Les fouilles sous le musée archéologique : ville romaine et wisigothique
L’Almoina
Situé derrière la Cathédrale, le Musée archéologique de l’Almoinaest en béton.
En 1303, l’Almoina fut fondée par l’évêque pour venir en aide aux indigents, on y distribuait une sorte de « soupe populaire », d’autres usages se succédèrent, prison pour les réfugiés bénéficiant de l’ »asile ecclésiastique » …
Dans ce musée archéologique récent (2007) , nous remontons le temps.
Céramique arabe du temps de Balensya
période islamique : Du 11ème au 14ème siècle (à part la parenthèse du Cid) une mosquée se tenait à la place de la Cathédrale. Dans l’Almoina on a retrouvé les murs de l’Alcazar (résidence du gouverneur). Les rois de Balenziya frappaient monnaie une poterie pleine de dirhams d’argent se répand dans une vitrine. On présente non loin les objets de la vie quotidienne avec de belles céramiques.
Trésor en dirhams
Exposition sur le verre antique depuis les Romains on a travaillé le verre à Valence.
Au sous-sol on trouve les fouilles antiques aussi bien romaines que visigotiques ou islamiques. Des reconstitutions en maquettes permettent d’interpréter les restes. Fondée au cours de la République romaine en 138 av JC, elle fut détruite par Pompée en 75 av .JC puis reconstruite au siècle d’Auguste. Sous l’Almoina était le forum. On reconnait des thermes de la période républicaine, et des édifices de la période impériale : une basilique du culte impérial, un nymphée, une halle aux grains (horreum), les dalles de la via romaine sont encore visibles.
De l’époque wisigotique l’abside 7ème se trouve au dessus de la prison romaine du martyre Vincent. Au temps des Wisigoths il subsistait de nombreux bâtiments romains qui furent convertis en palais épiscopal. On a aussi retrouvé une tombe qu’on surplombe sur un cheminement de verre : les squelettes sont encore en place.
Plaza de la Virgen : sr le bassin le fleuve Turia
Après une pause Place de la Vierge dans un de ses jardins ombragés, nous rentrons par la Calle Calatravaet nous installons pour déjeuner sur les tables de la terrasse du restaurant Bon Gust sous la grande fresque représentant une femme sur un grand plat à paella. Calamars fourrés de pommes de terre avec du fromage et des lardons, grillés. C’est délicieux mais un peu léger. Les lasagnes de Dominique sont très bien servies, on les partage.
Glissement progressif vers les heures espagnoles, nous reculons le petit déjeuner : inutile d’arriver trop tôt.
Marché Central
marché central : façade
A 9h30, la plupart des rideaux de fer des boutiques sont baissés dans les rues allant au marché. Les scooters ont remplacé les tables des restaurants sur les places. Sur les terrasses autour du marché on parle surtout français. Des comptoirs sont adossés au marché. On y vend de la paella à emporter, des ustensiles pour la faire : gigantesques plateaux et les réchauds à gaz circulaires assortis. De l’autre côté de l’entrée principale on sert de l’horchata ou du chocolat et des churros. On ne se lasse pas de photographier la coupole surmontée d’étranges girouettes. Tous les étals du marché sont bien achalandés. Des rangées de jambons alignés sont suspendus par les pieds dont on voit les sabots bien astiqués, on vend bien sûr les célèbres patas negras dont on n’a même pas indiqué le prix. Légumes et fruits sont d’excellente qualité mais les prix sont parisiens.
Cuire la paella!
La halle aux poissons est extraordinaire. Nous y découvrons poissons et crustacés dont nous ne soupçonnions pas l’existence. Ce poisson allongé, est-ce une murène ? « congra ». Langoustines et cigales de mer sont disposées artistiquement. « vous voulez quelque chose ? « demande la vendeuse lorsque nous les photographions.
Crustacés!
Lonja de la Seida
Lonja de la Seida
10h, c’était au 16ème siècle la Bourse de la Soie. Avec le Pass Education c’est gratuit, je prends l’audio-guide (3€) et j’en suis bien inspirée, il est passionnant.
