« Yussuf Nassi, je vous concède le gouvernement de Naxos ainsi que les îles de Paros, d’Antiparos de Milo, de Santorin et autres îles de l’Archipel, peuplées ou inhabitées…. »
Le 19 octobre 1566, le sultan Sélim anoblit le juif Joseph Nassi, né au Portugal Joào Miguez, Juan Miguez pour les Espagnols, commerçant de la Maison Mendez, Grand Argentier du Roi de France sous le nom de J Miques,….baptisé catholique au Portugal, marrane exilé aux Pays Bas, revenu au judaïsme à Istanbul, ayant entrepris la reconstruction de Tibériade…..
Le Duc de Naxos –ne m’était pasinconnu. Catherine Clément, dans la Senora raconte l’épopée de la famille Mendez, l’exil des Marranes, du Portugal, à Anvers puis à Venise et Ferrare, Istanbul et même en Palestine. Elle tisse aussi les relations entre les riches marchands et banquiers de la famille Mendez, négociants d’épices, banquiers des rois. Joseph Nassi est le neveu de Dona Gracia – la Senora – qui a permis d’aider les marranes exilés à rejoindre l’empire ottoman, à transférer leurs biens et capitaux chaque fois que cela était possible.
J’ai lu deux fois la Senora la dernière foisen revenant de Ferrare …toujours avec autant de plaisir.
Catherine Clément a mis le projecteur sur Dona Gracia, tout en racontant la vie de Joseph Nassi.
Georges Nizan a choisi Joseph Nassi et s’est plus attaché aux relations diplomatiques et politiques, aux intrigues politiques et politiciennes. Il conte par le détail les complots à la cour de Sélim, le sultan, rivalités entre le Grand Vizir Sokolu et les Pachas, et amiraux. Il s’est aussi attaché à mettre en lumière les relations très troubles entre la Porte et les Rois de France; un peu trop en détail, à mon goût, je me suis perdue dans les différents ambassadeurs et émissaires francs. Il a aussi analysé les rapports de force, les alliances et les retournements d’alliance entre l’Espagne et Venise et comment la conquête de Chypre par les Ottomans, à laquelle Joseph Nassi a travaillé, a abouti à la catastrophe pour les Turcs que fut Lépante.
Naxos et la citadelle vénitienne
De retour de Naxos, j’ai cherché dans cet ouvrage comment ce duc de Naxos avait gouverné son Dûché. Il en est assez peu question. Joseph Nassi a déposé le Duc de Naxos Jeacques Crispo dont le gouvernement était précaire sur une population locale grecque orthodoxe mécontente et hostile aux latins; Puis il a délégué son pouvoir et l’affermage des impôts à son homme de confiance Francisco Coronello. Le Dûché de Naxos était plus un titre honorifique qu’un réel pouvoir politique.
Je me suis un peu égarée dans les méandres des intrigues des puissances méditerranéennes. J’aurais préféré que l’auteur resserre un peu son propos, surtout à propos du recouvrement de la dette du roi de France qui est un détail mineur. Je me suis un peu ennuyée vers la fin.
Le Kerf est une ville d’environ 50.000habitants, qui s’étage entre 700 et 800m d’altitude, adossée au Jebel Dyr. C’est une ancienne ville romaine, Sicca Veneria appelée ainsi à cause du temple de Venus ou Astarté. Fondée par les Libyens, elle fut contrôlée par Carthage et pendant la 1ère guerre punique elle accueillit en les mercenaires numides qui avaient réintégré le royaume de Massinissa. Elle fut annexée en 46 av. JC par Jules César.
Nous avons négligé l’histoire antique du Kef. Je me suis contentée de voir d’en haut de la citadelle les Thermes Romains au milieu des constructions modernes. Dans notre programme, il y avait bien écrit « temple des eaux » mais nous n’avons pas fait le rapprochement.
Le Kef : Kasbah place d’armes
Devant la Casbah il est facile de garer la voiture. A notre arrivée, le gardien se présente puis m’emboite le pas, on passe devant le Petit fort(1601), une rampe est bordée de canons turcs certains 17ème siècle d’autres 19ème. La poterne du Grand Fort construit par Mohamed Bey(1679) s’ouvre par une belle arche qui débouche sur la Place d’armes – vaste quadrilatère légèrement incliné où s’ouvrent les casernements des soldats, et une poudrière. Le Bey occupait la tour carrée aux belles fenêtres de bois. Le gardien m’entraine sur le chemin de ronde crénelé, percé d’ouvertures pour els tireurs ; certaines meurtrières ont une double orientation. D’une terrasse on découvre la Table de Jugurtha (rocher tabulaire qui vient juste cette année d’avoir l’honneur d’être inscrit au Patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO.
