signifie, œil, était situé sur un promontoire et servait de guet du temps des pirates.  Village du 12ème siècle, il fut progressivement abandonné à partir du 16ème siècle, ses habitants l’ont quitté en 1860. Le dernier – Felix Giudicelli – dit « Fra Felice » est mort en 1918. Berger, personnage fantasque, se prétendait Comte d’Occi. Il naquit à Lumio en 1830, fit des études en Italie, se disait affilié aux carbonari de Garibaldi et compagnon du futur Napoléon III, de la main duquel il tenait un sauf-conduit. Homme du 19ème siècle, portant redingote et haut de forme s’exprimant en Italien.

la petite église d’Occi restaurée

Les groupes de touristes n’ont pas que des inconvénient, il arrive que je glane des informations intéressantes. Un guide herborise et montre une menthe très parfumée aux très petites feuille la Nepita qui peut parfumer le Bruccio. l’Immortelle d’Italie (Helichrysum italicum) a un parfum très fort; « l’odeur de la Corses » selon Napoléon Bonaparte. On la distille pour faire de l’huile essentielle.

Je rejoins Dominique à 10h30, pressée de me rafraîchir par une baignade. La marina de Sant Ambrogio est tout près. Sous une belle pinède, la station balnéaire est construite de petits bungalows de ciment blancs à toiture voûtée et de mini-villas aux toits de tuile. Tout le front de mer est urbanisé. Certes, les constructions sont discrètes, sans étages, masquées par des jardins. Mais bâti quand même ! Les parkings des résidents sont à l’arrière, le long de la route principale, sous les pins. Les touristes doivent se contenter du parking municipal, au-dessus de la marina, loin de la plage (1 km) et au soleil. La maréchaussée patrouille et photographie les plaques des voitures garées le long de la rue. On squatte une place dans un parking résidentiel privé pour se garer entre une Porsche Cayenne et une Audi immatriculée en Suisse. Une petite allée conduit à la plage, naturelle, sans installation ni paillote. Le sable est très blanc. Il y a quelques rochers. Chacun apporte son parasol et sa serviette. J’aime bien ce désordre coloré. L’eau est cristalline. Nombreux sont ceux qui font du snorkelling. Roches et posidonies assurent le spectacle. J’ai oublié mon masque, dommage ! Selon mon habitude, je nage d’un bout à l’autre de la plage en étant attentive aux rochers qui affleurent vers le milieu. Baignade merveilleuse !

 

Dominique a téléphone à une dame de Calenzana qui « vend des articles de GR20 » qui ne sont ni des tentes ni des duvets mais des plats préparés à emporter. Nous filons à la Rôtisserie Pinellicciu – 1 rue Napoléon – une excellente adresse.

  • » Reste-t-il des beignets de courgette ?»
  • « Non mais la pâte est prête ! L’huile est chaude»

La dame en cuit 6 devant moi (une portion) et je complète le pique-nique par un chausson aux poivrons.

les oliviers de Sainte Restitude
les oliviers de Sainte Restitude

L’enclos de la Chapelle Sainte Restitude nous procure le meilleur emplacement : de l’ombre, des banquettes de pierre, un petit vent rafraîchissant. Nous dégustons beignets, feuilleté et cuggiullele, biscuits à l’anis achetés de la biscuiterie Guerini (il y en avait aussi au vin, aux amandes…). Pique-nique gastronomique !

Crêtes

Nous suivons l’itinéraire « les trésors de Balagne » du Guide Vert. C’est amusant comme un jeu de piste. Nous passons sans nous arrêter à Zilia, Cassano et Lunghigniano où nous sommes déjà passées pour faire une visite à Montemaggiore – village construit sur un promontoire dominant la vallée du Fiume Secco. Devant la grande église ; de la terrasse, le panorama s’étend au de-là de Calvi et de la Pointe de la Revellata. Anecdote amusante : Don Juan aurait séjourné dans la grande maison jouxtant la chapelle.

Chapelle st Ranieri

Chapelle Saint Ranieri  (https://eglisesetchapellesdecorse.jimdo.com/saint-rainier-janvier-2018/)

Edifice roman de style pisan avec des bandes de moellons foncés presque noirs contrastant avec la roche claire et formant des bandes horizontales. Seuls ornements : des masques sur le fronton de chaque côté d’une croix évidée.

La route D151 est très étroite, elle monte au col de Salvi (509 m) en corniche. Sur le Monte Grosso(1938 m) les nuages se sont amoncelés. La route se dirige ensuite vers Cateri qui est un carrefour. A l’entrée de Cateri, je descends à pied au Couvent de Marcasso. L’église est ouverte mais elle est bien sombre, je n’ai pas reconnu le tableau du Repas Pascal cité dans le Guide Vert.

Sant Antonino

St Antonino qui coiffe sa colline

Sant Antonino est un village perché qui coiffe une colline et se remarque de loin. Le tourisme est très bien développé ; On a transformé la place de l’église en parking obligatoire et payant. Les maisons de belles pierres du village ont été restaurées. La promenade dans les rues est très agréable mais un peu factice.  On ne rencontre pas de chat endormi (les touristes qui tirent un caniche ou un bichon maltais les ont fait fuir). Pas de lessive qui sèche non plus. Ni de dames âgées qui papotent. A la place du linge, des articles de mode. A la place des épiceries et bars des restaurants pour touristes. Des bijoux, des céramiques. J’ai l’impression d’être tombée dans un traquenard « attrape-touriste ». Réticente, j’ai été séduite par les petits passages secrets, les coins sombres et humides ou croissent fougères et hortensias.