A la fin du 15ème siècle l’édifice fut commandé à deux architectes, la parfaite Salle des Colonnes est l’œuvre de Pere Comte. La Lonja doit témoigner du prestige et de la richesse de Valence. Le 15ème siècle est le siècle d’or de Valence où le commerce de la Méditerranée convergeait. C’était la ville la plus peuplée de la péninsule ibérique. La Lonja devait aussi être un espace commercial fonctionnel. Elle servait de bourse au commerce de la soie et des marchandises arrivant à Valence, une banque et le « tribunal de la mer ». Sur la place voisine (Doctor Collado) se tenait la Lonja de l’huile dont il ne reste rien, un vénérable olivier a été planté pour rappeler son souvenir ;
L’audioguide, complété par un plan plastifié m’entraîne d’abord dans la rue pour avoir une idée générale du bâtiment : plan en L autour d’un patio planté d’orangers. D’un côté la haute salle des colonnes et perpendiculairement, le Tribunal de la Mer bâti sur trois niveaux, chacun dans un style différent : roman, gothique et Renaissance. Dans le niveau supérieur, des macarons portent les portraits des rois d’Aragon. Dans le 7ème et le 8ème se trouvent les rois Catholiques.. Au dessus de leurs têtes les créneaux forment une couronne.
Gargouille
La visite continue à l’extérieur. L’audio-guide très pédagogique introduit un vocabulaire architectural précis. On remarque la finesse des sculptures des menaux à motifs végétaux : lierre, chardon (il ne parle pas d’acanthe mais de chardon) ; un petit escargot s’est glissé au pied de la sculpture. Les linteaux sont de toute beauté. Les arcs sont surmontés d’une croix végétale. Je pense à la richesse des décors manuélins portugais, plus récents d’un siècle et utilisant des symboles marins mais dont la finesse, la richesse et la luxuriance sont comparables.
L’édifice est surmonté de gargouilles se détachant sur le ciel bleu intense. Sans l’audioguide je n’aurais pas remarqué la créature ailée, grimaçante introduisant son sexe dans une poterie (je n’aurais jamais imaginé une telle interprétation grivoise. Un homme, plus lin, bouche ouverte criait de douleur, mordu par un monstre.
les armes de Valence portées par des anges
Au coin, face au marché, les armes de Valence sont portées par eux anges. Cette sculpture a été peinte par Sorolla pour rappeler un épisode historique : le soulèvement de la ville contre l’invasion napoléonienne au cris du paieter(le fendeur de bois d’allumage).
la salle des colonnes
Après ce tour, j’entre dans le patio puis je m’arrête devant le portail de la salle des colonnes, sculpté de personnages et d’entrelacs végétaux d’une extrême finesse : les vices et les péchés sont représentés, les personnages prennent des poses lascives et même scatologiques : l’un d’eux montre ses fesses tandis qu’un autre joue de la musique, tentation diabolique sans doute. A l’intérieur, les scènes sont encore plus explicites : une femme recueille dans deux bols les excréments de deux personnages. Ultime bassesse ou recyclage de la matière ?
plutôt scato!
Huit colonnes torses soutiennent un plafond nervuré très haut. Pour donner encre plus de légèreté, l’architecte, Père Comte, a supprimé les chapiteaux, une ligne horizontale rappelle leur emplacement traditionnel. Les larges baies allègent les murs où sont adossées d’autres colonnes ; elles éclairent la salle tandis que le pavage de marbre noir brillant reflète la lumière. Les nervures partent des colonnes, autrefois le plafond était peint d’un ciel étoilé, les clés de voûte, ronds colorés en rouge ou en vert.
colonnes torses et plafond nervuré
Dans le mur l’escalier en colimaçon creux est une prouesse architecturale supplémentaire de Père Comte.
A l’entrée de la chapelle éclairée par un beau vitrail, les armoiries de la ville de Valence sont surmontées par une chauve-souris. Occasion pour l’audio-guide de rappeler une anecdote historique : pendant la Reconquista le roi d’Aragon Jacques 1er fut alerté d’une attaque nocturne des Maures par la chauve-souris qui l’éveilla en battant du tambour.
Le salon des consuls de la mer a un plafond de bois sculpté et doré magnifique.
12h , arrivée sous un chaud soleil après un vol Vueling sans problème. Le GPS nous conduit à l’adresse du parking : Carda 1 près du Marché Central.