Vue des remparts du Kef : mausolée Sidi Bou Makhlouf
De là on voit les Thermes Romains, la Mosquée Bou Makhlouf, et ses trois jolies coupoles, l’une d’elles est cannelée, son minaret octogonal avec une bande de zelliges. A côté : le cloitre de la Basilique Byzantine On peut aussi suivre le mur d’enceinte de la ville : autrefois, Le Kef était une ville close, les quartiers modernes ont débordé du périmètre de la ville ancienne et les murs n’existent plus vers le bas. Un beau parc surmonte le Parc Présidentiel de Bourguiba. En descendant, le gardien me montre la prison où Bourguiba fut incarcéré en 1948.
Le Kef : basilique vue des remparts
Comme je n’ai pas de monnaie, je laisse 10 Dt au gardien qui proteste qu’il n’est pas guide professionnel mais seulement gardien. C’est un excellent investissement parce qu’il va faciliter toutes les visites suivantes. Il hèle le gardien de la Basilique qui me fait entrer. Le narthex est soutenu par 6 colonnes rondes monolithes de granite coiffées d’un beau chapiteau corinthien. Les colonnes situées aux extrémités sont doubles. Les arcades sont soutenues par quatre piliers carrés et deux colonnes ovales, leurs chapiteaux sont plus grossiers (feuilles d’acanthe pas terminées, formant des lobes ou des pétales lisses). Quelques stèles historiées, des inscriptions latines se trouvent dans le cloître ; Il y a une collection lapidaire dans un jardin bordant la basilique. DE l’autre côté des « bains ». Le Guide Bleu parle de « basilique à auges » (les bains peut être ?) .
Le Kef : sidi bou makhlouf
Le gardien de la Casbah téléphone ensuite pour qu’on ouvre la Mosquée Bou Makhlouf . Devant la mosquée on a installé un café avec des tables basses, des cannisses. On pourrait aussi fumer le narghilé. Il est trop tôt. Pas de consommateurs, c’est trop tôt, les employés on mis très fort la radio avec de la musique profane. La « mosquée » est une zaouia, siège d’une confrérie soufie. Ce n’est plus une mosquée, on n’y fait plus la prière – trop exigu – selon son gardien qui me laisse photographier à mon aise les stucs et carreaux du 17ème siècle. Au détour d’un passage, sous une arche, dans la ruelle, un beau graff tout neuf daté 2017, deux hommes en turban et tenue traditionnelle, un grand et un petit jouent au basket, l’un d’eux a des lunettes d’aveugle et une canne. L’auteur possède une maison sous la casbah, émule du facteur Cheval, il a rassemblé des matériaux hétéroclites et a construit un jardin naïf avec des personnages et objets variés.
street art
Le Musée des Arts et Traditions populaires est installé un peu plus bas dans la Zaouia Rahmania Sidi Ali ben Aïssa construite en 1784 et servant de siège à la Fraternité des Rahmania. La visite est guidée et mon guide très intéressant. Visite double, le guide explique les structures, bâtiments puis commente les objets présentés.
Dans le Mausolée est enterré un saint. D’autres religieux y reposaient mais il ne reste que leurs noms sur une plaque de marbre.
L’exposition est consacrée aux parures féminines et au mariage. Les robes de mariées occupent deux vitrines. Celle du premier jour est à moitié verte, à moitié rouge, le vert pour le Paradis, le rouge pour le divorce. Sur une chaînes deux bijoux symboliques la main de Fatma pour la fille, le disque pour le garçon, les deux enfants que la mariée espère ; Dans l’autre vitrine, la robe du 7ème jour. La fête durait autrefois 7 jours et chaque jour la mariée revêtait une robe différente.
Tout autour, dans les vitrines, les parures féminines sont en or pour le mariage, en argent pour la vie quotidienne. Les orfèvres étaient juifs. Bracelets et anneaux de cheville : les anneaux de chevilles étaient lourd et pesaient jusqu’à 1kg. Certains étaient creux contenant des billes qui tintaient comme des grelots, la femme signalait ainsi sa présence. On voit ensuite les parures de taille, ceintures, lacets colorés, chaines porte-amulettes. La main de Fatma coexiste avec l’étoile de David, symbolisant la coexistence des communautés. Les parures de tête comprennent le voile de tête, mais aussi les tatouages berbères les boucles d’oreille. La jeune fille porte de petits anneaux au lobe de l’oreille percé. La femme mariée a de grands anneaux qui reposent derrière le pavillon de l’oreille. On peut connaître le nombre et le sexe de ses enfants en regardant les pendentifs (main de Fatma pour els filles, rond pour els garçons) La boucle est aussi un porte-amulette : dans le cylindre de droite, les 5 derniers versets du Coran, dans le cylindre de gauche, l’acte de mariage.