St Antonino

Pigna

Pigna est encore un village touristique restauré avec goût, comme Sant Antonino, situé sur la « route des Artisans » et s’est fait une spécialité musicale avec un auditorium et un Musée de la Musique qui, malheureusement est fermé le week-end. Les concerts de Polyphonies corses commencent à 21h30, cela ne nous convient pas du tout en septembre où les journées raccourcissent. L’église donne sur une place ombragée de platanes. Elle est ouverte en grand : intérieur blanc. Le chemin de croix contemporain, fait avec des galets multicolores, est original. Le reste ne retient pas mon attention. Je me promène dans les ruelles. Les endroits les plus séduisants sont occupés par les tables d’un bar ou d’un restaurant. Prix raisonnables pour déjeuner ou dîner face à un beau panorama, ou attendre le concert….

Pigna : église

Les artisans travaillent réellement dans les ateliers doublés d’une galerie-boutique. « Défense de photographier » annonce un pictogramme. Du coup la passante s’abstiendra de visiter la boutique. Un peu plus loin, il y a une verrerie, et un artisan qui fabrique des bijoux. Sympathique, cette activité artisanale. Un peu standardisée, je n’ai rien remarqué d’original.

La route passe par Corbara où un énorme couvent se dresse à un carrefour. L’envie d’une autre baignade me tient et nous ne nous arrêtons pas. Nous retournons à Bodri, au moins nous connaissons le chemin. Malheureusement, une chaîne qui n’y était pas hier barre l’accès ; Dominique remonte et installe la Smart sur les quais du train. C’est encore une belle baignade la surface de l’eau est parfaitement lisse.

 

 

 

Le roi du monde – U rè di u mondu – Patrick Hutin

LIRE POUR LA CORSE

 En vacances à Calvi, je découvre dans la liste de Babélio, ce titre. J’aime que mes lectures s’accordent avec mes voyages.  Un livre qui a son titre en langue corse,  je le coche! Bingo! je le gagne!

La couverture : un coucher de soleil criard, n’est pas engageante. L’éditeur Marignana est inconnu de Google.  En revanche, le village se situe à quelques kilomètres de notre gite de Serrièra. Le 4ème de couverture annonce un livre original, drôle et poétique. Original, on verra, peut être….Drôle, tant mieux, j’en ai un peu assez des lamentations mortuaires citées par Merimée, du Requiem de Ferrari, des meurtres de Biancarelli…duels de Dumas. Un peu de légèreté pour changer!

Pour la légèreté, vous repasserez! Le Roi du Monde a pour nom Hugo Victor, grosses ficelles pour un mégalo de village qui urine sur sa belle-mère dès le premier chapitre, quelle poésie! Cela aurait pu être farce, et être drôle, même pas!

Comme je lis toujours jusqu’à la fin les livres que Babélio m’envoie, j’ai cherché ce qui pourrait sauver le livre. J’aime trop les livres pour ne pas leur chercher d’excuses! J’ai bien aimé l’idée d’écrire des épitaphes (décidément difficile d’échapper aux funérailles) mais il ne fallait pas s’appesantir. Vers la fin, cela s’enlise carrément. Arrêtons. ne tirons pas sur l’ambulance!

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Merci à Babélio, même pour les déceptions, la Masse Critique est mon terrain d’aventures

 

Les villages de montagne « balcon de la Balagne »

CARNET CORSE

Belgodère vue du fort

Nous avons suivi le circuit proposé par le Guide Vert p.132-133-134 . je ne vais pas recopier le guide !

La route T30 nous emmène au-delà de l’Île-Rousse. Nous nous arrêtons au Parc de Saleccia .  C’est encore fermé, on reviendra plus tard.

La petite route (T301) bien tortillante s’élève dans la montagne jusqu’à Belgodère, village pittoresque avec ses maisons tassées sous le vieux fort et sa place de l’église Saint Thomas très sympathique avec ses terrasses sous un gros arbre.

Belgodère Saint Thomas choeur

Par chance, l’église Saint Thomas est ouverte. Le chœur baroque est peint en trompe-l’œil avec cette citation de Thomas « Quia vidisti me thoma credidisti ». L’autel est en marbre blanc incrusté de marbre coloré rose et brun.

chaire avec un bras qui sort???

 

De la chaire ressort un bras portant un crucifix – bizarre et bon goût ??? – .

 

Notre dame des 7 douleurs

 

Une autre sculpture étrange est cette Notre Dame aux Sept douleurs du sculpteur génois Agostino Negri (1695), 7 glaives percent la poitrine de la sculpture noire et dorée. L’église possède aussi de nombreux tableaux :Vierge et l’enfant, saint Antoine de Padoue.

Vraiment une aubaine que l’église ait été ouverte !

De la place entre les terrasses des deux cafés on passe sous une arche et mon monte une ruelle pentue avec des marches. Un chat qui était dans les lauriers roses m’accompagne jusqu’au fort. C’est surtout l’occasion d’admirer le panorama de collines, d’où l’on voit 3 villages perchés.

villages perchés vus du fort

Nous prenons la petite route de Palasca qui est un village charmant complètement piétonnier. C’est un plaisir de flâner dans les ruelles entre les lauriers roses, les lauriers sauce et de la vigne vierge. J’aboutis sur la place du village en descendant un escalier. Le parvis de l’église est orné d’une mosaïque de galets et de petits pavés.  L’église est malheureusement fermée.  A côté de l’église se trouve la Casezza de la Confraternita San Croce (comme à Calenzana). A côté de l’église sous une arche se trouvent des bancs pour profiter de l’ombre et de la fraîcheur, ils sont aussi décorés de motifs circulaire en mosaïque de galets.

La petite place de Palasca

Près du village d’Occhiatana, nous nous détournons de la route pour voir le couvent Tuani franciscain. L’église est sur une petite pl ce avec un énorme platane. Les franciscains sont partis et c’est une propriété privée. Le propriétaire ouvre aimablement l’église (qui n’est plus une église) et m’explique que c’était l’église piévane – je me familiariserai plus tard avec ce mot.

