A 150m de l’hôtel, un canal bordé d’une rue tranquille débouche dans la Rivière des Parfums. Dès que nous avons tourné le coin de la rue, les pétarades des motos, les klaxons, les invitations pressantes des cyclos, tout s’arrête. Les vendeuses de fruits ont posé leurs plateaux et les petits tabourets en plastiques sont disposés autour des cantines. L’ambiance est villageoise. Les enfants font du vélo au milieu de la rue, des poulets traversent, les chiens profitent de la fraîcheur du matin avant de s’affaler écrasés de chaleur.
Filets dans le canal
Les maisons basses sont cachées dans les jardins. Quelques unes surélevées ont un ou deux étages, pas plus. On oblique dans une ruelle à l’ombre de grands arbres. Les maisons sont très soignées. Un monsieur aux cheveux blancs arrose son jardin exclusivement composé de bonsaïs dans de belles poteries. On se laisse inviter à visiter le jardin. Le monsieur fait couler la cascade nous le photographions en compagnie de sa femme, souriante et timide avec ses cheveux blancs attachés en catogan. Ils semblent bien assortis, si doux et si distingués. Nous leur demandons leur adresse pour envoyer les photos. (copiée dans le carnet que je me suis fait voler à Hanoï je ne pourrai le faire).
Hué : un joli jardin
Nous continuons la promenade le long du canal, rencontrons des enfants souriants qui se poussent pour se faire photographier. Ils adorent les bébés et veulent qu’on les prenne en photo.
Dans une ruelle, un homme sculpte une souche avec ses racines d’où sortent des dragons compliqués. Le tronc sera le support d’une table. Le sculpteur nous ouvre sa remise pour nous montrer une table terminée, polie et vernie avec ses tabourets assortis. Ce mobilier lourd nous rappelle un peu celui du Bénin.
L’école est fermée pour cause de vacances mais trois enfants sont là . Garderie ? Ou cours particulier ? Plus son avançons, plus les jardins sont nombreux. Nous arrivons même dans un champ de manioc. Des vaches sont attachées sur le bord du canal. Des filets, immenses carrelets sont suspendus au dessus de l’eau colonisée par les jacinthes.
Hué : la vendeuse de fruits et sa palanche
Au retour, nous trouvons le salon de thé de jardin, établissement le plus ravissant qui existe, tenu par des gens adorables qui nous offrent deux thés glacés. J’écris donc attablée à une très belle table de verre posée sur des bambous liés, fauteuils metteur en scène en toile sur du bois de palmier. Le sol est carrelé, des empreintes de mains et de pied décorent le ciment. Chaque table est installée dans une logette de bois de palmier couverte de tuiles. Des parasols abritent des tables-troncs. Entre les tables court un ruisseau avec des nénuphars et des poissons décoratifs. Des potiches perchées sur des briques au milieu de l’eau portent des plantes. Un petit pont arqué de brique et de verre relie les deux rives. Il y a, bien sûr, une « montagne » avec des pagodes de faïence, et un système de brumisation. Autour de l’eau, l’herbe fait de gros coussins avec les touffes de fougères. On a suspendu des poteries et des noix de coco contenant des graminées décoratives et des pots d’orchidées. Sur les stores en rabane sont collées des calligraphies très réussies. Négligemment jeté, un plateau de vannerie et une palanche.
Hué, un joli café tranquille
Départ en train
Sous la menace de l’orage nous avons pris le taxi avant les premières gouttes. Le train de 15H35 a une heure de retard. Nous devons donc patienter deux heures dans la salle d’attente sur des sièges de plastiques orange alignés comme pour un spectacle. Le contrôleur a poinçonné nos billets – petit trou rond comme autrefois. Des dizaines de familles vietnamiennes sont installées, seulement 6 touristes européens. Les enfants chahutent, courent, se poursuivent. Les adultes sont bien patients. Sur la télévision, Cléopâtreavec Liz Taylor et Richard Burton. Je me rends compte que j’ai complètement oublié ce film vu dans mon enfance. J’ai été vaccinée contre l’impatience en Afrique. Attendre, c’est aussi regarder les autres vivre. Imaginer des histoires à leur sujet…
hué sculpteur au travail sur une souche.
16H30, nous nous répartissons sur le quai d’après le numéro des voitures. Le quai est bordé de chariots proposant des marchandises variées, même des bocaux de crevettes, des galettes de riz, des T-shirts…Le train arrive très lentement. Nous montons dans la voiture 9. Notre compartiment a quatre couchettes déjà installées. Dans un sac plastique nous trouvons un oreiller, un drap une couette grisâtre mais propre. Deux jeunes filles sont déjà couchées
Une jeune fille, parle bien anglais, ravie de faire la conversation. Elle est comptable à Hanoï. A 18H, on nous apporte un plateau-repas avec une barquette de riz, une soupe au basilic, des haricots verts et du bœuf bouilli. Le plateau-repas est compris dans le prix du billet. Mais on vend des suppléments : j’achète quatre brochettes de poulet épicées délicieuse pour 20 000VND, on nous propose aussi des gâteaux de sésame et des yaourts.
Le soir tombe sur les rizières. L’orage n’a pas éclaté. Les nuages se colorent en mauve, orange et rose. L’eau omniprésente a des reflets dorés. Magnifique coucher de soleil.
Le compartiment d’à côté est occupé par un couple d’allemands de Berlin qui ont acheté 4 places pour être tranquilles. Brin de conversation pour exercer un peu mon Allemand.
J’avais beaucoup fantasmé sur la promenade sur la Rivière des Parfums. J’avais imaginé qu’un petit sampan à rames, ou mu par une perche, viendrait nous chercher au débarcadère du Riverside et nous emmènerait en glissant silencieusement au fil de l’eau – à la limite un petit moteur. Nous avions pris les chapeaux, je m’étais tartinée d’écran total. Le Sinh Café avait organisé l’excursion à moitié prix des tarifs pratiqués par l’hôtel.
Malheureusement, on nous conduit au débarcadère à un monstre de fer blanc – dragon de fantaisie, au corps couvert d’écailles jaunes – bateau à fond plat avec une grande cabine vitrée. Des chaises de jardin sont empilées. On nous en donne deux avec ordre de rester dans la cabine. Le bateau sert aussi de maison à notre « capitaine » et à sa femme qui nous accueille, masquée de blanc et largue les amarres.
Au lieu de regarder le paysage, D louche sur la vaisselle et grimace :
– tu ne mangeras rien de sa ragougnasse ici, elle lave les assiettes dans l’eau du fleuve… ».
Mauvais départ !
Les quais de Hué se déroulent dans la verdure. Le dimanche, les Vietnamiens viendront prendre le frais sur les chaises sorties sur le bord de l’eau. A la sortie de la ville : trois églises derrière un mur surmonté d’une croix ; Hué est aussi une ville catholique.
D’autres bateaux à tête de dragon nous dépassent. Certains sont doubles, deux barques soutiennent un plancher carré surmonté d’un pavillon précédé par deux plantes en pot.
Pagode Thien Mu
pagode de la Dame Céleste
La pagode Thien Mu se profile à quatre kilomètres de Hué, à l’image des petites pagodes de faïence qui ornent les fausses montagnes au milieu des bassins : une tour octogonale de sept étages se rétrécissant à chaque niveau.
Cette pagode de la dame Céleste fut édifiée en 1601 par Nguyên Hong. Une vieille dame lui aurait prédit qu’une pagode dans cet endroit serait un gage de prospérité. La dame s’envola ensuite au ciel. A l’arrière de la tour un très beau jardin avec le Temple du Grand héroïsme, pavillon bas abritant des Bouddhas dorés, des bonsaïs, une école bouddhique,et même la vieille Austin bleue du bonze Thich Quang qui s’immola par le feu en 1963.
Des scouts sont installés dans un bosquet portant le fameux chapeau de scout de Baden Powell. Certaines filles sont habillées de l’ao dai. Le jeu consiste à faire circuler le chapeau entre leurs dents. Le chef qui organise le jeu parle dans un micro. Décidément les vietnamiens sont bien bruyants.
La mini croisière se termine côté sud. Attraction suivante: un village de pêcheurs qui n’est rien d’autre que l’accumulation de sampans en face de Riverside. Si au moins nous avions accosté à notre hôtel ! Nous avons l’impression désagréable d’être tombées dans un traquenard que nous avons préparé nous même en déclinant l’offre de retourner aux tombeaux comme ce qui était écrit sur le programme de l’agence.
Retour à la Citadelle
Nous allons à pied à la Citadelle en passant le long d’un jardin public où sont installés oiseleurs et vendeurs d’orchidée ainsi qu’une brocante proposant sur le bord du trottoir de la vaisselle dépareillée, des théières et des pipes à eau.
Nous retournons directement au temple Hung Tê Mieu dans la petite cour tranquille avec ses portiques colorés où des clochettes tintent au vent. Je m’installe pour dessiner tandis que Dominique poursuit les explorations. Un nuage très noir donne un relief nouveau au belvédère des Cinq Phoenix, le temps devient très menaçant.