Salle de prière :
La coupole toute simple est soutenue par 4 gros piliers ronds. En dessous est dressée une tente nomade de poile de dromadaire mêlé à la laine de mouton et au poil de chèvre. Cette grande tente tient sur une « clé de voûte » de bois sculpté. Autour de la tente on a suspendu la gourde pour l’eau en poil de chèvre avec les poils, l’outre sans les poils, pour le lait, sert aussi de baratte. On transportait l’eau dans des tonnelets dont une des faces était plate pour le confort de la mule ou de l’âne qui les portait. Au mur : un tamis en boyau (comme les raquettes de tennis) beaucoup plus fin.
pour couvrir la bosse du dromadaire
La batteuse (jarucha) était une planche garnie d’éclats de granite. Un énorme chapeau de paille était destiné à la bosse du dromadaire. Ces animaux sont frileux, s’ils ont froid, ils deviennent agressifs. Un chameau agressif peut être dangereux, il pourrait tuer un homme.
Ecole coranique
harnachement du cheval
Elle a une acoustique excellente, mon guide récite un verset de Coran, l’écho le renvoie. Les élèves devaient être drôlement sages pour que le cours ne tourne pas à la cacophonie. Le thème est le cheval pour la fantasia. Le harnachement de cérémonie ne comportait pas moins de 20 pièces, cuir et tissus. Sur le dos du cheval on étalait une couche de cuir fin, puis une couverture de laine ou de feutre et enfin la selle de cuir.
Habitations des membres de la confrérie
Chaque pièce présente un aspect de la vie quotidienne.
La vaisselle de terre cuite n’était pas faite au tour mais au colombin. Certaines assiettes ou écuelles sont décorées de motifs de tatouages berbères. Pour les pots une technique de lissage était employée par les potières : elles enfilaient au bout des doigts une coquille d’escargot. Le stockage des aliments se faisait dans des jarres, les plus petites pour la viande et le beurre, les grandes pour les céréales qui se conservaient à la maison un an, de l’été à l’été suivant tandis que l’huile se gardait de l’hiver à l’hiver.
Un moulin à grain (1860) venant de France fut importé en Tunisie en 1884.
La boutique du barbier est reconstituée. Le barbier ne se contentait pas de couper barbes et cheveux. Il remplissait une fonction sociale : la politique se discutait chez le barbier…
Pendant ma visite, Dominique remarque un curieux personnage en burnous marron avec la main à la Napoléon et des lunettes noires d’espion. L’homme reste immobile et surveille toute la place. Il était déjà là hier. Un mouchard ? un espion ?
Je remonte à la Casbah où le gardien se tient encore avec son téléphone. J’exprime le désir de visiter la synagogue. Il m’accompagne jusqu’à la Ghriba dans les escaliers et ruelles de la médina. En bas, prévenu, se tient l’homme qui détient la clé. La synagogue est abandonnée depuis les années 80. Il faut question de la restaurer en 1994. Actuellement elle est livrée aux oiseaux (fientes) . Deux feuillets dactylographiés sont punaisés et racontent qui’l y avait une nécropole juive, en haut près de la basilique. Les Musulmans venaient prier sur els tombes juives pour appeler la pluie sur le Kel el Yaoud. Je suis étonnée d’apprendre qu’il existait des Juifs nomades. Rien en revanche sur l’extinction de la communauté juive du Kef. IL est noté aussi que le Kef fut le lieu d’exil des mercenaires cité dans Salambô de Flaubert (j’ai cherché le passage sans le trouver). Après avoir grimpé dans les ruelles blanches, je retourne au parking de la casbah où règne mon ange gardien et son téléphone ; Il ne se cache pas d’appeler la police : nous sommes sous bonne garde.
Serge Moati est une figure familière de la télévision française depuis des décennies.
J’étais curieuse de lire la Villa Jasmin , nom de la villa de ses parents à Tunis.