Speluncato

Speluncato est encore un village perché pittoresque avec des ruelles piétonnières tranquilles. Il y a aussi des restaurants qui me plaisent bien mais ce n’est pas encore l’heure de déjeuner.

C’est à Feliceto que nous nous installons sur une terrasse suspendue de Rigo, restaurant simple, quelques touristes, 2 couples étrangers, et des Corses venus en familles avec des amis, bises au serveur, il y en a même un qui a apporté une langouste. Dans mon assiette du saucisson et du jambon en fines lamelles, du fromage en cubes, des olives noires, des cornichons des pignons et deux petites tartines, l’une au pâté l’autre de confiture de figues. Dominique a pris une escalope panée et des frites maison qui sentent bien la pomme de terre.

Muro maisons à arcades

A Muro l’église a une grande façade jaune très grande, le fronton dépasse nettement les côtés. L’intérieur est très orné, très baroque et malheureusement, très dégradé. Le chœur est peint en gris sur fond vert, assez sobre, avec des motifs floraux, urnes et arabesques. Deux retables sont cadrés de colonnes torses imitant le marbre rouge. Les nombreux tableaux sont très noircis. Au-dessus de l’orgue, David joue de la harpe. Si on se réfère aux voitures garées, Muro est bien peuplé. A l’heure de la sieste, les rues sont vides. La rue principale qui la traverse de part en part est large, elle conduit à l’église, à la Poste et à la Mairie. De là partent escaliers et ruelles, pavés de granite, qui montent à l’assaut de la pente. Piazza l’Olmu, je vois une belle maison à arcades avec trois escaliers extérieurs. Sur la place de l’église on a planté des rangées de mûrier, un tilleul, un marronnier et un magnolia.

Avapessa est encore un village de montagne. On ne s’y attarde pas car nous souhaitons visiter un verger extraordinaire au Jardin Botanique Fruitier. La seule visite guidée est à 16h, nous sommes trop tôt ; Il faut attendre près d’une heure. Quand la dame ouvre sa boutique elle nous apprend que cette visite qui comporte des dégustations, des explications dure 2h30. Avec l’attente, cela fait beaucoup trop long. Cela aurait dû être passionnant.

Nous rentrons à Calvi en passant par Santa Reparata (église monumentale) juste au-dessus de l’Île-Rousse.

Nous terminons cette belle journée par une baignade à Bodri, que j’avais remarqué du train. C’est une jolie plage blanche presque sauvage (un seul snack, discret en bois) pas d’installations ; seulement les parasols multicolores que chacun apporte. Le parking se trouve plus haut entre T30 et la voie ferrée, payant 2.5€. Le gardien sympa permet à Dominique de descendre plus près de la plage. L’eau est claire, le sable blanc de granulométrie grossière dans l’eau, sur la plage il est fin. L’eau est très claire même si un certain clapot l’agite. Je m’éloigne du bord pour nager tranquillement parallèlement à la plage. A l’extrémité nord je voix les promeneurs sur le sentier des douaniers et des naturistes. A l’extrémité sud la faune des rochers doit être intéressante si j’en crois le nombre de gens qui nagent avec des masques. Je suis heureuse de nager librement et sereinement sur une belle distance dans une eau cristalline.

A son image – Jérôme Ferrari

LIRE POUR LA CORSE

« La mort prématurée constitue toujours, et d’autant plus qu’elle est soudaine, un scandale aux redoutables pouvoirs de séduction »

En ce qui concerne le style de Ferrari, il est magistral.

La construction du roman est brillante. Le narrateur est le prêtre qui sert la messe des funérailles de sa nièce et filleule, Antonia. Un chœur  chante en polyphonie ; chaque partie du Requiem est le titre des chapitres. Je ne connais pas la liturgie, je ne peux faire les correspondances, je suppose qu’il y en a. Cette messe va raconter la vie de la défunte – une photographe de presse.

C’est donc l’histoire d’une jeune femme d’aujourd’hui, fascinée par les photographies anciennes, à qui son parrain, le prêtre, a offert son premier appareil photo, qui deviendra photographe dans un quotidien régional ; lassée de couvrir les concours de pétanques et les événements provinciaux, elle part comme photographe de guerre en Bosnie et en Serbie. A son Image a pour thème l’image photographiée, le témoignage des photographes de presse. Curieux hasard, j’ai lu le mois dernier Miss Sarajevo, l’histoire d’un photographe de cette même guerre.

« Oui, les images sont une porte ouverte sur l’éternité. Mais la photographie ne dit rien de l’éternité, elle se complaît dans l’éphémère, atteste de l’irréversible et renvoie tout au néant.. »

Photographier l’horreur de la guerre, « les massacres, les déportations […]brutalement arrachés à la sphère de l’intime pour être exposés en pleine lumière » . Dès 1911, on attend de Gaston C « qui’l tienne la chronique minutieuse des défaites de l’empire Ottoman«  en Lybie, quand les troupes italiennes s’emparent de la Tripolitaine, qu’il illustre la propagande colonialiste italienne en quelque sorte . Il prend des photos d’un massacre impossibles à publier, puis la pendaison des responsables du massacre, quatorze arabes pendus en chapelet d’un même gibet, puissance de l’image, déjà!

De l’autre côté de la Méditerranée, dans les Balkans, un autre photographe, Rista développe les pellicules trouvées sur des soldats autrichiens et « découvre que, curieusement, les hommes aiment à conserver le souvenir émouvant de leurs crimes, comme de leurs noces, de la naissance de leurs enfants[…]Tout au long du siècle qui commence ils prendront des photos de leurs victimes, abattues ou crucifiées le long des routes d’Anatolie comme dans un jeu de miroirs  multipliant à l’infinie l’image du christ, ils poseront inlassablement le long d’une fosse pleine de corps nus…. »

Réflexion sur le pouvoir des images, et sur la fascination pour les images horribles. La photographie comme témoignage, comme propagande, doit-on tout photographier?