Sampaniers
Le dragage de la Rivière des Parfums est tout à fait artisanal (sur le Mékong, nous avons vu de très gros engins). Des sampans de gros gabarit ont une proue découpée pour laisser passer une perche et une poulie. Un gros cylindre portant des tiges métalliques permet d’enrouler le filin. Les enfants, à l’ombre d’un abri sommaire en tôle, pédalent. Les hommes remontent le sable dans une pelle attachée à la longue perche de bambou l’arrière, femmes et hommes tamisent et entassent le sable.
Le rendez vous de l’excursion en bateau est à 7H45. Nous attendons au débarcadère, cela nous paraît être du dernier chic. On vient nous chercher, mais…à moto. D est formelle : elle ne montera pas sur une moto. Jamais ! Je lui objecte qu’elle l’a bien fait en Afrique. Rien à faire. Les Vietnamiens ne comprennent pas. La moto c’est naturel pour eux. Tout le monde se déplace ainsi, jeunes, vieillards, bébés. Une famille entière en brochette…La jeune fille de la réception est furieuse contre nous. Nous ne sommes pas coopérative. Elle non plus !
Et voila notre journée sur la Rivière des Parfums fichue ! Je suis consternée. Est-ce qu’on ne pourrait pas aller au débarcadère en taxi ? Trop tard. Il reste une solution. Mais cela va vous coûter cher ! Pour 500 000VND, nous pouvons louer une voiture avec chauffeur. Le prix est encore raisonnable. De toutes les façons, il faut sauter sur l’occasion. Quand va-t-il venir ?
L’hôtesse nous intime l’ordre de nous asseoir sur les fauteuils du lobby. Elle est dépassée par les évènements. Un groupe part en excursion. Un autre arrive avec ses bagages. Le personnel du Riversideest tout sauf efficace – aimable le plus souvent – mais pas du tout dégourdi. L’hôtel trois étoiles a perdu l’étoile du milieu qui est tombée du mur. La lessive a mis deux jours à revenir! (La machine à laver est en panne, ils l’ont porté à la laverie). Le restaurant tout à ait quelconque pratique des prix exorbitants. Et la souris de l’ordinateur fait des caprices.
Voiture avec chauffeur
Hué mausolée Minhmang2
Au lieu d’attendre la voiture sans rien faire il serait plus avisé de préparer l’itinéraire. Par chance, le guide du groupe francophone attend ses clients dans le hall. Nous faisons appel à lui. Il nous conseille trois tombeaux joignables sans problème en taxi.
Notre voiture est noire avec des vitres fumées, Mazda. La clim à fond donne une température polaire. Il y a même un vaporisateur de parfum là où on a l’habitude de trouver des bouddhas verts ou des animaux qui hochent la tête. Le chauffeur est très stylé. Il parle un peu anglais. Pas assez pour soutenir la conversation ou commenter le paysage. Il a très bien compris ce que nous voulons faire.
Mausolée de Minh Mang
Nous commençons par le tombeau de Minh Mang, le plus éloigné (3 étoiles au guide Evasion) Il est situé en pleine campagne. C’est un plaisir que de regarder le paysage, les crêtes des montagnes qui s’échelonnent dans le lointain, les villages enfouis sous une végétation abondante, bananiers, manioc, soja, jardins de légumes et arbres fruitiers. Le long de la route, on vend toutes sortes de fruits : énormes jacques, bananes, oranges à la peau verte, ramboutans, longanes, mangues, papaye et même des grenades.
Hué mausolée MInh Mang lac de la Lune
L’empereur a choisi un site magnifique. Il s’est appuyé sur le relief existant en modelant à son gré le cadre naturel. Passant sous un portique, on entre dans la Cour des Salutations bordée de deux files de statues 1 éléphant, un cheval et des mandarins aux fines barbes et aux costumes ouvragés. Une longue allée monte au pavillon de la Stèle. De chaque côté, un lac dans son écrin de pins. Une grande sérénité se dégage de ces pièces d’eau. L’allée se poursuit dans le prolongement de la stèle jusqu’à un pavillon carré rouge : le Pavillon de la Grâce Immense, entouré du lac de la Clarté Pure. Toujours en enfilade, la Porte Hoan Trach mène au Lac de l Lune Nouvelle. » Ce petit lac est en forme de croissant il entoure le tumulus impérial (le soleil) marquant la séparation entre le monde des vivants et le monde des morts. » (guide Evasion). Bassins et jardins dessinent l’idéogramme « Longévité ».
Les arbres sont magnifiques. La présence de l’eau, des végétaux, l’harmonie entre les constructions et la nature font de ce mausolée un endroit absolument charmant. On oublie la dimension funéraire pour ne retenir que l’ensemble parfait. Encore que, parler de nature, doit être nuancé. Les lacs sont artificiels, les arbres élagués artistiquement. La nature est drôlement sophistiquée !
Tombeau de Khai Dinh
Hué mausolée Khai Dinh
Le mausolée de Khai Dinh (1916-1925) est complètement différent. Mélange de style oriental et occidental (Hachette Evasion). Tout ce qui était harmonie et bon goût, accord avec l’environnement, sérénité au tombeau de Minh Mang, tout est oublié. Il ne reste que la pompe et le faste. La matière – le béton- n’a aucune allure. L’ensemble tient du monstrueux calvaire –quel chemin de croix que les 139 marches raides et hautes !- gris, lourd et pompeux. Les dragons manquent d’humour, les mandarins de l’Esplanade des Salutations sont raides et ennuyeux, ils ressemblent aux poilus des monuments aux mots de la guerre de 14 des places de village !
Mausolée Khai Dinh cour des salutations
Mais nous n’avons pas gravi tous ces escaliers pour rien. L’intérieur du Temple de Culte, bâti au sommet est décoré de mosaïques particulièrement réussies. Le baldaquin de béton est couvert de mosaïques colorées. C’est presque baroque, en tout cas peu banal. Les motifs floraux subissent une influence Art Déco. Je passe outre l’interdiction de les prendre en photo.
Hué mausolée Khai Dinh fleurs Artdéco
11heures, heure du déjeuner vietnamien. Avant que les étals de fruits ne soient repliés, il est temps d’acheter un pique-nique. Le chauffeur m’accompagne, j’achète une livre de ramboutans, un fruit du dragon et six bananes. Très obligeant, le chauffeur insiste pour que la marchande pose ma marchandise sur la balance. Mauvaise pioche ! il y avait 600 grammes de ramboutans, la fruitière en enlève une poignée !
Mausolée de Tu Duc
Hué mausolée Tu Duc
Le troisième tombeau est celui de Tu duc (1847-1883). Fin lettré, Tu Duc venait écrire des poèmes et admirer les fleurs rares et les oiseaux dans de petits chalets sur pilotis installée sur une pièce d’eau, maintenant fleurie de lotus. Une allée sinueuse en fait le tour. Des pins antiques et des frangipaniers vénérables donnent une fraîche ombre. Nous montons ensuite l’allée qui mène au monument funéraire. Toujours les étapes imposées : le Pavillon de la Stèle, la Cour des Salutations, enfin le Tertre Royal entouré du Mur Précieux, protection contre les mauvais esprits.
Hué mausolée Tu Duc
Un charme spécial émane des vieilles constructions qui n’ont pas encore été rénovées. Les tuiles on perdu leur lustre, installées en rang serré. La mélancolie sied particulièrement bien à cet empereur poète. Pendant que je dessine le pavillon de bois sur les lotus, je remarque des enfants nageant à demi nus dans le bassin. Peu après, un homme crie, lance des pierres. Que chasse-t-il ? Les enfants qui sortent des tiges en portant les fruits du lotus et qui fuient pieds nus. Que vont-ils faire des lotus ? Ils mangent les graines. Font mine d’escalader le mur et se cachent pour retourner à l’instant.
pagode
Notre dernier arrêt est une pagode situé non loin de là : Pagode Tu Hieu.Ici, pas de visiteurs. Près de l’entrée, une jolie pièce d’eau où fleurissent lotus blancs et nénuphars mauves. Une allée monte vers la pagode. Dans un beau parc, à l’ombre d’un vieux banian aux racines aériennes enlacées et de frangipaniers odorants, de jacquiers, nous trouvons une table de pierre et des tabourets. L’endroit est offert pour un pique-nique frugal de fruits. La voix mélodieuse d’un bonze nous accompagne. Dans la pagode, de nombreuses femmes et quelques enfants sont allongés tan dis que le bonze assis chante. Dorment elles ? C’est l’heure de la sieste. Ou sont elles plongées en prières. Les bâtiments du monastère sont ouverts. Comme deux autres touristes accompagnées d’un Vietnamien entrent, nous nous enhardissons à les suivre. Les habits jaunes sèchent sur des fils. Des petits bonzes et des bonzesses, crâne rasé et habits gris arrivent. D’autres, toujours en gris ont gardé leur chevelure. Ils se laissent volontiers photographier. Plus loin, un terrain de handball (ou de foot) une salle de classe. La pagode semble héberger une école. Plus bas, près de l’eau, un bonze en habit marron lit, installé dans un hamac entouré d’enfants qui s’amusent autour de l’eau.