L’ aparthotel Art-Negritos se trouve à 500 m qui nous paraissent interminables. Le quartier est piétonnier, la voiture ne nous servira à rien, nous la laisserons tranquillement dormir (pour 45€/ jour).
L’appartement est vaste, trop vaste, presque. Très haut de plafond, il parait presque vide. Mobilier gris et noir, très contemporain, très dépouillé. Sol carrelé gris, table de verre noir, canapé gris, chaises de skaï noir, rideau gris, murs blancs. Les tableaux, sont franchement laids.
14h, nous n’avons pas encore déjeuné. Normal en Espagne ! Le quartier regorge de petits restaurants qui ont installé des tables sur des placettes, de bars à tapas avec leurs comptoirs où on peut manger, perché sur de hauts tabourets. Le prix des menus à midi tourne autour de 9€. Avant d’en choisir un, il faut d’abord trouver une bouteille d’eau et un sandwich pour Dominique, qui a déjà trop marché avec ses béquilles entre le parking et l’hôtel. Aucune boutique, aucun supermarché. Normal : il y a un grand marché. J’y entre, admirative des structures métalliques, de la coupole peinte de motif fleuris. Les étals sont presque vides, à 15h tout sera fermé. Je sillonne les rues avoisinantes entre pâtisseries de luxe et terrasses de café. De supermarché, nenni ! Sur une grande rue ouverte à la circulation automobile, je trouve Consum.
15h30 à l’appartement il est bien trop tard pour m’installer au restaurant. J’avale une tasse de gaspacho en pack et la moitié de la tortilla sous plastique. Pour la couleur locale, cela passe. La gastronomie attendra le soir !
Les places de la vieille ville de Valence
Munie du plan, je vais à la découverte du centre de Valence. La chaleur est estivale, elle dépasse 30°C, je privilégie les rues étroites à l’ombre bordées de hautes maisons possédant parfois de très belles entrées, parfois un rideau de fer taggué, c’est selon. Le centre historique semble abandonné aux touristes. Peu de fenêtres témoignent d’une occupation permanente, lessive ou pots de fleurs sont rares. De nombreuses façades sont en très mauvais état couverte de toiles colorées protégeant un ravalement ou des travaux de rénovation plus importants Les commerces de proximité pour les habitants sont remplacés par de belles boutiques de fringues ou de souvenirs pour les touristes.
Place Manises: Gouvernement
Les ruelles débouchent sur des placettes carrées et tranquilles et agréables comme la Place Negrito toute proche ou sur de grandes places bordées de palais ou de grands bâtiments. J’arrive d’abord sur la Place Manises où se trouve le Palais de la Generalitat construit en hauts murs de pierres sobres où flottent les drapeau espagnols, valenciens et européens en haut des hampes, et des armoiries brodées sur du velours rouge aux fenêtres. Une petite rue mène à la Plaza de la Virgen qui a des petits jardins d’oranger et un beau bassin en son centre où un homme, le fleuve Turia, est allongé entouré de huit jeunes femmes portant des cruches figurant les canaux d’irrigation de la campagne valencienne. En son coin sud, s’élève la Cathédrale : agrégat étonnant de constructions de différentes styles ; Des arcades arrondies portent des affiches en Noir et Blanc exhortant aux vertus chrétiennes. La coupole dépasse ainsi que la haute tour de Micalet. Un passage couvert sur une arche enjambe une rue. Volumes juxtaposés étonnants par leur variété.
Cathédrale : porche gothique
Contournant la Cathédrale, j’arrive sur une place plus vaste encore, la Plaza de la Reina bordée des terrasses de cafés luxueux, de boutiques pour touristes, échoppes de cartes postales ou comptoirs proposant des boissons fraîches. L’une d’elle propose un bubble tea au kiwi – très mode !