Les images racontent l’horreur  tout au long du 20ème siècle, le long des guerres qui l’ont ravagé.

Plus près d’Antonia, en Corse, une autre sorte de guerre – celle que les indépendantistes croient mener contre le pouvoir colonialiste – mobilise les garçons du village. Antonia assiste à ces réunions clandestines des hommes cagoulés, ses photos valident la mise en scène  « Sous son objectif tous ses amis évoquaient des personnages de tragédie en proie à d’indicibles tourments, ce qui pouvait bien être le cas... « Antonia comme les autres filles sont réduites au rôle de compagnes des combattants. Rôle, oh combien  traditionnel. Antonia devient « la femme de Pascal B. », qui est arrêté, puis incarcéré. Elle ne peut se contente de ce rôle et le quittera. Plasticages, ruptures dans le FNLC, compétition des attentats….

En 1991, Antonia arrive à Belgrade, rejoindre la guerre qui vient d’éclater, elle prend des photos qui’l et impossible de regarder, elle écrit à son parrain « Je sais que certaines choses doivent rester cachées » , photos obscènes, « il y a tant de façon de se montrer obscènes ». Elle montre les photos à son parrain, « c’est le péché, murmure-t-il ». « elle se sent de plus en plus mal à l’aise que les photos qu’elle a prises aujourd’hui pourraient être publiées. «  et ne développera pas ces photos…

Réflexion sur le pouvoir des images, leur obscénité dans la complaisance, sur la violence. Portrait d’une femme. Ce roman est riche. Toutefois, la répétition de la violence, le machisme ambiant m’ont gênée dans la lecture de ce roman.

Omniprésence de la mort, dans ce Requiem. Depuis Colomba, ou Matéo Falcone, la Corse peut -elle se passer de cette culture des lamentations des morts?

 

 

Le train des Plage de Calvi à l’Île-Rousse, déjeuner raté à Lumio, les villages sous le soleil.

CARNET CORSE

Calvi au lever du soleil

Pour  le train de 8 heures, nous avons mis le réveil à 5h45 et garé la smart orange dans la pinède à l’arrière des tennis, près de l’arrêt U Pinetu qui est un « arrêt facultatif ». Pour que le train s’arrête, il faut faire signe au conducteur.

7h17, le soleil sort du flanc de la montagne éblouissant et éclairant la citadelle de Calvi. L’eau de la Baie de Calvi est un miroir opalin. On a remisé les installations. La plage de Calvi offre son meilleur visage. Je m’assieds sur le sable pour dessiner. Au lever du jour je ne suis pas seule. Déjà sur l’eau une planche de paddle rouge glisse. Des voiliers décorent. Les joggers préfèrent la promenade de planche au sable. Deux jeunes filles se déshabillent et marchent dans l’eau en bikini, très gracieuses, tranquille.

A l’arrière des rails, les employés de la communauté de Commune vident les poubelles. Ils n’ont pas la benne traditionnelle bruyante mais des chevaux qui tirent des charrettes où ils placent les containers du tri en plastique jaune, gris ou verts. Dominique a interviewé les employés. Selon eux, Ségolène Royal a imposé les chevaux pour entretenir la ZNIEFF (Zone d’Intérêt écologique faunistique et floristique). Les ZNIEFF correspondent à un inventaire du Muséum d’Histoire Naturelle lancé en 1982 et sont inscrit dans la loi depuis 2002. Depuis 1992, les ZNIEFF inconstructibles sont sous la pression immobilière. Le traitement des ordures est surveillé. La Résidence Padro n’a pas de container. Les résidents sont tenus d’apporter eux-mêmes les ordures à côté d’un complexe sportif où de grands containers permettent le tri sélectif. C’est un peu contraignant. J’espère que c’est respecté. Les ordures posent toujours des problèmes aigus dans les îles si rien n’est fait. Djerba était défigurée par les ordures en 2015. En Sardaigne en 2014, nous avions été étonnées par la rigueur du tri italien et avions fait connaissance avec les sacs compostables pour les épluchures ménagères à stocker à part. En effet, les îles ne disposent pas de surfaces illimitées pour les décharges surtout quand s’exerce la pression touristique. Je suis donc ravie de ce ramassage avec les chevaux.

 

les plages vues du train

Le petit train s’annonce par un sifflement. Je gesticule. Le chef de train très aimable aide Dominique à monter. Nous lui demandons conseil pour le choix d’une plage avec un restaurant. Selon lui, Lumio serait la meilleure solution : la plage est accessible et équipée d’un restaurant. Le train des plages roule au plus près de la côte en pleine nature. Les plages défilent, toutes différentes : petites criques enserrées dans les rochers à Lumio, village plus construit à Sant Ambrogio ou L’Algajola, grande plage de sable à l’Aragnu. 40 minutes et 17 arrêts (facultatifs) le train parcourt une vingtaine de km (24km en voiture, 17 km à vol d’oiseau. Nous savourons le voyage (6€)

L’Île-Rousse

L’Île -Rousse Ile de la Pietra

8h40 : l’Île-Rousse. Le train suivant est à 11h. Nous avons un peu plus de 2h pour visiter la ville. Ma première promenade sera à l’Île de la Pietra – îlot de granite rouge relié à la ville par une digue – qui a donné son nom à l’Île-Rousse et qui porte une tour génoise et un phare. Le granite est le plus souvent nu. A travers les rochers je contemple le panorama de la ville et des montagnes en arrière-plan avec les lignes de crêtes bien découpées. Je ne suis pas seule. Les randonneurs se succèdent. Un cycliste plus très jeune fait un selfie avec sa bicyclette devant le phare. A la descente je croise des touristes du 3ème âge qui descendent d’un car pour monter dans le petit train qui les promènera jusqu’au phare.

les crêtes vues de l’ïlot

Entre deux promenades, café en terrasse. Au bout de la digue, le square Tino Rossi – encore un Corse célèbre ! – et les tours des fortifications ruinées qu’avait fait construire Paoli qui fonda l’Île-Rousse en 1758 dans sa lutte contre Gènes. Une rue commerçante aux jolis commerces touristiques : maillots, chapeaux, cartes postales et spécialités corses, conduit au marché couvert soutenu par d’épaisses colonnes rondes peintes en blanc. Je regrette de ne pas y faire nos courses de fruits et légumes, charcuterie et poissons bien appétissants mais nous sommes en train !