« Papa, tu n’as pas démérité de cette France-là. Tu as refusé les médaille. moi je t’en fabrique une. C’est ce livre. Tes ancêtres, Samuel et ses frères, ces juifs de Tunis, fous de France t’entourent ce jour-là, Place de l’Hôtel de Ville. Tes aïeux et tes descendants sont près de toi . je les prends en photo »
C’est une évocation émouvante de ses parents qu’il a perdu très jeune, à peine onze ans.
Serge Moati, le père, était une figure du Tunis de l’avant-guerre, auteur de théâtre, journaliste, socialiste, franc-maçon, puis déporté à Sachshausen, résistant à Paris, héros de la Libération de Paris, le camarade Jasmin, il rencontre De Gaulle (ci-dessus).
Évocation tendre de sa mère. De la vie à Tunis avant-guerre, puis pétainiste et occupée, allemande.
En contraste, un personnage détestable ce collabo Guilbaud, qui a persécuté Moati l’a envoyé en déportation en Allemagne et l’a traqué quand il se cachait, résistant à Paris.
Plus que la douceur de vie à Tunis, c’est une leçon d’histoire, de la Tunisie sous le Protectorat et de la Libération de Paris.
Je n’ai pas eu le temps pendant le court séjour à Tunis de chercher la Villa Jasmin, existe-t-elle encore?
La forteresse coiffant deux collines,rejointe par un mur crénelé, se voit de l’autoroute Sagunto est une grosse agglomération entouré de zones d’activités industrielles ou commerçantes.
Le nom de Sagunto m’est familier. Je pense confusément aux Romains sans bien savoir pourquoi. Hannibal fit le siège de Sagunto et la prise de la ville déclencha la seconde Guerre Punique. En 212 Scipion l’Africain reprit la ville.
La ville historique est pavoisée: un marché médiéval s’y installe ce week end à l’occasion du 9 octobre, la fête de la Communauté de Valence : le 9 octobre 1238, Jacques Ier d’Aragon entra dans Valence (c’est aussi la fête des amoureux).
Théâtre romain
Le Théâtre romain adossé à la colline, est ouvert à la visite. Dès que je franchis les arcades (d’époque), je découvre un théâtre « romain » complètement reconstruit. Les gradins en calcaire genre comblanchien sont prêts à accueillir les spectateurs. La scène st en planches, le mur de scène reconstruit en brique. Le plan antique a été respecté. On a mis des éléments du décor antique, une unique colonne est en place. Le résultat est surprenant, pas franchement réussi pour les puristes.
Hypogée : tombe juive
A proximité du Théâtre, se trouvait les quartier Juif ( au dessus de la route actuelle). Les tombes juives étaient des grottes à l’entrée des maisons. 50 de ces hypogées se trouvent le long d’un sentier creusé dans la roche. A partir de 1492, les tombes furent abandonnées et saccagées. Elles ont servi de refuge pendant la Guerre Civile (1936-1939). Dans la Juderia de Sagunto on produisait du vin cacher, de la cire, les juifs étaient des commerçants, négociant de textiles, soie et laine. Des témoignages écrits attestent que la présence juive remonte à l’Empire Romain. On a retrouvé des incantations écrites en latin sur un support de plomb. Jacques 1er aida les juifs à s’installer renforçant ainsi la colonisation chrétienne. En 1321 on construisit un mur enfermant la Juderia. Le premier bailli de Sagunto était juif.
Le site fortifié est actuellement en restauration – restauration durable est-il précisé – allusion aux restaurations antérieures à grand renfort de ciment et de briques. Le site est immense. D’un aménagement précédent, il reste quelques plaques avec des noms mais pas d’explications. Je grimpe au sommet de la colline, plus pour la vue et le sport que pour l’histoire ;
L’antiquarium est un long bâtiment bas adossé à la muraille. Le jeune homme qui se tient là me fait toute une conférence sur les guerres napoléoniennes : l’antiquarium est installé dans les écuries des armées françaises et sur les inscriptions hébraïques. Comme je suis bon public, il me montre comment les épigraphistes lisent le latin sur les stèles, une seule lettre souvent suffit pour un nom entier.
Nous n’avons plus le temps pour visiter le Musée Historique en bas, en ville, le marché médiéval qui a colonisé la rue, rend le stationnement impossible.
Le GPS nous mène directement à Benicassim. Il est un peu trop tôt, je vais me tremper les pieds sur la plage très bien aménagée. Il y a même une « Bibliothèque de la mer ». Quelle excellente idée ! Plage et lecture vont bien ensemble.
L’appartement de Rosa est encore plus beau que sur les photos. La terrasse est merveilleuse ; C’est là que nous passerons le plus de temps !