Horchateria
La Plaza Catalina ovale fait suite à la Plaza de la Reina. Le clocher de Santa Catalina pointe dans son coin. L’église est fermée mais j’avise une très jolie Horchateria, occasion de goûter à la fameuse Horchata valencienne dans un cadre luxueux – je tiens ma revanche sur le déjeuner raté ! L’Horchateria est carrelée d’azulejos, les murs sont carrelés de blanc et bleu dans le style marocain ou andalous avec des panneaux de majolique historiée Belle Epoque. Carreaux noirs et blancs au sol, très beau comptoir devant les panneaux coloriés et petites tables de marbre. L’horchata est servie dans de grands verres. On propose aussi des churros à tremper dans des tasses remplies d’épais chocolat. L’horchata est liquide, légère, délicieuse, désaltérante par la journée chaude. Pause bienvenue après toutes les places : j’ouvre ma carte pour les situer.
Pl. Ayuntamento : maison style moderniste
La grande rue calle San Vicente Martir passe devant l’église Saint Martin (Martin représenté à cheval avec le soldat et le fameux manteau). L’immense place triangulaire, la Plaza Ayuntamento a en son centre les baraques des fleuristes sous les platanes. Avec la chaleur, les fleurs embaument. Tout autour de la place les immeubles sont de style moderniste plutôt Belle Epoque dans la tendance délirante. La mairie est plus que surchargée : l’entrée est encadrée de 4 colonnes cylindriques aux chapiteaux compliqués et aux futs ornés de bas-reliefs de putti. Un clocher surmonte le fronton, les deux cloches sont accrochées à une structure métallique. Deux tourelles surmontées de coupoles se dressent à chaque coin du bâtiment. Dans le quartier les immeubles rivalisent d’extravagance, de coupoles, clochetons, décrochements étranges, statues… Au niveau du trottoir les belles boutiques vendent des maillots de foot et des articles de sport. Celle du club de Valence est particulièrement luxueuse
Estacion del Norte et arène des tauros
La gare : Estacion del Norte clôture la perspective. Dans le décor Sécession viennoise les trains arrivent encore, on peut encore acheter des billets aux comptoirs derrières de magnifiques boiseries. L’ouvrage a été dessiné en 1906 et inauguré en 1917. Les lignes à angle droit de la façade, les créneaux et les tours carrées font penser à un château-fort. Les armes de la villes sont entourées de feuillages émaillés portant de grosses boules orangées : les oranges de Valence, bien entendu !
Valencienne Art Déco
L’intérieur Art Déco est orné de guirlandes de fleurs et de fruits. De grands tableaux de majolique glorifient la campagne. On a aussi joué sur le thème « bon voyage » dans les mosaïques mêlées aux boiseries dans la salle des pas perdus.
Bon voyage
Proche de la Gare, l’arène des taureaux en brique rouge. Je m’en approche pour tenter de voir à l’intérieur.
J’entre dans la Cathédrale par le portail baroque. Cette étonnante église, bâtie sur une ancienne mosquée, possède trois porches : un roman, un gothique et un baroque. La nef est gothique, très haute et dépouillée tandis que le chœur est baroque très doré. On peut visiter l’édifice avec un commentaire sur le Smartphone, il suffit de photographier les QR-codes, on a même prévu la Wifi. Le mot de passe se trouve sur le billet – quel billet ? (c’est lundi, il n’y a pas de billetterie, pas de commentaires non plus). Je me contente donc de lire les explications écrites décrivant les œuvres d’art les plus importantes et loupe les deux Goya de la chapelle S. Francisco de Borja mal éclairée. La grande chapelle gothique la Capilla del Santo Caliz doit son nom à une rosace portant en son centre le Saint Calice (Saint Graal). Son plafond à nervures est de toute beauté.
cathédrale : portail baroque
Dominique fait ses dévotions à Saint Nicolas – l’église la plus proche de notre appartement Calle Valencians. Cette église vient d’être restaurée : des fresques couvrent le plafond et les murs. En attendant que la messe commence il y a de la musique.
Au début de la soirée, j’ai pris mes marques dans le centre-ville, identifié les places et les rues qui me ramènent au gite. J’aime apprivoiser une ville en marchant au hasard d’abord, puis avec la carte. C’est à pied qu’on s’imprègne le mieux de la cité. Le centre historique, quasi-piétonnier est agréable à parcourir, les distances raisonnables, les édifices variés. Il est toutefois très touristique. Les touristes ont-ils chassé les habitants ? Ou au contraire, le tourisme a-t-il permis de réhabiliter des édifices qui tombaient en ruine ?