 

le marché couvert de l’Île-Rousse

Derrière le marché, la grande place Paoli est ornée de très hauts palmiers qui encadrent le buste de Paoli et font un rideau de 3 rangs de colonnes devant l’église de l’Immaculée Conception où je trouve un peu de fraîcheur. De chaque côté de la place on a planté de beaux platanes bien fournis. Un marché est installé avec des serviettes, des drapeaux corses, des chapeaux, robes de plages et maillots à des prix défiant les soldes. Je me laisse tenter. » Ne vous occupez pas des prix ni des tailles qui sont italiennes ! » déclare la marchande « vous essaierez dans la cabine si vous trouvez ce qui vous plait ! ». En effet, je mets la main sur un 56 qui a l’air de convenir (ma taille c’est le 42). La cabine est occupée par une dame indécise qui ne sait pas lequel choisir des 3 maillots qu’elle a emportés. Je vais rater le train !

l’Île Rousse place Paoli église de l’Immaculée conception

La plage de Lumio-l’Arinella

Je retrouve Dominique à 10h30, nous prenons les billets pour Lumio suivant le conseil du contrôleur. Lumio- l’Arinella : la plage est à 150 m la descente goudronnée est facile. A l’arrivée, la crique est paradisiaque. Du sable, quelques lits de plage (pas trop) un joli restaurant sous une double paillote (2 pyramides) une terrasse très chic avec des tables en teck et des nappes blanches. Sur l’ardoise, les prix sont bien élevés (rien en dessous de 30€). Nous ferons une folie ! Au fond se profile la citadelle de Calvi. Je suis impatiente d’étrenner mon nouveau maillot dans la jolie crique rocheuse. Nous choisissons une table sous un parasol de paille.

« Pour boire un verre c’est sur les tables blanches ! » déclare le serveur. Elles sont en plein soleil. « Nous déjeunerons, mais un peu plus tard ! »

« Ce n’est pas possibles, les tables sont réservées, vous pouvez manger à l’intérieur ! »

En clair, il ne faut pas occuper les tables à l’ombre pendant des heures ! Nous n’avons pas franchement l’allure des clients d’un restaurant chic. Le serveur a jaugé notre porte-monnaie.

Furieuses et vexées, nous allons nous asseoir sur un tronc à l’ombre des tamaris. Le train suivant est dans un peu plus d’une heure. J’ai le temps pour une baignade. Nous déjeunerons à la maison. Tant pis pour notre petite folie !

L’eau est agitée, je dois rester dans la crique à l’abri mais les roches sont superficielles ; Pour une petite heure je n’ai pas envie de mouiller les chaussons chinois. Cet arrêt à Lumio est bien décevant ! Nous aurions mieux fait de nous arrêter à Aregnu où la plage était grande avec des restaurants de plage moins sophistiqués !

Villages sous le soleil

les oliviers de Sainte Restitude

Nous retournons sous le soleil revoir Calenzana et Sainte Restitude, continuant la route, nous arrivons à Zilia dont nous avons bu l’eau minérale. C’est le pays des sources et des fontaines. A la fontaine du village, on a gravé dans le marbre un long poème en Corse . par cette chaude soirée, les habitants de Zilia sont assis sur les bancs de pierre le long de l’église ou en face. Ils font très « couleur locale » mais je n’ose pas les prendre en photo. Je m’amuse à grimper les ruelles en pente et les escaliers.

Zilia

Nous avons raté l’embranchement pour Cassano, en contre-bas, (je le cherchais vers le haut) et parvenons au hameau de Lunghignano. Petit hameau, mais une grande et belle église, peu de maisons, pas de voitures. Je sors du village sur un large sentier muletier fléché Muro qui est derrière la petite montagne (725m). je regrette de ne pas avoir la carte pour faire cette randonnée tant le sentier est agréable.

 

 

 

 

 

Polyphonies corses : A Filetta à Calenzana

CARNET CORSE

 

Les spectacles de Polyphonie corse sont nombreux autour de Calvi, lequel choisir ? Nous avons à la maison un CD de ce groupe que nous écoutons régulièrement. La plupart des spectacles commencent à 21h30. Celui-ci est à 19h et Calenzana est sur la route de notre gîte, donc facile d’accès.

 

Pour visiter Calenzana, nous montons à 17 heures. Un nuage noir a englouti les sommets. On entend tonner au loin. C’est un jour bien gris pour découvrir Calenzana. Nous nous garons devant la biscuiterie traditionnelle Guerini, il y a une charcuterie « chez doumé » et une curieuse boutique fermée propose « des articles de GR20 ». je remonte la Rue Napoléon jusqu’à la poste et cela m’amuse.

Calenzana,

Sur la grande place se trouvent deux églises et un curieux clocher. L’église Saint Blaise est une grande église baroque avec un fronton blanc, édifié de 1691 à 1701 par un architecte milanais. Le haut campanile est une « Tour allemande » : Gènes fit appel à des mercenaires allemands en 1732 qui furent massacrés par les habitants armés de quelques arquebuses mais qui lancèrent leurs ruchers du bord des fenêtres et des toits. 500 allemands furent enterrés au « campo santo dei tedeschi » et c’est sur cd cimetière qu’on érigea le campanile. la  chapelle de la confrérie de Sainte-Croix est sur la même place que Saint Blaise; la présence de es chapelles de confrérie n’est pas rare en Corse.