De retour à Hué
Nous sommes un peu saturées de visites. Notre chauffeur, très aimable nous accompagne pour nos courses en ville. Comme le photographe ne demande qu’une heure pour faire les tirages, nous visitons encore une pagode près du marché : Dieu Dé. Ici, aussi des prières, encore des femmes de tous âges qui s’agenouillent, se prosternent tandis que le bonze chante. Cette pagode est située près d’un canal aux eaux très vertes dans un quartier calme tout près de l’agitation du grand marché.
Vers 16H nous nous installons à la terrasse de l’hôtel en bordure de rivière pour écrire et ranger les photos. Nous en avons maintenant plusieurs centaines. Si nous attendons notre retour en France pour les classer nous ne reconnaîtrons plus rien !
Bruyante soirée
20H30,Dans la chambre contiguë nos voisins font un karaoké privé. Ils ont dû apporter le lecteur de DVD de chez eux. Cela fait un bruit infernal. On n’entend même plus TV5 .La dame de l’étage qui vient nous apporter les T-shirts propres constate le vacarme. Quelques minutes plus tard le téléphone sonne à côté. Les voisins font cesser le tapage. Nous sommes même gênées. Il n’est pas dix heures. La réception appelle ensuite chez nous pour savoir si nous sommes satisfaites.
Matin 6h30 : trois femmes, pantalons relevés, font la lessive dans le fleuve. Une petite fille accroupie lave la vaisselle. Une femme âgée, un chapeau sur la tête, rince six grand paniers ronds.
Après midi à la terrasse du Riverside, devant moi, un délicieux jus de fruit du dragon mixé exprès pour moi, débarcadère privé, marches blanches, palmiers, lampes aux grosses boules ponctuant deux balustres, symboles de luxe. Je regarde vivre les sampaniers. Ces nomades du fleuve, ont leurs maisons sur leurs petites embarcations et se déplacent sur des plus petites et plus fines encore et plus légères. Pauvres abris : sur une barque à fond plat à curieuse proue relevée terminée de face par une sorte de pyramide tronquée, on a posé des arceaux. Trois, quatre, ou cinq arceaux et dessus tout ce qui peut donner un peu d’ombre et garantir de la pluie. Les mieux logés ont construit une sorte de maison flottante avec des tasseaux et des tôles ondulées. Les plus pauvres ont posé des bâches plastiques bleues sur les arceaux. Ils utilisent toute une variété de matériaux, le papier goudronné, les canisses – les plus beaux – le plastique en rouleaux. De la proue à l’entrée un fil est tendu avec du linge qui sèche. A l’arrière, tout un débarras. Pas de pot de fleur pour le Génie du fleuve, il n’y a nulle part pour le poser. Pourtant un petit chien noir et blanc navigue avec eux.
Au milieu de la rivière des Parfums, un îlot minuscule porte un arbre. Sous son ombre au moins six bateaux se blottissent. J’essaie de compter les embarcations : un très gros bateau seul, une maison flottante, puis sept regroupés, une dizaine sur deux lignes, une trentaine plus loin. Tout un village ! Avec le soir, je vois s’allumer des tubes bleutés. Hier soir, de grandes flammes brillaient, dans un brasero peut être ? Quelque fois une fine pirogue part avec un chargement d’herbes ou de sable. Quand la barque a un moteur elle est pilotée par un homme assis au fond. Quand elle possède des rames c’est le plus souvent une femme, debout, arquée coiffée du chapeau conique.
Ce matin, j’ai vu les enfants partir en classe. Le soir, ils se baignaient dans l’eau. Une pirogue pousse de longs piquets flottant en formant un triangle (bois ou bambou ?). La barque est à la pointe du triangle. Comment sont- ils attachés ? Deux triangles flottent maintenant près de la berge.
J’ai honte face à ce dénuement. Cité Interdite
Belvédèredes 5 phénix et entrée de la cité
Le nom est tout un programme ! Faste et étiquette impériale. Prestige de ces murs clos. On ne peut y pénétrer que par une seule porte. Maintenant encore, une sélection s’opère. Les touristes ne sont pas autorisés à entrer par la même entrée que les Vietnamiens.
La cité Impériale des Nguyên (1802-1955) a été construite sur le plan de celle de Pékin. Détruite pendant les guerres, qui se sont succédées, seule une partie a été restaurée. L’entrée principale , la Porte sud supporte le Pavillon d’apparat : le Belvédère des cinq Phénix. C’est là que le dernier empereur BaoDai a remis son épée en 1945 au gouvernement de HôChiMinh. Les marches pour y accéder sont raides. De ce belvédère, l’empereur dominait une vaste esplanade et les cours de la Cité Impériale. Il faut enjamber les montants sur lesquels les portes pivotent ou coulissent ; je suis toujours surprise. Regardant en l’air, je m’y cogne souvent. On arrive dans de vastes salles supportées par des colonnades. Difficile d’imaginer l’ambiance alors. La salle était- elle meublée ? Ou seulement le trône et les ombrelles ? Un tableau, au mur, montre les courtisans, mandarins et militaires rangés ans les cours. Les boiseries sont peintes – rouge, or, noir – les tuiles vernissées jaunes et vertes. La tenue d’apparat de l’Empereur, visible dans une exposition plus loin, était brodée de nombreux motifs : dragons, nuages, montagnes, colonnes d’eau ( ?), les teintes dominantes, or et bleu.
Hué : cérémonie dans la cour intérieure
Pour arriver au Pavillon de la Suprême Harmonie, on passe sous un portique très coloré, un petit pont enjambe les Eaux Dorées (je recopie ces noms avec gourmandise, ils décuplent la poésie des lieux). Une vaste esplanade nous sépare encore du Pavillon de l’Harmonie Céleste. Deux animaux fantastiques, sortes de griffons, des lions peut être, gardent cette grande place. Des stèles marquent les emplacements où devaient se ranger les mandarins à la parade, selon leur rang. Le Pavillon de la Suprême Harmonie est très impressionnant avec ses belles colonnes laquées de rouge aux motifs or de nuages et de dragons, sinueux et contournés. Des lampions dorés décorés de peintures précieuses sont suspendus. Sur une estrade, le trône. Le Palais de la Suprême Harmonie est aussi appelé Palais de la Concorde Absolue. Toutes ces appellations me ravissent.
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Hué : Porte de la Cité Interdite
Spectacle de cour
1er spectacle à 9h au théâtre Royal. Nous prenons place au premier rang sur de larges fauteuils rouge et or de bois sculpté. 9h, rien ne se passe. 9h05, je commence à m’inquiéter. Deux jeunes filles sont assises : ce sont les danseuses. Il n’y aura pas de spectacle faute de spectateurs. Revenez à 10 heures !
Danse des éventails dans le théâtre de la cité Interdite de Hué
En attendant, nous visitons la bibliothèque en cours de rénovation. Ces restaurations sont splendides mais il me plait qu’il reste des vieilles tuiles ayant perdu leur vernis et des décors écaillés. Les tesselles des mosaïques sont des débris de bouteilles pour les verts et les marrons et de la vaisselle de porcelaine pour les bleus. On retrouve les fleurettes qui ont décoré des tasses fines. Nous nous étions promises de ne plus photographier de dragons ni de personnage surmontant les faîtières mais nous faisons ici une exception…
Des musiciens habillés de jaune se présentent sur l’estrade et sont rejoints par un autre groupe. D’un côté, les cordes de l’autre les percussions. Un dragon de tissu, comme ceux du Carnaval, fait irruption sur la scène, puis un quatre. Je suis un peu déçue. Je n’imaginais pas des personnages de foire dans un spectacle de cour. Ma déception est de courte durée. Les deux ou trois danseurs qui actionnent les dragons dansent à la perfection. Les chenilles qui me paraissaient lourdaudes sont mues par une chorégraphie sophistiquée. Brusquement un troisième personnage est expulsé ? C’est le Bébé Licorne qui s’éveille à la vie (je n’avais pas reconnu la Licorne mais c’est écrit dans le programme). Des danseuses sont cachées derrière des éventails de gaze verte aérienne. J’essaie de filmer. C’est pour moi une nouveauté. Le spectacle se termine par une autre danse : danseurs et danseuses portent un lotus rose translucide contenant une vraie bougie allumée. Des pyramides se défont et se reconstituent.
J’ai perdu le Petit Futé. Dommage, il était très bien !