Saint Nicolas
Pour dîner, nous choisissons un restaurant qui sert de la Paella valencienne : El Rall occupant la place carrée où débouche la calle tintadores. A notre arrivée, il ne reste plus qu’une seule table. Je commande une paella valenciana au poulet et au lapin (13.5€) avec des fèves – graines et cosses qui donnent un goût particulier. Les menus à 9€ du midi ont disparu. Pour la paella, il faut attendre au moins 30 minutes ; on la prépare exprès pour moi. Nous patientons en regardant le serveur qui découpe au couteau un jambon entie , piqué sur un support arqué. Il fait ce soir une température délicieuse. Impossible de terminer le plat de paella . Le serveur est désolé. Je lui demande si on peut emporter les restes. Il apporte des barquettes pour la paella mais aussi pour les verduras sautées.
La peinture moderne espagnole est très riche, mais et j’aimerais beaucoup la connaître davantage. Sans parler des illustrissimes Picasso, Miro ou Dali, j’avais été bluffée l’an passé à la fondation Manriqueà Lanzarote des collections de Manrique, bien sûr, mais aussi Tapies, Manuel Valdes.…et bien d’autres.
L‘exposition Barceloau Musée Picasso : Sol y Sombraest l’occasion de faire la connaissance d’un autre plasticien : Miquel Barcelo. J’y ai couru en urgence puisque l’exposition prend fin le 1er octobre, et j’ai raté l’autre partie de l’exposition à la Grande Bibliothèque.
L’exposition s’intitule Sol y Sombra en référence aux places de l’arène – allusion à la tauromachie – thème cher à Picasso .
Arène
Un singe hirsute accueille le visiteur en haut de l’escalier qui mène au sous-sol où se trouvent les salles de l’exposition. Dans la première salle sont accrochés deux grands tableaux, plutôt clairs (sol plutôt que sombra,).
Atelier avec 6 taureaux :
Atelier avec 6 taureaux : détail d’un taureau
Un cercle jaune en à-plat, occupe le centre de la toile : sable de l’arène, peut être? entouré par des masses irrégulières, empâtements, encroûtements, accumulations de matière – plâtre ou peinture . je cherche longuement les taureaux. Un seul apparaît au premier regard, j’en découvre ensuite un gros, noir qui occupe le coin gauche en bas. Des personnages à peine esquissés, de dos, blanchâtres, fantomatiques émerge à l’observation plus prolongée. Je découvre enfin à droite une autre arène où se déroule une corrida. plutôt ombre que lumière, l’opposition est à-plat/masse de matière parfois charbonnée.
Table aux têtes
Encore un grand tableau où règne la confusion qu’il faut examiner avec attention! La table rouge est figurée par un trait un peu de travers (champ?) et un pied contourné. les têtes sont celles d’animaux, des têtes humaines sont aussi schématisée dans un coin.
Dans la salle suivante, sur une véritable table sont posées des têtes en plâtre avec des animaux fantomatiques qui ont peuplé les deux tableaux.
Dans un couloir des céramiques ressemblant à des assiettes sont accrochées au mur : assiettes de terre brute, colorées de noir, blanc, craquelées, je reconnais des motifs marins: poissons verts et crevettes jaunes. Ces assiettes sont peut être un clin d’œil aux céramiques de Picasso qui sont accrochées plus haut dans le Musée.
Taulera
Taulera II et Taulera II : 3 tableaux marrons sales représentent une pièce avec des tables grisâtres.
Des fragments de terre cuites pour la Cathédrale de Palma de Majorque sont un peu étranges, terre craquelée où surgissent des poissons noirs ou gris de la paroi.
mur de brique
Cette exposition fait vraiment la part belle à la terre malgré son titre évoquant la lumière. Une salle voûtée est divisée d’un mur de briques déformées, coulées, écrasées ou étirées, briques de construction industrielle ou têtes en brique avec toujours les mêmes couleurs rouge brique, blanc, terre brute, noir. On entre dans une salle dédiées aux urnes, amphores, pots ou gargoulettes comme la poterie usuelle traditionnelle posées sur une grande table de contreplaqué et sur une étagère ordinaire.