De la place on peut admirer la vue d’une promenade plantée bordée d’une balustrade.

Calenzana : chapelle sainte Restitude

Après être passées devant des tombes monumentales à la sortie de Calenzana, la Chapelle  Sainte Restitude se trouve à 1km à l’écart du village dans une oliveraie ; Les arbres sont impressionnants avec leurs troncs creux. Juste après notre arrivée, la pluie se met à tomber. La chapelle est beaucoup plus grande et plus baroque que prévue (commencée au 11ème siècle elle a été restaurée ultérieurement, le chœur est surmonté d’une coupole octogonale 18ème siècle),

 

Les chanteurs d’A Filetta sont six hommes d’allure très simple : jeans parfois élimé, polos bleu marine ordinaires. Ils n’ont pas soigné la mise en scène. Leur spectacle est simple intimiste. Le titre A core datu (à cœur donné) correspond à l’esprit de la performance : 16 morceaux pour résumer les 40 ans d’existence du groupe A Filetta fondé en 1978 à l’initiative d’un instituteur et d’un agriculteur de Calenzana qui ne font plus partie du groupe de musiciens professionnels. JC Acquaviva est le conteur de cette histoire entre chaque séquence chantée.

La première période de l’histoire du groupe correspond à la sauvegarde du répertoire traditionnel qui se perd quand la montagne corse se vide avec l’exode rural, chants sacrés ou chants profanes (paghjella). A Filetta s’attacha à faire revivre la tradition. Cependant, et c’est très sympathique, A Filetta s’attache à une tradition très ouverte sans se refermer sur le passé ou sur une identité corse stricte. Au contraire les musiciens d’A Filetta se sont attachés à s’ouvrir sur d’autres polyphonies, sardes voisines mais aussi plus lointaines comme les polyphonies géorgiennes. Dans un troisième temps, ils vont renouveler le répertoire avec des créations sur les modèles traditionnels de Paghjella ou par des collaborations avec des metteurs en scène de théâtre(Médéa de Sénèque) et de cinéma.

La dernière partie « échange artistique » réunit 5 pièces contemporaines très variées. Celle que j’ai préférée est la Folie du Cardinal de Bruno Coulais qui n’est pas un inconnu puisqu’il a composé la musique des Choristes et de Micocosmos – ce n’est pas rien.

Intéressant : le final est un chant géorgien mais JC Acquaviva figure dans les auteurs. J’aime beaucoup cet élargissement au Caucase, une ouverture d’esprit qui ne s’est pas démentie dans toute la performance. Chanter en Corses, mais aussi en Latin en Grec et même en Géorgien ! Se revendiquer porteur d’une tradition, affirmer que la tradition orale n’est pas le passé mais sans cesse en devenir. S’affirmer Corse et prôner le métissage. Quelle belle leçon de générosité !

Les six chanteurs ne chantent pas tous en même temps. Pour la Paghjella, ils sont trois, pour les chants sardes. Ils alternent ? Parfois JC Acquaviva qui est leur porte-parole semble battre la mesure et les conduire. Il semble seulement parce qu’il dit se sentir porter par les paroles sans pulsation rythmique (là pour moi ce n’est pas clair). La gestuelle des chanteurs est particulière, d’une main comme une coque sur ne oreille, l’autre main marque parfois le rythme, parfois elle est posée dans le dos ou sur l’épaule du voisin. Les chanteurs du groupe sont très proches, ils se touchent pour se transmettre de l’énergie. S’ils sont tactiles, cela reste discret. Selon JC Acquaviva, les Géorgiens s’étreignent beaucoup plus.

Une belle soirée !

et ce lien pour les entendre http://

PS  c’est vraiment frustrant que sur mon blog LeMonde je n’arrive plus à intégrer des vidéos. heureusement j’en ai un autre Blogspot qui, lui les accepte. Si vous voulez entendre les polyphonie voici le lien 

 

 

Calvi

CARNET CORSE

Calvi au lever du soleil

L’Office de Tourisme principal se trouve sur le Port . Erreur du Guide Vert : l’audioguide ne commente que la Citadelle et se trouve à l’entrée dans un petit bureau. Nous trouvons les horaires du Train des plages quelques conseils et surtout j’achète des billets pour le concert de ce soir d’A Fileta.

Citadelle

La Citadelle de Calvi

L’audioguide raconte l’histoire de la ville. Il ne décrit que très peu l’architecture ou les fortifications (tant mieux !  les considérations stratégiques m’ennuient). Au-dessus de la Porte : la devise de la ville « sempre fidelis ». Fidèle à qui ? A Gènes, pendant 5 siècles de 1278 à 1793. Je passe sous la Tour du Sel qui venait de Provence. L’Oratoire de la Confrérie de Saint Antoine est malheureusement fermé ce matin. Sur le linteau en ardoise, Saint Antoine st représenté avec un petit cochon. On contourne l’imposant Palais des évêques de Sagone acheté par un milliardaire qui en a fait une boîte de nuit réputée Tao. Dans la Maison Giubega , la famille Bonaparte se réfugia en 1793,chassée d’Ajaccio par les Anglo-paolistes – Vincent Giubega était le parrain de Napoléon (suite de l’histoire abordée hier à Bocognano) je reconstruit comme un puzzle cette histoire que je ne connais pas.

Oratoire Saint Antoine

Autre personnage revendiqué par Calvi : Christophe Colomb dont on montre l’emplacement de la « maison natale » bien ruinée. Il est établi que Colomb était Génois. Au 15ème siècle, Calvi était génoise. Par ailleurs il était notoire que de nombreux Calvais entouraient Colomb dans son expédition transatlantique. Aucune preuve formelle que Colomb était lui-même calvais. Du bastion Malfetano, au sud, la côte est rocheuse avec de petites criques. C’est là que l’audio-guide évoque un dernier personnage lié à l’histoire de Calvi : l’amiral Nelson qui aurait perdu son œil pendant le siège de Calvi opposant Anglo-paolistes à la République Française pendant le siège de Calvi.