Hué citadelle chaudrons
Temple des générations
Il ne reste plus grand-chose de la Cité Pourpre Interdite, une vaste pelouse où évoluent des éléphants pour le plaisir des visiteurs. Plus loin, à l’écart le Temple des Générations, solennel est impressionnant. Il contient les tablettes de dix membres de la dynastie Nguyên. Il faut se déchausser et se déplacer silencieusement devant les mânes des anciens empereurs. Malheureusement nous sommes bien ignorantes et n’arrivons pas à identifier tous ces souverains malgré leur photo. Un pavillon très calme, très coloré plus fantaisie avec des portiques garnis de clochettes et décorés de motifs charmants oiseaux et fleurs, nous a beaucoup plu. C’est l’endroit le plus frais, le moins intimidant, le moins solennel de la Cité Impériale. Nous le quittons avec regrets pressées par de préoccupations prosaïques. Courses
Je rentre sans complexes dans le plus bel hôtel de Hué : le Saigon Morin. Nous avons pris l’habitude de visiter les hôtels : à Bangkok, l’Oriental à la Havane le Nacional…On peut y trouver des renseignements intéressants. Arrêt ensuite à l’ATM (en vietnamien dans le texte). Non loin de là, se trouve le quartier Routard avec ses agences de voyage appelées ici »Cafés », les cybercafés, les épiceries qui vendent tout ce qu’un Européen peut bien désirer en voyage. Nous pourrons nous renseigner pour les excursions en dehors de Hué. 14H, retour à Riverside,
Le ciel s’est chargé de nuages, il fait lourd. Nous faisons une sieste dans la clim. Je retourne vers 5 heures dessiner les maisons flottantes de la rivière des Parfums. Une grosse goutte et une averse me chasse mais je peux encore assiste à un coucher de soleil en technicolor sur la terrasse du 5ème étage.
7H25, un magnifique car rouge prend les deux Hollandais, pas nous, c’est la compagnie du Café Sinh. L’hôtesse de l’hôtel nous confie que nous aurions dû prendre cette dernière et non le Café Hahn. Voyant notre impatience, elle décroche le téléphone pour prévenir Hahn de notre présence.
7H45, 8H, toujours rien !
8H15, un car miteux à l’allure minable s’arrête. A son bord, une majorité d’étudiants avec leurs livres et leurs cahiers, très décontractés et bavards. Nous sommes loin du « car-pour-touristes-qui-fera-des-arrêts-photos » L’ambiance est bon enfant, le trajet court, une centaine de km.
Aux abords de Da Nang nous passons devant la Montagne de Marbre, surtout remarquable par ses marbriers qui sculptent des lions, des bouddhas, des stèles funéraires le long de la route. A l’arrière des ateliers, on devine la montagne entamée par les carrières avec des pains de sucre comme sur des estampes chinoises et des pagodes perchées au loin.
Nous traversons Da Nang sans nous arrêter. Impression fugace d’une ville propre, avec une belle promenade soignée en bord de mer, des constructions modernes, une voirie aux normes.
Le car grimpe dans les montagnes. Nous guettons le « col des Nuages » promis sur le « roman » de Madame Linh. A sa place, un tunnel de 6km fait l’admiration de tous les passagers.
Descente sur Lang lo. 10H45 : déjeuner des chauffeurs et pause d’une bonne demi-heure. Un petit lac tranquille est enchâssé dans les montagnes. Un petit garçon nous aborde, 11 ans, peut être 12, il parle déjà bien anglais.
–« d’où venez vous ?
– de France
– Ah, Zidane ! » L’enfant mime le coup de tête. Décidément notre footballeur termine mal sa carrière
– Thierry Henry, Vieira » continue le gamin, « avez-vous des pièces pour ma collection ? »
Nous avons déjà entendu cette phrase. Façon élégante de mendier ? La dernière collection que nous avons vue ne comprenait que des pièces de 1€ ou 2€, les centimes étant rejetés. Le gamin est intelligent. Il sort une boîte en fer où sont rangées les pièces de toutes les provenances. Il commente ses trésors et nous convainc de chercher dans le porte-monnaie. Un grand le rejoint. Fait il aussi collection ? Il nous vend une carte du Vietnam. Avant de se séparer, on leur offre un paquet de chewing-gum que les grands partagent très gentiment avec les petits, ce qui nous fait plaisir.
Il reste encore 70km jusqu’à Hué où nous arrivons à midi.
Hué
Hué : Hôtel Riverside vue de la terrasse sur la Rivière des Parfums
Nous restons quatre jours à Hué. Nous ne nous précipitons donc pas à la Cité Impériale dès l’arrivée. Le ciel est menaçant. Nous préférons une prise de contact à pied de la ville et des environs de l’hôtel. L’hôtesse de la réception nous assure qu’en un quart d’heure nous serons à la Citadelle. Il nous en faudra trois fois plus. Le harcèlement des cyclos est insupportable. On leur sourit, on décline poliment leur offre. Rien n’y fait ils nous suivent pas à pas.. On finit par les repousser grossièrement. Je n’aime pas refuser abruptement ce que proposent les gens du cru. Au Maroc, en Égypte, au lieu de dire « non! », je renvoyais à plus tard « demain, Inch Allah ! ». Personne n’est dupe. Mais personne n’aura été désagréable. D’ici demain, tant de choses peuvent arriver ! Au Vietnam « later » est une mauvaise réponse. « Later » est déjà le début d’un engagement. Le cyclo revient à la charge sous prétexte que maintenant est déjà devenu « later » depuis quelques minutes. La seule façon de s’en débarrasser est de monter dans un taxi. Le taxi est la ruine de leur profession, plus rapide et moins cher. Nous sommes trop grosses pour les cyclos. Les Vietnamiens montent à deux parfois plus sur un engin.
Nous marchons le long de la Rivière des Parfumsenjambée par un pont métallique à trois arceaux aux éléments rivetés, genre Tour Eiffel.
En face de la Citadelle, sur la rive Droite, tout un alignement de beaux hôtels luxueux avec courts de tennis et bateaux privé. Plus loin, des bâtiments coloniaux dans la verdure. Les quais de la Rivière des Parfums sont aménagés en promenade. Décidément, les vietnamiens sont de grands jardiniers. Jardin orné de sculptures contemporaines. Nous avons vu de tels expositions en Hongrie, peut être favorisées par le communisme ?
La Citadelleest cernée de remparts et de bastions dominant de grands espaces herbus.
Nous ne voulons pas d’une visite à la sauvette de la Cité Interdite. Nous nous contentons d’en faire le tour d’admirer les portes colorées, de deviner ce qui peut être derrière les murailles, les toits et les tours et d’admirer les lotus qui s’épanouissent dans les douves. Faire grandir le désir !
Nous poussons la promenade jusqu’au marché où l’on vend aussi bien des magnétoscopes que des choux débités en lamelles, des sandales et de l’or fin. Difficile de se frayer un chemin.
Riverside
Au coucher du soleil, attablée à la terrasse de notre hôtel VyDa Riverside, le très bien nommé. Cinq tables sous des arbres aux petites feuilles rondes, un embarcadère sur la rivière des Parfums. Le long de l’eau, des palmiers et des plumets, de très grosses feuilles sur des troncs grêles (tecks ?). la terrasse est pavée. Un massif nous cache la façade de l’hôtel blanche à larges balcons. C’est un bel hôtel, très bien situé.
Notre chambre est très grande avec deux larges lits un mobilier sombre, aucune décoration, rien de superflu mais tout le nécessaire.L’ambiance est bizarre: on ne croise jamais personne. Le personnel est empressé mais pas dégourdi. Le grand restaurant avec une grande table rouge, de lourds fauteuils chinois et son coin karaoké arbore encore la décoration de Noël (on est en juillet). N’y a-t-on fêté aucun mariage aucun anniversaire depuis le 25 décembre ?au dîner, nous étions seules ainsi qu’au petit déjeuner. Impression d’hôtel fantôme.
MySon perdue dans la jungle, dévastée par les bombardements américains
My Son – Cité perdue dans la jungle, oubliée pendant cinq siècles – My Son – la belle montagne – a été redécouverte à la fin du 19ème siècle par les Français qui la restaurèrent et ne dégagèrent pas moins de 70 temples.Ces temples qui avaient bravé les siècles et les assauts de la végétation tropicale furent bombardés par les B52 américains. Il ne reste plus grand-chose. Seuls 4 ensembles sont encore debout.
Les Chams
My Son sculpture cham
Lieu de culte très important pour le Royaume Champa pendant plusieurs siècles, il fut abandonné avec l’avance des Vietnamiens vers le sud. Les Chams, venus d’Indonésie occupaient tout le centre de l’actuel Vietnam, les Khmers le sud, le nord, Viet, était sous domination chinoise. A mesure que l’empire vietnamien s’étendait les Chams reculaient vers le sud. Actuellement, les Chams, pour partie islamisés, sont l’une des 54 minorités ethniques, dans le delta du Mékong. A Po Nagar nous avons vu le sanctuaire Chams du 4ème siècle. Les Chams étaient alors Hindouistes.
Le Petit Futé et le guide Évasion présentent la visite de My Son comme une expédition nécessitant un départ aux aurores. Nous nous sommes inscrites pour une excursion. A 8H30, un beau car climatisé vient nous chercher à l’hôtel. Le guide distribue des badges à mettre en sautoir. Ainsi harnachées nous ressemblons aux groupes moutonniers qui descendent des bateaux de croisière. Une transhumance !