Dans l’exposition Picasso trois tableaux gris et blancs sont dans une pièce lambrissée.
La confrontation Barcelo/Picasso est naturelle : les thèmes de la tauromachie et les tons terre-blanc-noir se retrouvent. La céramique aussi. On comprend la parenté. Mais cette confrontation est au désavantage de Barcelo. Le génie de Picasso éteint l’inspiration de Barcelo. La pureté du dessin, l’invention est celle du maître.
Dans ce gros roman, les hommes qui aimaient les chiens sont nombreux: cet homme mystérieux qui promène ses deux barzoïs sur une plage de la Havane, cet écrivain cubain devenu vétérinaire, mais aussi Lev Davidovitch Trotski, qu’on découvre au début de son errance en exil à Alma Ata avec Maya lévrier sibérien.
Trois histoires s’entremêlent donc : celle de Trotski, celle de Ramon Mercader son meurtrier et celle d‘Ivan l’écrivain cubain. Toutes trois sont les facettes de l’histoire socialiste, vues de l’intérieur. La Guerre d’Espagne, les persécutions staliniennes indissociables de l’odyssée de Trotski de Turquie au Mexique en passant par la France et la Norvège et plus récemment l’histoire et la vie quotidienne à La Havane.
Une grande leçon d’Histoire, venue du bloc socialiste, histoire différente de celle qu’on raconte en Occident. Leçon de cynisme et de manipulations. La Guerre d’Espagne perd un de son héroïsme quand l’auteur montre que les combattants staliniens étaient plus occupés à défaire les anarchistes et le POUM qu’à vaincre les fascistes. Le Pacte Germano- soviétique devient plus compréhensible quand il explique que l’état major soviétique décimé par Staline n’est pas prêt pour la confrontation avec les nazis.
« Tout était organisé comme une partie d’échecs (une de plus!)dans laquelle tant de gens – cet individu que j’allais justement baptiser « l’homme qui aimait les chiens » et moi, entre autres – n’étaient que des pièces livrées au hasard, aux caprices de la vie ou aux conjonctions inévitables du destin? Téléologie… »
Padura, auteur de romans policiers, sait faire durer le mystère, sait aussi écrire un thrillerdans la plus grande tradition des romans d’espionnage. Il joue aussi avec l’empathie du lecteur qui ne sait plus démêler les identités ou les fidélités. Evidemment, on connait le dénouement pour Lev Davidovitch, on sait qu’il mourra au Mexique, mais comment Mercader réussira-t-il? Et qui est vraiment Mercader? Les noms changent, les identité se forgent, se transforment,les personnalités sont modelées par les services stalinien, l’amour pour les chiens fait aussi partie de la manipulation.
Que dire aussi du plaisir de croiser Frida Kalho, André Breton à Mexico « terre d’élection du surréalisme ».
Une autre lecture est aussi possible, la difficulté d’écrire à Cuba, l’autocensure, rejoignant l’argument du Retour à Ithaque – film de Cantet mais scénario de Padura. C’est en revenant du cinéma que j’ai téléchargé L’homme qui aimait les chiens.
« De son trou argileux, il entendit ‘écho des voix qui ‘appelaient et essaya de localiser chacun des hommes dans les limites de l’oliveraie, comme s’il s’agissait de grillons. Beuglement pareil à des cistes calcinés. Recroquevillé en chien de fusil, son corps s’encastrait dans la cavité sans lui laisser le moindre espace pour bouger…. »
Pourquoi cette fugue éperdue de l’enfant? Une lubie de gamin, un désir d’ailleurs, ou une tragédie?
« Lui avait bien dû faire quelque chose pour mériter ses brûlures, sa faim, sa famille. « quelque chose de mal » lui rappelait son père à chaque instant »
Pourquoi l‘Alguazil s’acharne-t-il tant sur lui?