A la recherche d’une simple bouteille d’eau, nous parcourons la ville moderne sans trouver une simple épicerie. A la sortie de la ville, la croix du Balkan commémore le torpillage d’un bateau pendant la 1ère guerre mondiale. La vue est magnifique sur la pointe de la Revellata.

La plage de Calvi – 5 km de sable – est bordée par une pinède. J’ai envie de les marcher, les pieds dans l’eau et retrouver Dominique au bout. Le projet parfait très simple. Pas tant que cela ! La plage n’est pas accessible aux voitures le petit train s’interpose avec une promenade sur des planches. Et il faut trouver les accès, résidences hôtelières, campings et centre commerciaux s’interposent en une barrière infranchissable. Quand enfin nous trouvons un parking dans la pinède, je suis un peu déçue. Les restaurants de plage colonisent le sable jusqu’à l’eau, leurs installations sont moches avec des couleurs criardes. Nous regrettons les mignonnes tavernes grecques. Les prix sont bien corses et pas grecs. Notre budget ne nous permettra pas de déjeuner régulièrement à la plage. Il est trop tard pour la promenade de 5 km mais pas pour une baignade dans l’eau très tranquille de la baie. Nous rentrons déjeuner au gîte.

Au Spar, la viande est excellente : côte de porc marinée au miel et à l’abricot. Peut être les cochons ont vécu librement dans la montagne comme ceux qu’on a vus hier ? Raisin muscat corse et fromage de chèvre, cela se marie très bien.

Piscine l’après-midi, je fais un essai de dos crawlé et cela marche (depuis 5 ans je n’osais étirer mes bras). Les 5 semaines en Grèce et la piscine régulièrement m’ont réparée.

 

D’Ajaccio à Calvi par l’intérieur

CARNET CORSE

dans la montagne

4 septembre 2018 : Vol

Le vol Air France opéré par Air Corsica a accumulé les retards. Après avoir dormi dans l’avion, je me suis réveillée à l’arrivée à Ajaccio à minuit. Somptueuse baie éclairée avec de gros bateaux qui se reflètent. Malgré l’heure tardive, Fred, notre logeuse, nous attendait. Nous nous endormons sans avoir le temps de faire sa connaissance, ; au réveil, elle est déjà partie.

5 septembre : d’Ajaccio à Calvi

Petit déjeuner au bar de l’Odéon. Du soleil, je me déplace à l‘ombre.  A 8 heures du matin, il fait déjà bien chaud. En un petit quart d’heure, le taxi nous conduit à l’aéroport où notre voiture nous attend. Tout se passe à merveille. Notre carrosse est une très jolie Smart forfour orange et noire. L’intérieur est aussi habillé d’orange et noir.

Tout le monde est unanime : d’Ajaccio à Calvi, il faut emprunter la route de l’intérieur par Corte 160 km. Longer  la côte est déconseillée à cause des tournants. La route T20 monte imperceptiblement remontant le lit de la rivière Gravona , franchissant des ruisseaux. Les villages sont invisibles, perchés dans les hauteurs.

Phylotaca amrecana

J’attendais la statue-menhir de Tavera. En introduction au voyage, j’avais commencé les Notes de Voyage de Prosper Mérimée qui décrivait le dolmen de Tavaro. Certes, les noms se ressemblent, mais Tavaro est à proximité de Sartène il s’agit d’un autre monument mégalithique, mais ma curiosité est aiguisée. Seule une discrète flèche en bois à l’usage des randonneurs, à la hauteur d’un parking, indique le menhir de Tavera. Aperçue au dernier moment, nous obliquons sur la prochaine route pour faire demi-tour et découvrons une campagne très verte avec une maison de granite enfouie sous des mousses et des fougères ainsi qu’une plante exotique aux baies violettes très décorative. Il s’agit d’une plante invasive Phytolacca americana toxique, une sorte de peste comme la renouée du Japon. Comment est-elle arrivée là ? La deuxième tentative pour rejoindre le menhir est  contrariée par un camion agressif qui nous colle au train. On ne verra pas le mégalithe !

Bocognano : fontaine de galets

Bocognano (altitude : 660 m) vaut le détour (la route principale n’y passe plus). Joli village traditionnel avec ses platanes sur la place, sa fontaine monumentale en galets et sa grande mairie. Son Palazzu a été construit à la suite d’un don de Napoléon Bonaparte pour remercier les villageois qui l’avaient hébergé lors de sa fuite d’Ajaccio en 1793, pourchassé par les Paolistes. Premier jour en corse et déjà une rencontre avec le souvenir de Napoléon ! J’entre dans la boulangerie traditionnelle, pittoresque, sans savoir qu’elle est réputée dans toute la Corse pour ses pâtisseries à la farine de châtaigne, encore une occasion de perdue ! La Cascade du Voile de la Mariée se trouve à 3.5 km de l’entrée du village. Après un pont, le sentier est bien tracé mais bien escarpé. D’un petit mirador on peut admirer la cascade. J’aurais pu m’en approcher plus, le sentier est équipé d’un câble pour s’assurer, le rocher m‘a semblé bien glissant. Sur le bord de la route, des cochons sont dans un enclos en lisère de forêt.

Cascade du Voile de la Mariée

Après Bocognano, la route monte en lacets, franchit un tunnel pour atteindre le col de Vizzavone(1 100 m) et la magnifique forêt de hêtres dominée par les montagne Mte d’Oro (2389 m). Des pins laricio dépassent les autres essences. Depuis 1889 ; le train s’arrête à Vizzavone pour conduire touristes et excursionistes, les installations touristiques paraissent bien développées et les promenades bien indiquées, nous aurions pu aller voir la Cascade des Anglais ou rejoindre le mythique GR20. Nous nous contentons d’admirer de la route les arbres, hêtres, chênes, pins et châtaigniers séculaires aux troncs creux d’une circonférence remarquable.

village perché

Sortie de la forêt, la roue passe à proximité de villages perchés, traverse Vivario, passe à proximité de Venaco. Elle ne fait qu’effleurer la ville de Corte. Nous y passons à 13h, pas du tout le moment de faire une visite touristique. A regrets ! la citadelle a fière allure. A la sortie de Corte, changement de faciès géologique : de beaux schistes verts affleurent.