La campagne est riante sous le beau soleil, vert vif du riz, plus foncé du manioc, des champs de maïs, des lotus en fleurs roses. Dès que le car quitte la route nationale les villages sont plus champêtres. Les récoltes sèchent sur le bord de la route à même le ciment du bas côté, ici, du maïs, ici, des piments, plus loin des graines que je n’identifie pas. A côté de chaque maison, un tas de brique est jeté là au cas où on aurait le temps ou l’argent d’agrandir la maison. Les meules de paille de riz sont coincées contre les maisons. Nous passons de montagnes plutôt pelées au piemont de la jungle. Les rizières en terrasse forment une jolie mosaïque. De nombreuses parcelles sont nues, de boue séchée. Puis nous entrons dans les collines couvertes de jungle.
My Son : accueil musique et danses
A 10 heures, le car se gare sur un parking. Des jeeps, bien militaires et bien rustiques font des navettes jusqu’au site. Nous sommes accueillies par un groupe de musique traditionnel Cham puis trois jeunes filles exécutent une danse ? Observer surtout les mouvements des pieds et des mains ; délicate chorégraphie ou chaque doigt a sa place.
Les briques des temples ont été soudées selon un procédé secret que les restaurateurs aimeraient bien connaître. Selon le guide, la société des Chams était matriarcale, il suffit de regarder les statues des temples pour en être convaincu :aucune figure masculine si ce n’est le linga. Les stèles sont en sanscrit. Les sculptures sont d’une très grande finesse, figures féminines, éléphants, soit en argile soit en grès.
My Son : bas-reliefs
Le charme de My Son réside surtout dans sa situation perdue au milieu de la jungle, opposition entre la brique orange dont on a perdu le secret et la végétation conquérante. Un cratère de bombe près d’un temple que des Italiens sont en train de restaurer montre que les lianes n’ont pas encore cicatrisé les plaies d’une guerre finie il y a trente ans.
En bateau
Promenade en bateau long à fond plat: ces croisières sont extrêmement reposantes. On se laisse glisser sur l’eau, l’esprit vacant. Le déjeuner est servi à bord : une assiette de riz aux fruits de mer et une banane. Une barque passe, suivie d’une troupe de canards blancs formant un groupe compact. Il semble que le batelier soit le berger des anatidés. A plusieurs reprises, nous assistons à la promenade de ces compagnies de canards en semi-liberté gardés de loin par un homme ou un enfant.
Hoi An sampans
Mes photos
J’ai une certaine appréhension quand je vais chercher mes photos. Je n’ai sûrement pas été assez sélective. Le photographe est en train de les ranger dans des albums. « High quality » répète-t-il. Il est content de son travail et regarde mes photos une à une. Il sélectionne celles qui lui plaisent et préfère invariablement celles figurant un personnage.
A la piscine. Je nage sur le dos des heures durant, fascinée par les lampions.
La pluie
J’attends mon riz frit with seafood depuis un bon moment en écrivant, tranquillement attablée sous l’auvent de tôle du restaurant, quand un crépitement insolite se fait entendre. Je cherche dans la rue le véhicule responsable de ce tintamarre métallique. De grosses gouttes constellent le ciment du trottoir. Brusquement, à la grande joie des enfants, des cataractes tombent devant moi. Les enfants s’approchent de ce rideau liquide. Des éclairs semblent provenir de leur doigt. Oser toucher le ruisseau qui dégouline de chaque creux de la tôle semble provoquer une décharge électrique (physiquement c’est idiot) le hasard fait bien les choses. Les lampions de l’hôtel Thanh Binh, de l’autre côté de la rue se sont éteints d’un seul coup.
Une petite fille a surgi, chapeau vietnamien sur la tête, sous une cape transparente – petite fée – elle brandit d’une main des parapluies, de l’autre une poignée de capes en plastique dans des pochettes. Comment est elle arrivée ici avec tant d’à propos ? Comme personne ne lui achète sa marchandise, elle monte sur le porte-bagages d’un vélo. La voici, la mousson ! La chaussée bombée se partage en deux rivières. Un monsieur sort de Thahn Binh, courageux, il enlève ses chaussures et traverse les cours d’eau pieds nus. Une autre petite fée encapuchonnée survient. Deux cyclopousses attendent devant l’hôtel. Ils ont déplié la belle capote verte, leurs clients seront à l’abri.
Mon riz n’arrive toujours pas. La pluie a distrait l’attention de tous. Les clients de Thanh Binh toujours plongés dans le noir sont aux balcons. Combien de temps l’averse va-t-elle durer ?
Le voyage en car, de Nha Trang à Hoi An 11 heures, de nuit, a été beaucoup moins éprouvant que je le craignais. Harnachée avec tous mes accessoires de globe-trotter : tour de cou gonflable, bouchons d’oreilles, dès 8H30, je somnole déjà. D amoins de chance : une jeune fille a été atteinte de convulsions, vomissements juste à ses pieds. Minuit, arrêt-restaurant, pour les chauffeurs, les passagers se seraient bien passés de 45 minutes de pause. La dame de l’agence de Paris nous avait décrit l’Open Tour comme un voyage touristique avec arrêts photos. Il s’agit plutôt d’un transport local -plutôt plus rapide et confortable que les bus ordinaires – sans aucun égard pour les aspects touristiques. Nous ne sommes que 8 touristes occidentaux pour une cinquantaine de Vietnamiens qui rentrent chez eux sans aucun regard pour le paysage. Pas de strapontins dans le beau pullman. On a installée des sièges bas en plastique comme ceux des gargotes sur les trottoirs. Une dizaine de jeunes vont y passer la nuit.
Le jour se lève à 5heures. Je regarde le paysage défiler : rizières plates avec des petits canaux de drainages. D’étranges grues se révèlent être des sacs en plastique servant d’épouvantails. Des paysans travaillent à la houe et creusent la boue des canaux.
Sur le bord de la route, les villages se succèdent. Seul point commun dans l‘architecture des maisons : le grand auvent qui les précède. Auvent de tôle en forme de demi cylindre pour les plus élaborés, plaques de tôles sur des bouts de bois dépareillés. Les arbres sont mis à contribution, vivants ou morts, avec ou sans branches, avec ou sans feuilles. Parfois, de simples bâches bleues remplacent la tôle. Des pneus lestent le tout. A l’arrière, une maison basse avec encore un auvent, souvent la maison a été surélevée sur plusieurs niveaux. Sous les auvents, on vend, on stocke tout ce qu’on peut imaginer. On vend de l’or à côté des pièces de mobylettes. Juste devant la bijouterie, un tas de courgettes. Ce n’est pas spécialement pittoresque. Mais c’est très vivant. Même la nuit ! les boutiques gardent toutes les lumières allumées tandis que le propriétaire dort dans un hamac au milieu des marchandises ou il est couché sur une natte.
Hoi An : cages et oiseaux
6H30 : Hoi an. Des moto-taxis nous harcèlent à la descente du car. Je ne sais pas où est l’hôtel. Justement, ils en font le démarchage et prétendent qu’il faut marcher un kilomètre. D ne veut toujours pas monter à moto. De guerre lasse, je leur confie les valises tout en gardant les sacs à dos. Équipage comique qui fait s’esclaffer tout le monde. Les valises roulent à moto tandis que les touristes chargées comme des baudets vont à pied. L’hôtel était au coin de la rue. Cette plaisanterie nous coûte 2$ !
hôtel Vinh Hung2
L’hôtel est une ravissante maison chinoise avec des boiseries aux motifs compliqués. Il est bâti sur trois niveaux autour d’une belle piscine. Toutes les chambres donnent sur les balcons qui surplombent la piscine. Plantes en pot, fontaines avec montagne artificielle à chaque coin du patio. Des chaises longues des parasols blancs. Quand je nage sur le dos je peux voir les dix lampions rouges suspendus à des filins tendus au deuxième étage. Chaque balcon est décoré d’une lampe aux motifs chinois encadrée de deux lampions enrubannés de rouge.
La chambre est petite mais bien équipée, son balcon donne sur la rue. Les moustiquaires sont enroulées et nouées artistiquement. Toujours aussi inutiles.
Hoi An
une rue d’Hoi An
Comment décrire Hoi An ? Cette jolie petite ville inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité, vit du tourisme.
Textiles et Couture
Dès les premiers pas hors de l’hôtel, les magasins de vêtements occupent les trottoirs. Toutes les sortes de vêtements possibles ; des robes de soie bien présentés sur des mannequins, des habits traditionnels vietnamiens, des costumes d’homme classiques, des pendillocheries mode, pantalons baggy, T-shirts rouge à l’étoile jaune… Sans parler des habits d’hiver, duffle-coat, jolie veste asymétrique en lainage. Pour tous les goûts et toutes les saisons. On essaie, on retouche. Quand j’entre dans une boutique je suis fascinée par les piles de tissus colorés, moire et soie. Richesse des couleurs et ds matières. J’ai dû me gendarmer pour ne pas acheter une robe toute simple noire et blanche à grandes fleurs imprimées. La vendeuse me dit que pour ce prix elle peut aussi me la faire sur mesure.
Harcèlement des cyclos !