Ce roman retrace donc la fuite de l’enfant poursuivi mais aussi raconte la terre meurtrie par une terrible sécheresse. C’est d’ailleurs à cela – probablement – que fait référence le titre du livre. Terrible sécheresse :
« Sur les terres qu’ils traversaient, les traces de sillons et d’aires de battage leur parlait de désolation. Billons au lavis sur lesquels ondulait une croûte de boue cuite que seul l’âne chargé écrasait. Ancienne terres irriguées, à présent pareilles à des planches à laver le ligne parsemées de petits silex aux bords tranchants et à l’aspect cireux détaché des traîneaux à repiquer »
Car la terre est le personnage principal de Intempérie . De l’enfant ou du chevrier nous ne saurons ni le nom, ni l’âge, ni les traits physiques. Tandis que de la terre, nous connaîtrons les odeurs, le relief, la végétation et les tristes ravages de la catastrophe. C’est le roman de la soif. Des rivières asséchées, des mares qui ont disparu, des puits où l’eau est devenue mauvaise. Des chèvres qui donnent si peu de lait et qu’il faut faire boire. Catastrophe écologique du réchauffement climatique ou manque de pluie récurrent dans cette région d’Espagne? Roman intemporel. Seule la moto de l’alguazil permet de situer l’action aux temps modernes. Le pastoralisme et la transhumance pourrait aussi bien venir du fond des temps.
Roman de la soif. Sécheresse aussi et économie de paroles. L’enfant ne dit rien de sa fuite, ni le vieux de sa vie.Violence aussi. . Humanité réduite aux rites funéraires. On tue pour survivre mais les hommes ont droit à une sépulture. Pudeur des gestes réduits au strict nécessaire.
J’ai dévoré ce livre dans l’avion qui me ramenait de Fuerteventura, île sèche et déserte où l’eau précieuse des campagnes est puisée grâce aux éoliennes et gardée par des levées de terres, des terrasse. Où l’eau de pluie est parcimonieusement conservée dans l’aljibe, la citerne qui se trouve dans chaque cour. Où on donnera plus volontiers un verre de vin qu’un verre d’eau au passant.
Que fait donc le mouton sur la couverture du livre? des hommes, un enfant, un âne, un chien, des chèvres, un corbeau, un rat apparaissent dans l’histoire. De mouton , nenni.
As-tu comprendi qui étaient les nationaux?[…]il me semble que je commence à savoir que le mot national porte en lui le malheur.
En ce temps présent où les démons se réveillent, où on nomme « décomplexés » ceux qui brandissent les étendards nationaux où l’on ose affirmer que Dieu est avec nous, il est peut être temps de revenir à la Guerre d’Espagne, triste prélude de la conflagration générale qui a embrasé l’Europe et le monde entier.
Alors que je croyais que l’Europe était le rempart contre les nationalismes (qu’on a rebaptisé souverainisme pour ne pas effrayer) puis qu’on affirme haut et fort – décomplexé, vous dis-je, je vois l’idée européenne ne plus séduire, l’Internationalisme passer au rang de vieille lune, et les égoïsmes nationaux resurgir. Ecouter la parole de ceux qui bientôt ne pourront plus témoigner.
La parole de Montse, la mère, se mêlent à celles de Lydie la fille
« Ne persiste en sa mémoire que cet été 36; où la vie et l’amour la prirent à bras-le-corps; cet été où elle eut l’impression d’exister pleinement et en accord avec le monde, cet été de jeunesse totale comme eût dit Pasolini et à l’ombre duquel elle vécut peut-être le restant d ses jours… »
Ces paroles trouvent un écho, en miroir avec le récit de Bernanos :
« Tandis que le récit de ma mère sur l’expérience libertaire de 36 se lève en mon cœur je ne sais quel émerveillement, je ne sais quelle joie enfantine, le récit des atrocités décrites par Bernanos, confronté à la nuit des hommes, à leurs haines et à leurs fureurs, vient raviver mon appréhension de voir quelques salauds renouer aujourd’hui avec ces idées infectes que je pensais depuis longtemps dormantes. »
En plus de l’aspect historique, Pas pleurerest un beau roman, une histoire touchante avec des personnages variés. C’est aussi un ton original. Un style qui mêle le français et l’Espagnol de la mère. Je l’ai lu aux Canaries, entendant la musique de la langue espagnole autour de moi. Et j’ai trouvé ce mélange naturel et charmant.
Qu’écrire de plus après les excellents billets de Claudialucia, d’Aifelle, dasola qui, comme moi, ont aimé cet ouvrage?