Autant les occasions de s’arrêter pour un pique-nique étaient nombreuses avant Corte, autant la route droite entre Ponte Leccia et l’Île Rousse n’est guère favorable à un arrêt. Nous la quittons à Pietralba, village perché aux ruelles étroites et très ensoleillées. Parking impossible. Une petite route secondaire (très secondaire et pleine de nids de poules) double la T30 relie les villages de Lama et d’Urtaca . Nous trouvons enfin notre coin sous un gros chêne devant une exploitation agricole.

Nous rejoignons la grande route, rassasiées mais éblouies par le soleil de midi qui écrase tout et sommes pressées d’arriver. La route suit le lit de l’Ostriconi non loin du Désert des Agriates. Nous n’accordons qu’un regard distrait à la très belle plage de l’Ostricone . Une baignade ferait pourtant du bien. La hâte d’arriver nous fera dédaigner les jolies plages après l’Île Rousse.

Notre résidence Padro (2*) fait réception commune avec l’Hôtel Cesario(3*). Les studios de la Résidence Padro forment un lotissement de petites maisons cachées dans la verdure. L’appartement s’ouvre sur une cour entourée de buissons touffus (laurier rose et laurier tain). Un mûrier dépasse de la haie. Nous sommes à l’abri des regards indiscrets. Une belle table avec un grand parasol occupe la cour. La salle s’ouvre par des portes-fenêtres. Agréables couleurs chaudes : murs jaunes, meubles orange (y compris le frigo) et canapé brun. Belle salle d’eau spacieuse. La chambre est bleue avec des volets bleus qui empêchent le soleil de la réchauffer. Deux lits jumeaux avec tête de lit et tables de chevet en rotin. L’ensemble est sobre, confortable. Que demander de plus ?

L’hôtel a deux piscines, l’une fraîche et grande pour nager, l’autre chaude avec des remous et des jets pour se relaxer. Palmiers abords soignés, mobilier de bonne facture. Un règlement un peu contraignant est affiché à l’entrée ? Il faut laisser ses chaussures avant de passer le pédiluve à l’entrée (les étagères de chaussures font penser à celles d’une mosquée). Le public est retraité (comme nous). Tout le monde est bien poli, bien aimable. Je lis le dernier Ferrari :  A son image. La piscine a effacé la fatigue du voyage.

 

Mérimée – – Notes d’un voyage en Corse – Colomba

LIRE POUR LA CORSE

Avant le départ pour une contrée inconnue, j’aime bien me choisir un guide, un passeur.

Pour la Grèce ce fut d’abord Lacarrière, pour l’Italie, Dominique Fernandez.

Mérimée et ses notes de voyage s’est imposé. Ces notes sont un inventaire des monuments mais aussi un petit résumé de l’histoire de la Corse et enfin de traditions populaires et des superstitions et des poésies « populaires corses ». Malheureusement, la plupart des monument, si ce n’est tout ce que Mérimée décrit ne se trouve pas dans les régions que nous visiterons, les dolmens de Sartène, les églises du Cap Corse, ou de Bonifacio, nous ne les verrons pas. J’ai donc parcouru rapidement ces descriptions.

En revanche, je me suis bien intéressée aux traditions et poèmes qu’il a compilés et traduits comme la Lamentation Funèbre du Niolo ou la Sérénade d’un Berger de Zicavo.

 

En 1840, quand Mérimée a écrit Colomba, la Corse était encore une destination exotique. Les liaisons maritimes entre Corse et continent régulières n’étaient pas encore établies par bateaux à vapeur. Le colonel Nevil et sa fille – parfaitement snob – déçue par un voyage banal en Italie –   s’embarquaient pour l’inconnu. Le contraste entre les préjugés britanniques et les traditions corses est piquant, le sentiment de supériorité du colonel et la fierté du « caporal »  dont la noblesse remonte au 12ème siècle est une introduction parfaite à l’histoire.

Mérimée a rencontré Colomba, mais ce n’était pas la pure jeune fille, c’était une vieille dame, intrigante, un peu sorcière qui distillait vengeances et crimes d’honneur. La belle Colomba de la nouvelle est une séduisante jeune fille qui voyage avec un stylet dans son corset et qui manipule son frère ainsi que le préfet, les bergers et bandits du maquis pour que la vendetta ait bien lieu.

Colomba est voceratrice : elle improvise des ballata, ces lamentations improvisées de deuil à la veillée mortuaire

« quand l’épervier se lamente – devant son nid vide, – les étourneaux voltigent alentour, – insultant sa douleur »

[….]

« l’épervier se réveillera, – il déploiera ses ailes, – Il lavera son bec dans le sang! – Et toi, Charles-Baptiste, que tes amis t’adressent leur dernier adieu, – Leurs larmes ont assez coulé – La pauvre orpheline seule ne te pleurera pas – Pourquoi pleurerait-elle? -Tu t’es endormi plein de jours – au milieu de ta famille – préparé à comparaître – devant le Tout-Puissant. – L’orpheline pleure son père, – surpris par de lâches assassins, – frappé par derrière ; – Mais elle a recueilli son sang, – ce sans noble et innocent ; – elle l’a répandu sur Pietranera, – pour qu’il devint un poison mortel. Et Pietranera restera marquée, – jusqu’à ce qu’un sang coupable – ait effacé la trace du sang innocent.’

Romantique en diable, brillante, cette nouvelle a du panache!