La ville est petite et peut se parcourir à pied. Nul besoin d’un véhicule ! Les cyclos entament la conversation avec bonne humeur et me renseignent sans façon. Ils se sentent ensuite autorisés à coller à mes pas. Il faut être brutale pour les chasser
HBHOi An : dragon dans la cour d’un temple
Croyant nous débarrasser des importuns, nous passons sous le portique d’un temple. Nous trouvons le plus kitsch des dragons avec sa gueule de pastel rose, son corps turquoise et ses yeux montés sur des ressorts métalliques. On admire les bonsaïs, les poissons qui nagent dans les bassins. Et les cyclos sont toujours là à nous attendre !
maisons anciennes
Une fois admises ces conséquences désagréables du tourisme, on peut flâner dans les petites rues tranquilles et découvrir des merveilles. Maisons anciennes aux noirs piliers de bois de fer, les toits de tuiles caractéristiques, les panneaux incrustés de nacre, les lourds meubles chinois. Tout est magnifique.
HOi An maison des brodeuses
Le ticket d’entrée dans la vieille ville porte cinq talons détachables qui donnent accès également à des maisons privées. Nous entrons au hasard et sommes reçues comme des invitées. Ngnan, en Ao Dai traditionnel blanc, nous fait asseoir dans .le salon, puis nous montre le travail des brodeuses. Deux jeunes filles brodent le même motif d’orchidée, l’une tire le fil vert l’autre le jaune .A l’étage, nous découvrons la charpente antique, la trappe qui permet de monter les marchandises en cas d’inondation. Il est fréquent que l’eau monte jusqu’à 50 cm au rez de chaussée. Ngnan nous montre les trois Génies du Commerce, l’autel des ancêtres. Les meubles d’apparat sont incrustés de nacre ainsi que les piliers. A nouveau, on s’assoit pour déguster le thé au lotus délicieux dans des bols minuscules, calmant paraît-il. Bien sûr, nous sommes poussées à acheter des souvenirs. L’accueil est si charmant qu’on se prête volontiers aux achats. Nous choisissons deux mouchoirs brodés (les mouchoirs ici sont toujours utiles !) et une petite trousse moirée qui passe du doré au mauve quand on la tourne.
Dans la rue, nous sommes sollicitées par une vendeuse de Baume du Tigre . Pour 2€ on a un petit flacon et 4 capsule de produit pour massage. Dominique s’achète le chapeau de paille à franges qui lui faisait envie depuis longtemps. Les femmes portent toujours la coiffure conique en latanier les hommes lui préfèrent cette coiffure qui leur donne un air d’Indien d’Amérique centrale. Le Sombrero, c’est pour la visite de demain à My Son.
HOi An pont japonais
Le pont japonais a une courbure élégante. Comme c’est un pont couvert, on ne s’en rend pas compte tout de suite. Il enjambe un petit ruisseau presque à sec (ici, la saison des pluies est à l’automne et ce n’est pas moi qui m’en plaindrai !)
On nous invite à visiter d’autres maisons :
« Ici c’est gratuit, vous achèterez bien un souvenir à la sortie ! »
Ici, le souvenir, c’est le filtre à café. En dehors de son air désuet, il ne nous serait d’aucune utilité, j’aime l’espresso !
Hoi An rue
Les pagodes ne nous surprennent plus après les visites à Saigon. Passée la surprise de la découverte, vient l’observation fine. C’est maintenant que nous observons les détails charmants : les poissons miniatures dans le bassin où la « montagne » est recouverte d’une véritable « forêt » de plantes grasses dressées. Les pagodes sont dans les maisons communautaires des guildes des marchands. Nous visitons la cantonaise. Des grandes tables sont ( ?) destinées à de grands repas (A Bangkok nous avions assisté à de tels repas, mais le bouddhisme est très différent). Ici, pas de ferveur mystique. Des écriteaux exigent une tenue décente (pas de shorts ni de débraillé) mais on fume presque partout. Deux gongs résonnent, le plus aigu deux fois, le plus profond lui répond. Je suis surprise de découvrir les musiciens : un garçon d’une dizaine d’année, rigolard.
Le marché est approvisionné par bateau. Malgré l’heure avancée, on décharge encore des plateaux de vannerie des poissons luisants très frais. La mer et tout proche. Hoi an fut un port marchand très important jusqu’au 18ème siècle avant que l’estuaire de la rivière ne s’ensable.
Le destin de Hoi An me fait penser à celui de Trinidad (Cuba). Villes marchandes très prospères dont le port a perdu son activité. La prospérité de Hoi An provenait du commerce de la Soie et des échanges avec la Chine, le Japon mais aussi l’Indonésie et le Portugal et le reste de l’Europe. La ville marchande était cosmopolite avec ses quartiers chinois et japonais, ses maisons communautaires, ses boutiques.
Les Américains, en installant leur base à Da-Nang lui évitèrent les ravages de la guerre. Le classement au Patrimoine Mondial de l’Humanité lui a apporté la manne du tourisme.
Le marché est à peu près indemne des marchands de souvenirs et de fripes. C’est un marché alimentaire traditionnel avec une infinité de légumes, d’herbes, de poissons. Les engins à moteur se fraient un chemin entre les étals, concurrencés par les bicyclettes et les piétons.
Nous sommes toujours impatientes de voir les photos développées. Nous confions un rouleau au premier photographe venu à la sortie du marché. Très mauvaise affaire ! Sur le récépissé écrit en vietnamien, ne figure pas l’adresse (ce que nous ignorons). Ce sera toute une expédition pour récupérer les photos. On nous envoie à l’opposé de la ville chez un homonyme qui a fermé boutique, remplacé par une boutique de robes de mariage. Il ne reste plus que de refaire pas à pas l’itinéraire du retour (qui n’était pas le plus direct). Heureusement que HoiAn est une petite ville !
La piscine de l’hôtel Vinh Hung2 est très jolie. Nous y terminons l’après midi Je nage sur le dos en me guidant au filin portant cinq lampions rouges. Généralement sur le dos, je dérive mais pas ce soir. Le ciel prend une teinte bleu profond, les lampions s’allument. C’est une atmosphère magique. La fatigue du voyage est effacée. Il fait presque trop frais. Nous laissons la nuit s’installer.
Juste devant l’hôtel, la boutique d’un photographe et une agence de voyage avec un cybercafé d’où l’on peut téléphoner beaucoup moins cher qu’à la Poste. Le photographe jeune, avenant se débrouille bien avec son ordinateur. Il me copie la carte mémoire sur un CDROM en un clin d’œil. Pour les tirages, ce sera beaucoup plus long. De son discours, supposé être de l’anglais, je saisis « good bibel » « highquality ». High qualité, je comprends, c’est moi qui ai choisi cette option. Mais que vient faire la bible Là- dedans ? Il y a confusion entre les M et les N et même les R mais je ne savais pas que P et B sonnaient pareil. La Bible, c’est simplement le papier. Il en utilisera un bon ! Je demande un devis – retour à l’ordinateur : menu Accessoires/ Calculatrice. 3000VNDX427., On arrive à la coquette somme de 1 200 000VND convertie en €, c’est très avantageux. Mais les millions intimident. Le photographe encore plus que moi. Il veut une caution. Je fais celle qui ne comprend pas. Retour à l’ordinateur: logiciel de traduction automatique. Il tape un mot-clé. Sur l’écran s’inscrivent toute une série de phrases concernant la réservation d’une chambre d’hôtel, celle d’une voiture. Je ne peux plus faire l’andouille. Je lui laisse 500 000VND.Il me serre les deux mains dans les siennes, courbettes, bonne nuit ! A peine suis-je remontée dans la chambre que le téléphone sonne. Le photographe est à la Réception avec le CD.
Yersin fait partie de mon panthéon personnel. Le musée Yersin est installé dans un pavillon de l’Institut Pasteur de Nha Trang. Nous y sommes accueillies en Français. L’exposition comporte surtout des lettres de Yersin à sa mère, ses diplômes, des articles de journaux mais aussi des photos des Pasteuriens : Calmette et Koch. Tous les livres de Yersin sont rangés dans sa bibliothèque, livres de médecine mais aussi de physique, littérature et romans policiers.
Yersin fut vraiment un esprit original. Né en Suisse, il étudia la médecine à Genève mais rejoignit l’Institut Pasteur comme collaborateur de Calmette. Il devint ensuite médecin de marine puis carrément aventurier et explorateur. Quand il arriva à Nha Trang, la route de Saigon n’existait pas. Il partit cartographier la jungle avec des cotonnades et bimbeloterie, des armes et des instruments de mesure. Il échangeait cotonnades contre de la nourriture.
Sa découverte majeure, le bacille de la peste, est bien expliquée. Je ne savais pas que les puces porteuses de peste souffraient d’occlusion intestinale qui les rendait plus agressives.
Les intérêts de Yersin étaient variés : agronomie avec la station de Dalat. Il fallait élever des bovins et des chevaux pour produire du sérum. Il ne se contenta pas d’élevage, il introduisit l’hévéa, cultiva la plante à quinquina. Il s’intéressait aussi à la physique, à l’aviation et à l’automobile.
Cette visite est très émouvante.
En barque sur la rivière Cai
Nha Trang sur la rivière Cai
Dans l’estuaire de la rivière Cai, les bateaux de pêche bleus, les maisons sur pilotis et des îlots de granite sont très pittoresques. Sur un petit canal, sont construites des maisons de bric et de broc, contreplaqué et grillages, mais aussi briques et parfois un beau portail peint et un petit jardin avec des fleurs et des bonsaïs. Habitat très misérable où l’on fait des efforts pour améliorer le quotidien. Dignité, de ceux qui ont si peu ! Un filin a été tendu à travers le canal : deux pontons de bambou, au milieu un bateau-panier pour faire la navette.
Pêcheurs sur la rivière Cai
Des pêcheurs débarquent du poisson. Pour la photo, une femme déploie un poisson volant. Elle demande 10 000 dongs. Les autres aussi. Une autre femme nous hèle. Je l’avais remarquée pédalant pour faire avancer son sampan. Au lieu de ramer avec les bras, elle pousse les rames de ses pieds nus. Elle propose de nous emmener faire un tour pour 50 000 dongs. Promenade tranquille entre les gros bateaux de pêche peints en bleu et portant toutes sortes de décoration .Ici, les yeux de la proue sont allongés. Noire, la pupille, le tour, blanc, l’ovale souligné de jaune. Sur la cabine, un quadrillage blanc imite la porte et les fenêtres. Les bateaux à cabine plate portent un décor géométrique de couleurs variées, pavage ou damier avec des rectangles et des losanges. Les sampans ne sont pas bleus comme les bateaux à cabine. L’intérieur est souvent rouge ou jaune, l’extérieur n’est pas peint, on ne peint que les 50 cm qui sortent de l’eau. En revanche, ce sont eux qui arborent les plus beaux yeux. Enfin, les bateaux-paniers ronds en vannerie sont recouverts de vernis transparent ou peints en bleu. Le décor est complété par les hampes des drapeaux le plus souvent rouges qui servent de repères pour les filets. Sans parler des casiers, filets, séchoirs à poisson sur le haut de la cabine !
Bonne nouvelle : Pour un supplément de 4$, nous pourrons garder notre belle chambre jusqu’au soir. Inutile de boucler les valises à l’avance. Nous pourrons nous doucher et nous changer après la plage. En dehors de quatre ou cinq enfants, la plage est déserte. Nous retrouvons « notre coin » sous l’arbre.
Déjeuner au restaurant de plage : deux rouleaux aux crevettes et des légumes sautés à l’ail. (10 000VND) Le décor n’est pas aussi sophistiqué qu’au restaurant du haut, mais les légumes plus savoureux.
Très agréable après midi au calme, juste troublé par l’arrivée d’un couple de français très sympathiques. Je me baigne longuement en compagnie de la femme. Ils voyagent à l’aventure avec seulement un petit sac chacun. Ils atteindront Shanghai.
La masseuse travaille également au restaurant et balaie la plage. Dominique lui achète son huile de massage. Elle demande un parfum. Je remonte pour lui chercher des échantillons. Ravie, elle nous embrasse.
5H45, je commence un dessin par la fenêtre de la salle de bain et ,’observe les bateaux multicolores qui emportent les passagers vers les îles.
le charme désuet du passé
Je descends ensuite vers la plage. La chaise d’arbitre en ferronnerie délicate, ornée de volutes, encore en très bon état, est debout dans les lianes, près du court délavé. Les lignes blanches subsistent sur le ciment. Depuis longtemps, aucun filet n’a été monté. India Song, encore, la bicyclette rouge posée contre le grillage…Cette chaise d’arbitre ravive une certaine mélancolie qui émane des lieux. Le charme désuet des endroits déclassés. Du temps de leur splendeur, ces villas devaient rayonner dans leur écrin de verdure soignée. Une armée de jardiniers devaient ratisser, tailler au cordeau les topiaires, arroser les fleurs. Maintenant, les jardins envahis de buissons informes et de lianes ont soif. Contrairement à Saigon, il ne pleut pas ici. La plage privée devait impeccablement balayée. Des yachts à la place des navires marchands. Une société choisie se pressait sous la paillote des cocotiers. Les fêtes devaient avoir un lustre qu’on ne peut pas comparer au « Jacques-a-dit » et au karaoké. C’est justement ce parfum de « has been » qui a du charme. Sont passées des révolutions, des années de communisme. D’ailleurs, les personnages de l’entourage de Bao Dai n’étaient pas franchement ceux que j’aurais aimé rencontrer.
sanctuaire de Po Nagar
sanctuaire de Po Nagar
Après le petit déjeuner, excursion au sanctuaire de Po Nagar.
Les « vieilles pagodes » de Saigon dataient du 18ème siècle si ce n’est pas du 19ème, nous allons voir un site datant du 7ème au 12ème. J’imaginais donc une sorte de site archéologique. D’autant plus que l’ancien royaume Champa n’existe plus depuis le 18ème. Je n’imaginais pas que des fidèles puissent se presser dans cet ancien sanctuaire hindouiste pour honorer l’ancienne déesse.
autel et offrandes
Il y a foule quand nous montons les marches qui mènent aux temples. Des colonnes octogonales précèdent l’esplanade des temples sur un plateau. La montée est ombragée par de grands arbres. Les trois pyramides ressemblent aux stupas de Thaïlande. L’une d’elle est très haute, très décorée, la voisine plus abîmée par l’érosion, la troisième beaucoup plus petite. Sur une table en des offrandes sont prêtes des petites pyramides de,: fruits, anones vert pâle, fruits du dragon rose vif Devant chaque temple, un chaudron pour piquer les baguettes d’encens. Nous ne sommes pas dans un site archéologique mais dans un lieu de culte bien vivant. Ici, on honore l’aspect masculin de Shiva au nord, l’aspect féminin au sud, son épouse Bhâgavata, la déesse mère, Po Nagar.
apsara?
Tout d’abord, nous sommes désorientées. Nous cherchons les points cardinaux, pour repérer les éléments cités dans nos guides. Progressivement, dans les pyramides de brique, nous découvrons des têtes de grès, des animaux, des bas reliefs de plus grande taille dans les briques : un grand éléphant, la gueule d’un lion deviennent visibles.
Des familles endimanchées se pressent devant les stèles, déposent leurs baguettes d’encens. Nous réalisons que nous sommes les seules en short. Des photographes professionnels officient. On vient les chercher. Ils organisent les groupes, les alignent, faisant poser les pieds une position bien précise. Ils promènent le groupe dans différents endroits du site.
Après une bonne heure de visite, je me pose pour dessiner. Dessiner est la meilleure façon d’analyser l’architecture. Je saisis alors comment la symétrie s’organise autour des fleurs de lotus superposées, je distingue les pyramides inversées. Puis les animaux et les têtes de grès prennent place.
La rivière Cai
fruits du dragon
Deux ponts enjambent l’estuaire de la rivière Cai .Nombreux bateaux de pêche sont à l’ancre. Une très jolie petite île porte juste une pagode au toit incurvé encastrée entre de gros blocs de granite, sous deux arbres, un cocotier et un feuillu en forme de parapluie.
Pour aller au promontoire Hon Chong nous traversons un petit marché. Une femme cuit des galettes de riz dans des mini-crèpières sur les braises. Elle les fourre avec toutes sortes de bonnes choses : vermicelle, crevettes, herbes, piment. Nous y aurions bien goûté !je me contente de les photographier. Une femme me pousse son fils devant l’objectif. Je le prends en très gros plan, le télé était au maximum. Je lui montre le résultat sur le petit écran. Elle est ravie. Je me félicite de mon nouvel appareil numérique. Cela crée des rapports totalement différents s avec des inconnus. Le petit appareil tout plat est perçu comme moins agressif que le zoom qui évoque une arme. Les gens découvrent leur image, ils pensent exercer un contrôle, tout simplement ce miroir d’un autre type leur plaît.
Bateaux-paniers sur la plage
Il fait très chaud, pas un nuage, pas d’ombre. Nous arrivons à la plage. Un homme, debout dans l’eau jusqu’aux épaules, bat la surface de l’eau avec un gourdin : il pêche. Un autre calfate son bateau-panier tressé. A la hauteur d’une toute petite île à quelques dizaines de mètre du rivage, une femme nous propose d’aller sur l’île. Elle fixe le prix du passage à 30 000 dongs. C’est très cher mais nous acceptions. Un groupe de gamins nous escorte. Le bac est une barque assez haute, le débarcadère un pneu dans les rochers. J’irai seule visiter la pagode de l’île minuscule. Je suis accueillie par Quan Am et un dragon de Disney. Quatre parasols métalliques sont posés là, un peu plus loin, un auvent abrite un gong. C’est tout ! En trois minutes, j’en ai fait le tour !
Quan Am et le dragon
Le promontoire de Hon Chong est une petite pointe granitique avec un joli chaos, et une petite plage. Des vendeuses ont colonisé le moindre endroit à l’ombre. Dominique trouve quand même un petit acacia pendant que je nage dans l’eau transparente. Une baignade à inscrire dans les annales !
une baignade mémorable!
Déjeuner léger : rouleau de crevettes et assiette de fruits pour moi, cocktail de crevette (bien décevant) et légumes sautés pour Dominique.
Des clameurs viennent de la plage. C’est dimanche et plusieurs cars ont déversé leur cargaison. Nous attendons le milieu de l’après midi pour retrouver nos chaises longues sous notre arbre à la plage. La masseuse nous reconnaît et fait unmassage plus énergique que celui d’hier.
Un escalier part du minuscule débarcadère pour les îles. Il conduit à la grande villa entre deux rangées de flamboyants défeuillés qui ont soif. Je commence à mieux saisir l’ordonnancement des plantations masqué sous le fouillis de broussaille. Les arbres n’ont pas été plantés au hasard.
Nous dînons : porc au caramel, rouleau de crevette et riz devant la télévision. Le Liban, quelle désolation !
Au lever du soleil, la lumière est splendide, je découvre avec émerveillement les villa au sommet d’une étroite presque île. On voit la mer de partout. Dans la végétation luxuriante, les grosses villas (années 40 ou 50 ?) peintes en crème, volets vert foncé et bleu canard. Grand sobriété des lignes, des arrondis, quelques moulures sobres. Charmantes, un peu désuètes. Les frangipaniers sont en fleurs, les bougainvilliers tranchent sur les murs clairs. Les perrons ont un ciment rose qui figure un tapis.
Dans un creux, une petite crique avec des palmiers. Je m’installe sur le perron pour écrire.
La femme de ménage balaie les restes de la fête. Elle se plante devant moi et me demande mon métier.
-« Professeur », je lui réponds
– « je l’aurais deviné à voir écrire ». Elle a très envie de bavarder. Elle me raconte sa vie, son mari a divorcé après 15 ans de vie commune, son fils à l’armée…Depuis 22 ans travaille à la villa, elle s’y sent mieux ici que seule à la maison. Elle apprend l’anglais et veut le pratiquer.
la plage des villas Bao Dai
Au petit déjeuner, la dame d’hier soir nous offre du jus d’orange et se précipite pour nous apporter de la confiture de fraise et du beurre : un petit déjeuner français ! Sur la table des étudiants danois, des céréales et des yaourts. Les clients asiatiques se servent en phô, riz ou nouilles. Je les imite. La soupe, le matin, me va très bien ainsi que les fruits frais. La salle de restaurant, à l’étage, est vitrée sur deux côtés, la vue sur la mer et les îles est merveilleuse.
Une dame assez âgée m’accueille à la Réception et se répand en excuses :
– « Nous ne nous rendions pas compte que vous étiez fatiguées ! ».
Je lui réponds que c’est plutôt à moi de m’excuser :
– »ce n’est pas parce qu’on est fatigué qu’on a le droit d’être désagréable… »
Après cet échange d’excuses réciproques, la dame me propose une chambre avec vue, avec supplément bien entendu (20$). Je décline son offre. Le parc est merveilleux, l’endroit est si agréable que nous nous contenterons de la chambre sans fenêtre. La dame insiste
– « Visitez quand même la chambre ! ».
Elle m’accompagne et ouvre la plus belle chambre avec vue : une chambre de princesse, ou de star de cinéma, ou des personnages d’India Song. Je suis éblouie. 40$ en supplément, c’est une somme ici ! A peine de retour à la chambre, le téléphone sonne. Pour nous, spécialement, en offre exceptionnelle, 15$ la nuit. Pour une chambre de reine ! Nous déménageons !
Nous écartons les grands rideaux au drapé élégant qui ondule dans le courant d’air du ventilateur à grandes pales. La pièce est blanche, très haute de plafond – au moins 5 m- trois arcades avec deux colonnes séparent la chambre à coucher d’un petit salon où deux grands fauteuils de bois sombre se font vis-à-vis, séparés par une table basse. Au fond, une coiffeuse en trois parties, surmontée d’une grande glace rectangulaire à cadre de bois. Deux grands lits de 140 posés sur un coffre de bois. La tête de lit, une boiserie très sobre, court tout le long des deux lits. En face, un bureau et une armoire modern-style. Les moustiquaires, enfermées dans des coffres au dessus de chaque lit, sont maintenant obsolètes avec la climatisation. Seul le frigo moderne dépare dans le mobilier d’époque. La salle de bain est immense avec deux fenêtres. De la baignoire, on prend des photos, au premier plan, bougainvilliers roses, plus loin, un flamboyant en fleurs, à l’horizon, sur la mer turquoise des voiliers, se balancent. Nous sommes ravies !
Sur la plage, nous choisissons un parasol, un lit de bois et un transat. Nous serons pratiquement seules toute la matinée. Des gens arrivent, se prennent mutuellement en photo et repartent. D’autres s’installent au restaurant sous la paillote. Très peu se hasardent dans l’eau. Elle ne mérite sûrement pas le pavillon bleu. Des sacs plastiques venant des bateaux sont échoués sur la plage et flottent près du bord. Quand on a franchi les dix premiers mètres l’eau devient claire et transparente. Un club de plongée a limité un grand rectangle avec des filets qui ne laissent pas passer les détritus. Je m’y baigne sans scrupule. Nous passons donc une très agréable matinée de farniente sous un arbre à larges feuilles. Une masseuse se présente. D a mal au tendon d’Achille depuis des semaines. Elle accepte volontiers le massage des pieds. L’huile de massage contribue-t-elle au soin ? Pendant les 24 heures qui suivront elle aura oublié la douleur.
Un taxi nous conduit au premier guichet automatique (ATM) pour de l’argent frais. Situé dans un hôtel, sur la Croisette, nous y faisons une promenade sous les cocotiers ombrageant des pelouses très vertes. La plage est magnifique et presque vide. Dommage que je n’ai pas mon maillot de bain.
Pour faire quelques courses, nous prenons une rue perpendiculaire. C’est l’occasion de rencontres fortuites avec des vietnamiens francophones. Le premier, travaillant dans une agence touristique, nous fait ouvrir la boutique du voisin. Le second, un cyclo assez âgé commence la conversation en pédalant. Il nous suit alors que nous nous rendons à la Poste de l’autre côté du pâté de maisons .Il dit qu’ »il parle français parce que sa famille n’est pas communiste »( ?) De vieilles vietnamiennes l’arrêtent et montent. Le cyclo poursuit tranquillement la conversation avec nous. Il nous promet de nous promener quand il aura fini sa course.
Peu à peu, les gens arrivent à vélo. La plage et la Croisette se remplissent. J’rai envie de dessiner la palanche d’une vendeuse. Dans un panier, toutes sortes d’ustensiles, suspendues au balancier de bois, des seiches aplaties translucides et rosées, les tentacules tordues comme des vermicelles. La dame pousse son installation pour que je dessine à mon aise.
Vendeuse sur la plage de Nha Trang
Depuis que nous sommes au Vietnam, plus que le paysage, plus que les monuments, ce sont les gens que j’ai envie de dessiner. A HCMV, le flot des motos me fascinait. J’avais envie de croquer les motos au feu rouge avec leurs passagers, la famille complète en brochette sur une seule moto, les femmes masquées, enfoulardées, celui qui transporte un bonsaï de bonne taille sur le porte-bagages. Celui qui croule sous une masse de paquets empilés à l’arrière de la moto Difficile de dessiner les cyclo-pousses du balcon de Liberty3. L’un d’eux semble dormir sur son engin mais il décampe avant que j’aie dessiné la deuxième roue.
Pourquoi rester plus longtemps sur la Croisette, maintenant bondée ? UN taxi blanc nous ramène à l’hôtel. Ces taxis ont tous des compteurs. C’est bien reposant de ne pas négocier à l’avance le prix de la course.
La soirée est douce, la lumière, jolie, nous explorons le parc et les autres villas. La plus belle est celle qui coiffe la colline avec sa tourelle et ses balustres bordant la terrasse. Vers 17H45, cela vole drôlement autour de nous. Alerte ! Les moustiques ! Nous n’en avons pas vu l’ombre d’un à Saigon et à Canthô. Ici, à l’écart de la ville il faut se méfier. D’autant plus que nous ne prenons aucun anti-paludéen. Retour à la chambre. A regrets, je revêts les pantalons imprégnés et une chemise à manches longues. Je me tartine à la lotion qui sent le coco et me vaporise. Cela semble suffire. Nous reprenons la promenade sans être importunées.
Pour dîner, nous avons commandé des crevettes aux choux, des calamars grillés et du riz cantonais. Service en chambre dans notre suite de star ! Les plats sont ravissants décorés avec des légumes découpés, une fleur de frangipanier dans un radis, au cœur un morceau de tomate, les concombres sont coupés en cinq, les lamelles impaires tendues, les paires enroulées (doigté du piano ).
Encore, ce soir, l’actualité s’impose avec insistance. L’opération israélienne est une véritable guerre. Nous sommes scotchées à la télévision. TV5 d’abord, CNN après. Je commence à comprendre ce qui se passe et cela m’attriste d’autant plus ; pour les Libanais qui subissent impuissants et sont les victimes d’un conflit qui ne les concerne pas. Pour Israël aussi qui reçoit des missiles et qui vit sous la menace des armes iraniennes. Toutes les gesticulations du Président iranien ont abouti à cela. Comme si la situation avec le Hamas ne suffisait pas, il fallait ouvrir un front au nord contre le Hezbollah !